Richesse et rayonnement de la Flandre médiévale
Les cités sont vivifiées par la route économique internationale COLOGNE - SAINT-TROND - BRUXELLES - GAND - BRUGES. De BRUGES, l'activité irradie vers le Sud et le Bassin Parisien, soit par la côte et FURNES soit par l'intérieur et YPRES, COURTRAI, TOURNAI, LILLE, DOUAI.
La concurrence entre les villes joue parfois: en 1295, les Bailleulois obtiennent du comte de Flandre que la fête de "dédicace", qui donna lieu plus tard à "ducasse" soit transplantée de MERRIS à BAILLEUL.
Mais, en général, pour s'assurer la dimension internationale, les cités se regroupent: la Hanse Flamande, dite de LONDRES, dont les statuts sont accordés et ratifiés en 1278 par EDOUARD 1er, roi d'Angleterre, compte notamment parmi ses membres BRUGES, YPRES, LILLE, BERGUES, FURNES, TORHOUT, BAILLEUL, TOURNAI. L'union monétaire pointe déjà: en 1299, le Comte de Flandre demande aux cités d'YPRES, CASSEL, BAILLEUL, NIEPPE, de faire publier l'accord conclu avec GAND, YPRES et DOUAI qui stipulait que les monnaies de ces trois cités devaient être acceptées dans les villes sus-mentionnées. La physionomie de la ville est modifiée par l'essor commercial: des quartiers spécialisés apparaissent: le Rivage à LILLE, les rues des Tanneurs, des Foulons, des Manneliers. Des entrepôts près de la Grand-Place ou du Marché, des centres de négociation, des maisons de corporations apparaissent: Halle à la Viande, Cordonnerie, Halle aux draps. A BAILLEUL, l'activité drapière donne son nom au faubourg de SCHAARLAEKEN. L'agriculture n'étant pas absente non plus, on trouve aussi à BAILLEUL un marché aux vaches, une rue des Viviers, une rue des Choux, une rue des Moulins, une rue des Poissons.
Ce sont les hôtels de ville, flanqués de Beffrois, qui sont les symboles de la puissance des cités et de leur classe dominante, la Bourgeoisie. Les halles d'YPRES, reconstruites au XXe siècle d'après leur disposition du XIIIe, présentent arcades et colonnes au rez-de-chaussée, fenêtres en ogives à l'étage, et s'étalent autour d'un important beffroi carré à trois étages qui fait penser au massif beffroi de BETHUNE construit en 1346.
Les demeures des Bourgeois ont de riches façades pignons triangulaires, souvent à gradins, décoration de maçonnerie en façades, reliefs divers.
Au XIVe siècle, la Belle Draperie est en crise. Mais la " neuve draperie " se développe en pays rural dans de petits bourgs en expansion : MENIN, ARMENTIERES, COMINES, TOURCOING, NIEUWKERKE, EECKE, HONDSCHOOTE, BAILLEUL. En 1417, BAILLEUL est autorisée à plomber ses draps d'une fleur de lys ou d'un soleil, en fonction de la qualité de ses produits.
La Bourgeoisie dirige économiquement mais aussi politiquement la cité. Au XIIIe siècle, les échevinages se composent de Bourgeois élus, à LILLE dès 1235, DOUAI dès 1228. Le droit de Bourgeoisie s'acquiert par naissance, mariage ou achat: être citoyen du Bourg est un privilège. La ville perçoit le droit d'issue sur la Bourgeoisie qui hérite d'un bien dans la ville et le droit d'écart sur l'habitant d'une autre ville qui hérite d'un Bourgeois de la cité. La Bourgeoisie possède sa justice particulière, au sein des instances communales. Le Magistrat, composé d'échevins tous Bourgeois, nomme chaque année les dirigeants du collège des Drapiers, les inspecteurs de marchandises, ceux chargés de la police municipale et de la surveillance des incendies, fort appréciés dans une région où les maisons sont majoritairement en bois tout au long du Moyen Age. Enfin chaque ville importante est siège d'une châtellenie.
Le pouvoir du Comte de Flandre est limité par la Bourgeoisie. Il garde des prérogatives: justice sur les non-Bourgeois, perception du tonlieu ou péage sur route ou place commerciale, d'assises sur les biens de consommation, dont les bières, draps, harengs, cochons, vins.
En échange, il donne sa protection: c'est au XIIIe siècle que les Comtes de Flandre dotent LILLE d'une nouvelle enceinte englobant le quartier artisanal de SAINT-SAUVEUR.
L'Eglise garde son influence dans la cité. Outre ses propriétés, charitables ou non, elle essaie de bénéficier d'une parcelle du pouvoir politique: à LILLE, la charte de 1235 précise que chaque année, à la TOUSSAINT, le Comte de Flandre devra choisir 12 échevins après avoir consulté les curés de SAINT-PIERRE, SAINT-ETIENNE, SAINT-MAURICE et SAINT-SAUVEUR.
En Flandre maritime se construisent de typiques églises, à plan rectangulaire, nef principale séparée des nefs latérales par de massives colonnes de pierre et transept quasi-inexistant. La tour est au centre de l'église, appuyée sur quatre masses de maçonnerie, tandis que la façade, sans tour ni clocher, se pare de trois pignons de mêmes dimensions. Les églises d'ESQUELBECQ et de MORBECQUE illustrent ces caractéristiques. En ville, à LILLE, en 1336, on reconstruit la Collégiale SAINT-PIERRE, monument beaucoup plus ambitieux.
Enfin, c'est un ecclésiastique, un Franciscain, originaire de RUBROUCK, GUILLAUME, qui entreprend un voyage vers l'Asie, remet un message de SAINT LOUIS au Grand KHAN en 1253. De retour en Occident, il a parcouru 20.000 km en 25 mois et 9 jours. Dans le rapport qu'il adresse à SAINT LOUIS, figurent des précisions géographiques nouvelles sur la CHINE, la COREE et le THIBET.
La Flandre, unie à l'Artois depuis 1384 par le Duc de Bourgogne PHILIPPE LE HARDI (1384-1404) va constituer le socle des Pays-Bas Méridionaux ou Bourguignons. JEAN SANS PEUR (1404-1419), soucieux de ne pas priver la Flandre de la laine anglaise nécessaire aux draperies flamandes, engage la Flandre aux côtés des Anglais contre les Français.
Flandre, Bourgogne et Pays-Bas
PHILIPPE LE BON (1419-1467) en raison de la concurrence des manufactures anglaises change progressivement de cap.
Surtout il pratique une politique de prestige : en 1429, il fonde à BRUGES l'ordre de la Toison d'Or. En 1454, à LILLE, lors du célèbre banquet du Faisan, il se pose en défenseur de la Chrétienté en faisant voeu de partir en Croisade contre les Turcs qui ont pris CONSTANTINOPLE en 1453. En 1458, il donne de fastueuses fêtes au mariage de son fils, CHARLES LE TEMERAIRE (1467-1477): c'est le Tournoi de l'Arbre d'Or.
Suivant l'exemple de PHILIPPE LE HARDI qui en 1397 avait exempté l'Hôpital SAINT-SAUVEUR de l'assise sur le vin, PHILIPPE LE BON, soucieux de se concilier l'Eglise, exempte en 1462 l'hôpital-hospice GANTOIS des droits sur 6 muids de vin et 100 tonneaux de cervoise. Bien que GANTOIS soit situé à LILLE, ville francophone, les livres qui sont alors donnés en lecture aux pensionnaires de cet hospice sont écrits soit en français soit en flamand.
L'oeuvre administrative et organisatrice des Ducs de Bourgogne est réelle : LILLE est le siège de la Chambre du Conseil puis de la Chambre des Comptes lorsque le Conseil de Flandre à OUDENAARDE remplace la Chambre du Conseil.
A la mort de CHARLES LE TEMERAIRE, LOUIS XI veut annexer Flandre et Artois, mais ses troupes sont finalement battues en 1478 à OUDENAARDE puis à ENGUINEGATTE, LOUIS XI se venge en ravageant BAILLEUL puis ARRAS en 1479, ce qui provoque l'arrivée d'artisans saïetteurs arrageois à LILLE.
MARIE, fille de CHARLES LE TEMERAIRE, épouse MAXIMILIEN, HABSBOURG d'AUTRICHE. Leur fils PHILIPPE LE BEAU épouse JEANNE DE CASTILLE: PHILIPPE et JEANNE ont un fils CHARLES, né en 1500 à GAND, prince flamand et Bourguignon qui, ensuite, hérite de l'Espagne et devient l'empereur du Saint-Empire Romain Germanique, lequel comprend les Pays-Bas du Nord. L'empereur CHARLES V s'appelle alors CHARLES-QUINT. (QUINTUS = 5).
CHARLES, appelé KEIZER KAREL par les Flamands, renforce l'unité de ce Cercle par l'institution d'un Conseil d'Etat, d'un Conseil Privé (justice) et d'un Conseil des Finances.
Enfin, sur le plan fiscal, KEIZER KAREL cherche à renforcer l'autorité de l'Etat Néerlando-Bourguignon: en 1522 il décide que la vérification comptable de l'hôpital SAINT-SAUVEUR de LILLE doit être faite par la Chambre des Comptes de LILLE; en 1524, il n'autorise la cité de BAILLEUL à lever des impôts sur les vins, bières, viandes, draps et autres marchandises qu'à condition que les ressources dégagées permettent aussi de payer à CHARLES les transports et aides qui lui sont dus.
En 1526, CHARLES QUINT fait renoncer le Roi de France FRANÇOIS 1er, à sa suzeraineté sur la Flandre et l'Artois. En 1548, il crée le Cercle de Bourgogne qui regroupe les 10 provinces des Pays-Bas Méridionaux et les 7 des Pays-Bas du Nord alors dégagées de tout lien avec l'Empire Germanique. En 1549 il prend les dispositions nécessaires à pouvoir transmettre à un seul et même héritier les 17 provinces des Pays-Bas au sein du Cercle de Bourgogne.
Dans les Pays-Bas Bourguignons, l'art flamand a droit de cité.
Nombreux sont les chantiers entrepris. Elevé entre 1386 et 1410, le beffroi de DOUAI se caractérise par ses 4 tourelles en encorbellement qui ornent la tour centrale de laquelle s'élève une flèche octogonale elle-même surmontée d'un bulbe étiré sur lequel est disposé le Lion de Flandre. Il est jouxté par la Halle aux Draps, devenue au XVe siècle le véritable hôtel de ville. La salle gothique de cette Halle a été construite à la fin du règne de PHILIPPE LE BON.
Le Palais RIHOUR à LILLE, du duc PHILIPPE LE BON, ne présente plus aujourd'hui à nos yeux qu'une tourelle élancée, la salle des gardes et la chapelle; dans l'escalier proche de la chapelle, sur les voûtes à nervures se laisse voir le briquet de Bourgogne.
La Flandre de Brueghel
Dans ces conditions l'on comprend qu'au XVIe siècle, la densité de la population soit plus élevée qu'ailleurs : 39 habitants au km2 contre 34 en France et 17 dans les pays méditerranéens. De même pour l'espérance de vie moyenne du paysan, supérieure à 30 ans, contrairement au paysan de France. Enfin le régime de la terre est favorable : dès le XVe siècle les baux consentis sont en moyenne de 21 ans, la seule charge imposée étant celle d'un loyer déterminé par avance, ce qui pousse le paysan à faire des projets d'avenir et à investir.
Les distractions du Flamand sont d'abord celles organisées par son milieu de vie, l'Eglise et les confréries, forme religieuse des corporations. En 1535, sous le gouvernement de MARGUERITE de FLANDRE, la grande procession de juin à LILLE rassemble 45 corps de métiers, défilant derrière la bannière de leur saint patron: les Couleuvriniers et sainte BARBE, les Saïetteurs et saint JEAN-BAPTISTE, les charpentiers et saint JOSEPH, les filtiers et saint NICOLAS, les jardiniers et saint PAULIN, les archers et saint SEBASTIEN et saint ARNOULD et les brasseurs, etc. Les fêtes religieuses elles-mêmes, par leur symbolisme, confinent parfois au spectacle : selon la chronique du paroissien de SAINT-SAUVEUR à LILLE, Mahieu MANTEAU, au début du XVIIe siècle, à la Pentecôte, à l'office de Tierce, au moment du Veni Creator, on lâche du haut de l'église un globe de feu, des colombes et oiseaux, des feuilles, des fleurs, ainsi que de petits gâteaux appelés Nieulles.
En 1542, à VALENCIENNES, en Hainaut, la représentation de la Passion et de la Résurrection, au cours de laquelle sont joués 169 rôles par 69 acteurs attire la foule pendant 25 jours.
Le cortège et la musique sont particulièrement prisés en toute occasion: lorsque la confrérie des archers, la SAINT-SÉBASTIEN se rend au tir depuis BAILLEUL jusqu'aux villes voisines, elle se fait précéder d'un orchestre consistant en hautbois et bassons accompagnés d'un tambour, de quelques garçons en livrée et d'un porte-bannière. D'autres distractions organisées sont très suivies outre les processions organisées à l'occasion des dédicaces ou ducasses à un saint patron, les jeux d'adresse se pratiquent en de nombreuses circonstances : Boule flamande, quilles, flèches et fléchettes, tir à l'arc à la cible ou au mât, au papegay .
Les fêtes religieuses sont si fréquentes que l'on atteint facilement 100 jours chômés par an, les réjouissances sont telles que beuveries et banquets sont largement développés: une kermesse à la BRUEGHEL dure plusieurs jours et, sous les archiducs ALBERT et ISABELLE, au XVIIe, le clergé et les autorités sont obligés d'interdire les repas de noces de plus de 48 heures !
Dans ces fêtes, les chansons satiriques ne manquent pas non plus puisque parfois les autorités prennent des mesures à leur encontre, telles que l'interdiction de farcer les princes . Les cabarets sont évidemment l'endroit de prédilection pour de telles manifestations. En 1672, une ordonnance royale défend d'établir de nouveaux cabarets dans un rayon d'un demi-mille autour de la ville de BAILLEUL, ces établissements étant le siège de danses et autres jeux, d'ivrogneries et de rixes .
Heureusement, dans les cités pourvues de rivières ou becques, les joutes sur l'eau, sur la DEÛLE à LILLE, permettent aux plus échauffés d'aller se rafraîchir la tête !