Le XVIIIe siècle français
A partir de 1713, les 2 Flandres, Gallicante et Flamingante, ont le même Intendant. Le Parlement de DOUAI traite des questions de justice pour les Flandres et le Hainaut. Un Bureau des Finances fonctionne à LILLE. En principe, des Etats Provinciaux votent les subsides au Roi. En fait, la Monarchie mène le jeu : elle nomme les échevins des villes qui siègent aux Etats et confie, ou vend, les charges importantes, ou offices, à des officiers; elle impose des modèles aux paroisses pour la tenue des registres, contrôle les constructions importantes, institue des notaires royaux, réglemente les levées de milices communales et même le droit de Bourgeoisie.
La Francisation est active dans tous les domaines. Les actes officiels, y compris dans les tribunaux, sont rédigés en Français ; dans un acte notarié du XVIIIe siècle, le village d'HONDEGHEM apparait sous le nom de Hameau du chien .
A LILLE en 1744, sont fondées des loges maçonniques. Aux chambres de Rhétorique et amusements populaires succèdent peu à peu les discussions dans les cafés. En architecture, l'exubérance flamande cède la place au classicisme : place Royale et place Dauphine à DUNKERQUE, Palais de Justice à BAILLEUL, hôtels de la rue Royale à LILLE. En peinture, les WATTEAU symbolisent nettement l'influence nouvelle. Malgré DE SWAEN, DE JONGHE, VAN MUSSEM, GRIMMINCK et HELLYNCKX, PETYT et STEVEN, la littérature est de plus en plus francophone, y compris dans les répertoires des chambres de rhétorique, tandis que les oeuvres de VOLTAIRE et de ROUSSEAU commencent à se répandre.
En tapisserie, GUILLAUME WERNIERS à LILLE perpétue les traditions flamandes et représente notamment BAUDOUIN IX comte de Flandre et sa famille .
Economiquement, le commerce est en déclin. Sur la carte des Traités jointe en 1781 au compte-rendu du ministre NECKER, les PAYS-BAS FRANÇAIS sont séparés du Royaume de France par une barrière douanière tandis que la frontière avec les Pays-Bas du Sud est une réalité durement ressentie. L'industrie drapière est en crise. A LILLE, une grève des tisserands éclate en 1783.
La céramique, notamment à DOUAI, SAINT-AMAND et BAILLEUL, la dentelle et les petits métiers ne constituent que des palliatifs à un chômage en forte hausse. Il n'est guère qu'en agriculture où les Flandres constituent un modèle de prospérité: vergers, haies vives et becques quadrillent le pays, l'assèchement des marais est méthodique, les rendements du blé et d'avoine sont meilleurs qu'ailleurs en France, les cultures industrielles du lin et du chanvre vivifient les vallées de la LYS et de la SCARPE, le tabac profite à la châtellenie de LILLE, la pomme de terre, sans supplanter la fève, apparaît, l'élevage reste actif, les moulins à huile tournent dans le plat pays comme aux portes des villes.
La Révolution de 1789 est précédée et annoncée par un contexte économique et social difficile. En 1768 à LILLE, 1 ouvrier sur 3 est réduit au chômage, ce qui provoque le pillage des greniers des accapareurs , spéculateurs sur les blés. Le cahier de doléances déposé par le curé de SAINT-SAUVEUR à LILLE en 1789 fait explicitement part de la gêne et honte de l'indigence et mentionne une paroisse où les vivres sont presque aussi chers qu'à PARIS, où les manufactures nous accablent de pauvres .
Les débuts de la Révolution en Flandre sont dominés par des revendications précises: constitution d'Etats propres à la Flandre Maritime et distincts de ceux de la Flandre Gallicante, l'abolition des douanes intérieures, l'unification des mesures et monnaies, la fin des juridictions féodales et droits d'origine féodale, la réalisation de grands travaux de voirie par terre et par eau. L'on veut l'égalité en matière de fiscalité, de justice et d'accès avec charges officielles, et une meilleure utilisation de la dîme ecclésiastique, au profit notamment des églises paroissiales et du clergé desservant.
Toutefois, l'apparition de nouveaux riches et de nouveaux abus mécontente parfois le peuple : la destruction de l'église d'AVELIN en 1789, déclassée propriété de la Nation et vendue pour trop peu à des gens subtils qui s'apprêtaient à faire des bénéfices importants en revendant en détail ses nobles matériaux, provoque la colère du peuple. En Flandre intérieure, les biens acquis sur le dos de l'Eglise sont régulièrement surnommés DE ZWART GOED (le Bien Noir).
Sur le plan économique, les réquisitions et taxes amènent parfois les possédants à enterrer leur pécule de bonne manière sans acheter des provisions pour risquer d'être payés, au moment de la vente, en assignats sans valeur. Pour le petit peuple, en raison notamment des guerres, les prix sont trop élevés et la pénurie réelle : bien des Lillois vont combattre à la frontière pour avoir du pain. Les dévastations du pays par les armées en campagne, qu'elles soient Autrichiennes, Anglaises ou même Françaises, les représailles mutuelles des belligérants ajoutent à la difficulté de la vie quotidienne.
La question religieuse se pose rapidement avec acuité : le département du Nord, nouvellement créé sur les ruines de la Flandre et du Hainaut, ne compte que 190 prêtres assermentés à la Constitution Civile du Clergé contre 1057 réfractaires, lesquels constituent 95% des prêtres pour le district d'HAZEBROUCK. L'émigration vers les Pays-Bas Autrichiens tout proches, notamment vers ROESBRUGGE, concerne de ce fait non seulement la noblesse, peu nombreuse il est vrai en Flandres, mais aussi une grande partie du clergé. La laïcisation de certains établissements appartenant à des ordres religieux, comme d'hôpitaux gérés par des Soeurs Augustines, ne contribue pas à apaiser les esprits.
Enfin, la Terreur fait en Flandre l'unanimité contre elle. A LILLE, le guillotineur François-Joseph LEBON, délégué du Comité de Salut Public pour la Flandre et l'Artois, ancien Oratorien qui a accepté de s'assermenté avant de renoncer à la prêtrise et de se retrouver Maire d'ARRAS et député à la Convention, est qualifié de moine démoiné , de calottin décalotté , de cafard qui n'a versé que le sang des autres, à défaut de celui des Autrichiens, ennemis de la Patrie en danger . Lorsqu'il menace de venir à LILLE faire couper 2000 têtes, il lui est répondu que la tête la plus menacée est la sienne.
Au reste, la guillotine ne s'accoutume qu'assez mal au climat de LILLE et pas du tout à celui d'HAZEBROUCK. La Société Populaire Révolutionnaire implantée à LILLE assure une surveillance révolutionnaire si faible qu'elle s'attire les reproches du Comité de PARIS. De toutes les façons, en résistant vaillamment, dans les ruines et les flammes, au siège de 1792 par les Autrichiens, LILLE avait déjà bien "mérité de la Patrie".
Au XIXe siècle, l'intervention unificatrice de l'Etat est évidente. Les codes remplacent les coutumes locales et les Préfets et Sous-Préfets rendent négligeables les rôles des communes. Dans le domaine de l'éducation, la laïcisation s'impose malgré les résistances: à BAILLEUL en 1887, l'école communale tenue par les Frères est laïcisée, ce qui n'empêche pas les Frères de fonder un autre établissement puis les Dames de SAINT-MAUR d'implanter rue des Soeurs-Noires une école maternelle et une primaire. A l'école, depuis 1853, parler flamand est proscrit sévèrement et la fondation par DE COUSSEMAKER du Comité Flamand de France, et plus tard, l'action de l'Abbé LEMIRE, député d'HAZEBROUCK, ne peuvent rien contre cet interdit. En matière d'équipement, les chemins de fer rattachent à PARIS LILLE en 1846 puis DUNKERQUE en 1849, sous l'égide de la Compagnie du Nord qui appartient au baron de ROTHSCHILD. Les douanes intérieures sont supprimées et la production des betteraves, puis celle de la chicorée atteint facilement les marchés parisiens.
De la Flandre au Nord
Sous NAPOLÉON III, le gaz et le télégraphe équipent la Flandre maritime elle-même. Administrativement, le particularisme flamand est battu en brèche: en 1803, les actes et registres de l'Etat Civil de l'église paroissiale SAINT-VAAST à BAILLEUL sont écrits en Français et en 1808 se tient la dernière délibération en Flamand de la confrérie SAINT-SÉBASTIEN de la même ville. Ce recul du flamand est contemporain de la disparition progressive, à BAILLEUL, des moulins, qui n'étaient plus que 7 en 1800, de l'industrie de la faïence, pourtant encore rivale de celle de ROUEN sous LOUIS XVI, et des Chambres de Rhétorique, les "Geltzenders" et les "Spaderyken". A LILLE, en 1841, le Préfet Vicomte de SAINT-AIGNAN s'autorise à dire, pour parler de ses administrés : "Je les ferai aller, ces Flamands".
Culturellement, le caractère flamand se cantonne de plus en plus aux artistes isolés, tel Pierre DECONYNCK qui peint la "cueillette du houblon" à METEREN, aux Sociétés de Carnaval qui perpétuent le Mardi-Gras et promènent leur géant, ainsi GARGANTUA à BAILLEUL, aux Pinsonneux, aux joueurs de la boule flamande, au tir à l'arc à la perche, aux sociétés de musique locales. Economiquement la grande industrie remplace le petit artisanat. Même en agriculture, le machinisme et le progrès technique sont présents: de 1885 à 1900, le tonnage des betteraves s'en trouve quadruplé et des Sociétés d'agriculture organisent des concours, foires et expositions. Il est vrai que déjà au début du siècle, le préfet DIEUDONNE donne en modèle les paysans de Flandre : "les maisons d'exploitation rurale... dans les arrondissements de BERGUES et d'HAZEBROUCK sont en général, mieux construites, mieux aérées et tenues plus proprement".
L'industrie se modernise : grâce à la machine à vapeur, à l'utilisation de la houille, l'industrie textile comme celle de l'acier se concentrent au sein de grosses fabriques ou usines. Dans la vallée de la LYS, les petits artisans sont en voie de disparition.
A BAILLEUL, peu après 1840, le tissage Emile HIE pratique les méthodes mécaniques d'ARMENTIÈRES et de ROUBAIX tandis que les fabriques de corsets assurent une nouvelle renommée à BAILLEUL. Les bâtisses et cheminées d'usines triomphantes rivalisent d'orgueil avec les hôtels de ville et maisons bourgeoises néo-classiques qui s'alignent sur les grands bâtiments officiels tels que les Préfectures. Le 20 novembre 1836, ce ne fut pas moins de 7 cheminées d'usine, dont celles de WALLAERT et THIRIEZ, que renversa la grande tempête qui sévit à LILLE.
Dans la vie professionnelle, le machinisme s'accompagne inévitablement d'accidents du travail : en 1867, l'impératrice EUGÉNIE, l'épouse de NAPOLÉON III, visite à l'hôpital du quartier SAINT-SAUVEUR la salle SAINT-JEAN où sont regroupés les ouvriers blessés du travail : c'est l'époque où cet hôpital soigne alors 70 blessés par an.
D'une façon générale, la misère règne chez les ouvriers des fabriques, souvent contraints d'accepter des journées de travail de 14 heures, longtemps sans repos hebdomadaire, pour des salaires ne leur autorisant qu'un gite misérable et une nourriture très insuffisante: VICTOR HUGO s'est ému à juste titre des caves de SAINT-SAUVEUR.
Semblables conditions de vie et de travail ne sont bien souvent recherchées que par des travailleurs immigrés : dans toute la vallée de la LYS, les travailleurs Belges, flamands surtout, occupent le terrain ; à LILLE, les Flamands de Flandre Maritime, entre DUNKERQUE et ARMENTIÈRES, vont à WAZEMMES où ils retrouvent les Flamands de Flandre Belge et constituent ce que l'on appelle la "Petite Belgique".
Dans le quartier de WAZEMMES et même dans d'autres, il n'est pas rare d'entendre quotidiennement employés des termes tels que Croler, cron, dank, drinquelle, huche, kouque, minck, papin, quin, maguette, pacus, wassingue...
Peu après 1900, l'Harmonie des accordéonistes Lillois a pour chef VANSLEMBROUCK et pour président VERSTIGGELEN. Les francophones vont plutôt à SAINT-SAUVEUR.
Entre ces deux quartiers, et à MOULINS, la coexistence des fils d'immigrés qui jouent à la guerre entre eux, n'est pas toujours pacifique. WAZEMMES, où s'élève une chapelle des Flamands, rue des Rogations, compte, en 1876, 27.000 Français et 17.300 Belges et, à MOULINS, 8800 Français côtoient alors 8000 Belges, et, en période de crise, les Belges sont si mal vus que les chômeurs français s'assemblent bien souvent devant les usines des filateurs pour crier "A bas les Belges". Parfois les tensions sociales sont telles qu'éclatent grèves et graves conflits: en octobre 1903, la grève qui éclate à BAILLEUL amène l'intervention de l'armée dans la cité.
Inévitablement, les mauvaises conditions de vie des ouvriers des centres urbains amènent la croissance du syndicalisme, notamment de la C.G.T., du socialisme et, parfois, de l'anticléricalisme. C'est à LILLE que DE GEYTER compose la musique de l'Internationale, que s'implante l'Imprimerie ouvrière, que se tient le congrès national du Parti Ouvrier Français en 1890 et 1896 puis celui du Parti Socialiste de France en 1908, et à ROUBAIX que Jules GUESDE est élu député en 1893. Lorsque les Pères Rédemptoristes, en 1880, en application des premières lois anticléricales de la IIIe République, sont expulsés de leur résidence à LILLE, Cour des Bourloires, le public ouvrier du quartier approuve bruyamment ; à l'inverse, la séparation de l'Eglise et de l'Etat décidée à PARIS en 1905 amène de graves troubles en Flandre intérieure : dans de nombreux villages, la population empêche les autorités de pénétrer dans les églises, et, à BOESCHEPE, en février 1906, un manifestant est tué lors de l'inventaire de l'église.
L'homme à la fabrique, la femme travaille à domicile, souvent la dentelle, pour assurer l'appoint. En 1827, la fabrication de la dentelle occupe à BAILLEUL 1500 personnes, 100 apprentis étant répartis dans les écoles de la ville. Le déclin ne s'amorce que vers 1880 mais n'empêche pas les dentellières de fêter encore leur patronne, Sainte ANNE, peu avant 1914. Si c'est à bon droit qu'Albert SAMAIN chante la Flandre digne et laborieuse, DESROUSSEAUX, le chansonnier de SAINT-SAUVEUR, peut bien mettre en scène la "Vieille Dentellière" et le "P'tit Quinquin" dont les descriptions collent à la réalité ouvrière: beaucoup vont réellement au Mont de Piété engager le "biau sarraut" sans pouvoir ensuite le "dégager", et ne peuvent donner la pièce au montreur de marionnettes ou même calmer le chérubin en lui offrant un sucre d'orge.
Dans un habitat de courées et de caves humides, la mortalité infantile est très élevée: en 1845, à DOUAI, 3 enfants sur 10 meurent avant leur cinquième année, et à LILLE le chiffre monte à 6 entre 1878 et 1914, à LILLE, 1 décès sur 4 concerne un enfant de moins d'un an. Les épidémies sont souvent mortelles : celle de 1849, à LILLE, contamine 1800 sujets dont 900 en meurent ; et l'épidémie de tuberculose de 1908 est telle que, dans les foyers infectés, la moitié des nouveaux-nés en meurt.
Dans la première moitié du XXe siècle, le régionalisme flamand marque l'architecture de notre Flandre : c'est notamment le cas de l'oeuvre de Louis CORDONNIER dont l'une des plus belles réalisations est la Nouvelle Bourse de LILLE qui, par ses bulbes et ses lucarnes, sa richesse de décoration, l'utilisation alternée de la pierre blanche et de la brique rouge ainsi que par l'allure générale de son beffroi, s'inscrit bien dans le mouvement général de Néo- Renaissance Flamande. La ressemblance avec son autre oeuvre majeure, le Palais de la Paix de LA HAYE, où siège la cour Internationale de Justice, est frappante.
La Flandre dans l'Europe du Nord-Ouest
Admirables aussi sont les hôtels de ville de DUNKERQUE, de COMINES, où ressortent magnifiquement les pas de moineaux, les clochetons, les volutes, les lucarnes rondes, les bulbes, et de BAILLEUL où le beffroi de l'Hôtel de Ville, en briques jaunes, dans le style de la reconstruction flamande maritime après la première guerre mondiale, repose sur une base gothique primitif de la fin du XIIe siècle qui a survécu au déluge d'artillerie, anglais, de 1918.
D'autres architectes cependant s'inscrivent dans cette renaissance : l'hôtel de ville de CALAIS, dont les 75 mètres de haut édifiés de 1910 à 1922, égalent ceux du rival Dunkerquois, est dû à l'architecte DEBROUWER ; l'hôtel de ville de LILLE, dont la tour de 105 mètres s'est élevée entre 1930 et 1932, est dû au talent d'Emile DUBUISSON, infiniment supérieur en matière d'harmonie flamande à celui du maître d'oeuvre chargé de l'agrandissement de 1993. A DOUAI enfin, la décoration de la salle gothique de l'hôtel de ville, refaite vers 1900, illustre en fresques les moments et réalités les plus glorieux de l'histoire de cette cité, capitale de la Flandre la plus au Sud.
Malheureusement, la position de notre Flandre, au contact permanent des mondes latin et germanique souvent en conflit, apporte plaies et destructions à nos cités au cours du XXe siècle: la bataille des Flandres, au cours de la guerre 1914-1918, amène la destruction de BAILLEUL, par les obus anglais, et d'YPRES tandis qu'ARMENTIÈRES tombe à 3500 habitants en 1918. Le conflit 1940-1945 est surtout dommageable au littoral : le 27 mai 1940, la radio allemande annonce aux défenseurs de DUNKERQUE que s'ils ne capitulent pas, ils seront anéantis.
De fait, les canons et chasseurs-bombardiers entament l'oeuvre de destruction que les chasseurs britanniques ne peuvent pas vraiment arrêter. Le 29, lorsque le bombardement cesse, DUNKERQUE n'est plus que champ de ruines. En 1944, au moment de quitter BERGUES, les Allemands font sauter le beffroi ; lequel, heureusement, est reconstruit dans l'esprit flamand par Paul et Jean GELIS.
Le Nord du XIXe siècle se prolonge jusqu'au milieu du XXe siècle dans la Flandre de l'Europe du Nord/ Ouest. Les usines, sidérurgiques, carbochimiques, textiles, en activité grâce aux travailleurs d'origine étrangère en partie, notamment Polonais puis Nord-Africains, marquent encore le paysage, tandis que les barrières douanières et l'insuffisance des communications, fluviales surtout, entravent le développement de la Flandre en direction de l'Europe du Nord/Ouest. Vers les années soixante cependant, l'ouverture sur l'Europe change les données du problème et les communications autoroutières et ferroviaires améliorées redonnent à la Flandre sa place d'origine, au coeur de l'Europe des Marchands. C'est à bon escient qu'un journaliste du Monde peut écrire dès 1966 : cette région est admirablement située sur l'échiquier européen et, pour peu que l'Europe dessine la carte de son unité, la vocation de ce carrefour s'affirmera plus encore .
La Flandre traditionnelle cependant ne disparaît pas et, même, s'affirme à nouveau. Les vrais héros de l'oeuvre de Maxence VAN DER MEERSCH sont avant tout ces Flamands laborieux et inspirés, confiants dans leur pays comme en la Providence. Toujours prêt à faire vivre Kermesse et Carnavals, soucieux et de la Terre et du Ciel, le Flamand ne néglige pas ses fondements religieux : c'est en 1953 qu'à BRAY-DUNES, à 33 m au-dessus du niveau de la mer, est élevé le calvaire des marins dont les 11 m de haut dominent les dunes.
Dans les cités et les villages, la culture traditionnelle flamande est à l'honneur : à BAILLEUL, le Musée de PUYDT montre fièrement ses peintures des écoles flamandes, hollandaises et françaises ainsi que ses faïences, étains et grès, et ses cabinets flamands du XVIIe; à HAZEBROUCK, cuisine reconstituée, folklore et histoire des Flandres, peintures de maîtres aussi, font bon ménage; à CASSEL, céramiques et faïences, habitat et meubles plongent dans la Flandre profonde ; à DUNKERQUE, les émules de Jean BART ont désormais leur musée ; à BERGUES, le Mont de Piété est à présent un monument de l'art flamand, tandis que, blotti au pied des Houblons, le petit musée consacré à Marguerite YOURCENAR honore l'académicienne flamande de France. Enfin, avec un peu de chance, vous pourrez entendre et voir certains jours ou soirs de fêtes, le groupe de l'HAEGHEDOORN ou MARIEKE EN BART chanter et danser notre Flandre.
Le livre refermé, le lecteur pourra redécouvrir l'histoire de la Flandre en allant visiter divers estaminets évocateurs de personnages, de lieux ou d'événements. L'auberge de la Morinie à BUISCHEURE et le restaurant l'ATREBATE à LILLE, le SAINT-ELOI à DUNKERQUE et BOUSBECQUE, l'auberge de SAINT-BAVON à MARCQ-EN-BAROEUL, le café à SAINT-ROCH à MARQUETTE, l'auberge LEUGHENAER à DUNKERQUE, l'Hôtel du Beffroi à GRAVELINES, les établissements des XVII Provinces à BERGUES et du Duc de Bourgogne à LILLE, le restaurant du Comte d'EGMONT à ARMENTIÈRES, l'Hôtel BRUEGHEL à LILLE et l'auberge du même nom à LOOS, le RUBENS à LILLE, le JEAN BART à DUNKERQUE mais aussi à LEDERZEELE, l' ISLANDAIS à DUNKERQUE en souvenir des courageux pêcheurs de la Visscherbande et, à nouveau, le BEFFROY à LILLE face à la Nouvelle Bourse conçue par CORDONNIER.
Enfin, si le lecteur désire s'éloigner un peu de la Flandre Française tout en restant en pays familier, qu'il remonte vers la Flandre Zélandaise et les Pays-Bas du Nord où tournent d'autres moulins à vent et à eau ; qu'il n'hésite pas alors à emprunter la route des marchands de sel, de SAINT-OMER à OOSTBURG, qu'il suive les canaux de BRUGES à SLUIS qui évoquent tant leurs homologues du golfe de l'AA entre SAINT-OMER et GRAVELINES, qu'il chausse les sabots d'origine audomaroise et exportés plus au Nord et n'oublie pas de se munir de la tulipe ramenée de Turquie par OGIER GHISLAIN DE BUSBEKE et exploitée ensuite à LEYDE en Hollande..
Dès l'antiquité Belgo-Romaine, notre région frontière a affirmé sa vocation internationale : n'était-ce pas des territoires des Morins, Ménapes et Atrébates que s'élançait la grande voie qui partait vers la Germanie et qui ouvrait, déjà, une porte sur l'Europe Centrale ?