FRANCS et MARINS


Venus par la mer les Anglo-Saxons et les FRISONS se glissent entre les cordons de dunes et les lagunes, sur leurs bateaux à fond plat qui s'échouent sur les rives sableuses. Les toponymes Frisons sont présents aux alentours d'ANVERS, et dans la région des bouches de l'ESCAUT où sont nombreux les suffixes anglo-saxons et frisons en HAM, LE, DRECHT, UM.

Plus au Sud, les Anglo-Saxons peuplent en majorité le Boulonnais.

Les Frisons sont attestés, selon la vie de saint Eloi, dans la région d'ANVERS. On les signale près de FURNES, et le port de DIXMUIDE, « embouchure de l'YSER », DICASMUTHA en Frison, leur doit son origine. WILLIBRORD, qui évangélisa les Frisons de la Frise méridionale à la fin du VIIe siècle, oeuvra aussi « en Francie », dans la région d'ANVERS, sur les côtes de FLANDRE et de ZELANDE et aux frontières du BRABANT. La ville de GRAVELINES-GREVELINGEN conserve le souvenir de WILLIBRORD, à qui est élevée une chapelle bâtie quelques dizaines d'années après la mort du Saint, sur les terrains récemment reconquis sur la mer.

Plus à l'intérieur du pays, les FRANCS sont maîtres du terrain dès le Ve siècle. Dès lors se fixe peu à peu dans le pays entre la Mer du Nord et les régions avoisinant la LYS et la DEULE une langue ancêtre du VLAAMSCH, à dominante anglo-frisonne en Flandre maritime et franque en Flandre intérieure. Le nom de Flamand, VLAMING, mentionné au début du IXe siècle, pourrait venir de la forme frisonne VLAME qui désigne le fuyard, soit devant les eaux marines soit devant les pirates de la mer.

Dans les ports de la côte flamande, le dialecte utilisé par les marchands de la Mer du Nord est l'ANGLO-FRISON. Les caractéristiques anglo-frisonnes se retrouveront plus tard dans le Germanique de la Mer du Nord qui connaîtra son apogée vers l'an 1000 sur les côtes de la Baltique et de la Mer du Nord.

Antérieure à la bien connue chanson de Roland, l'HELIAND, poème épique en 6000 vers, est considérée comme linguistiquement saxonne mais comprend des éléments Frisons et Francs. Elle est composée entre 822 et 840, sur le littoral, soit du Boulonnais-Calaisis, soit de la Flandre, soit de la Sud-Frise.

Nous savons à présent qu'aux peuplades BELGES, représentées chez nous par les MORINS et MENAPIENS, succédèrent, après l'intervalle Romain, les FRANCS, SAXONS et FRISONS. Ces peuples ont laissé des traces toponymiques ou onomastiques, dont les principaux exemples sont donnés ci-après.


Ce que disent les noms de Flandre


* BEKE : ruisseau : BOUSBECQUES, MORBECQUE, ESQUELBECQUES, ROBECQ, FLEURBAIX, ROUBAIX, VERBEKE, DELBECQUE, VANHAVERBEQUE, VANDERBECKEN. Au cours des siècles, la francisation a joué : BEKE est devenu BECQUE ou BAIX ou BEQUE.

* BERG : mont : BERGUES, LOOBERGHE, BERCK, WAMBERGUES, DELBERGHE, AUBERT, DALEMBERT. WAEL a sensiblement le même sens que BERG, mais évoque un mamelon servant également de rempart : DEWAELE qui a donné DE GAULLE, VANDEWALLE.

* BERQ : entrepôt : VIEUX-BERQUIN, NEUF-BERQUIN.

* BORN, BORT : né, d'où : source, fontaine : BORRE.

* BROEK: BROUCQ, BROUCK, BREUCQ: marais : HAZEBROUCK, RUBROUCK, BROUCKERQUE, BOURBOURG (BROEKBURG), FLERS-BREUCQ, DENNEBREUCQ, VANCEUNEBROEK, DUBREUCQ. MOER a le même sens : DEMOOR, MOERMAN.

* DAELE : vallon : ROSENDAEL, VANDAELE, DALLE, DELDALLE.

* FORT, VOORD : gué : HARDIFORT, STEENVOORDE, AUDENFORT, DEFORT, PATFORT, VANDEVOORDE.

* HEM, ING, INGHEM, HAM, OING, AING, CHIN, GNIES : habitat : TOURNEHEM, UXEM, WARHEM, HONDEGHEM, TERDEGHEM, ERQUINGHEM, RADINGHEM, VERLINGHEM, SAINGHIN, FRELINGHIEN, PEUPLINGUES, MILLAM, CHERENG, RONCHIN, LALLAING, TOURCOING, WATTIGNIES, OIGNIES, DUHEM,
VANTIEGHEM, VANPETEGHEM, AFCHAIN, DESPLECHIN.

* HOUT : Bois : WORMHOUT, HOUTKERQUE, HOUTLAND, VAN HOUTTE, EECKHOUTE.

* HOVE : propriété groupée entourée de haies : BAVINCHOVE, WOLCHERINCHOVE, POLINCHOVE, DEHOVE, VANHOVE, HOVELAQUE, VANDENHOVE.

* KERK : église : DUNKERQUE, HAVERSKERQUE, BROUCKEROUE.

* LAER, LEER : terrain vague, pâture : OXELAERE, LEERS, TOUFFLERS, LILLERS, VANLAERE, ALLAERT, BOLLAERT, CAPPELAERE, COCKELAERE, LENGLAERT, DEBAVELAERE, WALLAERT.

* LOO : marais devenu pâturage, entouré d'arbres Loos, ENGLOS, WATTRELOS, LOOBERGHE, BILLY-BERCLAU (BERKLOO), BERTHELOOT, LOOTEN, VANECKLOO, KESTELOOT, LOOSFELD.

* MARCH, MARCQ, MERCK : zone frontière: MERCKEGEM, MARCHIENNES, MARCQ, MARQUION, MARQUISE, MARCOING, MARDYCK. MARCANT, MARCHAL, MARCHAIS, MERCKX.

* LYND : tilleul, NIEP : Orme, EECK : chêne, ABEEL : peuplier : L'ABEELE, NIEPPE, LYNDE, ARNEKE, ESQUELBECQUES, EPERLECOUES, EECKE, VANECKE, VANECKLOO, VERLYNDE, VANDEN ABEELE, VANDERLYNDEN.

* MILLE : pâturage communal clôturé : HOYMILLE, MILLAM, MILLEBROUCK, MILLE, MILLESCAMPS, MILLEVILLE.

* OUCK, HOUCK : coin, cachette : LEFFRINCOUCKE, VIERHOUCK, LEHOUCQ, DEHOUCK, HOUCQ.

* ROO, ROE, VELD : champ, terre cultivée : ROEULX, LOOST-WARENDIN, ROBECQ, GHYVELDE, DEROO, ROHART, VANDEVELDE, MERLEVELDE.

* SART : terre essartée et défrichée pour être cultivée : LAMBERSART, MARTINSART, ROBERSART, ANSART, DUSART, MANSART, DELSART.

* SCHEUR, SCURE : grange, abri : BUYSSCHEURE, RENESCURE, CAUDESCURE, LESCURE, VERSCHEURE.

* SCHOOTE : enclos palissadé, fortifié, gardé : HONDSCHOOTE, ZUYDCOOTE, SCHOUTETEN, VANDERSCHOOTE, DESCHOOTE.

* STEEN : Pierre : STEENE, STEENWERCK, STEENBECQUE, VANSTEENE, WECKSTEENE, VANSTEENBERGHE.

* STRAAI, STRAAT : route, chemin = WEG : STRAZEELE, KRUYSTRAETE, VERSTRAETE, PEPERSTRAETE, VANDEWEGHE.

* ZEELE, SELLE : domaine et résidence du chef. BOLLEZEELE, HERZEELE, OCHTEZEELE, WINNEZEELE, BROXEELE, LINSELLES, AUDRESELLES, CASSEL (CATS + ZEELE, NON LOIN DU CATSBERG), VANCAYZEELE, BARISELLE, ROUSELLE.

La Francisation au cours des siècles, et notamment depuis la conquête par LOUIS XIV, a amené la modification de l'orthographe des toponymes et noms propres. Elle a aussi amené plusieurs traductions dont voici quelques exemples :

* DEMOOR - DESMARAIS.

* DELAERE - DESPATURES.

* DELBECQUE - DUCOURANT.

* VANDAELE - DUVAL, DELVALLEE.

* VANDENBERGHE - DUMONT.

* VANECKE - DUCHENE.

* VERLYNDE - DUTILLEUL.

* VANDEVELDE - DESCAMPS.

* VANDERMEULEN - DUMOULIN.

* VANHOUTTE - DUBOIS.

* VANDEWEGHE - DUCHEMIN.

* VANBELLE - DEBAILLEUL.

* VANRYSSEL - DELILLE.

Aujourd'hui encore, quelques estaminets, lieux privilégiés de rencontres, perpétuent la flamandité dans leurs appellations :

Le PAPEGAI à ARMENTIÈRES, le MUTSE à BAVINCHOVE, et le STUYVER aussi, L'HOMMELHOF à BERTHEN, le VIERPOT à BOESCHEPE, le DRIEHOEK à BORRE, le MIDDELHOUCK à BROUCKERQUE, le HONDENEST à CAESTRE, le SCHOEBEQUE à CASSEL, le LEUGHENAER à DUNKERQUE, le SOETINVALD et L'HEGERNEST à ESQUELBECQ, le BLAUWERSHOF à GODEWAERSVELDE, le SPINNEKOP et L'HAGUEDORNE à HARDIFORT, l'EZELSTAP à HAZEBROUCK, L'HAEZEPOEL à HONDSCHOOTE, le POTJE VLEESCH à MARCQ-EN-BAROEUL, le KATJE à STEENBECOUE (MORBECQUE), le PEENEBEKE à NOORDPEENE, DE DRIE KONINGEN à DUDEZEELE, DE KIEKEPUT à OUDEZEELE, le SMYTLAP à SAINTE-MARIE-CAPPEL, le BERGUENARD à BERGUES, le CLAPHOUCK à SOCX, et le STEGER aussi, L'HAEGHE MEULEN à WARHEM, les DRIE MEULEN à WORMHOUT, et la KRUYS STRAETE et L'HOFLAND aussi, la DREVE à BOUSBECOUE, le DRONCKAERT à RONCQ, COCOVE à RECQUES s/HEM, WOLPHUS à ZOUAFQUES.