Le Temps des Habsbourg


De ce fait la révolte gronde dès 1560. " L'année des lumières ", pour les Protestants, se place en 1566. Les Prêches des Haies deviennent fréquents ; entre HONDSCHOOTE et KILLEM, la chapelle des Trépassés dédiée à Notre-Dame des Affligés évoque un tel prêche. Le prêche de BOESCHEPE constitue l'un des plus importants. La répression espagnole engendre la violence : les Iconoclastes, "Briseurs d'images", sont traqués par les autorités civiles et ecclésiastiques nommées par le Roi d'Espagne. La répression est menée par le Duc d'ALBE et son Conseil des Troubles, surnommé " Tribunal du Sang ". En 1568 les Comtes d'EGMONT et de HORNES sont exécutés à BRUXELLES tandis que GUILLAUME D'ORANGE, autre noble local, placé à la tête de la révolte s'enfuit vers les Pays-Bas du Nord, véritable citadelle du Protestantisme. Les Gueux de Mer, marins, organisent la résistance en liaison avec les Gueux des Bois ou Boquetaux. Résistances et violences s'exacerbent. En 1576, le nouveau Gouverneur DON JUAN d'AUTRICHE ne peut empêcher la Province de Flandre de s'allier aux autres Provinces contre l'Espagne. En 1579, son successeur, l'habile et modéré FARNESE se concilie à la Paix d'ARRAS les provinces catholiques et francophones de Flandre Gallicante, d'Artois et de Hainaut. Puis il entreprend la reconquête de la Flandre de langue flamande, la Flamingante, non sans difficultés : en 1581, la ville de BAILLEUL demande au Roi d'être déchargée de toutes les responsabilités concernant la publication des placards déclarant rebelles tous les magistrats par suite des derniers évènements locaux, et, en 1582, les Gueux y brûlent l'hôtel de ville et l'église paroissiale.

FARNESE prend YPRES, BRUGES, GAND en 1584, BRUXELLES et ANVERS en 1585. En 1598, lassé, PHILIPPE II fait des Flandres, au sein des Pays-Bas Méridionaux ou Catholiques, un pays gouverné de façon autonome par sa fille ISABELLE mariée au HABSBOURG d'AUTRICHE, l'archiduc ALBERT.

La reconstruction du pays flamand est alors relativement rapide. En 1599, ISABELLE autorise la cité de BAILLEUL à lever une somme de 3.000 florins en rente pour restaurer la halle et le beffroi brûlés dans les derniers troubles. A cette époque, TOURNAI compte 20.000 habitants, LILLE 45.000 et ANVERS 100.000. Economiquement les guerres de la 2e moitié du XVIe siècle ne semblaient d'ailleurs pas avoir tout arrêté : en 1581, BAILLEUL avait obtenu du gouverneur des Pays-Bas au nom du Roi d'Espagne, une autorisation de commercer avec les Provinces rebelles du Nord, en échange d'une aide de 8.000 livres. A LILLE, dans le village - faubourg de WAZEMMES, on utilise de plus en plus la force motrice du moulin à eau, sans négliger comme au village voisin de MOULINS, celle du moulin à vent, ou, comme à ASCQ, celle des chevaux. Dans la cité même, à SAINT-MAURICE, et surtout à SAINT-SAUVEUR, les Saïetteurs et Bourgeteurs sont fort implantés : plus de 40\% des paroissiens de SAINT-SAUVEUR sont alors des Saïetteurs, lesquels, il est vrai, sont souvent des travailleurs immigrés venus d'autres parties des Pays-Bas du Sud ou de France et s'entassent dans des ruelles et courées insalubres et dans des maisons de 8 habitants chacune en moyenne. Dans la campagne flamande, le pays est régulièrement bonifié et remis en valeur, comme en témoigne l'assèchement des MOËRES entre FURNES, BERGUES et HONDSCHOOTE par Wenceslas COEBERGHER, le ministre des travaux des Archiducs.

La trêve de 12 ans conclue en 1609 avec les Pays-Bas du Nord, suivie après 1621 d'un certain modus vivendi entre Pays-Bas du Nord et du Sud, permet également aux HABSBOURG de restaurer la religion catholique en promouvant la Contre Réforme dans les Pays-Bas du Sud. Dès 1562, la fondation de l'Université de DOUAI, en réaction contre les tendances calvinistes de celle de LOUVIN, avait amorcé le mouvement. Désormais, les Capucins, remarquables Frères Prêcheurs, les Oratoriens et les Jésuites s'installent dans tout le pays à BERGUES, DUNKERQUE, CASSEL, BAILLEUL, ARRAS, AIRE, HESDIN, SAINT-OMER, LILLE: le niveau général du clergé s'élève et l'encadrement du peuple flamand devient une réalité. En 1607 les Jésuites arrivent à BAILLEUL, sur des terrains cédés par la ville en accord avec les Archiducs ; en 1629, le produit de l'octroi leur est accordé et en 1624 la ville lève des impôts pour achever la construction de leur couvent avant de leur accorder, en 1651, avec la châtellenie, des rentes et la propriété sur l'usufruit de certaines terres. En 1629, trois échevins bailleulois appellent les Capucins, puis, en 1631, la première pierre de l'église destinée à les accueillir est posée, et, en 1633, le roi d'Espagne amortit un terrain de 80 ares près de la cité, acquis par le Père Provincial des Capucins de Flandre, à l'effet d'y construire un couvent. A LILLE, c'est en 1592 qu'une quinzaine de capucins fortement soutenus par le Magistrat de la cité, viennent prêcher dans la ville. L'évêque d'YPRES vint poser la première pierre de leur église en 1593 et, en 1594, sont bénis le couvent et l'église ; en 1615-1616, sont opérés des agrandissements de leurs locaux. En 1614, s'installent les Hibernois, ou Irlandais, dont l'école reçoit de jeunes Irlandais catholiques persécutés par les Anglais et que l'on prépare à retourner dans leur pays pour le catholiciser.

La renaissance de la prospérité flamande et, corrélativement, l'accroissement des fortunes communales mais aussi personnelles, la situation de la Flandre au contact des influences de la Renaissance Italienne et des traditions plus nordiques, le renouveau de l'Eglise Catholique enfin, ne manquent pas de se traduire dans le domaine artistique, dès la fin du XVIe siècle et au moins jusqu'à la conquête française sous LOUIS XIV.



La Renaissance Flamande


En architecture, l'on assiste certes au maintien des structures traditionnelles, héritées du gothique ou de la dentelle de pierre à la brabançonne, mais aussi à la modification italianisante de la décoration, en raison principalement des courants lombards, florentins et romains par suite des influences de cours, d'ecclésiastiques ou de riches négociants en commerce avec l'Italie, ou encore de Jésuites maîtres d'oeuvre de la Contre-Réforme Catholique.

Cette évolution, qui a pu être qualifiée de conversion à la poétique des ordres et à la métrique des frontons, n'empêche pas le goût local de s'exprimer, par l'emploi des pignons gothiques en escalier et des lucarnes et bulbes, par l'utilisation fréquente et naturelle de l'alternance de la brique rouge du pays et de la pierre de taille blanche, elle aussi de la région, et par la transposition sur les façades, désormais décorées, de la richesse et de la truculence flamandes attestées par les gradins et ailerons, les consoles à volutes, les têtes d'anges et masques de monstres, les cariatides, cornes d'abondance, corbeilles de fruits et Lions des Flandre

L'architecture militaire elle-même n'échappe pas à ce phénomène d'embellissement et les façades s'aèrent : les fenêtres à menaux en croix font leur apparition, les tours deviennent plutôt des tourelles. Le château d'ESQUELBECQ possède 9 tours rondes surmontées de toitures côniques et pignons à redans, tandis que le STEENE ou ZYLOF compte 4 tours Renaissance octogonales, une aile droite qui déploie courbes et pignons à volutes et un appareillage local de pierres blanches et de briques rouges. Contemporaines, les portes Lilloises de ROUBAIX et de GAND offrent un aspect militaire civilisé par l'emploi des matériaux locaux et des lucarnes.

C'est surtout dans l'architecture civile urbaine que s'épanouit la Renaissance Flamande, y compris en Artois avant la conquête française. L'hôtel de ville d'ARRAS est complété en 1572 par une aile Renaissance tandis que s'élèvent au XVII' siècle les maisons des deux places à arcatures en grès, à pignons à gradins et à ornementation fine et abondante. A HESDIN, la bretèque de l'hôtel de ville, de 1629, est richement décorée ; à AIRE-SUR-LA-LYS, le bailliage, à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, présente sur la frise nombre d'entrelacs, de trophées et de rosaces.

En Flandre flamingante, à HAZEBROUCK, le collège des Augustins accuse encore un aspect médiéval dans son aile gauche de 1518 et ses trois belles niches gothiques en son centre, mais l'année 1616 voit apparicitre sur l'aile droite volutes, cartouches et rinceaux ; le LANDSHUYS de CASSEL compte des fenêtres ogivales au rez-dechaussée mais s'orne de colonnes à la porte d'entrée et d'un modillon Renaissance à la corniche ; l'hôtel de ville d'HONDSCHOOTE, de 1558, présente simultanément les caractéristiques du gothique et de la Renaissance, avec ses pignons à degrés, sa porte en arc surbaissée à crosses végétales, ses baies à meneaux, ses moulures, sa tourelle surmontée d'un toit à bulbe et l'inévitable alternance de briques et pierres sur façade arrière; à BERGUES, le Mont de Piété de 1629 est italianisant : la façade, où l'horizontalité l'emporte sur la verticalité, est divisée par des cordons et les fenêtres, bien encadrées, ne présentent pas de croisillon et sont séparées par de larges trumeaux et surmontées de frontons ; le haut pignon présente une ornementation exubérante avec nombreuses niches et cartouches en placage.

C'est ici la patte de Wenceslas COEBERGHER (1560-1634) qui, comme son contemporain RUBENS, est parti plusieurs années en Italie avant d'entrer en 1604, en tant qu'ingénieur et architecte, au service d'ALBERT et ISABELLE, tout comme RUBENS peintre officiel de la cour des Archiducs depuis 1609 W. COEBERGHER a fait édifier entre 1619 et 1633 une vingtaine de Monts de Piété.

En Flandre Gallicante, si c'est rapidement le style Baroque qui s'impose dans l'architecture religieuse et officielle, il reste qu'à LILLE les 230 maisons de marchands qui s'alignent dans la même rue sont bien néerlandaises d'esprit et qu'à SAINT-AMAND, l'ancienne châtellenie, édifiée entre 1613 et 1621, est d'aspect nordique par son pignon, son toit avec lucarnes à la flamande et ses fenêtres croisillonées même si apparait l'influence italienne dans son étage de loges à la florentine : se manifeste ici sans doute l'influence flamando-florentine à laquelle on doit l'hôtel de ville d'ANVERS (1560-1565) remarquable par ses lucarnes nordiques, ses losanges, sa superposition d'ordres et son alternance d'arcades et de colonnes.
A partir de 1630 environ, le BAROQUE devient omniprésent dans l'architecture flamande. Le beffroi de VEURNE (FURNES), de 1628, est de structure gothique mais quasiment baroque, comme la tour de SAINT-AMAND de 1633, par le foisonnement de son ornementation supérieure. L'origine de la mode baroque en Flandre est sans doute religieuse : les architectes Jésuites, en grâce auprès des Archiducs, sont essentiellement HOEYMAKER de TOURNAI (1599-1626) et DUBLOCK de MONS (1583-1656) auquel on doit notamment la chapelle du lycée de SAINT-OMER, construite de 1615 à 1629 ; l'ancienne façade du collège de DOUAI est érigée en 1591 à partir de plans expédiés de ROME où le style Contre-Réforme Catholique semble être né à l'occasion de la mise au point en 1573 du projet de l'église du GESU dont le style de façade se retrouve incontestablement imité dans la Flandre du XVIIe siècle.

La tour (1633) de l'ancienne abbaye de SAINT-AMAND élevée entre 1626 et 1640 d'après les consignes de Nicolas DUBOIS, abbé de SAINT-AMAND (1622-1673) est tout à fait baroque : haute de plus de 80 m, elle est surmontée d'un dôme octogonal divisé en 5 étages et surchargé de courbes, volutes, placages extrêmement denses et riches ; bien que le courant baroque en Europe soit d'origine italienne, romaine surtout, et bien que l'influence espagnole sur l'architecture flamande n'appartienne qu'au domaine du mythe à écarter définitivement (1), cette tour fait irrésistiblement songer à la CLERECIA de SALAMANQUE, édifiée en 1617. Mais rien d'étonnant, à cela dans une Europe Baroque partout tributaire de l'Italie.

A LILLE, l'aspect baroque déjà affirmé dans certaines demeures, telle celle de GILLES de la BOEE entre la Grand-Place et la Porte de GAND, se concrétise de façon éclatante par l'oeuvre monumentale de Julien DESTREE, la Vieille Bourse, élevée de 1651 à 1653, où les lucarnes à la flamande couronnent un édifice à décor baroquisant à l'extrême : parmi les motifs décoratifs de cet édifice flamand surmonté d'un gracieux campanile, citons les cornes d'abondance, les cartouches, les têtes de léopards, les ogives et guirlandes de fleurs, les têtes d'enfants, de jeunes filles, de vieillards à longue barbe et même celle du roi MIDAS flanquée de ses deux oreilles d'âne !

En peinture, au XVIIe siècle, c'est, en règle générale, la prédominance de l'école Anversoise qui marque la peinture des PAYS-BAS. La production de RUBENS, de style Renaissance Flamande marquée d'influences italiennes, se répand en Flandre comme en Artois (ARRAS, SAINT-OMER); il en est de même de celle de son élève, VAN DYCK, et de JORDAENS. A LILLE, au XVIIe siècle, chez les Capucins, l'on peut admirer trois tableaux de RUBENS : " Saint FRANÇOIS qui reçoit L'Enfant Jésus des mains de sa mère ", " L'Adoration des bergers " et " La Descente de Croix ".

(1) L'influence Espagnole dans nos Flandres est limitée à : la Contre-Réforme Catholique, certaines techniques militaires de fortifications, la mode vestimentaire au début du XVIIe siècle.

Dès 1646, le cardinal MAZARIN, qui préside aux destinées de la France affirme : l'acquisition des Pays-Bas Espagnols formerait à la ville de Paris un boulevard inexpugnable et ce serait alors véritablement que l'on pourrait l'appeler le coeur de la France .



LOUIS XIV conquiert la Flandre du Sud


Hesdin en 1639 et ARRAS en 1640 déjà conquises, l'Artois et DUNKERQUE passent à la France à la suite de la bataille des Dunes de 1658 et du Traité des Pyrénées de 1659. LOUIS XIV conquiert LILLE et DOUAI, puis après la bataille de la PEENE au Val de CASSEL en 1677, le Traité de NIMEGUE en 1678 lui donne BAILLEUL, CASSEL, SAINT-OMER, POPERINGE, YPRES et rétrocède à l'Espagne FURNES, COURTRAI et AUDENARDE prises en 1668.

Le traité de RYSWICK en 1697 confirme le traité de NIMEGUE.

A la suite de la Guerre de Succession d'Espagne (1708-1713), par le traité d'UTRECHT de 1713, LOUIS XIV renonce à TOURNAI, YPRES, POPERINGE, FURNES, LOO, DIXMUDE et la rive gauche de la LYS de MENIN à PLOEGSTEERT. Il garde la Flandre Gallicante et la Flandre Flamingante d'entre ARMENTIERES et DUNKERQUE, lesquelles sont réunies en une Intendance de Flandres en 1715.

La prise du Sud de la Flandre par LOUIS XIV a été une véritable conquête guerrière. En 1645 comme en 1667, LILLE, où l'on s'affiche Bourguignon , résiste vaillamment, milices bourgeoises en tête, confréries ou serments d'archers et de canonniers réunis, aux troupes françaises. Dans le quartier SAINT-SAUVEUR, en 1667, il y a même des prières publiques durant toute la semaine que dure le bombardement par les canons français.

De toutes les façons, le conquérant rencontre généralement l'hostilité des Flamands du Sud. En 1656, lorsque les troupes françaises battent en retraite devant VALENCIENNES, le curé de BAILLEUL, Charles BLOMME, organise un TE DEUM et une messe d'actions de grâces pour la libération de la ville, et, en 1658, à l'annonce du Traité des Pyrénées, il prend la parole sur un théâtre édifié devant la maison échevinale, en grande solennité : l'essentiel est préservé car BAILLEUL ne change pas de souverain.

Quand les troupes de LOUIS XIV doivent abandonner BROEKBURG (BOURBOURG), les habitants organisent en grande joie un cortège bouffon pour balayer les ordures hors du Pays . En 1669, le Gouverneur Marquis d'HUMIERES reçoit de PARIS une lettre l'approuvant d'avoir fait mettre en prison les échevins de LA GORGUE qui avaient refusé de prêter le serment de fidélité.

En 1673, quand un parti Hollandais pille le bureau du domaine de MENEN, la garde bourgeoise ne donne même pas l'alerte et le contrôleur Général COLBERT y décèle une complicité manifeste entre Flamands et Hollandais.

A LILLE, l'Intendant LE PELETIER doit reconnaître que les magistrats sont très peu sûrs au point que leur choix est extrêmement délicat et il y a si peu de bons sujets en cette ville que les meilleurs ne sont ni raisonnables ni dociles .

En 1670 l'on acclame l'ambassadeur d'Espagne et, en 1674, certains Lillois exposent en public le portrait de CHARLES II, roi d'Espagne. A la même époque le réduit de SAINT-SAUVEUR reçoit en cellule le majeur et le Rewart de LILLE qui ont mal parlé au lieutenant du Roi et un prêtre, qui y mourut, pour avoir parlé en termes négatifs de la guerre. En 1690, lorsque l'avocat DESRUELLES proclame qu'il voudrait être encore sous la domination du roi d'Espagne et voir mort le dernier Français , l'Intendant reconnaît en cette déclaration un discours assez ordinaire dans les débauches particulières de quelques-uns des gens du pays .

Les causes de cet état d'esprit hostile à LOUIS XIV sont diverses et multiples.

En premier lieu, les ravages des conquérants sont réels et importants : en 1645, dans les villages du Sud de LILLE, les Français commettent des actes tels qu'"il semble que leur dessein n'est autre que de ruiner et ravager le plat pays".

En 1653, les troupes du duc d'ELBOEUF pillent la cité de BAILLEUL et l'incendient. 470 maisons, 70 métiers à fabriquer du fil et 3 moulins sont détruits. En 1658, 800 soldats français opèrent une grande rafle de bétail dans la vallée de la Lys, exemple vivant d'une armée qui, au moins en partie, vit sur le pays. En outre, les Flamands n'ont pas une bonne idée de la religion et de la morale de LOUIS XIV : voilà un Roi qui envahit un pays étranger en prétendant ne pas mener une opération de guerre mais faire une simple promenade pour s'assurer des intérêts de sa femme, l'infante d'Espagne! un Roi qui, chez lui en France, protège les Protestants, au moins jusqu'à la Révocation de l'Edit de NANTES en 1685, et attaque les possessions des HABSBOURG d'Espagne au moment même où les Turcs, en particulier devant VIENNE en 1683, se heurtent aux HABSBOURG d'Autriche, ferme rempart de la Chrétienté !

Enfin, les Flamands n'apprécient pas les maladresses et l'autoritarisme de l'administration française, d'autant plus difficiles à supporter que la conjoncture économique n'est pas bonne : selon la chronique de l'ouvrier saïetteur Lillois CHAVATTE, de 1670 à 1692, il faisait pauvre temps . Or, les Français écartent les Flamands des fonctions officielles et lucratives, attentent aux privilèges locaux, notamment en matière d'impôts, ne respectent même pas la liberté d'enseignement de l'Université de DOUAI, instituent des passeports payants pour permettre aux Flamands d'effectuer librement leur commerce et vont même jusqu'à installer des bureaux de douane qui rendent impossible la poursuite de l'exportation vers le reste des Pays-Bas Espagnols d'une production textile au coût désormais trop important.

Avec le temps cependant, le renouvellement des générations et la triste expérience de l'occupation hollandaise de 1708 à 1713, dangereuse pour la foi catholique comme pour la survie des industries locales en butte à une rude et déloyale concurrence hollandaise, amènent progressivement une certaine adhésion, à la fin du règne de LOUIS XIV, au nouveau maître. En 1699, VAUBAN peut écrire à bon escient : Quand on les traitera en bons sujets... il ne faut pas douter qu'ils oublient peu à peu leur ancien maître et qu'ils ne deviennent très bons français, leurs moeurs et leur naturel convenant beaucoup mieux avec les nôtres qu'avec ceux des Espagnols .

La conquête française n'empêche cependant pas l'art flamand d'être productif dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Les maisons alors édifiées à LILLE maintiennent en partie le décor baroque flamand, plaqué sur des façades où alternent briques rouges des carrières d'ARMENTIÈRES et pierres de taille de LEZENNES, avant d'évoluer vers un classicisme français parfois bien chargé si l'on se réfère à la Porte de PARIS édifiée par le Lillois Simon VOLLANT. L'hôpital de SECLIN, édifié de 1634 à 1701, perpétue la tradition flamande par ses placages décoratifs baroques, par ses pignons à degrés, ses lucarnes et fenêtres, son appareil en briques rouges et pierres blanches. L'église SAINTE-MARIE-MADELEINE à LILLE symbolise bien le triomphe du Baroque en architecture religieuse dans toute l'Europe de la deuxième moitié du XVIIe siècle. En peinture, VAN OOST LE JEUNE se signale par des représentations traditionnelles de scènes religieuses, qui ornent alors les églises de la Flandre Lilloise, peu avant qu'ARNOULD de VUEZ, originaire de SAINT-OMER, ne mette son art au service des mêmes scènes ou des personnages à portraits ou même de l'histoire locale.

Le début du XVIIIe siècle est marqué par une volonté de l'administration française d'unifier le pays et de réparer les ravages des guerres. En 1700, l'Intendant de Flandre Maritime (flamingante) prend une ordonnance pour l'entretien des voies de communication de la Flandre Maritime, dont le commerce, par suite du mauvais état des chaussées, a été fort altéré.