LA GUERRE 1914-1918, VUE DE SON DOMICILE, PAR UNE JEUNE FILLE DE 16 ANS DU NORD DE LA FRANCE

 

Elle habitait au 184 (à l'époque) rue de Lille à HALLUIN, près de la frontière belge

 

Journal écrit par Élisabeth LEMAIRE née à HALLUIN (Nord), le 31 octobre 1898,

 

transcrit par Pierre DECARNIN, son petit-fils, détenteur des cahiers

 

 

 

 

 

 

 

la maison à ce jour

 

 

la maison en 1921

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1er cahier

 

Dimanche 26 juillet 1914

 

L'Europe entière est émue par l'ultimatum de l'Autriche à la Serbie. Dans les bourses, le péril de guerre a eu sa répercussion. En France, la rente a aussitôt perdu plus d'un point. Le bruit court que le Pape est intervenu auprès de l'empereur François Joseph en faveur de la paix. La triple entente est visiblement déroutée par la teneur de la note austro-hongroise. L'Allemagne déclare qu'elle soutiendra l'Autriche jusqu'au bout.

 

La chambre hongroise met fin à ses questions, pour faire bloc contre la Serbie. La Russie s'interpose et demande que le délai accordé à la Serbie, pour une réponse, soit prolongé.

L'Italie fait savoir officieusement qu'elle restera neutre en cas de conflit austro-serbe.

 

Lundi 27 juillet 1914

 

Rien ne change dans le conflit européen.

 

Mercredi 29 juillet 1914

 

La situation européenne est redevenue très grave. La Russie et l'Allemagne mobilise leurs hommes très vite. La France, l'Italie, l'Allemagne ont accepté la proposition de l'Angleterre. On dit que les troupes autrichiennes auraient franchi la frontière et auraient battu les troupes serbes qu'elles rencontraient. L'Allemagne rappelle deux classes de réservistes. La Russie mobilise 14 corps d'armée.

 

Samedi 1er août 1914

 

En Europe, les préparatifs militaires sont généraux. La Belgique va rappeler sous les drapeaux cinq nouvelles classes. L'Espagne restera neutre dans le conflit. L'Italie se range de plus en plus du côté de la triplice. L'Allemagne pourrait bien envoyer un ultimatum à la Russie.

 

Dimanche 2 août 1914

 

Déclaration de guerre de la Russie à l'Autriche. La France mobilise ses hommes.

 

Lundi 3 août 1914

 

Premiers incidents de frontière dans l'Est. Les Allemands envahissent le Luxembourg. Les Russes passent la frontière. Les Allemands ont envahi le territoire français sur deux points à Long la Ville et à Cirey. L'Allemagne s'engage à respecter la neutralité de la Belgique. Les Autrichiens sont repoussés devant Belgrade.

 

Mardi 4 août 1914

 

L'Allemagne envoie un ultimatum à la Belgique. L'ambassadeur d'Allemagne : M. Schoen est toujours à Paris.

 

 

Mercredi 5 août 1914

 

L'Allemagne déclare la guerre à la France. M. Schoen a quitté Paris avec ses passeports. Un fait de guerre : le bombardement de Bône par un croiseur allemand

 

 

 

Jeudi 6 août 1914

Déclaration de guerre de l'Angleterre à l'Allemagne. Les Allemands passent la Meuse en Hollande. La Turquie mobilise ses hommes. Les Allemands sont autour de Liège. La Grèce mobilise ses hommes.

 

Vendredi 7 août 1914

 

Les Belges emportent une victoire éclatante : 40,000 allemands du 7ème corps d'armée sont mis en déroute par les belges – 8,000 allemands tués et 2,400 blessés.

 

Samedi 8 août 1914

 

La Belgique gagne une nouvelle victoire, sept régiments de cavalerie anéantis. La Belgique accorde un armistice de 24 heures à l'armée allemande pour ramasser leurs morts. Liège n'est pas occupé par les Allemands. La Hollande mobilise ses hommes. L'Angleterre appelle les hommes valides aux armées.

 

DATES DES DECLARATIONS DE GUERRE

 

26 juillet 1914 – déclaration de guerre de l'Autriche à la Serbie

2 août 1914 – déclaration de guerre de l'Autriche à la Russie

4 août 1914 – déclaration de guerre de l'Allemagne à la Belgique

5 août 1914 – déclaration de guerre de l'Allemagne à la France

9 août 1914 – déclaration de guerre de l'Angleterre à l'Allemagne

28 août 1914 – déclaration de guerre de l'Autriche au Japon

 

Dimanche 9 août 1914

 

D'après un communiqué officiel on apprend que les Français sont à Mulhouse. Liège résiste avec courage contre les Allemands. L'armée anglaise a débarqué en France et en Belgique. Les Serbes sont en Autriche. Les actes de bravoure des Belges sont incalculables, voici un exemple : un soldat belge blessé étant à l'hôpital disait : Oh docteur guérissez moi bien vite pour que je puisse vite recombattre avec mes camarades.

 

VUE GENERALE des DECLARATIONS DE GUERRE

 

L'Autriche à la Serbie :

Cause : l'Autriche accuse que les Serbes ont tué l'héritier du royaume d'Autriche

Faits : les Autrichiens envahissent le territoire Serbe et bombardent Belgrade, capitale des Serbes.

 

La Russie à l'Autriche :

Cause : les Serbes se battent contre les Russes

Faits : le Tsar mobilise ses troupes et avance vers les Autrichiens

 

L'Allemagne à la Belgique :

Cause : la Belgique ne veut pas que l'Allemagne viole son territoire, l'Allemagne pour cette raison déclare la guerre à la Belgique.

Faits : Les Allemands font le siège de Liège, mais perdent beaucoup d'hommes

 

L'Angleterre à l'Allemagne :

Cause : L'Angleterre ne voulait pas que les Allemands envahissent le territoire belge

Faits : les Anglais viennent au secours des troupes belges

 

L'Allemagne à la France :

Cause : L'Allemagne dit que des aviateurs français avaient survolé le territoire allemand et lancés des bombes, voilà pourquoi l'Allemagne a déclaré la guerre à la France

Faits : Les troupes allemandes du côté de la Lorraine traversent le territoire français et tuèrent le curé de Moineville et l'héroïque Samain

 

Remarques : Le Japon s'unit avec l'Angleterre. La Turquie s'unit avec l'Allemagne. Les troupes des colonies anglaises combattent contre les Allemands.

 

 

Lundi 10 août 1914

 

Les Français livrent un combat à Alkirch et sont vainqueurs. Les forts de Liège tiennent toujours. L'ambassadeur d'Autriche est toujours à Paris. L'Angleterre met sur pied 200,000 hommes. Les Allemands reculent sur Neubrisach. Les troupes autrichiennes viennent au secours des Allemands. Il paraît que Guillaume II est à la frontière de l'Est.

 

Mardi 11 août 1914

 

Les troupes d'Afrique viennent combattre dans l'Est. Une bataille est imminente en Belgique. L'ambassadeur d'Autriche vient de quitter Paris. Les Allemands occupent Liège sans avoir pris les forts. En France, le nombre des volontaires est de 40,000. Il paraît que les Monténégrins occuperaient Sontar. L'Italie se déclare neutre.

 

Mercredi 12 août 1914

 

L'offensive allemande a été arrêtée en Haute-Alsace. Les Allemands comptaient être le 3 août à Bruxelles, le 5 à Lille. Les Allemands font des atrocités incalculables. Voici des exemples : ils brisèrent le genou d'un jeune télégraphiste et le forcèrent à porter 25 Kg. A Berneaux un ménage complet de sept personnes furent massacrés.

 

Jeudi 13 août 1914

 

Aucun changement dans la situation.

 

Vendredi 14 août 1914

 

Un combat fut livré sur l'Othain entre les français et les allemands. Une autre bataille fut livrée à Haden lez Diest entre les belges et les allemands. Les allemands furent repoussés et les belges gagnèrent la victoire. La mobilisation Russe sera bientôt terminée.

 

Samedi 15 août 1914

 

Les troupes françaises se dirigent vers Gemboux. Trois aéroplanes allemands abattus. La prise du fort de Barchon est démentie. Le Japon aurait déclaré la guerre à l'Allemagne. Nouvelle victoire des troupes russes en Galicie. Un régiment autrichien se révolte. Les troupes d'Afrique viennent en France.

 

 

Dimanche 16 août 1914

 

Cinq millions de russes prêts à entrer en campagne. Un aéroplane allemand a été abattu par les russes. Un officier de l'état-major allemand se suicide. Un paquebot autrichien détruit par une mine.

 

Lundi 17 août 1914

 

Toute la France, haletante et recueillie attend le grand choc qui doit mettre aux prises plus d'un million d'hommes. La mobilisation s'achève. C'est dit-on, le 15 août que fut pris à St Blaise dans la vallée de la Bruche, en Alsace, le premier drapeau allemand. Le général Von Deimling est blessé à la figure, c'est lui qui commandant le corps d'armée de Phasbourg. Il fut mêlé aux incidents de Saverne. Il couvrit le Lieutenant Von Sorstner et le Colonel Von Reutter.

Il est bon et sage en temps de guerre de rappeler ce vieux dicton : celui qui peut souffrir un quart d'heure de plus de l'autre est le vainqueur.

 

Mardi 18 août 1914

 

Prise de contact heureux, en Belgique sur la Meuse entre Namur et Dinant, nos troupes françaises pénètrent en Lorraine annexée et remportent quelques succès dans les Vosges.

 

Les Anglais coulent des navires allemands. Prise de 12 canons et de 5 mitrailleuses. Les hôpitaux d'Alsace regorgent des blessés allemands, rien qu'à Colmar, il y a plus de 3,000 blessés et un très grand nombre à Mulhouse, Strasbourg.

 

Exécution à Paris du traître Gruault, caporal réserviste, espion douze balles de lebel abattirent l'infâme agenouillé.

La Russie demande à la Turquie le libre passage des Dardanelles.

 

Curieuse révélation sur le drame de Sarajevo ? casus belli ? entre l'empereur Guillaume et l'archiduc héritier d'Autriche François Ferdinand, refusa nettement, paraît-il son consentement à la politique d'aventure dans laquelle voulait s'engager l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Il refusa aussi d'approuver le programme d'armements que Guillaume II désirait que l'Autriche acceptât, François Ferdinand détestait les Hongrois.. Ceux-ci la lui rendaient. On aurait dû par conséquent tout tenter pour empêcher François Ferdinand de se rendre en Bosnie-Herzégovine, car quand l'archiduc entra en Bosnie c'était déjà un homme mort. Dès que l'infortuné fut tombé sous les balles des assassins, on vit le gouvernement de Budapest pousser la monarchie vers une aventure. Le comte Cisza, chef du gouvernement hongrois, s'opposer et toute politique de conciliation à l'égard de la Serbie et il réclama contre celle-ci une action aussi prompte qu'énergique. Vienne suivit, l'Allemagne avait donc trouvé là les agents provocateurs qu'il lui fallait.

 

On peut affirmer que François Ferdinand vivant, l'Allemagne n'eut pu, avec la complicité de la Hongrie, déchaîner la guerre européenne, elle l'aurait pu d'autant moins que le crime de Sarajevo fut précisément le prétexte qu'on invoqua pour mettre le feu à l'Europe. Le moins qu'il soit permis d'avancer c'est que l'archiduc François Ferdinand et sa femme furent les premières victimes de la conjuration dont l'Allemagne portera devant l'histoire toute la responsabilité (texte de l'écho de Paris, signé par André Mévi).

 

Mercredi 19 août 1914

 

Vieil élan gaulois, français, romain existe toujours, c'est une guerre de race. Le voilà donc engagé l'énorme duel des Germains contre les Latins et les Slaves tant de fois prédit. C'est la guerre de la France catholique contre l'Allemagne protestante. Puisse notre patrie répondre son rôle intégral de fille aînée de l'église.

 

Progrès en Haute Alsace, la majeure partie des vallées des Vosges est conquise. Les Allemands subissent des pertes importantes. Notre artillerie a des effets démoralisants et foudroyants pour nos adversaires. Tracts curieux de fausses nouvelles trouvés sur le carnet d'un officier de cavalerie allemand. L'officier note qu'un automobiliste français a traversé l'Allemagne pour porter un milliard en Russie. Il enregistre la nouvelle de l'incendie de Paris, l'assassinat de Poincaré est chose certaine, il note aussi la prise de Varsovie par les troupes allemandes, il écrit que les sources d'eau et les farines sont empoisonnées et que les allemands fusillent tous les médecins et les meuniers.

 

Remise au Invalides de plusieurs drapeaux allemands. On annonce le suicide du Général allemand Von Emmich qui commandant l'armée allemande à Liège.

 

 

 

 

Jeudi 20 août 1914

Les masses russes s'ébranlent. La mobilisation fut faite en 17 jours. La Russie doit prendre l'offensive tout à la fois contre l'Allemagne et contre l'Autriche (on écrit dans les journaux que le pape a reçu les derniers sacrements). On écrit aussi que les lourds régiments uhlans tournent bride lorsqu'ils arrivent à 59 mètres notre cavalerie. Ils ne tiennent pas devant les chasseurs, malgré les efforts de leurs officiers. Quant à notre artillerie de campagne il suffit qu'elle entre en scène pour tout dominer.

 

La situation est sans grand changement en  Alsace.

 

Vendredi 21 août 1914

 

Comme un coup de foudre l'univers a reçu hier la nouvelle simultanée de la maladie et de la mort de son pontife suprême le grand pape Pie X, c'est vers 2h du matin dans la nuit du 19 au 20 août.

 

Les turcs sèment la panique dans l'armée allemande. Voilà enfin que trois ou quatre millions d'hommes se trouvent en présence.

 

Le japon déclare la guerre à l'Allemagne dont il convoite les colonies d'Extrême Orient.

 

Samedi 22 août 1914

 

Exploits des avions et des dirigeables français. Succès de nos troupes près de Bâle en Suisse. Les Allemands ont bombardé Mars la Tour.

 

Dimanche 23 août

 

C'est jeudi vers deux heures que les allemands sont entrés à Bruxelles. Ils sont arrivés en deux colonnes, l'une qui s'est présenté par la chaussé de Louvain et l'autre par l'avenue Tervucren.

 

Lundi 24 août 1914

 

Les journaux démontrent la supériorité incontestable de notre artillerie et la valeur offensive de notre infanterie.

 

A signaler la bataille de Charleroi et l'engagement des russes qui battent les allemands. Un zeppelin est détruit dans l'Est. Bruxelles est frappée d'une contribution de deux cent millions ce qui représente 1030 Fr par habitant. Il est cependant contraire à toutes les lois de la guerre qu'une armée impose une contribution aux villes ouvertes et aux état dont ils violé la neutralité.

 

25, 26, 27 août 1914

 

Les journaux ne paraissent plus car d'importantes rencontres ont lieu entre des groupes allemands et des troupes françaises notamment mardi et mercredi dans l'arrondissement de Lille et de Douai. On s'est battu principalement à Marchiennes, à Orchies, à Templeuve et à Cysoing.

 

Les patrouilles de cavalerie allemande sont dans tout l'arrondissement. Lille reçoit des blessés dans ses diverses ambulances. Vers 3 heures de l'après-midi, l'action s'engagea à Orchies entre l'infanterie française et l'infanterie allemande appuyée d'une quantité considérable de uhlans et dragons. L'artillerie française conona les lignes d'infanterie ennemies. Un régiment de cuirassiers entra en scène quand la canonnade fut achevée. Il chargea les allemands pendant que notre artillerie se retirait. Cette charge vigoureuse mit l'ennemi en déroute. Le champ de bataille était couvert de cadavres, les morts et les blessés s'entassaient de toutes parts. Les troupes françaises marchaient au combat en chantant la Marseillaise. Deux régiments territoriaux de la Vendée, arrivés dans la soirée de la journée d'hier, sont presque tous anéantis à Orchies. Tournai doit payer une contribution de guerre de deux millions.

 

Vendredi 28 août 1914

 

Nouveau Ministère de la défense nationale. Les évènements dans la région continuent, le Nord est presque entièrement occupé par des patrouilles allemandes. Entre les Vosges et Nancy les troupes françaises continuent à progresser.

 

Le prince Ernest de Saxe Meninger grièvement blessé est hospitalisé à Maubeuge.

 

Le Général Galliéni âgé de 65 ans commande l'armée de Paris. L'Angleterre décide de mener la lutte à fond, elle veut une armée qui ne soit ni en qualité, ni en nombre et des responsabilités de l'empire britannique.

 

Le Maréchal allemand Von Der Goltz est nommé gouverneur général de la Belgique (on appelle la classe de 1914 en France) la guerre paraît donc devoir être longue et ses fortunes diverses.

 

Samedi 29 août 1914

 

Les conscrits de la subdivision de Lille doivent se rendre à Mont Audemer.

 

Dans une tranchée, une section toute entière avait été fauchée par les obus français. On a trouvé à cet endroit plus de 1,500 cadavres dans un espace très restreint.

 

Dans le Nord, les lignes franco-belges ont été ramenées en arrière. A Condé sur Escaut une division allemande a obligé les femmes et les enfants restés dans la ville.

A Somain ils mettent le feu à l'hôtel de ville, ils imbibèrent de pétrole les portes et les fenêtres de la mairie et ils mirent le feu à l'édifice, pour donner ainsi un signal convenu au gros de leurs troupes qui suivaient. Les voies ferrées furent aussi déboulonnées.

 

Dimanche 30 août

 

A Denain, les uhlans exigèrent du député-maire l'ouverture de la Caisse municipale. Ils se présentaient au maire, revolver au poing.

 

A Péronne il y eut un engagement heureux. Les allemands avancent généralement en rangs serrés sur cinq files d'épaisseur et aussitôt qu'une colonne est abattue, une autre arrive sur le champ de bataille en passant sur les morts et les blessés.

 

Le Général Michal est nommé à Lille en remplacement du Général Perein. 20,000 allemands ont défilé à Valenciennes. On entend qu'ils sont 50,000 hommes dans le Nord près d'Orchies et de Marchiennes.

 

 

Note du transcripteur : Dans les armées germaniques, un uhlan est un cavalier armé d’une lance, similaire au lancier des armées françaises.

Le mot uhlan vient du tartare ? Oglan ? qui signifie ? brave guerrier ?.

Première Guerre mondiale, l'armée allemande alignait 26 régiments de uhlans : 3 régiments de la Garde, 21 régiments de ligne (16 prussiens, 2 wurtembergeois et 3 saxons) ainsi que 2 régiments de l'armée bavaroise autonome. Après avoir servi comme cavalerie aux tous premiers mois de la guerre, les régiments de uhlans ont servi comme fantassins dans les tranchées ou ont été transférés sur le front Est où les conditions plus primitives permettaient à la cavalerie de jouer un rôle décisif.

Les 26 régiments de uhlans ont été dissous en 1918-1919.

 

 

 

 

Lundi 31 août 1914

 

Départ de la classe 1914. Malines est repris par les allemands, Namur et Liège sont occupés par les allemands. Patrouilles allemandes circulent dans la région de Lille. Les réfugiés doivent quitter Envers, les russes emportent beaucoup de succès

 

Mardi 1er septembre 1914

 

La situation générale s'est modifiée sur nos ailes. A notre gauche les allemands ont gagné du terrain. Dans le centre pas de modification sensible, on ne s'est pas battu. En Lorraine nous avons remporté de nouveaux avantages.

 

Mercredi 2 septembre 1914

 

Les allemands ne sont pas encore venus à Lille mais le Maire fait un appel à la population. Funérailles des premières victimes de la guerre morts pour la patrie à Arras. Les allemands ont perdu 900 hommes et 5 vaisseaux. 38,000 ménages dans la détresse à Bruxelles. Préparatifs de défense à Ostende.

 

Jeudi 3 septembre 1914

 

Situation inchangée, on jette des bombes sur Paris puis sur Anvers.

 

Étudiants louvanistes prisonniers en Allemagne. On nous fait le récit de ces prisonniers :  jeudi dernier vers 9h du matin, on donna ordre à la population de quitter la ville. étant sortie de la ville ils séparèrent les hommes des femmes et expédia à Cologne les étudiants. On nous mit dans un train où les voitures étaient sales et dépourvus de siège. Le premier jour on nous donna rien à manger, les autres jours un pain pour 18 personnes, il était très difficile de se procurer de l'eau fraîche. Arrivée à Cologne on y resta trois jours puis on fut expédié en Belgique toujours sous menace de mort. Les allemands nous ont fait faire une promenade dans Bruxelles enfin on nous ordonna sous peine de mort de nous rendre à Malines où nous fûmes recueillis à bras ouverts par nos soldats belges.

 

Vendredi 4 septembre 1914

 

La division belge de Namur est rentrée en bon ordre aujourd'hui à Anvers. Termonde a été attaqué vendre par des forces importantes de toutes armes. Le combat a duré toute la matinée. Devant le nombre d'allemands la garnison a abandonné la ville et s'est retirée au Nord de l'Escaut.

 

Samedi 5 septembre  1914

 

Prise de 10 canonna allemands par les anglais. Les allemands ont attaché Maubeuge avec leurs gros canons de siège de 42cm attelés de 36 chevaux. A Maubeuge les français ont réussi à démonter deux canons de siège des allemands.

 

Paris militarisé. Avions allemands survolant Paris. Les russes sont à Lembergs, des allemands quittent Lille mais en levant plusieurs automobiles. Roubaix reçoit la visite des allemands. Le cardinal della Chiesa est élu pape; il a pris le nom de Benoît XV.

 

Dimanche 6 septembre 1914

 

Avance des russes. Lutte acharnée pour Maubeuge. La guerre aérienne au-dessus de Paris. Les serbes remportent une grande victoire. Marche sur Paris. Les armées autrichiennes en fuite. Termonde bombardé. Malines inondée. On annonce que Malines a été sous eau par le génie belge. Les otages à Roubaix-Tourcoing. Environ 500 douaisiens mobilisables furent passés en revue par les allemands sur la place du Barlet à Douai et emmenés comme prisonniers en Allemagne.

 

 

Lundi 7 septembre 1914

 

L'ennemi néglige Paris et marche dans la direction Sud-Est vers la Marne. Dans la métropole nous disant dit que lorsque la classe 1914 sera prête pour aller au feu la classe 1915 sera immédiatement appelée.

 

Les officiers allemands avouent que la partie est perdue. Les russes emportent de nouveaux succès. Plusieurs personnes charitables verseront 25 Fr à la prise d'un drapeau allemand. Les allemands déposent leur carte de visite à chaque coin de table chez une veuve de Bruxelles. A Namur les soldats allemands ivres mirent le feu dans certaines rues. Les belges se réfugient.

 

Mardi 8 septembre 1914

 

L'autorité militaire allemande défend aux habitants de Liège de sortir de leurs maisons pendant 3 jours. Les troupes allemandes se dirigent vers Gand. Les allemands sont à Termonde. A Termonde une soldatesque ivre mit le feu à plusieurs maisons et tira sur les vieillards, femmes et enfants, arrachant leurs bijoux et les forçant à donner tout l'argent qu'ils portaient sur eux.

 

Le Kaiser et son état-major quittent la France pour se rendre à Mets. Les avions allemands ne survolent plus Paris.

 

Mercredi 9 septembre 1914

 

Maubeuge résiste victorieusement. Le 9 septembre il y avait déjà 18,000 anglais morts, officiers et soldats. Une dépêche de Berlin nous affirme que plus de 2,000,000 de soldats allemands qui traversèrent le Rhin en 19 jours. On nous raconte que sur la route de Varsovie un paysan allemand conduisait une voiture chargée de sacs, l'équipage fut rencontré par des cosaques qui demandèrent au voiturier ce qu'il transportait : légumes pour le marché. Un des cosaques perça un des sacs avec une baïonnette, un cri perçant se fit entendre, c'était un espion allemand caché dans le sac, il fut arrêté et traduit en conseil de guerre. Les allemands marchent t vers Gand, entrevue avec le bourgmestre. Le 10ème corps d'armée autrichien est complètement détruit.

 

Jeudi 10 septembre 1914

 

La plus grande bataille de l'histoire est engagée. Deux millions et demi d'hommes sont en présence. Le front du combat s'étend de Paris à Verdun. Nous avançons sur nos ailes et au centre très lentement. Dans les Vosges et en Alsace pas de modification. La classe 1915 va être appelée dans quelques mois. Les allemands n'entrent pas à Gand mais font de fortes réquisitions. Les brevets et les marques allemandes sont déclarés nul en angleterre.

 

Vendredi 11 septembre 1914

 

On se bat chaque jour sur la ligne Mean-Verdun et nous remportons de nouveaux succès. Les armées franco-anglaises forcent l'ennemi à recoller sur tous les points principaux. Le ministère de la guerre nous dit que nous sommes obligés pour le moment de faire de grands sacrifices mais nous marchons à la victoire. Quinze mille membres du clergé catholique sous les armées. 5,000 allemands réduits à 250 à Bette. Des artilleurs de Maubeuge rendent leurs canons inutilisables et arrivent à Dunkerque. L'Italie adresse une protestation à l'Allemagne.

 

Samedi 12 septembre 1914

 

Les troupes franco-anglaises prennent l'offensive. La forteresse de Paris est une des plus fortes du monde. L'Autriche appelle ses dernières recrues c’est-à-dire des hommes de 37 à 42 ans.

 

 

 

 

50,000 allemands traversent la Belgique pour donner des renforts sur l'aile droite en France. Les troupes allemandes sont fatiguées. La Tribuna nous affirme que 20,000 russes arrivent en France. A Paris plus d'un million d'habitants ont quitté la ville. A Cambrai la ville dut fournir le premier jour de l'invasion de la nourriture pour 50,000 hommes et 20,000 chevaux. A Lille une patrouille de uhlans se rend à la mairie où elle demande au maire deux agents pour les conduire sur la route de Tournai.

 

Dimanche 13 septembre 1914

 

Les allemands sont battus en retraite puis les anglais leur prennent onze canons et font 1,500 prisonniers. Prise de deux drapeaux allemands. Sur la bataille de la Marne : pertes considérables infligées à l'ennemi. Les denrées alimentaires sont à des prix très élevés à Bruxelles. Les allemands dans la région : Renaux; Tournai, Lille etc

 

Lundi 14 septembre 1914

 

Les allemands sont en véritable déroute près de Montmirail et sont obligés de se replier sur tout le front. Les habitants de Lunéville, Pont à Mousson, St Dié sont évacués. En Alsace, les ouvriers italiens enterrèrent 15,000 cadavres allemands. Le Kaiser et son état-major se tiennent à Luxembourg où se trouvent des uhlans campés sous 700 tentes. La bataille de la Marne a duré une semaine. Notre victoire est complète, télégraphie le Général Joffre. Termonde réoccupée par les Belges. Guillaume II né à Berlin je jeudi 27 janvier 1859.

 

La jonction de Saturne, de Mars et de Taureau prédit la chute de la Maison de Hohenzollern et l'empire allemand en 1913-1914 ou 1915, Jupiter prédit que Guillaume II est le dernier empereur allemand de la maison de Heusden-Zolder. S'il y a une guerre en 1914 entre la France et l'Allemagne, la France sera victorieuse.

 

Plus de farine an Alsace.

 

Mardi 15 septembre 1914

 

L'ennemi est en retraite sur toute la ligne à l'ouest de la Marne et non seulement il a subi des pertes importantes en hommes et en matériel, mais encore son moral est vigoureusement atteint. La famine et la misère se font sentir à Berlin. Le chômage est formidable en Allemagne et non en Angleterre;

 

Mercredi 16 septembre 1914

 

La bataille de l'Aisne, l'armée du Kronprinz repoussée, 600 prisonniers et douze canons capturés. Tout l'empire britannique marche contre les Teutons. Les Russes emportent de belles victoires. Les allemands incendient la maternité de Haecht, dans cet établissement il y avait des vieillards, des femmes et des enfants, tout le personnel avait pris la fuite sauf la directrice et une femme de ménage avec 156 petits enfants, elles durent se réfugier dans la cave cachant avec un soin jaloux des trésors confiés à leur sollicitude. Survint trois de non soldats qui les délivrèrent, malheureusement trois des enfants étaient morts de privations, les autres furent conduits à Anvers par ces braves soldats.

 

Défense d'introduire des journaux belges à Bruxelles sous peine de mort; La Hollande mobilise ses hommes.

 

Jeudi 17 septembre 1914

 

Après la bataille de la Marne, nombreux prisonniers, notre victoire est connue en Allemagne. Un hussard fait 300 prisonniers. A Valenciennes, les allemands réquisitionnent vélos et autos, 60,000 allemands traversent la ville à Denain, dans le Nord, canton de Lannoy) une veuve a huit fils sous les drapeaux; Famine à Hambourg

 

 

Vendredi 18 septembre 1914

 

Nous progressons très lentement mais l'esprit d'offensive anime nos troupes, leur état moral est excellent. Au Nord de l'Aisne, les allemands ont voulu disputer le passage de la rivière à nos troupes, le Général Pau a fait sauter un convoi de munitions allemandes en Belgique c'est la chasse aux allemands, ceux-ci se déguisent à Bruxelles et dans les environs.

 

Samedi 19 septembre 1914

 

La bataille continue, Monsieur l'abbé Deblecque, curé de Maing, fusillé par les allemands. Aucun prussien se trouve à Nancy, les belges coupent les communications allemandes

 

Dimanche 20 septembre 1914

 

Aucun changement dans la situation d'ensemble sinon que nous continuons à progresser à gauche et qu'on constate une légère accalmie dans la bataille. Sur la rive droite de l'Oise et dans la direction de Noyon, nous avons progressé, nous tenons toutes les hauteurs de la rive droite de l'Aisne, en face d'un ennemi qui paraît se renforcer par l'apport de troupes venues de Lorraine. Les allemands n'ont pas bougé des profondes tranchées qu'ils ont construits, l'armée du Kronprinz continue son mouvement de retraite.

Les deux partis, fortement retranchés se livrent à des attaques partielles sur tout le front sans qu'on ait à signaler d'un côté ni de l'autre de résultat décisif.

 

Lundi 21 septembre 1914

 

Un drapeau fut pris au sud de Noyon par les français, de nombreux prisonniers ont été faits aux 12ème et 15ème corps et à la garde impériale.

Les Allemands malgré leurs attaques d'une violence extrême, n'ont pu gagner le moindre terrain devant Reims, ils continuent à bombarder la cathédrale.

Les tranchées allemandes sont profondes d'un mètre environ, elles comportent des pare-éclats de 20 mètres en 20 mètres et des chambres de repos, qui sont couvertes par des planches, elles-mêmes recouvertes de terre, elles comprennent plusieurs rangées parallèles, flanquées d'autres tranchées perpendiculaires avec des mitrailleuses enterrées. On comprend que dans ces conditions notre avance ne puisse être très rapide.

300 prisonniers français ont réussi à s'échapper la nuit du train qui les avait amenés à Bruxelles, des habitants leur fournirent des effets civils, sous lesquels il s'enfuirent.

 

Mardi 22 septembre 1914

 

Nos troupes violemment contre-attaquées par des forces supérieures, ont cédé quelque terrain, qu'elles ont ensuite reconquis. Les allemands ont manifesté une recrudescence d'activité, des combats allant jusqu'à la charge à la baïonnette se sont livrés.

Pour arrêter la marche des troupes françaises, les allemands firent un rempart de morts et de blessés, ce mur de 6 pieds de haut dut être franchi par les Turcos avant de pouvoir déloger l'ennemi à la baïonnette, il y eut là plus de 7,000 allemands tués.

 

Mercredi 23 septembre 1914

 

Le fléchissement continue, de ce côté il n'y a pas de défenses naturelles, pour s'abriter contre les terribles arrosages de notre canon 75, les allemands n'ont que les silos bourbeux qu'il creusèrent pour s'y tapir. Certes l'armée saxonne et la garde prussienne fut très éprouvée durant ces dernières journées.

Le Général Von Hausen a été destitué et remplacé par le Général Von Eissen, ministre de la guerre prussienne.

La garde de Napoléon disait : la garde meurt et ne se rend pas. La garde prussienne, meurt quelquefois et se rend par pièces et par morceaux. L'ennemi paraît donc s'user sans trop nous entamer et sa situation s'aggrave de jour en jour.

 

Jeudi 24 septembre 1914

Aucun changement dans la situation, des combats violents se livrent sans discontinuer, les attaques violentes de l'ennemi ont été repoussées. Comme toujours la guerre terrible déplace ses ailes sanglantes. Voici une proclamation de Guillaume II après avoir appelé les recrues de 1914, 1915, 1916, l'Allemagne, dit cette proclamation n'as pas demandé la paix, l'Allemagne combattra jusqu'à la fin, jusqu'au dernier homme, car l'existence de la nation dépend du sort de la lutte.

 

Mercredi 25 septembre 1914

 

On ne progresse que de 300 m à 1 km par jour, cette bataille de l'Aisne est à peu près comme une guerre de forteresse.

Maintenant on se demande ce que va faire l'Italie et la Roumanie, car les appétits sont grands et les scrupules fort minces, aussi l'Italie pourrait bien chercher en ce moment s'il ne se trouve point par hasard quelque « casus belli » utilisable et fructueux. Quant au roi Carol, on sait que le Carol de Roumanie est un Heusden-Zolder, donc trahira-t'il la cause de son impérial parent, en écoutant les voeux de son peuple et en prenant parti contre l'Autriche-Hongrie ? Cruelle perplexité.

 

Le Japon commence à s'agiter sérieusement tout fait présage qu'il déclarera aussi la guerre à l'Allemagne, du reste, de ce côté la situation est très claire.

 

 

 

 

 

 

 

2ème cahier

 

 

Samedi 24 septembre 1914

 

La bataille engagée sur l'Aisne dure déjà depuis 8 jours, on nous dit que les attaques allemandes échouent de plus en plus. Le duel d'artillerie redouble avec ardeur mais le Général Joffre comme Turenne, il ne laisse rien à la fortune de ce qu'il peut lui enlever aussi que sont devenu les fameux corps d'armée de la vieille Prusse, et les contingents de Westphalie, de Hanovre et de Brandebourg, ils vont probablement fuit en déroute devant l'armée des alliés.

Saluant en passant les héros français tombés dans cette lutte gigantesque pour la patrie.

L’Espagne envoie une épée d'honneur au Général Joffre en témoignage d'admiration pour la manière dont il conduit la présente campagne.

 

Dimanche 27 septembre 1914

 

Deroulède ce grand chantre de la  revanche disait dans on hymne patriote que « France veux-tu de mon sang ? Il est à toi ma France ! 

s'il te faut ma souffrance

souffrir sera ma loi

s'il te faut ma mort, mort et vive toi

ma France « 

 

c'est le cri de nos soldats sur le champ de bataille, le cri de nos fantassins sou la mitraille, comme le cri du cavalier chargeant sabre au clair, et celui aussi de l'artilleur, pointant son canon au milieu des obus et des balles, c'est encore le cri du zouave, du turco enlevant à la baïonnette une position allemande.

Les allemands recommencent le bombardement de la cathédrale de Reims

 

Lundi 28 septembre 1914

 

Toutes les attaques des ennemis furent repoussées, nous progressons sur plusieurs points, quelques attaques menées jusqu'à la baïonnette furent toutes repoussées. Les lignes de tranchées françaises et allemandes ne se trouvent, en maints endroits, qu'à quelques centaines de mètres les unes des autres.

On se bat présentement sur une ligne presque ininterrompue qui va d'Anvers à Valenciennes, de Valenciennes à Noyon, de Noyon à Reims, Verdun, Toul, Epinal et Belfort. Jamais dans l'histoire, ni au temps d'Annibal ou de César, ni à l'époque des invasions des Barbares, ni sous Charlemagne, ni même sous Napoléon, la terre n'a tremblée sous le choc d'aussi gigantesques armées aux prises sur un front aussi étendu. On se bat sur environ 600km, un taube lance des bombes sur Paris

 

Note du transcripteur : taube :

Installé près de Berlin, ETRICH entreprit la construction de son monoplan à ailes et queue de pigeon connu sous le nom de Taube (pigeon en allemand). Transformé en biplace, le Taube participa aux grandes manoeuvres de l'armée impériale en 1912 et 1913. La puissance des moteurs dont il fut successivement doté augmenta d'année en année, pour atteindre 75 CV en 1914, grâce au fameux " 6 cylindres en ligne " de Mercedes. Considéré comme un des meilleurs appareils germaniques du moment, cet engin fut commandé en série par l'état-major et avec les biplaces " Aviatik ", " Albatros " et " Rumpler ", il forma l'épine dorsale de l'aviation allemande de guerre. Mais, au printemps 1914, ETRICH sortit la dernière version de ce monoplan (un des derniers à ailes gauchissables). Le nouveau modèle avait une surface d'ailes agrandie ; les ailes elles-mêmes étaient mieux reliées au fuselage. Le train d'atterrissage comportait toujours un patin central, qui allait être bientôt supprimé. Avec cet appareil plusieurs pilotes allemands, dont le plus célèbre fut Friedrich, tentèrent de battre les records de durée et de distance que se disputaient leurs rivaux " Aviatik " et " Albatros ". Cependant, les Taubes durent s'incliner devant la supériorité des biplaces. Piqué au vif, ETRICH apporta alors des modifications de dernière heure, agrandissant la réserve d'essence et montant sur la cellule le nouveau moteur Mercedes de 100 CV... Et ainsi, le Taube put triompher dans d'autres épreuves, hélas néfastes et meurtrières : les missions de guerre ...

 

 

Mardi 19 septembre 1914

 

Frissons de victoire, la titanesque lutte des bords de l'Aisne, nous sera favorable même très favorable. L'ennemi n'a pu rompre aucune ligne et nous avons pris un drapeau allemand ainsi que des canons, et fait de nombreux prisonniers. Les commandants d'armée disent qu'ils ont beaucoup de mal à retenir leurs soldats, il est probable que les généraux allemands n'enverront pas cette constatation à leur Kaiser.

 

Honneur aux vainqueurs, saluons l'héroïsme admirable de nos chers soldats

 

Mercredi 30 septembre 1914

 

Saint Michel l'archange gardien de la France va la sauver, ayons un redoublement de confiance, nous marchons vers la victoire, nos troupes ont supporté avec grand succès de nouvelles et très violentes attaques, la victoire de l'Aisne sera complète pour nous. Les nombreux prisonniers allemands appartiennent au 7ème de réserve et aux 10, 12, 15 et 19ème corps d'armée.

Un taube a lancé de nouveau une bombe sur Paris, Avenue du Trocadéro, résultat minime une petite fille blessée et un vieillard tué, cheveux blonds et cheveux blancs noyés dans une même mare de sang.

 

On voit que les fleuves et rivières ont toujours joué un rôle important dans les choses sanglantes des nations, voici déjà 2 grands fleuves : le Rhin et la Seine, mais les allemands n'ont pas atteint la Seine et peut être que les français atteindront le Rhin. Puis viennent la Meuse avec la défense héroïque de Liège et Namur, la seconde rivière à jamais illustré  dans ce drame terrible, c'est la Marne, ce fut là la 1ère grande victoire française. Puis voilà celle de l'Aisne ou dans des tranchées formidables s'ensevelissent par dizaines et dizaines de mille ses soldats allemands. Nos ennemis abandonnent sur les coteaux et les plaines de la Picardie et de la Haute Champagne les débris pantelants de ses meilleures armées

 

 

 

Jeudi 1er octobre 1914

 

L'ennemi subit de fortes pertes entre l'Oise et l'Aisne, nous faisons de faibles progrès en Argonne, nouvelle avancée à l'est de St Méhiel, les allemands ont beaucoup de blessés. Le général Von der Golth prédit la chute de l'Allemagne. Bel exploit d'un français, il sonne la charge comme celui du clairon de Deroulède. Arrestation de M. Max Bourgmestre de Bruxelles. Anvers s'attend à être assiégée; En Turquie, les Dardanelles sont fermées. Les Serbes prennent l'offensive.

 

Vendredi 2 octobre 1914

 

Aucun changement dans la situation d'ensemble, un sergent du 43ème d'infanterie, propagateur de mauvaises nouvelles est condamné. Notre front s'étend de 300 km. Malines est réoccupée par les Belges. L'Allemagne perd toutes ses colonnes, on nous raconte l'incendie d'Orchies : les allemands arrivent vers deux heures par petits groupes, un officier les commande, il se rend à l'hôpital pour faire évacuer des blessés allemands et les envoyer à St Amand, ensuite il déclara qu'Orchies serait châtiée, alors les soldats incendient les maisons, en moins de trois heures une partie de la ville fut incendiée. Dans les communes voisines ainsi que de Douai on apercevait de grandes lueurs pourpres qui éclairaient le ciel.

 

Samedi 3 octobre 1914

 

Rien de particulier à signaler, sauf que nous progressons un peu. A Berlin c'est fini de rire. A Anvers le bombardement continu, les forts résistent, les allemands écrasent les russes sur le Niémen. A Bruxelles le prix des denrées a augmenté depuis quelques jours le pétrole vaut 1 Fr le litre, la viande et le beurre 5 Fr le kg, un hareng coûte 0,80 Fr, le pain se fait très rare. A Tournai héroïque défense du faubourg de Morelle, il y avait 3,000 belges contre 7,000 allemands soutenus par du canon et des mitrailleuses.

Le lendemain vers midi, dans la salle des délibérations, un officier allemand revolver au poing, entra et fit cette déclaration : des civils ont tiré sur des soldats allemands, le bourgmestre fit un geste de protestation, vos dénégations sont inutiles, nous avons des preuves, si ce soir vous ne remettez pas 2 millions la ville sera bombardée. Le bourgmestre avait trouvé l'argent mais on le prit comme otage lui et son évèque. Les gens de Morelle ont fait faire un motif en fonte dont le caractère très simple est extrèmement touchant, sur une croix plantée en terre, deux fusils posés en faisceau sont reliés à leur partie supérieure par un clairon lequel est encadré d'un bandeau portant cette inscription : à la mémoire des victimes du combat du 24 août 1914. En bas l'écartement des fusils, deux baïonnettes sont jointes par un écusson portant trois lettres de proclamation du maire à Lille : il y a des forces allemandes tout autour de Roubaix, Tourcoing et dans les paisibles communes de Roncq, Linselles, Menin, sont occupées par elles. Ce mouvement se fait suivant le communiqué au nord de la ligne Tourcoing-Armentières

 

Invasion du 4 octobre 1914

 

En ces jours d'inquiétude et d'angoisse que nous passons, je ne vaux pas laisser passer ces événements sans en noter les divers détails. Chaque jour  nouveau, toujours de l'imprévu, de l'espérance nous passons au découragement, du découragement au dépit, du dépit au calme.

 

C'est le dimanche 4 octobre que les allemands firent leur apparition dans votre chère ville d'Halluin. Ils arrivèrent par la Belgique, de Tournai sans doute se dirigeant vers Bousbecque, Comines. Durant la matinée ils traversèrent la ville au nombre de 400 environ, l'après midi quelques uhlans firent leur apparition, le soir nous apprenons qu'un combat s'est livré autour de Lille. Arrivée de nombreuses troupes se dirigeant vers Bousbecque, quelques une de ces troupes logent dans le gravier, dans les usines Gatry, dans bien des maisons d'ouvriers ont laissé de tristes souvenirs : ils dévalisent, ils boivent, ils mangent ce qu'ils trouvent même dans les maisons closes où ils brisent tout pour entrer. Certains de ces soldats se changent de linge dans les maisons.

 

 

 

 Dans la nuit de lundi à mardi 24 autos passent chez nous se dirigeant vers Roncq où heureusement ils ne stationnèrent pas longtemps. En effet mardi matin papa nous signale la présence de la cavalerie au Mont, là sont ceux qui font demi-tour se dirigeant vers Reckem, Mouscron, il en passe ainsi puis midi jusqu'à la tombée de la nuit.

 

Vers le milieu de l'après midi il y eut un arrêt où l'on vit quelques cavaliers s'échelonner dans le Mont, ils commencèrent quelques tranchées, de loin nous vîmes repasser les fameuses autos. Le matin d'autres troupes passent au Gravier ayant pris aussi la poudre d'escampette, de 8 h à midi il ne cessa d'en passer à Menin.

 

Jeudi 8 au matin nous vîmes arriver au galop une patrouille de dragons français, quelle joie !, quel soupir de soulagement, mais hélas leur apparition fut de bien courte durée, ils tournèrent bride car il n'étaient pas en force pour attaquer les quelques troupes allemandes restées à Menin.

 

Vendredi 9 octobre 1914

 

relativement calme (car le canon tonne toujours) au loin des aéroplanes viennent à tout moment survoler Halluin, quand vers 4h le bruit court en ville avec persistance qu'un 3ème corps d'armée ennemi est en déroute et que les hommes du 18 à 48 ans doivent partir pour Gravelines, c'est affiché dit-on à Tourcoing, on n'y prête d'abord aucune attention, mais le soir cette nouvelle est officielle. Grand émoi dans toute la ville et particulièrement ici car Édouard (son frère) doit partir, ce dernier accepte très joyeusement ce départ, il s'entend avec ses amis, son paquet est prêt. Tout le monde est sur pied de très bonne heure, les derniers préparatifs sont terminés, il doit partir, papa va le conduire jusqu'à Lille en voiture avec Cousin et Raymond qui partent aussi.

 

Dans la matinée le bruit court que les mobilisables doivent revenir, en effet on en voit quelques uns, on espère que papa reviendra avec Édouard, il n'en n'était pas ainsi. Papa arrive seul vers 3h, il avait conduit Édouard jusqu'à la porte de Béthune, puis étant revenu sur la grand'place quel ne fut pas son étonnement d'y voir quelques allemands. Il apprit là que l'on ne laissait plus passer à la porte de Béthune, aussi il rejoint vite le tramway pour prévenir Édouard, mais peine perdue Édouard était déjà parti. C'est lors quand il revient sur ses pas qu'il vit une charge de chasseurs à cheval traversant la grand'place et partant à la poursuite des allemands. Nous attendîmes Édouard toute la soirée avec beaucoup d'inquiétude car un grand nombre de ses camarades étaient revenus, ce fut en vain qui nous attendîmes toute la soirée, toute la nuit et tout le dimanche. Nous étions d'autant plus inquiets que nous entendions tonner le canon avec violence dans la direction de Lille.

 

L'autorité militaire française empêche dit-on de sortir et d'entrer dans Lille, enfin la journée s'écoula lentement nous laissant dans l'inquiétude.

 

Le matin nous nous levons plein d'espoir pour la journée, hélas cette journée devait se passer comme la précédente, le matin 9 cavaliers allemands arrivaient de la direction de Lille par la grand'route, un quart d'heure après on entend craquer les mitrailleuses, c'était en effet 7 autos mitrailleuses les poursuivant dans le Gravier. Quelques uns de ces cavaliers furent faits prisonniers, les autres blessés, certaines maisons du Gravier eurent la trace de cette petite escarmouche, car des balles traversèrent le mur. Ce fut le seul incident qui marqua cette journée d'attente et d'inquiétude.

 

Le canon tonne toujours, pendant la matinée plusieurs mobilisables reviennent, l'espoir renaît, l'après midi nous attendons avec impatience, 4 et 5h sonnent et toujours personne, mais voilà que vers 5h ? Édouard est annoncé, en effet c'était bien lui.

 

Mais quel changement moral et physique, il avait passé des heures et des nuits terribles. Il avait vécu 1 jour et 2 nuits dans une cave, il avait entendu sifflement des obus, les sinistres craquements, il avait vu de tristes spectacles. Lille en feu, en un mot il avait assisté au bombardement de Lille et à sa reddition, il avait dû fuir pendant la nuit au milieu des obus car la maison où il se trouvait était menacée d'incendie, le mardi matin il voulut partir et c'est alors qu'il rencontra, triste cortège, des prisonniers français, ainsi que des goumiers.

 

Note du transcripteur : Goumiers : Un goum est une unité de goumiers, soldats marocains de l’armée française. Ils ont existé de 1908 à 1956.

 

Des mobilisables étaient dans le nombre qui s'en allaient en Allemagne subir une dure captivité. Après avoir fait le boiteux pour traverser les lignes allemandes, il arriva très fatigué et encore tout frappé des tristes moments qu'il avait passés.

 

Nous pensions passer une journée de repos et de paix mais nous nous trompions comme les autres jours nouveau spectacle, : quelques patrouilles allemandes, c'était l'avant garde, car en effet l'après midi il nous arriva de l'artillerie, de la cavalerie et de l'infanterie qui cantonnèrent à Halluin. Nous nous trouvâmes ainsi obligés d'ouvrir nos portes à ces envahisseurs et les hospitaliser. Plusieurs messieurs furent pris comme otages.

 

Du 11 au 14 octobre 1914

 

C'est dans la nuit du dimanche au lundi du 11 au 12 qu'une lueur sinistre fut aperçue dans la direction de Lille, après la canonnade... On apercevait de loin au milieu de la nuit de fortes colonnes de flammes sillonner la rue. C'était lugubre de contempler semblable spectacle alors qu'à tout instant les canons crachaient leur mitraille dont le grondement se répercutait partout. L'angoisse étreignait tous les coeurs à la pensée que Lille pouvait être tout en flammes, les batteries allemandes étaient établies du côté d'Hellemmes et Lezennes, par dessus Fives elles lancèrent leurs obus dévastateurs et incendiaires.

A chaque instant on entendait leur sifflement bruyant, ce fut certes une nuit d'émotions poignantes, les points principaux où le désastre fut plus grand furent la gare, la préfecture et la mairie.

 

Mercredi 14 octobre 1914

 

Réquisition des bicyclettes, est-il rien de plus malheureux pour le pauvre individu dans son vélo concoure à son gagne de pain de devoir s'en déposséder. Une quantité énorme de vélocipèdes de toutes marques jonchaient misérablement la cour de la mairie.

Ce jour est aussi le dernier jour où les journaux paraissent encore, et cela durera combien de temps, nul ne le sait, mais il est plus que probable que nous ne recevrons plus de journaux avant 1915.

La paille, l'hivernage, le trèfle furent pris par une nuée de fantassins, l'avoine et le coupage par de nombreux cavaliers en un rien de temps on fit table rase de toutes les marchandises que nous avions, les pillards s'en donnèrent à coeur joie à tel point qu'ils ne laissèrent aucune botte de paille pour les artilleurs qui devaient revenir loger.

 

Halluin en ce moment regorge de soldats allemands de toutes armes, il nous est arrivé à l'improviste vers 5h du soir des allemands qui désirent héberger chez nous (hommes et chevaux) ce sont des artilleurs du 29ème d'artillerie, mais sans canon, il ne leurs reste sur leur caisson de munitions, leur canon a été prix par les français près de Metz. Ils sont 6 hommes et six chevaux, un seul connaît le français c'est un allemand de naissance qui habite le Tyrol, il s'appelle Martin et il est guide dans les montagnes, les autres sont Wurtendbourgeois. Ils ne sont pas exigeants, au contraire, il sont très corrects, vraiment pour les premiers ennemis que nous avons, nous devons pas trop nous plaindre, mais nous devons faire leur cuisine et leur fournir du café et du pain, la nuit ils dorment avec leurs chevaux dans la remise, ils se nomment : Martin, Guillaume, Frédéric, Jean, Ernest et Rodolphe.

 

Jeudi 16 octobre 1914

 

C'est au tour des automobiles à présent à abandonner aux vainqueurs, mais la ville d'Halluin n'as pas beaucoup de possesseurs d'automobiles, les gros industriels de la ville, ont quittés la localité avant l'invasion pour des régions plus privilégiées que la nôtre.

 

Nouvelle réquisition qui atteint encore plus spécialement l'ouvrier dans ses distractions, cette fois-ci c 'est le réquisitionnement des pigeons voyageurs, ces volatiles si inoffensifs doivent cependant payer un tribut, que voulez-vous, l'obéissance est un tribut qu'on doit au vainqueur.

 

Samedi 17 octobre 1914

 

Les allemands prennent tout à fait un air vainqueur, maintenant ce sont les armes qui restent encore en ville, les habitants sont sommés de porter immédiatement à la mairie tout arme à feu de n'importe quel genre qui se trouve dans leur habitation. Les disciples de St Hubert en sont navrés, ils peuvent dire adieu pour cette arme aux lièvres, perdrix, bécasses etc,,,

 

Dimanche 18 octobre 1914

 

Nous fûmes réveillés en sursaut cette nuit par une canonnade violente la maison tremble, l'effroi gagne les habitants, le duel d'artillerie est terrible, le son du canon s'entend de tous les côtés, l'artillerie lourde ennemie ne cesse de faire pleuvoir une pluie ? d'obus, au loin on aperçoit une colonne rougeâtre, indice d'un grand incendie et une épaisse fumée monte vers la rue. Mais on ignore l'endroit atteint par les obus ennemis, des autos-mitrailleuses passent en grand nombre dans la rue de Lille.

 

Lundi 19 octobre 1914

 

Les habitants d'Halluin n'ont pas été peu surpris d'apercevoir d'abord une patrouille de uhlans allemands traverser la ville et se diriger vers Menin puis ce fut des convois de munitions et de ravitaillement, il y avait au moins 80 voitures et chariots, puis vinrent des soldats cyclistes, des patrouilles de uhlans s'échelonnent dans le Mont et le Colbra.

 

Mardi 20 octobre 1914

 

Un énorme convoi de munitions arrive de nouveau à Halluin, chaque attelage est attelé de 4 chevaux et de 3 hommes sont assis sur la voiture, les chevaux paraissent très fatigués, il est probable qu'ils nous arrivent de très loin.

 

Mercredi 21 octobre 1914

 

les artilleurs qui étaient chez nous viennent à peine de nous quitter, que déjà ils nous arrivent des hussards ce sont des ordonnances d'officiers, l'un baragouine quelques mots de français, pour dire que nous devons pas accepter d'autre chevaux que ceux de leurs officiers, nous leur disions de marquer la porte du numéro de leur régiment. Les officiers viennent voir si leur chevaux sont bien, ils sont polis, ils nous saluent militairement et nous disent bonjour en français.

 

Jeudi 22 octobre 1914

 

Une foule de soldats allemands continuent de nous arriver, c'est l'invasion complète presque toutes les maisons regorgent de soldats, il y a de l'infanterie, de la cavalerie, des artilleurs, des soldats du génie, des pionniers etc. Ils vont se diriger vers Ypres où doit se livrer une grande bataille entre allemands, anglais, français et belges. Cette bataille dit-on sera longue et terrible et fera couler énormément de sang. Le théâtre de la guerre approche de chez nous car Ypres n'est qu'à 15 km environ d'Halluin, puissions-nous n'être pas bombardés comme Lille. Ah que Dieu nous garde d'un malheur !

 

Vendredi 23 octobre 1914

 

journée assez calme, les rues sont encombrées de voitures, le téléphone sans fil est posé dans le champ en face du jardin de M. Paul Lemaitre. Mais chaque fois qu'un aéroplane français ou anglais passe l'appareil change de place. Papa a été voir les travaux de fortification qui ont été faits sur les bords de la Lys, c'est quelque chose à voir dit-il, ils se sont bien fortifiés, d'ailleurs tout s'y prêtait, ils ont fait des tranchées jusque dans les fabriques et dans les blanchisseries qui se trouvaient sur les bords de la Lys. Chez Picha ils ont pris les sacs de ciment qu'ils ont placés au-dessous des murs cimentés également laissant entre chaque sac une place pour mettre le canon d'un fusil, les soldats étaient ainsi à l'abri.

 A d'autres fabriques ils ont pris du charbon pour faire leur barricade, dans tous les murs ils ont fait des trous, ils ont arrangé également des fenêtres grillagées de façon à pouvoir tirer sans être atteints. Tout ces travaux serviront-ils, espérons que non car notre pauvre armée souffrirait de trop s'il fallait attaquer et conquérir ces positions.

 

Vers le soir on frappe à la porte, ce sont des soldats allemands qui demandèrent du logement pour eux puis pour leurs chevaux, ils se présentèrent à 9 et 12 chevaux, ce sont de véritables prussiens, font leur cuisine puis dorment sur des matelas dans la cuisine, ils sont très méchants, ils veulent à tout prix prendre le vin. Durant toute la journée la canonnade est d'une violence extrême

 

Samedi 24 octobre 1914

 

Les voitures de vivres encombrent toujours les routes, la difficulté de trouver de la viande se fait toujours sentir. L'après-midi un ordre du commandant oblige les habitants à nettoyer leur devanture, c'était bien nécessaire, en effet car toutes ces voitures attelées sur les trottoirs avaient fait de la rue une véritable écurie. La journée se passe sans d'autres incidents que le passage de plusieurs aéroplanes.

 

Dimanche 25 octobre 1914

 

Journée assez calme, la canonnade devient de plus en plus violente. Vers le soir une fusillade nourrie se fait entendre dans la direction de Gheluwe, on voit très bien l'éclat des obus, ces coups de feu nombreux, le terrible grondement du canon, les lueurs qui apparaissent dans le ciel, tout cela dans cet horizon noir éclairé par quelques incendies, nous offre un terrible spectacle. Au lieu de tout cela vous vous représentez un champ où des hommes se battent, où les cadavres s'amoncellent, où les gémissements des blessés se font entendre, ce triste tableau dans une nuit profonde vous envahit d'une indicible émotion.

 

Lundi 26 octobre 1914

 

Le canon tonne toujours très violemment, nous sommes allées papa et moi sur les hauteurs de « la belle fontaine », de là nous apercevons la fumée produite par le départ des obus, et quelques incendies. L'après midi Edouard se rend à Menin où il y avait bien des blessés allemands d'arrivés chez les Pères assomptionnistes. Il paraît qu'on a emmené des chariots chargés de bras, de jambes, de mains amputées, nous pouvons conclure de là qu'un combat terrible a dû se livrer dans les environs de Gheluwe. Le soir nous entendons très distinctement la fusillade, il semble quelle a lieu près de la gare de Menin. Arrivée de nouvelles troupes, ils mettent leurs chariots sur le trottoir, voici que nous en avons, ce sont des soldats du train des équipages, deux officiers, deux ordonnances et six chevaux. L'un des sous-officiers s'appelle Nicolas Belleman, l'autre Arthur Fulbruge du 2ème régiment et du 25 ème bataillon. Ils font leur popote chez nous et aiment assez bien la divine bouteille, les friandises et les cigares, ils passent beaucoup de temps le matin à faire leur toilette, l'un semble un vrai écuyer de cirque.

 

Mardi 27 octobre 1914

 

Matinée mouvementée par la chute d'un aéroplane, vers 9h nous entendons tout d'un coup des détonations de tous cotés, ces brutes tiraient en effet après un aéroplane. Nous l'apercevons descendre en vol plané « Ah le malheureux » il atterrit près de la «  belle fontaine ». Les deux aviateurs étaient indemnes, ils demandèrent s'il y avait de français ou des anglais, sur la réponse négative que leur fut donnée, il levèrent les bras, ils ne furent pas longtemps libres, des cavaliers allemands arrivèrent immédiatement de tout côtés fiers du butin, ils se figuraient que les quelques coups de feu qu’ils avaient tirés les avaient obligés à descendre, il y avait eu malheureusement une panne au moteur.

 

 

 

 

L'après-midi on se rendit sur les lieux où l'aéroplane avait été mis en morceaux, c'est qu'il eut un fameux interview avec un officier supérieur, celui-ci dans une colère folle voulait prétendre que nous étions des espions. Grâce à notre sang froid nous sortîmes de ce mauvais pas et nous rapportâmes quand même quelques débris de l'aéroplane.

 

Mercredi 28 octobre 1914

 

Journée très mouvementée, le matin à 7h un aéroplane ami survole la maison, il essuie quelques coups de feu, aussitôt après un convoi de munitions passe allant vers Menin. Ce convoi dit-on bavarois, a passé la nuit dans la pâture de Mr Destombes, les soldats avaient une casquette grise comme la veste et le pantalon bleu, certains avaient le pantalon vert, le harnachement des chevaux des officiers paraissait tout frais. Ce convoi repassé vers 11h. Pendant cette matinée il passa au moins trois aéroplanes. L'après-midi nous en vîmes tellement que nous ne pûmes les compter, un certain nombre d'entre eux étaient français ou anglais. Ils reçurent bien des coups de feu, quelques aéroplanes envoyèrent des fusées, les unes bleues, les autres rouges, sont-ce des signaux indicateurs ? On annonce pour la soirée 200 à 300 cavaliers, il y eut en effet de 5 à 8h 30 un charriage continuel, ces convois se croisaient, il passa aussi quelques fantassins.

 

Jeudi 29 octobre 1914

 

Journée relativement calme, le matin il passa encore un aéroplane français qui envoya bien des coups de feu, mais heureusement le brave continua sa route. A 1h un casque à pointe sonne, nous n'ouvrons pas, il résonne, enfin nous ouvrons. C'est pour loger 4 chevaux, 2 hommes. Nous apprenons vers 5h que de nombreuses troupes se dirigent vers Halluin. La chambre et le salon d'un général sont retenus chez Mr Paul Lemaitre. Nous attendons... nous espérons car la bataille de la Lys est dit-on gagnée par les anglais. Les allemands enterrent leurs morts dans les tranchées, on parle de 60,000 allemands morts.

 

Deux proclamations parurent en outre dans la journée, la 1ère interdisait aux habitants de Menin et d'Halluin de sortir de leur ville sans autorisation de la kommandantur, d'autres affiches s'adressaient aux étrangers qui devaient se rendre à la kommandantur de Menin.

Quelques convois de munitions passèrent aussi dans la rue de Lille.

 

Vendredi 30 octobre 1914

 

Les troupes annoncées ne firent pas leur apparition de la soirée du jeudi, pendant la nuit il passa environ 200 fantassins en 2 fois, se dirigeant vers Lille. Le 2ème groupe passa en chantant et marquant le pas, des patrouilles de dragons commencèrent à arriver à aller et venir vers 6h. Il ne cessa d'arriver des troupes jusqu'à 11h du matin, les dragons, uhlans, hussards, cuirassiers mirent pied à terre et cherchèrent à loger leurs chevaux. Il passa quelques aéroplanes dans la matinée

 

Samedi 31 octobre 1914

 

Nous pensions si bien hier que nous étions délivrés de ces Ostrogoths, mais malheureusement nous nous trompions. Il arrive dans la soirée 4,000 fantassins de la réserve, ils cherchèrent du logement, quelques-uns vinrent sonner à la maison, comme nous n'avons pas ouvert tout de suite ils sont partis.

 

Ils se sont casés un peu partout jusque dans les petites maisons sans étage. La journée fut assez calme, il passe beaucoup de aéroplanes, nous vîmes de loin les effets du tir sur les aéroplanes.

 

Toute la journée un ballon captif se montra vers Bousbecque-Linselles. Le canon gronda tout le jour et même la nuit dans la direction de Comines-Ypres. Vers 6h du soir une fusillade nourrie se fit entendre dans la direction de Bousbecque, elle ne dura pas très longtemps.

 

 

 

 

Dimanche 1er novembre 1914

 

De nombreux aéroplanes passent durant toute la journée, à tout instant nous entendons le ronflement d'un moteur, il est passé environ 30 avions. Un d'entre eux jeta des fusées qui se'éVers midi, il est passé venant de la direction de Lille, des convois de munitions du 51ème et du 10ème régiment d'artillerie, du 8ème hussard, du 99ème, 143ème, 196ème et 105ème d'infanterie. Sur les voitures du 105ème il était écrit : Konig WilhemII Wurtembert. On nous dit que l'empereur Guillaume, le Kaiser d'Allemagne se trouve à Halluin, il est passé avec son état-major. Le soir nous apprenons que les anglais sont venus avec leurs autos mitrailleuses jusqu'à la ligne du chemin de fer de Menin au Faubourg de Bruges, ils ont fait 87 morts et pris 47 voitures d'un convoi de 50 voitures, les 3 autres voitures sont revenues dans Menin. Les nouvelles sont assez bonnes donc espérons avec confiance.

 

Lundi 2 novembre 1914

 

Les jours ne se suivent et ne se ressemblent pas dit-on, ce proverbe est très vrai en ces temps-ci où tout est imprévu. Vers le soir il arrive de l'artillerie environ une douzaine de canons, ils cherchèrent d'abord du logement pour leurs chevaux, puis pour eux-mêmes.

Les fantassins de la réserve arrivés vendredi soir partirent aujourd'hui 2 novembre, vers 7h du matin.

 

Mardi 3 novembre 1914

 

Journée très calme, passage de plusieurs aéroplanes.

 

Mercredi 4 novembre 1914

 

Les soldats arrivés lundi s'en vont dans la direction de Menin. Comme c'est un mois triste que celui des trépassés, tout semble morne et d'un abattement profond, une vraie consternation règle partout, bêtes et gens paraissent mélancoliques, des hussards de la mort viennent héberger chez nous, 5 hussards et 10 chevaux, ils sont de l'armée active, 2 sont de Strasbourg, ils nous donnent des poulets à faire cuire pour leur dîner, mais à peine sont-ils chez nous de quelques temps qu'un ordre imprévu leur ordonne de partir de suite.

 

Jeudi 5 novembre 1914

 

Le canon gronde avec fracas qu'à tel point que la maison en est toute ébranlée, probablement que les gros canons allemands de 32 cm dits canons de siège se font entendre du coté de Gheluwe. Vers le soir il arriva de l'artillerie, ils cherchèrent du logement, un très grand aspirant officier, à lorgnon et à barbe rousse vint sonner, il visita la remise, l'écurie et le grenier au-dessus de l'écurie, puis il retint de la place pour 7 hommes et 14 chevaux, il inscrivit le nom de son régiment sur la porte cochère puis s'en alla chercher ses hommes. Cette barbe rousse savait le français mais aucun de ses hommes, et voilà-t'il pas qu'il nous demande encore une chambre à coucher pour deux de ses camarades, également aspirants officiers. Ils se disaient être des artilleurs bavarois, les chefs étaient convenables mais les hommes à moitié, ils rentrèrent ivres et l'un deux voulut monter dans nos chambres, heureusement qu'on réveilla les deux sous-officiers à temps, alors l'un descendit revolver au poing et admonesta sévèrement ce noctambule.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3ème cahier

 

Vendredi 6 novembre 1914

Nous avons toujours nos fameux hôtes, notre cuisine est encombrée car ils préparent tous leurs aliments chez nous et mangent gloutonnement, puis ils s'en vont dormir à l'écurie pour faire leur sieste et digérer leur choucroute. Vers le soir nouvelle préparation culinaire, un rata aux petits oignons, puis ils se couchent vers 9 heures au son d'une musique de dix centimes que l'on trouve dans les bazars, mais malheureusement ils chantent jouent et boivent jusqu'à 11 heures du soir.

 

La soirée du jeudi et la nuit furent assez mouvementées par le passage de groupes de cavaliers, la plupart chantaient leurs victoires sans doute. Papa fut invité à aller visiter les blessés au cercle catholique, il y avait 3 anglais puis 25 allemands, ils furent blessés à Zoncbech et l'un d'eux exprima le désir de devenir catholique, le lendemain il était mort. Un autre était dans le coma et en est resté. En général les anglais étaient plus atteints que les allemands, c'est un triste spectacle que de voir ces jeunes hommes bien pleins de vie, de sante et d'ardeur, aujourd'hui abîmés d'une telle façon.

 

Samedi 9 novembre 1914

 

La journée fut assez calme à part trois convois comprenant chacun 50 voitures environ qui passèrent vers 3, 4 et 5 heures. Les soldats portaient des tuniques bleues et des pantalons verts. Les deux premiers convois faisaient parti de la 6ème armée, quant au 9ème convoi, nous ne pûmes rien distinguer car il faisait déjà noir. Tous les trois s'en allaient vers Menin. Dans la soirée il passa encore quelques cavaliers et quelques fourgons.

 

Dimanche 8 novembre 1914

 

Ce jour devait être plus heureux pour nous car nous devions voir le départ de nos hôtes célèbres, le matin ils firent des sottises avec leurs chevaux dans la cour, aussi nous les laissèrent bien tranquilles à leurs jeux favoris. Enfin vers midi ils partirent heureusement, ils s'en allèrent vers Menin, nous en étions débarrassés, mais d'autres vinrent les remplacer qui étaient beaucoup plus convenables. Cette journée du dimanche fut assez mouvementée, de 10h à midi il passa continuellement des troupes et leurs convois de munitions. Les fantassins venaient de Roncq se dirigeant vers Menin. Mais ils ne s'en allèrent pas tous et quelque mille logèrent à Halluin. Ce ne sont guère des hôtes agréables surtout des fantassins, ils envahirent toutes les maisons jusque la rue de la Procession, nous fûmes ainsi épargnés.

Le matin pendant le passage des troupes, un avion vint survoler alors ce fut une fusillade nourrie, qui se dirigea vers le ciel, mais le brave continua sa route fièrement.

Le matin un ordre de la kommandantur interdisait aux habitants de sortir de la ville sans autorisation. Durant toute la journée le canon tonne violemment, à midi on entend le bruit de la fusillade et des mitrailleuses, ainsi que vers le soir.

 

Lundi 9 novembre 1914

 

Arrivée de nouvelles troupes du train des équipages. Deux soldats frappent à la porte, nous ouvrons, ils cherchent du logement pour leurs chevaux puis pour eux. Les voilà installés, font leur cuisine, couchent avec leurs chevaux dans la remise. Ils ne sont pas exigeants, jamais je crois aucune journée ne fut aussi mouvementée, depuis le lever du jour jusqu'à une heure indéterminée de la nuit, ce fut un mouvement continuel de troupes. Le régiment d'infanterie, d'artillerie, s'en allaient les uns vers Wervicq, les autres vers Gheluwe. Étant allée à Menin je vis passer pendant 1h et demie, sans arrêt, des fantassins, puis de l'artillerie venant de la direction de Lille. Quelques Meninois estiment à 200 le nombre de canons.

 

10 au 12 novembre 1914

 

Nous voyons passer beaucoup de caissons et de fantassins qui vont dans la direction de Lille.

 

 

13 novembre 1914

 

Cette fois ce sont des artilleurs qui nous arrivent, deux sou-officiers, deux ordonnances et six chevaux. L'un des sous-officiers s'appelle Nicolas Belleman et l'autre Arthur Suhllingge du 24ème régiment et du 25ème bataillon. Il y en a un qui semble un vrai écuyer de cirque, son cheval sait faire de la haute école et se met à genoux très facilement. Ils font leur popote chez nous et aiment assez bien la divine bouteille, les friandises et les cigares. Ils passent beaucoup de temps le matin à leur toilette.

 

14 au 17 novembre 1914

 

Ces jours-ci le canon tonne avec une force inouïe, c'est un roulement continuel. Nombreux sont les spectateurs qui vont au mont examiner le front où l'on voit les boulets éclater. Les baraques sont remplies de troupes, au soir vers 7h et demi arrivée de fantassins.

 

18 au 21 novembre 1914

 

Aucun changement.

 

21 au 23 novembre 1914

 

Deux sous-officiers viennent nous réclamer du logement, ils sont de l'Alsace et parlent assez correctement le français, ils ne cuisinent pas chez nous, ils viennent simplement pour la nuit. Ils sont fiers de nous montrer le portrait de leurs femmes et de leurs enfants, ils sont de la réserve et font partir du 66ème régiment et d'un convoi de munitions.

 

24 novembre 1914

 

Beaucoup de troupes passent, on dit que c'est pour le front d'Arras (caissons, canons, mitrailleurs, voitures de vivres passent aussi)

 

25 novembre 1914

 

Comme c'est un mois triste celui des trépassés, tout semble morne et d'un abattement profond, une vrai consternation règne partout, bêtes et gens paraissent mélancoliques, des hussards de la mort viennent héberger chez nous, 5 hussards et dix chevaux, ils sont de l'armée active, deux sont de Strasbourg, ils nous donnent des poulets à faire cuire pour leur dîner, mais à peine sont-ils chez nous de quelques temps qu'un ordre imprévu leur ordonne de partir de suite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans ce cahier figure aussi copie d'une lettre

 

Lille le 22 juin 1915 – Le Maire de Lille à Monsieur le Gouverneur Von Hennich – Lille

(note du transcripteur : Charles Delesalle (-1923) est issu d’une famille de grands filateurs à La Madeleine. Président du comité linier, il est maire de Lille de 1904 à 1919. Son fils Charles Emile Octave (1886-), membre du groupe de défense de Fives-St-Maurice en 1906, sera député du Nord (1919-28) puis du Pas-de-Calais.)

 

Je reçois votre lettre de ce jour et m'empresse d'y répondre, je ne puis que vous confirmer la lettre du 19.

Depuis plus de 8 mois, je crois avoir fait preuve du plus grand esprit de conciliation et vous n'insisterez pas je l'espère à reconnaître la loyauté parfaite que j'ai apportée dans mes rapports avec l'autorité occupante.

Les ouvriers qui travaillent dans les tranchées prennent part aux opérations de la guerre contre leur patrie. Je n'ai pourtant jamais cherché à les en empêcher estimant que chacun de mes concitoyens ne relève que de sa propre conscience.

Mais quand il s'agit de mon devoir personnel, il n'y a pas de conciliation, ni de transaction possible. Mon devoir dans la circonstance est tellement net que je ne pourrais m'y soustraire sans forfaire à l'honneur.

Vous me dites que si le travail n'est pas repris demain des punitions rigoureuses seront infligées à la ville.

Pourquoi voulez-vous rendre responsable une immense population innocente et ne pas exercer vos rigueurs contre celui-là seul qui assume et accepte les responsabilités de ses actes.

Veuillez agréer, Excellence, mes civilités empressées.

 

Le Maire de Lille – Charles DELESALLE

 

 

et aussi : La bataille d'Armentières

Extrait du Télégramme de Boulogne du 16 novembre 1914

 

Le 2 octobre, tous les hommes valides reçurent l'ordre de quitter Armentières. Ils partirent à pieds pour la route de Fleubaix vers Béthune, les autres routes n'offrant plus de sécurité. La mesure était sage et urgente car le lendemain samedi les allemands faisaient leur apparition dans la ville.

 

Ce furent d'abord des patrouilles de uhlans précédés d'un civil qu'ils avaient pris à La Chapelle et mis en tête pour les guider en ville. Peu après arrivèrent des régiments d'infanterie et d'artillerie, au milieu d'un bruit infernal de canons, de caissons, de convois que dominait un chant lugubre, lourdement scandé par les soldats : chantons aujourd'hui car demain ce sera le tombeau.

 

Des officiers se rendirent furieux à la mairie et exigèrent une rançon de 10,000 Fr et la désignation immédiate de 11 otages, sous prétexte qu'on avait sonné les cloches à l'entrée des allemands. De fait le glas tintait à l'église Notre Dame mais c'était pour annoncer l'enterrement de soldats décédés de leurs blessures à l'ambulance d'Armentières parmi lesquels se trouvait précisément un soldat allemand. En punition de ce crime, M. Huet, curé de Notre Dame, fut prix avec les otages. Ceux-ci il est vrai, furent relâchés le soir après le départ des allemands qui ne laissèrent que quelques postes pour garder la ville. Ils ne devaient pas revenir.

 

Après l'échec sanglant qui leur fut infligé par nos troupes et nos alliés à Merville, Vieux Berquin, La Gorgue, les allemands se replièrent précipitamment à Armentières dans la nuit du 13 au 14. Le mercredi 14 et le jeudi 15 ils occupèrent la ville et y firent toutes sortes de travaux, comme pour soutenir un siège. Les ponts d'Ecquinghem sur la ligne du chemin de fer de Lille à Dunkerque, d'Houplines, de la Targette, les passerelles des près de l'abattoir sautèrent, seul le pont de Nieppe résista à leur mine. Ils creusèrent des tranchées tout le long du canal de dérivation et dans les près Duhem, percèrent des meurtrières dans les murs de la filature Duhet et de l'école professionnelle, couvrirent de bâches et de fagots les wagons de la gare annexe et y installèrent des batteries derrière. Ils élevèrent de multiples défenses pour barrer la route de Bailleul et le front Nieppe – Le Bizet par où ils avaient calculé que les Français ou Anglais viendraient.

 

L'occupation allemande à Armentières fut marquée par les faits ignobles et scandaleux sous lesquels il n'y a pas d'occupation allemande : piller les maisons, défoncer les magasins, ripailles, salir, souiller, saccager, ce sont là les plaisirs délicats et ordinaires des Boches

(on devine s'ils trouvèrent dans les filatures et les fabriques de toiles dont Armentières est le centre, quantité de produits fort prisés des adeptes de la «  Kulture « )

Dans les écuries ils étendaient les pièces de toile pour leurs chevaux, les dentelle et la lingerie servirent à des usages très germaniques. Chez un habitant Mr Lambert, ils sortirent les plus beaux meubles dans le jardin, allumèrent un feu de joie et après avoir sablé le champagne, donnèrent une farandole endiablée au son d'un phonographe. Ils ne s’arrêtèrent que pour tomber ivres morts.

 

On a remarqué que bon nombre d'officiers portaient des bracelets de femme à chaque bras, orgueil de pillards, les soldats avaient aussi des bijoux et des montres dans leurs bottes.

 

Les allemands eurent à Armentières une cruelle déception et une terrible surprise alors qu'ils avaient tout préparé pour recevoir l'attaque des troupes alliées par la route de Bailleul, celles-ci vinrent les prendre à revers par Bac St Maur et Esquinghem. Menacés d'être acculés à la Lys et pris entre deux feux, les allemands abandonnèrent en toute hâte Armentières. Les alliés continuèrent la poursuite de l'ennemi qui partirent dans la direction d'Houplines et de Frelinghem. Ce fut une véritable chasse. Les aurtiers depuis l'abattoir jusqu'à Houplines furent fouillés maison par maison, une quantité de fuyards allemands furent tués ou faits prisonniers.

 

La bataille se poursuivit avec acharnement les jours suivants, les allemands avaient rejoints leurs lignes Messines-Ypres, de là ils reformèrent leur front de Deulemont à Engles et Haubourdin par Frelinghem, Pérenchies, Prémesques, afin de couper aux alliés la route de Lille.

 

 

Depuis lors, il n'y a plus de jours qu'ils essayent de bombarder Armentières, et à l'aide de renforts incessants de reprendre cette position importante.

 

Le mardi 20, ils tentèrent un effort désespéré, leurs batteries commencèrent à faire pleuvoir des obus, ils visèrent l’Hôtel de ville, des projectiles tombèrent sur la Grand-Place et sur les Halles. Une petite fille eu la jambe fracassée. Heureusement le bombardement ne dura pas. Les batteries alliées répondirent énergiquement aux canons allemands et ne tardèrent pas à leur imposer silence, en même temps une brillante charge à la baïonnette de l'infanterie alliée enlevait les tranchées allemandes et forçait l'ennemi à reculer au-delà de Pérenchies.

 

Le soir des officiers montraient fièrement sur la carte aux habitants d'Armentières le beau travail accompli dans la journée et leur promettait joyeusement les Boches reviennent certainement à l'assaut d'Armentières, leurs masse s'avancent et tombent comme des murailles sous le feu de l'artilllerie qui cogne nuit et jour. Ils ne passent pas. Le soir les malheureux habitants assourdis par cette musique de titans, descendent prudemment se coucher dans les caves et demandent avec effroi s'ils ne reverront pas le lendemain leur ville en décombres.

 

Le jour des morts, le 2 novembre, a failli être un jour de mort pour Armentières, les allemands bombardèrent avec joie sauvage le quartier entre la rue des jésuites et la place St Vaast-. La Lys reçut une volée d'obus, puis ce fut le centre et le faubourg de Houplines qui essuyèrent l'orage. Mais cela ne dura pas, le terrain perdu fut bientôt repris par les alliés, 2 jours après ceux-ci poussèrent jusqu'aux portes de Lille et enlevèrent brillamment le fort d'Enclos.

 

Les allemands répétèrent en vain l'effort furieux qu'ils font depuis 6 semaines contre Ypres, La Bassée, Arras. Ce sont des fous et des forcenés qui se brisent les épaules et les reins à faire sauter vainement la porte de leur cabanon. Les planches peuvent craquer sur certains points, mais les gonds et leur formidable armature de fer que représentent les alliés, ne cèdent pas.

 

 

 

4ème cahier

 

jeudi 26 novembre 1914

 

La journée fut assez calme, en fait de mouvement de troupes. Mais quant à la canonnade, elle se fit terrible pendant l'après-midi, elle cessa vers 5h1/2 pour reprendre plus fortement vers 6h, puis la fusillade nourrie s'ajoute au reste pour nous donner un bien triste concert. Quand tout à coup au milieu de ce charivari, une cloche se mit à tinter vers 8h1/4, c'est sans doute la cloche de Bousbecque, sont-ce des signaux ? (on nous avait annoncé une arrivée de 400 allemands pour ce soir, mais nous ne vîmes rien)

Et nous restons ainsi, toujours dans l'inquiétude, dans l'attente d'une journée décisive qui nous délivrera du joug de l'invasion.

 

Vendredi 27 novembre 1914

 

Ce fut une triste journée qui permit aux taubes de prendre leur vol, certains d'entre eux jetèrent des fusées comme signaux sans doute le ballon captif est apparut de nouveau, mais plus près de nous cette fois-ci de l'autre côté de la Lys, en face de chez Verhaghe. On dit que les français sont à Comines, s’ils n'y sont pas ils s'en rapprochent car le canon tonne avec une violence extrême et la fusillade se fait entendre de plus en plus distinctement.

 

Le matin 400 ou 4.000 fantassins sont arrivés venant sans doute du champ de bataille car ils étaient sales, fatigués, harassés, certains d'entre eux n'avaient plus de pointe sur leurs casques, heureusement ils ne logèrent point dans nos quartiers. Quelques aéroplanes allemands se montrèrent et nous les vîmes descendre de loin au champ d'aviation qui se trouve près de la Lys. Ce matin il y eut un petit incident ou plutôt un petit accident : une de nos poules fut écrasée par une lourde auto.

 

Samedi 28 novembre 1914

 

Le matin c'est le départ des fantassins arrivés la veille, puis il passa d'autres fantassins ayant sans doute logé à Menin, s'en allant vers Lille également. Et comme toujours les mouvements de troupes de la matinée attirèrent pas mal d'aéroplanes.

La nuit du 27 au 28 fut terrible : le canon ne nous laissa pas dormir, certains coups faisaient trembler la maison du haut en bas et nous secouer dans notre lit, ce ne furent que salves d'artillerie sur salves d'artillerie, accompagnées d'une fusillade nourrie.

 

dimanche 29 novembre 1914

 

La journée fut calme oà part la canonnade violente qui ne cessa guère, le soir nous entendîmes une forte fusillade vers Gheluwe-Dadizeele. Il semble qu'elle se rapproche un peu.

On annonce le soir, le départ de l'artillerie qui se trouve dans le quartier depuis 15 jours.

 

lundi 30 novembre 1914

 

Il y eut en effet un grand branle-bas vers 10h du matin, de tous les côtés, au Mont, au Colbras, dans la ville, ils attelèrent, firent leurs préparatifs de départ et se mirent en route pour Courtrai. Dans cette dernière ville on disait que trois coups de canon avaient été tirés à blanc sur la place, aussitôt ce fut pour les allemands un affolement général et ils prirent leurs bagages et s'en allèrent plus loin en Belgique. Sur les demandes de quelques habitants qui les questionnaient sur ce départ précipité, ils répondirent : c'est mauvais pour nous. Si donc, c’est mauvais pour les allemands, c'est bon pour nous. Ils craignaient quelque chose sans doute, puisque les blessés sont évacués. Tout cela nous donne du courage et de l'espoir.

 

mardi 1er décembre 1914

 

Halluin est presque dépourvu de soldats, aucun fait saillant ne s'est présenté.

 

mercredi 2 décembre 1914

 

Ce fut une fameuse journée aux nouvelles, nous nous y attendions, car la terrible fusillade de la veille qui semblait plus rapproché signifiait quelques chose. Les allemands ont reculé en effet, et l'on dit que leur artillerie est maintenant à Gheluwe. On disait aussi que les anglais allaient bombarder la gare de Menin pour détruire les communications allemandes et que les habitants des environs de la gare étaient prévenus. S'il y a du danger à Halluin on sonnera les cloches et l'on ajoute qu'il serait bon de faire ses provisions pour 48 heures. Tout le monde espère beaucoup et bien des personnes pensent que d'ici plusieurs jours nous serons délivrés et nous pourrons voir nos amis.

D'un autre côté on disait toujours que les français pour reprendre Lille seraient obligés de la bombarder car il vaut mieux avoir des dégâts matériels et éviter par la mort de tant de jeunes hommes.

 

En plus de ces nouvelles nous avons eu deux communiqués officiels lin du 7 novembre (au Figaro) et l'autre du 18 novembre (au journal). Ces deux communiqués sont très bons et nous donnent beaucoup d'espoir quoique ce sont de vieilles nouvelles.

 

On disait encore qu'une personne était revenue d'Avesnes Centre les mains des français avec un journal où il était dit que la flotte allemande avait été détruite, mais nous y avions perdu 1/3 de notre flotte, et que la marine anglaise avait souffert également. Tout va donc bien pour le moment, mais en attendant on nous annonce un arrivage de 20.000 hommes, d'autres disent 15000 et même 500 allemands. Tout cela en déroute qui ne serait que de passage.

 

Jusqu'à présent nous n'avons rien vue. Le beau temps avait permis aux grands oiseaux d'aller explorer les positions. Nous en vîmes plusieurs, le canon tonna avec plus ou moins de violence. Entre 3 et 4 heures de l'après midi, 10 coups environ se firent remarquer par leur violence extrême. Ils semblaient venir de la direction de Gheluwe. A milieu de tout cela ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de prier.

 

Jeudi 3 décembre 1914

 

Aussitôt que nous eu déjeuné, ma famille et moi, nous sommes partis à Colbras pour voir les tranchées, les souterrains, etc... C'est alors qu'étant surpris par la pluie nous sommes entrés chez M. Lefebvre et chez M. Mignon, on nous fit là un triste récit de qu'avait fait les allemands de la ferme. Plus de vaches, plus de porcs, presque plus de poules, plus d'avoines, de pommes de terre, tout avait été pris, tout était rasé. C'est une ruine pour ces fermiers, et combien de personnes dans le même cas.

Chez nous les allemands ont pris de la paille, de l'avoine, du trèfle etc.

Le canonnade ne cessa pas et comme hier entre 3 et 4 heures une dizaine de coups de canon plus violents se firent entendre. Le vent qu'il fit le soir nous empêcha d'entendre distinctement la fusillade.

 

 

vendredi 4 décembre 1914

 

Ce fut une véritable journée de mars, le vent violent empêcha le vol des aéroplanes, mais ne fit semble-t'il qu'augmenter l'ardeur des artilleurs, car le canon qui tonna violemment ne cessa ni la nuit ni le jour. C'est un grondement continuel auquel on s'habitue, il faut bien l'avouer, et le soir comme toujours c'est la fusillade que lon entend malgré le vent.

 

samedi 5 décembre 1914

 

Il n'y a pour ainsi dire rien de changé dans la situation, si ce n'est l'augmentation des ambulances.

Un lazaret (Les lazarets étaient des léproseries ou des établissements de quarantaine. Le mot provient de l'italien lazzaro. De nos jours le mot désigne le plus souvent des lieux-dits dans le sud-est de la France). est établi rue des Écoles dans la salle Olivier, un autre à l'école Ste Marie place de l'église et un troisième au café de la Mairie, place de l'église. Les blessés y abondent, beaucoup sont blessés à la tête, les militaires gravement atteints sont conduits dans les hôpitaux de Lille.

 

Dimanche 6 décembre 1914

 

Arrivée de nouvelles troupes dans la ville, quelques canons avec une foule de caissons de

Nouveau lazaret établi rue du Molinel dans l'école des garçons, affluence énorme de nouveaux blessés revenant de la bataille qui a lieu dans les environs d'Ypres.

 

Lundi 7 décembre 1914

 

La journée fut assez calme car le temps de pluie et de vent ne permettait guère aux aviateurs d'accomplir leurs prouesses. Par rapport   sujet  le matin nous avons appris qu'un aéroplane (français ou anglais) avait été obligé de descendre au-dessus de Courtrai. Les 2 aviateurs avaient été faits prisonniers mais ils avaient eu le temps de rendre leur moteur inutilisable.

 

Halluin a toujours le même aspect depuis huit jours, il semble qu'aujourd'hui le canon ne tonne plus de la même façon, on entend très bien mugir les canons anglais auxquels répondent les allemands avec une rage inaccoutumée. C'est surtout ce soir que l'artillerie joue le rôle principal, c'est affreux, on dirait tout à coup qu'un orage terrible éclate, c'est un roulement sinistre, sans arrêt. Ajouté à cela un fusillade nourrie, comme jamais nous n'en avons entendu jusqu’ici et vous vous figurerez le plus épouvantable des combats. Combien à ce moment est-il tombé d'hommes, je crois que les chefs eux-mêmes ne pourront pas les compter.

Sans doute que ce temps de pluie a obligé les taupes à sortir de leurs trous, serait-ce alors un effort décisif pour les déloger tout à fait. Personne ne le sait, excepté celle dont on fêtera l'immaculée conception.

On nous annonce ce soir un arrivage d'artillerie et d'infanterie, nous attendons...

 

Mardi 8 décembre 1914

 

Nous attendîmes en vain l'artillerie était dans quartier, mais l'infanterie du côté de l'abattoir. Nous avons eu des artilleurs, 4 chevaux et plusieurs hommes , en outre un sous-officier à loger. L'infanterie s'en alla le matin vers 7 heures suivi d'autres fantassins. Les alliés vers Roncq avec canons et mitrailleuses jusque 10 heures du matin environ. Les uns demandèrent la route de Tourcoing, d'autres celles de Roubaix et de Tournai. Ils revenaient disait-on de Ghyvelde, ils étaient en effet très sales, leurs capotes remplies de terre glaise, nous montraient qu’ils venaient de sortir de leurs trous. En tout cas ce que nous pensons bien c'est que cela indique une retraite.

Le soir comme le vent était assez calme nous entendîmes très bien la fusillade,  jamais les coups de fusils se firent entendre de si près, nous pouvons très bie n faire la distinction entre le coups de fusils français et allemands. Cela dura ainsi toute la nuit.

 

Le matin étant allé faire une course avec mon frère Edgard, nous rencontrâmes un marchand de journaux (chose rare) il vendait le "bien public", journal publié par les allemands d’ailleurs.

Rien comme grande nouvelle, mais il y avait un article sur Armentières où l'autorité militaire anglaise interdisait aux personnes parties de la ville d'y revenir car la disette commençait à s'y faire sentir bien que les 5/6 de la population soit en "?". Or il serait assez curieux de constater cela car il serait étonnant que le ravitaillement ne puisse s'opérer. Dunkerque n'est pas loin, les colonies, l'Angleterre, le midi, peuvent fournir leurs produits. Nous ne pouvons d’ailleurs ajouter beaucoup de foi puisque ce sont des nouvelles allemandes. Enfin, nous verrons bien après, car dit-on qui vivra verra.

 

Mercredi 9 décembre 1914

 

La fusillade qui avait duré toute la nuit ne cessa ainsi qu la canonnade vers 9h du matin. Ce fut  une journée très calme. On parle d'un armistice pour ramasser leurs morts. Vers le soir  nous entendîmes le canon plus sourd dans la direction de Wervicq, mais il faut dire que le vent était assez fort. Les lueurs n'ont cessé d'éclairer le ciel du côté de Lille et Wervicq, il y avait ainsi de nombreux projecteurs. Nous avons eu des nouvelles des fantassins, ils sont partis vers Tourcoing, Roubaix, toujours en chantant, d'autres soldats venant de Linselles sont partis dans la même direction.

 

Il y eut une affiche à la mairie, la voici : "il est interdit à toute personne de se rendre à l'ouest de la ligne Cherand-Vieux, Thin-Kruisick. Celui qui ne se rangera pas à cet avis sera puni par les lois militaires"

 

Papa eut un communiqué du 19 novembre où entre autres choses on disait que 2 taubes avaient dû atterrir près de Soissons abattus par notre artillerie, en outre, une patrouille de dragons français avait pris un train sanitaire où il y avait 180 alliés et les fourgons remplis de petits paquets. A Paris, à l'arrivée du train, il y eu des surprises quand on ouvrit ces petits paquets, on y trouva des bijoux, des dentelles volées dans la région de Soissons. Ils étaient adressés à des marchands d'Allemagne. On condamne donc à être puni par les lois militaires comme vol à main armée.

 

Jeudi 10 décembre 1914

 

La journée fut assez calme, à part quelques rares coups de canons assez sourds d’ailleurs. Le mauvais temps nous empêcha d'avoir la visite de nos amis les aviateurs. Les nouvelles sont toujours très bonnes, ainsi nous avons su qu'un employé de la banque de France de Tourcoing avait copié sur le "Cimès" du 4 décembre que le Général Damad s'avançait sur Tournai avec 850.000 français, 75.000 anglais et 30.000 belges pour couper la retraite aux allemands. Or ceci concorde avec les troupes allemandes parties vers Roubaix, Lannoy, Tournai.

 

 

 

 

 

 

Vendredi 11 décembre 1914

 

La journée se passse sans d'autres incidents que l'exercice de jeunes recrues dans la prairie en face de la maison. Ces chasseurs à pied, au nombre de 200 environ arrivèrent vers 2h. Ils commencèrent par se déployer en tirailleurs, ensuite : marche en colonnes de compagnie et déploiement en ligne de bataille. La première colonne restant sur place, la 2ème se perdant à droite, la 3ème à sa gauche. Sur la chaîne le 1er tirant à genoux et le 2me debout.

Et aussi des changements de direction en marche, marches à la baïonnette avec cris. Après avoir travaillé pendant 2 heures, ils repartirent vers Menin en chantant Gloria, Gloria... ils ont beau changer leur gloire, les nouvelles sont déjà très bonnes pou nous.

Nous avons a^pris en allant à Menin que 300.000 anglais étaient débarqués, qu'ils allaient se diriger sur Bavay pour couper la retraite aux allemands afin d'éviter d'endommager notre riche région. En outre, les anglais sont à 1/2 lieue de Roulers. Tour cela est fait pour nous faire prendre courage et patience. La canonnade était très violente.

 

Samedi 12 décembre 1914

 

Ce fut une journée calme, sans incident. aucun aéroplane ne s'est risqué, le canon et très sourd (par rapport à certains jours) en fait de passage il n'y en que deux convois d'artillerie, l'un vers 11h30, l'autre vers 3h). Voilà en résumé avec l'avis concernant le ravitaillement que parut en ce jour, tous les grands évènements de la journée.

 

Le temps avance, l'heure de la délivrance approche, il est vrai mais le temps paraît long... Si peu que dure l'invasion, il faudra (triste choix) avoirs recours aux allemands pour l'alimentation. Aujourd'hui notre boulanger n'a pas cuit... Il faut commencer à compter les tranches de pain que l'on mange ! Où cela va vous mener! Que vous réserve l'avenir ? Personne ne le sait, excepté Dieu. Mais en lui nous pouvons avoir confiance.

 

Dimanche 13 décembre 1914

 

La journée se passa sans d'autres incidents que celui de l'affichage de la fameuse proclamation interdisant aux habitants de sortir dans les rues entre 8h du soir et 7h du matin (heure allemande). Ils ont sans doute peur de vous le soir! Cette affiche interdisait :

1- les attentats contre les troupes allemandes, de cacher des soldats (français ou anglais)

2- de monter en ballon, en aéroplanes, en automobile, en bicyclette, de lâcher des ballons non montés, des pigeons voyageurs, etc...

3- de sortir de la ville sans laissez-passer

4- l'état de siège est proclamé dans la région etc, etc

 

Tout cela ne nous a pas empêchés d'aller vers 5h écouter la fusillade près du pont. On l'entendait très bien, le canon s'était fait un peu entendre dans la journée.

 

Lundi 14 décembre 1914

 

 La fusillade dura toute la nuit. Les canons anglais grondèrent dans le lointain, puis vers 7h du matin, l'orage se déchaîne. Ce fut un effroyable roulement qui faisait branler toute la maison, ceci dura 2 h pour continuer toute la journée un peu moins violemment. Le soir à 6 h tout se tut canons et fusils.

Cela a dû être un effort décisif, c'est un duel d'artillerie qui compte dans las annales des combats. On dit que l'usine Krupp a fabriqué une sorte de canon revolver. Les allemands y ont, je crois, joués leur dernier atout. Le combat aura sans doute un résultat décisif pour notre sort. Ce matin 300 chasseurs à pied sont partir vers Roncq pour revenir 2h après, ils avaient été faire leur pantomime à Roncq sans doute.

 

 

 

 

Note du rapporteur : Le canon révolver Hotchkiss - Il s'agit du modèle Hotchkiss 1879 de 40 mm sur affût modèle 1882. Composé d'un faisceau de cinq canons, cette arme est totalement désuette en 1914. Elle trouve cependant un nouvel emploi comme armement principal des casemates défendant les fossés des forts Séré de Rivières (caponières et casemates de coffre). Ce canon tire un obus chargé de poudre noire contenant des balles de plomb durcies à l'antimoine (boîte à balles). Cette munition explosive de faible puissance ne déterriore pas les maçonneries des fossés des ouvrages tout en demeurant redoutable pour l'ennemi si celui-ci parvient à franchir le mur de contrescarpe.

Les obus sont introduits par le pourvoyeur dans la glissière située à gauche de la pièce, tandis que le tireur actionne la manivelle pour déclencher le tir.

Un exemplaire de ce canon provenant du fort de Vaux (malheureusement incomplet) existe au musée de l'armée à Paris. Krupp le fabriquant allemand a mis au point une arme similaire qui équipait les forts de Metz.

 

Mardi 15 décembre 1914

 

Vers 7h du matin le canon tonne de nouveau avec fracas comme la veille, mais pas aussi longtemps, de ma chambre on apercevait très visiblement des étincelles vers Wervicq et Bousbecque, mais un ciel qui empêchait de bien voir au loin.

De temps en temps durant la matinée, on entendait très distinctement les canons revolvers ainsi que les mitrailleuses. Malgré la pluie froide qui tombait  e fut néanmoins une rude journée de combat.

M. le doyen annonça du haut de la chaire de vérité que la fièvre typhoïde régnait actuellement en ville et qu'il était instamment recommande de n'employer comme boisson que de l'eau bouillie. Dans la soirée du mont du chemin de ger de la rue du Molinel, on entendait très bien la fusillade et le grondement des gros canons allemands.

 

Mercredi 16 décembre 1914

 

Dès le lever de l'aurore une nuée d'aéroplanes firent leur apparition dans le ciel serein, j'en comptais jusqu'à onze presque tous allemands à part deux français et un anglais m'a-t'on dit. De la cour on distinguait très facilement le tir des canons dont l'intention était d'atteindre ces aéroplanes mais aucun ne fut touché étant à une hauteur où les obus ne pouvaient les atteindre. Vers 10 h du matin on annonçait l'arrivée de nouvelles troupes.

La porte cochère vis-à-vis de la maison fut marquée à la craie blanche à destination d'en héberger. Toute la journée on entendit le son du canon et l'on nous dit que le 1er et le 6ème corps d'armée française étaient à Ypres. Mais c'est à se demander si c'est réellement vrai, nous l'ayant déjà dit tant de fois depuis trois semaines. Un fait amusant de la journée fut la fuite du champ de manœuvres de deux chevaux allemands, un groupe de curieux se forma de suite, pour suivre avec plaisir les péripéties de cette figure.

 

Jeudi 17 décembre 1914

 

Arrivée de 5000 allemands. Nous avons plusieurs soldats à loger qui reviennent de Turnhout où ils se  trouvaient depuis un mois en cantonnement. Tout deux sont de Hambourg, l'un est employé des contributions et l'autre est de la marine, ils voyageaient d'Hambourg en amérique. Ils nous disent qu'Hambourg avec Lubecq et Brême sont les trois villes d’Allemagne où se trouvent des hommes de toutes les nations tels qu'italiens, américains, français, anglais, portugais etc, etc Ils disent que les allemands en lutte depuis les Vosges jusqu'à près de Dunkerque. La Noël chez eux est une très grande fête qui dure trois jours. Ils espèrent aller fêter Noël à Lille, disent-ils.

 

Vendredi 18 décembre 1914

 

Journée pluvieuse, cependant de grand main comme du reste une bonne partie de la nuit, le canon gronda sans interruption. A 8h du matin exercice de fantassins, un capitaine à cheval les commande, la discipline allemande me semble sévère. Le capitaine commande ses hommes d'une voix forte et brève. Il parait déjà d'un certain âge d'après sa forte corpulence et ses cheveux blancs, il a sans doute blanchi sous le harnais et sait par conséquent ce que c'est qu'une campagne guerrière. Vers 9h30 grand passage de lourds automobiles et circulation ininterrompue de fantassins en ballade.

Ils arrêtent les laitiers en plene ue et se font servir du lait frais.

 

Les estaminets regorgent de militaires fumant le cigare, la pipe ou la cigarette. Aucun aéroplane n'est apparu dans la rue durant la matinée. J'ai visité le champ d'aviation, j'y ai vu l'atterrissage d'un aéroplane, c'était un beau biplane qui descendit après avoir plané quelques temps au-dessus de non têtes avec ma majesté du roi des airs J'ai revu les tranchées, pleines d'eau à présent, donc inutilisables. Les ponts en planche sur la Lys sont terminés. J'ai aussi vu un exercice de tirs de jeunes volontaires allemands sur les vieux remparts de Menin, après avoir écouté un morceau de musique, que des musiciens militaires allemands exécutaient sur le kiosque de la Grand'Place.

 

Samedi 19 décembre 1914

 

Exercice de soldats d'infanterie, démontage de mitrailleuses sur la route de Roncq. Arrivage en gare d'un immense train de jeunes soldats allemands. Coupe de sapins dans les jardins de la ville et au cimetière pour faire l'arbre de Noël, fête grandement fêtée par les allemands. Nouveaux réquisitionnements de matelas en ville pour les blessés des ambulances.

 

Dimanche 20 décembre 1914

 

Mauvaise journée : prise de notre voiture par un sergent allemand accompagné de deux caporaux. Démarches vaines près du commandant pour obtenir un bon, en bonne et due forme, mais malheureusement le commandant de cette compagnie étant à Wervicq, impossible d'obtenir le cachet d'authenticité que nous réclamions.

 

Nous soupçonnons Ferdinand Vanholsbecke d'avoir dénoncé aux allemands que nous possédions une voiture, car ces soldats sont venus directement à la remise accompagnés d'un domestique de ce dernier.

 

Beaucoup d'aéroplanes survolent continuellement la région mais le canon ne gronde pas très fort comme les jours précédents. Il semble éloigné et les coups semblent venir de la direction de Lille.

 

Lundi 21 décembre 1914

 

Exercices de fantassins dans la prairie Delobel, passage d'un régiment d'infanterie vers Lille. Vers 8h30 on entend de nouveau la canonnade dans discontinuer jusqu'à midi, on apprend que les soldats d'infanterie reçoivent leur solde le 1er et le 11 et le 21 de chaque mois. Enfin rien de particulier.

 

Mardi 22 décembre 1914

 

Tir d'une mitrailleuse pour tâcher de descendre un aéroplane français ou anglais, deux hommes font marcher la mitrailleuse, l'un apporte les engins et  dans le lointain vers 2 h du main nous entendons le grondement sinistre du canon. Les quatre coups secs indiquent le nouveau canon français de 125, dont dit-on les effets sont terribles. Un cabaretier de Roubaix est arrêté et devra passer un conseil de guerre pour avoir conservé chez lui des pigeons voyageurs. Grande affluence de fidèles à tous les offices de Noël. Allocution de M. le doyen à la grand messe sur la phrase "paix aux hommes de bonne volonté" faisant allusion aux circonstances actuelles de la guerre. Animation en ville par les alliés et venues de fantassins encore en goguette.

 

Samedi 26 décembre 1914

 

La nuit fut assez calme, on entendit, vers 2 heures deux coups de canon allemand auxquels les canons français ne répondirent pas. Mais vers 7 heures du matin les canons commencèrent à gronder dans la direction de Comines - Armentières.

 

 

 

 

20.000 fantassins passèrent dans la matinée se dirigeant vers Lille, accompagnés de 13 cuisines roulantes, ils avaient avec eux trois petits ânes et plusieurs poules vivantes mises dans des paniers d'osier. Des cultivateurs de Bécelaere avaient été chargés de voiturer les sacs des fantassins pour faciliter la marche. Puis passèrent successivement deux canons et trois mitrailleuses toujours dans la direction de Lille.

 

Des troupes passèrent aussi par le chemin de fer et l'on vit dans la matinée survoler trois aéroplanes allemands. Vers midi la canonnade était assez forte, les vitres de la maison faisaient grand bruit par moment.

 

Dimanche 27 décembre 1914

 

La canonnade  a repris avec violence dès l'aube, on distingue très bien le bruit des canons allemands  le roulement prolongé des canons français. Les fantassins du 101ème font comme d'habitude : l'exercice vis-à-vis de la maison, rue des Processions.

 

Vers 9 heures malgré  le temps froid qui nous menace de pluie, deux avions allemands passent à vol précipité, mais bientôt au loin dans le ciel brumeux se découpent les lignes d'un monoplan venant de la direction de Lille. Le pilote semble se diriger vers Menin, où se trouve le champ d'aviation, derrière l'église des Barraques. On entend alors le bruit des coups de canon contre l'aéroplane, mais le monoplan monte plus haut dans les airs, majestueux, tel un grand oiseau et c'est en vain que les canons tonnent contre lui, que les mitrailleuses crachent furieusement l'aéroplane file à une vitesse terrifiante, aussi le trouva-t'il bientôt hors de portée des canons.

 

A part cela aucun fait saillant, la pluie tombe à présent sans discontinuer et le vent souffle très fort, triste dernier dimanche de décembre.

 

Lundi 28 décembre 1914

 

Dès 2 heures du matin, départ d'une partie du régiment du 101ème, mais les voitures des bagages restent, par conséquent les soldats qui logent chez nous restent aussi. Le canon durant toute la journée continue à gronder. Vers midi nous avons la visite de l'ordonnance d'un capitaine pour placer le cheval de cet officier dans notre écurie, de plus cette ordonnance désire une chambre pour son capitaine, mais nous lui disons que nous sommes beaucoup de monde à la maison et puisque nous logeons déjà deux soldats nous n'avons plus de chambre disponible, il comprend assez facilement la chose et il s'en va demander une chambre chez notre voisin qui accepte de l'héberger.

 

Vers 7 heures du soir nous avons eu une soirée chantante par les deux soldats de chez nous, l'un a une belle voix de ténor et chante une quantité de morceaux d'opéra, c'est un musicien de talent, il a obtenu  nous disait-il le 1er prix au conservatoire de Hambourg, il excelle aussi à jouer le violon nous dit-il encore.

 

Mardi 29 décembre 1914

 

Vers 5 heures du matin passage de 1500 fantassins vers Lille. Vers 9 heures un officier et un lieutenant viennent avec leurs ordonnances visiter l'emplacement où se trouvent installés leurs chevaux, tous deux parlent très bien le français et sont très polis.

 

Passage d'un aéroplane allemand se dirigeant vers les lignes de feu. Les soldats de chez nous disent que d'après leurs journaux, les français et les allemands projettent de se mettre d'accord pour batailler contre les anglais, serais-ce vrai ? Ils nous disent également que les russes sont battus sur toutes les lignes. Encore une fois est-ce bien vrai que tout cela...?

 

 

 

 

 

Mercredi 30 décembre 1914

 

7 heures du matin passage de 2000 fantassins, avec musique en tête jouant le chant national allemand, la plupart des fantassins chantent en passant. 9 heures : un aéroplane allemand passe à vive allure dans la direction d'Ypres, où l'on se bat continuellement depuis le commencement d'octobre.

 

10 heures : réquisition en ville de tous les tombereaux pour charrier des briques dans le but d'améliorer les routes afin de les rendre carrossables

 

Le temps était beau, sec et froid, il circule en ville beaucoup plus de militaires allemands que d'habitude et vers 11 heures le canon gronde assez fort toujours du même côté.

 

Trois mitrailleuses reviennent de Roncq avec 13 hommes et une vingtaine de cavaliers suivent derrière.

 

Jeudi 31 décembre 1914

 

2heures du matin : retour des lignes de feu et des tranchées près d'Ypres des fantassins du 201ème. Passage de deux aéroplanes allemands, des troupiers cherchent encore du logement. Par quatre fois nous la visite de soldats à la recherche ce je ne sais quoi, car nous ne comprenons pas ce qu’ils disaient.

 

L'officier en venant voir son cheval s'est entretenu quelques temps avec nous, il nous a dit que pour fêter la nouvelle année, les soldats avaient la permission de nuit. Nous apprenons que les français et les anglais sont environ cent mille hommes dans les environs d'Ypres, que les anglais vont sous peu prendre l'offensive à présent qi'ils sont très nombreux.

 

Il pleut, il vente, il fait froid, c'est maintenant une triste fin d'année dans toute la face du terme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5ème cahier

 

Vendredi 1er janvier 1915

 

Premier jour de l'an et premier vendredi du mois. A l'aube de cette année nouvelle on se demande avec anxiété ce que nous réserve cette année 1915 ? Mais hélas trois fois hélas ! c'est l'inconnu, dieu seul le sait, mais espérons en bonté sublime et rappelons-nous ces beaux vers de Racine, en ces jours d'invasion :

 

"celui qui met un  frein à la fureur des flots, sait aussi des méchants arrêter les complots. Soumis à sa volonté sainte, craignons-le et attendons patiemment les évènements, sans nulle autre crainte."

 

A minuit on entendit une fusillade nourrie, les soldats de chez nous disent que ce sont les soldats allemands qui se présentaient mutuellement leurs souhaits de bonne année.

 

9 heures : une compagnie d'infanterie fait l'exercice vis-à-vis de la maison, commandée par un sergent. Les soldats du train des équipages sortent de leurs campements pour aller chercher des provisions, sur chaque voiture il y a 3 soldats. Un hussard passe à cheval à vive allure, mais en voulant prendre le trottoir pour faire mieux galoper sa monture, il manque d'être désarçonné, un  petit rassemblement de personnes se forme, et plus du rire sous cape de cette mésaventure du pauvre cavalier maladroit, quand pauvre homme il pique un fard, se remit en selle et repart au triple galop éperonnant son haridelle (Cheval maigre, en mauvaise santé) avec colère.

 

10 heures : passage d'une patrouille de dragons allemands se dirigeant vers Lille.

 

Samedi 2 janvier 1915

 

Dès le petit jour branle-bas général à cause du départ du 201ème d'infanterie, les soldats que nous avions chez nous partent pour Menin disent-ils, dès 8 heures du matin ils viennent seller le cheval du capitaine, peu de temps après les soldats reçoivent un contre-ordre. On nous dit que les alliés sont à Lichtervelde, est-ce vrai ? on raconte journellement tant de choses, que l'on ne sait vraiment qui croire. Le canon gronde dans le lointain toujours dans la direction d'Ypres.

 

Dimanche 3 janvier 1915

 

Situation inchangée, passage de soldats en motocyclettes et de nombreuses automobiles, arrivée en ville de nouvelles troupes.

 

Lundi 4 janvier 1915

 

Temps pluvieux, deux aéroplanes passent cependant et les soldats du train des équipages vont avec toutes leurs voitures chercher des vivres à Wervicq, à part ce va-et-vient, rien de bien particulier à signaler.

 

Mardi 5 janvier 1915

 

Dès 6 heures du matin nous entendons une fanfare guerrière, ce sont de nouvelles troupes de fantassins qui arrivent, elles sont logées dans la rue des Ecoles, nous dit-on. Passage d'un aéroplane, de nombreux soldats continuent à conduire  des briques avec des tombereaux réquisitionnés en ville. Deux dragons viennent visiter l'écurie pour y mettre des chevaux, mais nous avons encore des hommes et des chevaux, des voitures de vivres du 201ème d'infanterie.

 

Gustave Wienken et Jacob Verbecke viennent de nouveau nous rendre visite, ils nous disent qu'ils sont mal logés à Menin et voudraient bien revenir loger chez nous. Le canon tonne toujours dans la direction de Linselles.

 

Mercredi 6 janvier 1915

 

7 heures du matin, 21 voitures de vivres passent chez nous venant de Lille, nous dit-on, puis passent successivement 240 fantassins se dirigeant vers Lille, ils chantent à tue tête "victoria gloria".

 

On nous dit aussi qu'un grand nombre de canons et de caissons de munitions sont arrivés cette nuit à Roncq, et qu'aujourd'hui on ne délivre plus de laissez-passer pour cette commune. Le canon gronde très fort durant toute la matinée, le son des canons semble venir de la direction de Linselles, Neuville.

 

Trois aéroplanes sont passés et la journée étant belle et chaude peut-être résultera-t'il quelques chose de bon pour nous.

 

Jeudi 7 janvier 1915

 

Temps pluvieux et grand vent, donc triste temps pour le 201ème qui est retourné au feu. Un grand nombre de troupes sont arrivées à Halluin, mais elles sont toutes parties vers Bousbecque. On nous dit qu'un grand choc va se produire d'ici quelques jours entre les armées alliées et les allemands. De nouveau nous avons un cheval de lieutenant à héberger.

 

Vendredi 8 janvier 1915

 

Depuis 5h30 du matin, les roulements des canons français s'entendent dans le lointain, mais les canons allemands ne semblent pas y répondre. Un mouvement de troupes s'opère de nouveau et le charroi des briques continue sans arrêt durant toute la journée. Les soldats qui ont leurs chevaux chez nous font tranquillement la lessive de leur linge, ils ne se soucient guère qu'un de leurs chevaux est bien malade, vu qu'il ne mange plus.


Nous venons d'apprendre que les allemands recommencent à faire des tranchées au Mont d'Halluin. Passage de 20 voitures chargées de paille vers Roncq.

 

Samedi 9 janvier 1915

 

Une partie de la nuit nous entendons le canon, mais plutôt dans la direction de Lille cette fois-ci. Vers 8 h du matin un aéroplane passe, puis des médecins militaires à cheval suivis d'une vingtaine de voitures de la Croix Rouge et quelques fantassins ayant tous le brassard au bras gauche. A 9h environ 400 fantassins passent en chantant, se dirigeant vers Lille. Tous les chevaux qui restent encore en ville doivent se rendre pour 9 heures sur la place verte pour passer la revue par des vétérinaires allemands.

 

De plus chaque fermer de la ville est contraint à livrer de suite trois vaches pour l'alimentation des allemands. La ville doit fournir pour 3 heures de l'après midi 2.000 bouteilles de vin.

 

On nous dit qu'il y a actuellement à Menin 20.00 soldats allemands, par conséquent plus de soldats que d'habitants, puisqu'il n'y a que 18.000 habitants, et que les boulangers de Menin ne font plus de pain depuis deux jours, les habitants viennent chercher du pain à Halluin, c'est ce qui est  cause que le pain devient rare. Les uhlans abondent à Linselles, Bousbecque et dans le Colbras.

 

Dimanche 10 janvier 1915

 

Belle journée, qui permet aux aéroplanes d'évoluer en tous sens sans peine. Sur les 100 chevaux réquisitionnés hier pour passer la revue, 92 furent reconnus bons pour le service. En allant en  course à Menin, nous assistâmes sans nous y attendre à un concert donné par une musique militaire sur le kiosque de la Grand Place, il y avait beaucoup de monde, tant civils que militaires.

 

 

Un soldat allemand, bavarois, causant très correctement le français vient demander à 7h du soir du logement pour 3 hommes, nous lui répondons que nous avons encore actuellement des soldats du 201ème à loger et plusieurs chevaux à l'écurie, il nous en demande pas davantage, salue militaire et se retire très poliment. Vers 4 h du soir, le canon tonne violemment toujours dans la même direction.

 

Lundi 11 janvier 1915

 

A 4h du matin le canon commence à gronder et cela dure jusqu'à 9h. Une foule nombreuse de fantassins passent vis-à-vis de la maison allant vers Lille. On nous dit que les allemands recherchent les objets en cuivre pour faire fabrique des cartouches, les cultivateurs doivent encore fournir des vaches pour la boucherie allemande, par conséquent le lait va devenir rare, chose bien triste pour les jeunes enfants et les malades, quand donc cette calamité finira-t'elle ?

 

Mardi 12 janvier 1915

 

Même journée qu'hier, aucun fait particulier, sauf que nous apprenons que deux cultivateurs ont des amendes de 1.000 et 1.500 francs pour n'avoir pas livré le nombre de vaches qu'il fallait.

 

Vers 4h un sous-officier allemand traversa toute la maison sans rien nous dire, probablement qu'il s'était trompé de portes, car il était entré dans la cour par la grande porte, sans doute qu'il ne savait plus par où partir.

 

Mercredi 13 janvier 1915

 

Nous apprenons ce matin que la ville d'Halluin doit payer de suite une contribution de guerre de 450.000 francs. Les soldats commencent à ne plus trouver dans les fermes la quantité de paille voulue, aussi doivent-ils à présent aller chercher de la paille jusque près de Courtrai. Ils nous disent qu'ils vont faire tout ce qui est possible pour prendre Ypres afin d'offrir la prise de cette ville à leur empereur à l'occasion de l'anniversaire de sa naissance qui est le 27 janvier.

 

Passage de 67 chevaux d'artilleurs t de 100 fantassins en chantant. Il parait que les habitants de Quesnoy sur Deule doivent évacuer leur habitation mais que nous dit-on pas journellement ?

 

Jeudi 14 janvier 1915

 

Passage de 100 fantassins se dirigeant vers Lille, toujours en chantant l'hymne national. Hier nous avons eu la visite de notre ancien soldat  qui logeait chez nous, pour venir mettre le cheval de l'officier à l'écurie. Nous avons maintenant quatre chevaux. On nous dit que des canons sont posés au Mont d'Halluin, est-ce vrai ? en ce cas rien de nouveau à signaler.

 

Vendredi 15 janvier 1915

 

Un appel est fait à la population afin de savoir comment payer la contribution de guerre demandée par l'autorité supérieure allemande. La somme exigée est de 250.000 francs soit 30 fr par habitant puisque la population est de 15.000 habitants et cette somme est payable en monnaie française, belge ou allemande, or, argent et billets de banque de ces 3 pays. Il y va donc du salut de tous les habitants et la conservation de leurs biens en dépend.

 

Samedi 16 janvier 1915

 

Un menuisier allemand, fantassin sans doute, est venu s'installer dans la cour pour fabriquer des caisses destinées aux officiers. Vers 8h du matin, il est passé en chantant "la gloire", 384 fantassins se dirigent vers Lille.

Hier il est passé 730 fantassins et tous ces soldats depuis le 15 janvier n'ont plus de pointe au casque parce qu'ils doivent les enlever pour pouvoir faire des balles, c'est donc qu'il y a pénurie énorme de cartouches au pays de Guillaume.

 Mais de nouveau le pain commence à devenir rare, le siège des boulangers recommence.

 

Dimanche 17 janvier 1915

 

Journée froide et pluvieuse. Passage d'une cinquantaine de caissons de munitions se dirigeant vers Lille. Le pain commence aussi à se faire rare dans les villes de Roubaix, Tourcoing. Les troupes alliées avancent dit-on dans la direction de Wambrechie et de Lomme.

 

Lundi 18 janvier 1915

 

Le temps détestable qu'il ai es de nature à ralentir encore les opérations de guerre. La neige a fait son apparition et tombe à gros flocons, elle recouvre tout de son blanc linceul, aussi on se figure en quels bourbiers doivent se faire les manœuvres de l'artillerie, ainsi que les charrois de tous genres.

Nous traversons des épreuves terribles, cette nuit est claire, illuminaient sans cesse le ciel, probablement que ce sont des obus à moins que ne ce soit que des signaux de guerre, car nous n'entendions pas beaucoup de bruit après chaque éclair. Il faut beaucoup de calme et de la patience, il nous est qu'à mettre notre sort entre les mains de dieu.

 

Mardi 19 janvier 1915

 

Journée pluvieuse et très sombre, aucun fait important si ce n'est que les portes de Lille sont fermées. Il parait que les allemands ont perdu beaucoup d’hommes entre Armentières et Lille, que les turcos (Sobriquet donné aux tirailleurs algériens. Selon certains dict., ce surnom remonterait à la guerre de Crimée (1854-1855), les Russes ayant pris les tirailleurs algériens pour des Turcs à cause de leur costume.) sont retournés dans leur pays à cause du froid.

En Alsace nous progressons, si cela serait vrai, l'heure de la délivrance approche à grands pas. Le canon ne tonne cependant plus si fort.

 

 

 

Mercredi 20 janvier 1915

 

Vingt-deux caissons de munitions sont passés rue de Lille pour se diriger vers le Mont d'Halluin, par la rue de la Procession.

Le transport des briques pour l'amélioration des routes continue encore journellement, plus de dix tombereaux de briques sont passés ce matin. On rapporte que les allemands ne pouvant arriver à occuper Ypres, songent à se reporter vers Soissons. Mais ont dit tant de choses que l'on arrive à ne plus savoir qui croire.

 

 

 

 

Jeudi 21 janvier 1915

 

Des mitrailleuses passent prenant la direction de Lille. Les pionniers qui se trouvaient rue des Ecoles quittent la ville. Une petite patrouille de uhlans fait une courte apparition.

Deux soldats viennent par la grande porte baragouiner en allemand, nous ne comprenons pas ce qu'ils disent, après leur avoir dit "begraifte nich'te" ce qui veut dire : je ne comprends pas, ils se retirent.

 

Vendredi 22 janvier 1915

 

Dès 7 h du matin une foule de chariots de munitions défilent par la rue de la Procession.

La mairie à fait afficher que les habitants de la ville devaient restreindre le plus possible la consommation de viande, et qu'il ne fallait accepter comme bon de réquisition que ceux émanant de la mairie, revêtu du cachet de la mairie et de la signature du maire.

Passage de plusieurs aéroplanes. 200 fantassins se dirigent vers Lille, dans l'après-midi 22 voitures de munitions s'en vont vers la route nationale.

 

Samedi 23 janvier 1915

 

Journée belle. On aperçoit dans la rue des aéroplanes amis et ennemis. Passage de 30 voitures de munitions et 20 chariots de vivre se dirigeant vers Menin. La mairie ordonne que les cultivateurs fassent connaître leurs champs ensemencés par une grande perche recouverte de paille dans le haut afin que les cavaliers n'abîment rien. La canonnade  se fait entendre dans la direction de Lille.

 

 

Dimanche 24 janvier 1915

 

Journée très sombre. Plusieurs personnes prédisent la neige. Dans la nuit de samedi à dimanche, es fantassins se dirigent vers Lille, en chantant la gloire, c'est dire "gloria victoria". Il est défendu de sortir de la ville sans laissez-passer, celui qui s'y oppose sera condamné à une amende de 20 Fr. et à 4 jours de prison, celui qui récidive à une amende de 100 Fr et 20 jours de prison.

D'ici quelques jours la ville d'Halluin doit remettre 80.000 Fr à l'autorité militaire allemande, ayant donné la 1ère fois une somme trop inférieure. L'activité militaire allemande devient de plus en plus exigeante.

 

Lundi 25 janvier 1915

 

Matinée assez mouvementée, au petit jour passage d'une d'une centaine de hussards se dirigeant vers Lille, puis bientôt suivis d'artilleurs ayant 15 canons et plus de 50 caissons, ils passent au triple galop, se dirigeant également vers Lille, mais à peine passés, deux cavaliers arrivent à bride abattue, et sur un ordre de ces cavaliers, rebroussent chemin et s'en retournent dans la direction de la Belgique au petit trot. Un aéroplane est aussi passé ainsi que beaucoup d'automobiles, toujours se dirigeant vers Lille.

 

Mardi 26 janvier 1915

 

Un aéroplane survole la ville à plusieurs reprises, des canons sont placés au hameau du Cobras, près de la ferme Destailleurs. Les camionneurs doivent aller, au nombre de huit, avec un camion attelé de deux chevaux, chercher du blé à Camphin, prés de Seclin.

On nous dit qu'un officier vient d'annoncer qu'Halluin n'aura dorénavant plus beaucoup de soldats à héberger, mais est-ce vrai ou bien est-ce encore que de vulgaires racontars ?

 

Mercredi 27 janvier 1915

 

C'est aujourd'hui l'anniversaire du Kaiser, l'enthousiasme n'est cependant pas très grand chez les sujets de sa majesté, beaucoup de soldats semblent plutôt moroses que gais, on se demande si ce n'est pas à cause des défaites successives de ces temps derniers. Cependant les officiers fêtèrent cet anniversaire par un grand banquet au cercle industriel, café de la mairie.

Les farines deviennent de plus en plus rares, chaque habitant de la localité ne pourra plus désormais avoir que 300 gr de pain par jour.

 

 

Guillaume II Empereur
 

Frédéric Guillaume Victor Albert de Hohenzollern

 

 

 

 

 

 

Jeudi 28 janvier 1915

 

Allons-nous être encore menacés d'une seconde grande calamité : la famine paraît commencer à faire son apparition. Le prix du pain augmente d'une façon inquiétante, le voilà actuellement à un franc pour un pain de 4 livres.

Passage d'une patrouille d'une trentaine de dragons allant vers Lille. Une centaine de cavaliers promènent leurs deux chevaux.

 

Vendredi 29 janvier 1915

 

Grande effervescence dans les rues de la ville, occasionnée par la cherté du pain, des femmes, en assez grand nombre parcourent les rues au chant révolutionnaire de l'Internationale, et manifestent bruyamment devant chaque boulangerie, elles déchirent les affiches apposées sous les portes, et jettent de la boue, cela dura jusqu'à six heures du soir.

Le commandant allemand pour mettre fin à cette petite révolution organisa des patrouilles allemandes qui patrouillèrent toute la nuit. On ne délivre plus de laissez-passer pour Tourcoing, on n'en donne que pour Roncq, Linselles et Neuville. Un aéroplane passe, peu après on entend le grondement des canons.

Le temps est sec et froid, le vent étant au Nord, fait qu'on entend très distinctement le bruit des mitrailleuses dans le lointain qui crachent une pluie de mitrailles sans discontinuer et le son du canon.

 

Samedi 30 janvier 1915

 

Il est passé 10 aéroplanes. Tout devient rare, presque plus de lait, de petit lait, du pain.

Il parait qu'un grand nombre de soldats en Allemagne s'étaient engagés pour six mois, donc leur engagement expire le 1er février, qu'en résultera-t'il ?

 

Dimanche 31 janvier 1915

Un soldat allemand de chez nous dit que la guerre se terminera fin février, sera-t'il bon prophète ?

On dit qu'à cause de la manifestation socialiste de jeudi dernier, le 172ème régiment d'infanterie allemande, viendra cantonner à Halluin. Il parait que les habitants de Quesnoy sur Deule ont été prévenus d'évacuer leur habitation, en tout cas le canon gronde très fort ce matin dans cette direction, et les personnes venant de Tourcoing sont arrêtées cinq fois en cours de route pour montrer leur laissez-passer, mais les allemands ne visitent pas les voitures.

 

 

Lundi 1er février 1915

 

Dès le matin nous apercevons dans la rue des aéroplanes, les uns survolent la maison, d'autres sont très hauts. La fusillade se fait entendre on nous dit que ce sont les jeunes gens de Bousbecque et des environs que les Allemands apprennent à tirer, il parait que les Allemands les appellent deux à trois fois par jour et ces hommes doivent se rendre immédiatement, pourvu qu'ils ne fassent pas cela dans votre chère ville d'Halluin.

 

Mardi 2 février 1915

 

Dans la nuit de lundi à mardi nous entendons très bien le canon ans la direction de Linselles. On nous dit qu'à Lille un officier allemand se trouvant sur la Grand-Place prenant un pain et l'ayant mis au bout de son épée se mit à crier : à qui le pain ? la populace affamée arracha des mains de l'officier ce pain, par suite de cela les militaires allemands concluent que la famine règne dans Lille. Des allemands photographièrent cette scène et la reproduisant dans leurs journaux qu'ils expédièrent en Allemagne, ils firent de même pour la viande dans Tourcoing et dans les environs.

Passage de trois mitrailleuses au triple galop, le chapeau de la roue de l'une d'elles tomba vis-à-vis de la maison. Une centaine de chevaux et de cavaliers se promènent en se dirigeant vers Menin.

 

Mercredi 3 février 1915

 

Vers 7 heures du matin nous entendons dans le lointain le son d'une musique, c'est le passage de 200 fantassins qui, musique en tête, se rendent au combat. Nos hôtes se mettent en tête de vouloir faire du coupage pour leurs chevaux à notre machine, ils s'installent et amènent leurs camarades de tous les côtés.

 

Jeudi 4 février 1915

 

Passage d'une centaine de fantassins allant vers Lille. 5 à 6 aéroplanes survolent la ville en tous sens. On nous dit que le drapeau anglais flotte à présent au clocher des églises de Bicelaere et de Morselede.

Un ordre est venu du régiment allemand de mettre un cadenas aux portes des écuries et remises où se trouvent des chevaux afin d'empêcher les vols d'avoine.

 

Vendredi 5 février 1915

 

La matinée est bleue et pure, le ciel est beau, l'air est clair et frais, une rare journée de printemps, les moineaux tapagent gaiement, querelleurs et joyeux mais le canon tonne sans discontinuer, plusieurs aéroplanes français et anglais passent alors les mitrailleuses tirent sans arrêt, le spectacle est terrifiant, les fusées montent et s'élèvent dans les airs mais heureusement les aéroplanes ne sont jamais touchés malgré la pluie de mitraille et les panaches de flammes plus rouges encore qui s'élèvent vers le ciel. Puis des fantassins passent chantant toujours leur éternel refrain "gloria victoria".

 

Samedi 6 février 1915

 

25 caissons de munitions passent à vive allure se dirigeant vers Lille, On nous dit que l'on ne peut plus aller à Lomme parce que les troupes françaises approchent de Lille,

Dimanche 7 février 1915

 

Monsieur le doyen nous a annoncé que les messes seraient avancées à cause des allemands qui doivent avoir l'église libre pour dix heures afin d'y célébrer leurs offices, Aucun fait saillant,

 

lundi 8 février 1915

 

Passage de 300 fantassins avec musique en tête allant vers Lille, 128 cavaliers passent se dirigeant vers Menin, deux aéroplanes survolent la ville, une patrouille de cinq gendarmes passe très vite en prenant la rue de la Procession,

 

Mardi 9 février 1915

 

Vers 7 h du matin passage de 200 fantassins musique en tête, répétant leur éternel refrain ! Vers 10h une centaine de cavaliers se dirigent vers Menin, Le canon tonne avec violence ainsi que les mitrailleuses, On nous dis que les forts d'Enclos sont pris par les allemands, que Roulers est aux mains des français ou des anglais, Est-ce vrai ?

 

 

Fantassin allemand
 

Mercredi 10 février 1915

 

Dès le petit jour nous entendons le bruit des cavaliers, ce sont 80 hussards, 2 officiers prennent le devant ils se dirigent vers Roncq, Dans la nuit du 9 au 10 une fusillade nourrie se fit entendre dans la direction de Linselles, Il faisait un vent violent  à décorner les bœufs,

 

 

Jeudi 11 février 1915

 

Passage de 300 fantassins, une affiche est posée à la Mairie et à divers endroits, elle annonce que des aviateurs français lancent des sacoches noires contenant des petits ballons rouges, lesquels contiennent des nouvelles, La personne qui trouvera cette sacoche est obligée de la porter  la kommandantur puis elle sera récompensée, Si quelqu'un s'y oppose il sera pris comme espion et punit selon les lois de la guerre,

 

vendredi 12 février 1915

 

Une centaine de fantassins suivis des voitures de la Croix Rouge, sortent de la rue des Ecoles pour se diriger sur Reckem, Une autre affiche informe qu'il est défendu strictement d'entretenir des communications avec les pays voisins sous peine de cinq ans de prison, donc il nous est défendu de nous rendre à Menin, Tourcoing etc,

On nous dit que le 201ème et le 202ème régiment allemand sont des soldats de parade et que l'Amérique a déclaré la guerre aux allemands, Le canon ne se fit pas entendre autant que les autres jours,

 

Samedi 13 février 1915

 

Il fait un vrai temps de chien mais rien n'empêche cependant les voitures du 201ème d'aller porter des provisions à Menin, Comines, Le pain se fait rare à Menin, Un agent de police visite toutes les maisons s'informant du nombre d'habitants, Les régiments du 105ème et du 202ème se remplacent réciproquement pour aller au feu, Le canon gronda de tous côtés pendant toute la journée,

 

Dimanche 14 février 1915

 

Journée très froide, un vent impétueux souffle en tempête, Une petite circulaire est affichée à la Marie obligeant tous les cultivateurs, les meuniers, les habitants, les boulangers, et même les particuliers ayant de la farine ou des stocks de blé de tout porter à la Mairie, L'autorité militaire allemande mentionne qu'elle remplacera cette farine de blé par de la farine de seigle,

 

 

 

Lundi 15 février 1915

 

dans la nuit et vers le matin nous entendons plusieurs sifflements de trains allemands, Un canon passa dans la journée se dirigeant vers Lille, Voici un communiqué venant de la préfecture datant du 17 février : le général de l'armée a coupé la retraite des allemands, Le général Galliéni marche sur Seclin, l'armée alliée tient les allemands entre Cassel et Bousbecque, Le roi Albert occupe le front de la bataille de Cassel et d'Armentières avec 200,000 hommes, Les allemands sont battus partout, ils proposent la paix à la Russie,

 

Dépêche de l'avion anglais : l'heure de la délivrance est proche, Le passage des allemands en retraite va vous mettre en danger car vous devez vous attendre à voir passer les troupes allemandes, leur rôle est de jeter des bombes ou grenades et nous devons vous avertir de rester chez vous calmes et patients, Nous avons à Houplines et Verlinghem fait 2,000 prisonniers, 11 mitrailleuses, 50 chariots, 10 canons et 20 autos, Le renfort nous est arrivé de Dunkerque, 80,000 hommes, Les anglais ont des mitrailleuses sur le dos, ce qui rend les allemands furieux,

 

Mardi 16 février 1915

 

Journée mouvementée, dès le matin passage de plusieurs cavaliers, Dans l'après dîner une vingtaine de caissons de munitions et plusieurs canons se dirigent vers Lille, Une affiche est posée aux divers endroits de la ville prévenant les cultivateurs d'ensemencer leurs champs et de les déclarer à la mairie, Vers cinq heures du soir deux sous officiers se rendent à l'écurie pour monter le cheval de l'officier et un de ceux que nous avons chez nous, ce sont des cousins à l'officier nous dit l'ordonnance,

 

mercredi 17 février 1915

 

Vers minuit nous entendons le grondement sinistre du canon, Passage d'une centaine de cavaliers promenant leurs chevaux, Ils est défendu sévèrement d'entretenir des communications avec les militaires français ou alliés sous peine de six ans de prison,

Le père de Courtrai est parait-il fusillé à cause des renseignements qu'il donnait sur les prisonniers,

 

Jeudi 18 février 1915

 

Arrivé de nouvelles troupes, dans la matinée une centaine de dragons passèrent se dirigeant vers Menin, Vers 3 heures de l'après-dîner des fantassins en très grand nombre étaient en repos vis-à-vis de la kommandantur jusqu'au bas de la rue de Lille, ils étaient 800 environ, ils logèrent dans la rue des Ecoles, à l'école Ste Marie à l'école maternelle, aux grands établissements, Les allemands étaient repoussés de Cysoing – La Madeleine,

 

Vendredi 19 février 1915

 

A 4h du matin une fusillade nourrie et le grondement du canon se firent entendre dans la direction du mont et de Linselles, Dans les estaminets de Menin se trouve une petite affiche dont il est défendu aux soldats allemands de rester dans les estaminets au plus tard de huit heures, Menin regorge d'une quantité d'alboches,

 

Précision du transcripteur :

Avant 1914, c'était Alboche (comme moche), qui fut raccourci en Boche tout court. étym. aphérèse de alboche ; (1911), influencé par boche, libertin, mauvais sujet (1866 [Delvau]) et par tête de boche, tête dure, qui se dit à Marseille, où la boche est la boule servant à jouer : 1881 [Rigaud].
1862, Metz [Esnault]. Le suffixe -boche est courant en argot au XIXè siècle : rigolboche (1860), italboche, etc. Il n'a pris un sens péjoratif que postérieurement, dans un contexte de guerre.

 

 

Samedi 20 février 1915

 

On nous annonce l'arrivée de nouvelles troupes de fantassins pour dimanche, les allemands affichent leur victoire sur les russes : 64,000 prisonniers russes, 64 mitrailleuses et 40 canons. Ces victoires sont annoncées probablement pour encourager leurs hommes, 25 fantassins circulent en patrouille vers Lille, 200 autres se dirigent par la rue de la Procession au pas miliaire,

Départ de nos hôtes, mais ils reçoivent un contre-ordre et reviennent, 5,000 fantassins viennent des environs de Lille,

 

Dimanche 21 février 1915

 

Belle journée mais un peu froide par suite du brouillard. Les soldats du 201ème reportent les vivres vers Menin ne sachant encore quand ils partiront définitivement. Chaque matin vers 7 h la cuisine roulante  des 5 et 18ème régiment d'infanterie apporte la soute aux jeunes soldats. On nous dit qu'aujourd'hui il se trouvera dans Halluin 10,000 hommes aussi cherche-t'on du logement pour 60 officiers, 60 officiers représentent 3,000 hommes. Dans 15 jours on nous annonce l'arrivée de soldats anglais mais on nous dit que ce sont des sans-gêne. Le canon ne tonne plus si fort. 600 fantassins du 202ème sont repoussés de La Bassée parait-il.

 

Lundi 22 février 1915

 

Dans la nuit de dimanche à lundi nous nous entendons distinctement le canon français auquel les canons allemands répondent. Les fantassins logés dans les écoles font l'exercice tous les jours dans la prairie de M. Delobel. Vers 3h de l'après dîner la grande cloche sonna à l'église, tout le monde est inquiet mais heureusement ce n'est que pour annoncer une grande victoire allemande dont plus de 100,00 hommes, pris des canons, mitrailleuses, autos. Un élève-officier se trouvant chez une personne disait qu'il s'était point couché dans un lit ni mangé à la fourchette depuis le 1er septembre.

 

 

Mardi 23 février 1915

 

La terre se trouve recouverte d'une petite gelée blanche, temps froid pour nos pauvres soldats mais les chers allemands sont durs car ils ordonnent à leurs piou-piou de se mettre dans les fossés, d'apprendre à tirer, d'autres escaladent les murs de M. Marel, rue de la procession, cassant plusieurs tuiles, d'autres encore se trouvant dans la grande pâture de M. Delobel vis-à-vis de la maison jouent comme de véritables enfants au jeu que l'on appelle : la guerre. Un de ces piou-piou tomba l'empêchant de marcher seul, d'autres soldats durent l'accompagner jusqu'au lazare et révision de tous les chevaux allemands du 201ème sur la route de Mouscron à Menin.

 

Mercredi 24 février 1915

Nous entendons dans le lointain le son d'une musique militaire, c'est le 201ème qui se rend en parade vers Tourcoing, ils sont au nombre d'un bon millier, les voitures de vivres suivent derrière. Les hommes et les chevaux de chez nous quittent l'écurie pour rejoindre le défilé, tous sont en très grande tenue, ils reviennent à midi. Le commandant allemand défend aux épiciers de vendre leurs marchandises plus cher de ce qui suit : oeuf 0,15 Fr, bouteille de vin 1 Fr, beurre 3,40 Fr, cartes illustrées 0,05 Fr sans doute qu'il y avait trop d'abus. Passage d'une centaine de cavaliers promenant leurs chevaux se dirigent vers Roncq.

 

Jeudi 25 février 1915

 

7h du matin passage de fantassins : 500 environ, se dirigent vers Lille au son de la musique, une centaine se dirigent vers le mont pour faire l'exercice. Les allemands font construire un fourneau, rue des Écoles, puis à l'école Ste Marie. Les allemands font du coupage avec notre hache paille et le manège, ceux qui sont à Menin viennent aussi. Nous avons demandé un bon à celui qui loge chez nous, après plusieurs démarches nous l'avons obtenu, ce bon doit porter le cachet du régiment, celui de l'officier, celui du commandant, pus le cachet de la Mairie.

 

Vendredi 26 février 1915

 

Il fait un très grand brouillard mais la journée est assez belle. Dans la soirée il passa un aéroplane allemand. Le pain se fait rare, plusieurs personnes vont le chercher à Menin, mais certains boulangers disent qu'il est défendu de vendre du pain aux habitants d'Halluin, on nous dit qu'à rechem (au meurisson) les personnes peuvent avoir autant de pains qu'elles désirent, c'est du pain de seigle au prix de 0.50 Fr. Que de choses nous sommes presque forcément obligés de manger en temps de guerre. Voilà maintenant que c'est du pain de cheval.

 

 

 

 

Samedi 27 février 1915

 

Il fait un froid de loup, le vent souffle avec violence, la neige menace de tomber. Les soldats font l'exercice comme d'habitude. Les allemands recommencent à enlever dans les fabriques de M. Loridan, Sion, etc. Il se trouve à l'ambulance une centaine de blessés, dès qu'ils sont transportables on les expédie sur Gand. L'usine Loridan contiendra 600 fantassins, il nous en arrive toujours de nombreux soldats.

 

Usine Loridan
 

Dimanche 28 février 1915

 

C'est un véritable blocus moral de ne pas recevoir des nouvelles des siens pendant des mois entiers. Quelle patience, quelle angoisse nous endurons durant cette invasion. Ce matin M. le doyen donne du haut de la chaire de vérité une liste des prisonniers de Frédéric, ville que Monseigneur Charost évêque de Lille lui a envoyée.

 

En Allemagne il se trouve 15,000 prisonniers du département du Nord, à Maubeuge, il y eu 45,000 prisonniers.

Beaucoup d'automobiles renfermant des officiers supérieurs passent à vive allure vers Lille. Une patrouille de dragons passa au trot se dirigeant vers Menin. Il passa une dizaine d'aéroplanes en outre un ballon dirigeable français très haut. Plusieurs étaient des français ou des anglais, on ira beaucoup après ces aéroplanes mais on ne parvint point à les atteindre.

Le canon gronde sans discontinuer toujours dans la direction de Gheluwe – Dadizeele.

 

Liste des prisonniers que nous connaissons : Vanlerberthe Louis rue des écoles, Blarisse gustave rue des écoles, Miens charles rue de Lille, Pierchon jean rue de Lille, Desmaziete henri rue de Lille, Achein charles rue Neuve, Lemaire henri rue des écoles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6ème cahier

 

 

Lundi 1er mars 1915

 

Journée froide. Vers 7h du matin le 201ème se dirige par la rue de la gare vers Linselles,  une dizaine de hussards font partie du régiment du 201ème

 

Dans les rues on ne voit que des fantassins, les musiciens donnent une sérénade, vis-à-vis de la kommandantur, à 1h de l'après-midi le 201ème revient par la rue de Lille au son de la musique. Les fantassins logés dans la rue de l Procession apportent chacun sur leur dos deux neufs matelas pour les placer dans l'usine Sion. 20 chariots de paille attelés de quatre chevaux se dirigent vers Lille. L'usine Gatry contient maintenant 600 allemands : fantassins, artilleurs, hussards etc. Tous les soldats allemands doivent à présent loger dans les fabriques. 4000 fantassins sont annoncés quand les usines seront remplies chaque maison aura à loger 4 soldats. Ce matin nous avons eu la visite de deux ordonnances d'officiers pour retenir deux chambres. Nous lui avons dit que nous avions deux soldats et quatre chevaux, ils se sont retirés très poliment.

     

Mardi 2 mars 1915

 

Quelle belle journée nous, c'est une véritable journée de printemps, le soleil commence à faire sentir sa chaleur bienfaisante. Dans le lointain nous entendons à plusieurs reprises le son d'une musique militaire. Aucun aéroplane ne se montre aujourd'hui, sans doute que les aviateurs anglais ne sont plus aussi francs que dimanche dernier il est tombé un aéroplane anglais en Wervicq et Comines à quelques kilomètres de l'armée française, 3 officiers aviateurs furent faits prisonniers ainsi qu'un mitrailleur et leur bel aéroplane nous dit-on. L'armée allemande fait faire à l'usine Vannoy 4,000 matelas que les ouvrières halluinoises confectionnent au prix de 3 Fr par jour mais la mairie d'Halluin qui paye tout cela et non pas ces messieurs les allemands.

 

Mercredi 3 mars 1915

Journée pluvieuse, mais malgré le mauvais temps les fantassins font l'exercice comme d'habitude. Le drapeau rouge est arboré sur la route de Reckem. Plusieurs maisons sont marquées à la craie blanche pour indiquer le cantonnement des soldats. Presque chaque maison est occupée par 2 ou 3 sous-officiers du 18ème régiment. Aucun fait saillant.

 

Jeudi 4 mars 1915

 

Belle journée. Les allemands portés près de chez M. Beylemans sont très difficiles pour les laissez-passer. A Tourcoing les hommes de 17 à 50 ans sont obligés de se faire inscrire, ceux qui ne le font pas et si on les retrouve seront expédiés en Allemagne. Il est défendu de se rendre à Montaleux. Roncq regorge d'une multitude d'artilleurs. Les allemands sont compatissants, ils font l'aumône à de pauvres infirmes, plusieurs fantassins se dirigent vers Lille en chantant leur gloire « gloria victoria ».

 

Vendredi 5 mars 1915

 

Dans la nuit de jeudi à vendredi une fusillade nourrie, les mitrailleuses et le grondement sinistre du canon se firent entendre dans le lointain. Dans le ciel on voyait des boules de feu puis des éclairs. Les allemands ont installé une cantine chez M. Aimé Vanachere, de plus ils sont venus à l'écurie mettre un cheval près du nôtre. Voilà que nous avons six chevaux maintenant. Plusieurs maisons particulières sont destinées pour le cantonnement des soldats allemands, il est arrivé 150 dragons allemands chez M. Gratry.

 

Samedi 6 mars 1915

 

Aucun fait important sauf qu'on nous annonce que l'on sera délivré du 12 au 15 courant si cela pouvait enfin être vrai, on dit également que les Russes ont fait 250,000 prisonniers en Pologne. A Comines les habitants sont avertis de se rendre dans leur cave en cas de bombardement. Passage de caissons de munitions se dirigeant vers Lille.

 

Dimanche 7 mars 1915

 

Temps sombre. M. le Doyen annonça du haut de la chaire de vérité que les messes seront changées à cause des allemands qui occupent l'église pour célébrer leurs offices, il n'y aura plus que cinq messes au lieu de six, la messe de 8h30 sera supprimée. Passage de deux aéroplanes allemands. Rien à signaler.

 

Lundi 8 mars 1915

 

Les cultivateurs sont défendus d'ensemencer leurs champs de tabac, de lin, des betteraves et des chicorées, mais ils sont obligés par contre d'ensemencer leurs terres d'avoine, de légumes et plus particulièrement de pommes de terre, ce que l'armée militaire allemande a besoin, donc il est à craindre que l'année prochaine, il est pénurie de certaines denrées.

Dans toutes les rues de la ville on rencontre aujourd'hui des soldats en grand nombre, ils paraissent plus calmes, ils n chantent plus comme les jours précédents.

 

Mardi 9 mars 1915

 

Temps froid, petite gelée blanche. Les fantassins de l'usine Sion se préparent à partir, le commandant lui-même avoue que les troupes ne progressent plus. En France toutes les communications sont momentanément interrompues afin de préparer un grand coup pour la fin mars. Puisse le bon dieu bénir nos courageux et valeureux soldats afin que nous soyons délivrés au plus tôt de cette invasion qui dure déjà depuis quatre mois.

 

Mercredi 10 mars 1915

 

Belle journée. On nous dit que 160 soldats français ont été faits prisonniers à Lille dans la journée d'hier par les allemands. 25,000 allemands sont partis de Comines sur Hersaux-Courtrai-Tournai. Les allemands se retirant peu à peu. Ils nous est arrivé un régiment entier. Cette nuit ont entendait la fusillade puis le canon tonna dans le lointain du côté de Dadizeele. Passage d'une centaine de fantassins

 

Jeudi 11 mars 1915

 

Bel exploit d'un aéroplane anglais, hier dans la soirée c'est à dire vers 4 h nous entendions un grand bruit Les voitures du 201ème se rendent comme sec, c'était l'éclat d'une bombe lancée par un aéroplane anglais sur la cabine des fils télégraphiques de la gare de Menin. Cette bombe occasionna une vingtaine de morts et plusieurs blessés, 12 civils et 7 allemands, le même aéroplane lança une bombe sur la gare de Courtrai. Tous les fils furent endommagés en outre M. Clinche eut deux vaches tuées et il fut lui-même blessé. La ville de Lille a un procès d'un million à cause de la manifestation que les femmes lilloises avaient faites en  portant une cocarde tricolore. Les habitants lillois ne peuvent plus circuler à cause de cela après 5h du soir jusqu'au 20 mars. Passage d'un millier de fantassins.

 

 

Vendredi 12 mars 1915

 

Belle journée printanière. Défense absolue de se rendre à Tourcoing sans laissez-passer. Sur une pancarte en bois aux intersections des principales rues, il est écrit : "celui qui dépasse la limite du territoire ou qui se rend par des sentiers non occupés par les sentinelles, s'il ne s'arrête pas immédiatement aux sommations, les patrouilles et les sentinelles ont le droit de faire feu.

A Neuville les jeunes gens de la classe 1916, 1917, sont obligés de se faire inscrire à la mairie, sans doute que les allemands vont les emmener avec eux, à part cela aucun  fait saillant.

 

Samedi 13 mars 1915

 

Les voitures du 201ème se rendent comme chaque matin à Menin. Passage de plusieurs chariots de briques, toutes les voitures du 203ème et du 204ème régiment qui étaient à Ostende se sont dirigés vers Lille. Le 201ème ne sait pas encore exactement quand il partira, cependant il se prépare à partir.

Voilà 3 mois que nous avons les mêmes hôtes de Guillaume à loger. Au Mont il y a de grandes tranchées, dans l'une d'elles se trouve une grande marmite percée de trous pour faire la soupe. Nous croyons que les allemands préparent leur retrait. Un vieux paysan du Mont nous racontait que tous les soirs vers 8 ou 9 heures, les allemands font la petite guerre entre eux, ce pauvre fermier nous montrait tous ces champs abîmés par ces tranchées, il en était bien désolé.

 

Dimanche 14 mars 1915

 

La bataille de la Champagne est terminée mais il y eut 45.000 alliés et 72.000 allemands de morts, 2 généraux allemands furent faits prisonniers à Ypres. A Comines et Linselles il ne se trouve plus aucun allemand. Un allemand étant venu à la maison déclara que la guerre est sur point de se terminer.

 

Cause de la guerre

 

Le 28 juin 1914 un grand crime a été commis sur la personne de celui qui devait succéder à l'empereur d'Autriche. Un étudiant serbe a assassiné à cours de revolver l'archiduc François Ferdinand et sa femme la duchesse Sophie de Hohenberg, tous deux très catholiques et pieux. Les enfants de l'archiduc et de l'archiduchesse sont : la princesse Sophie née le 24 juillet 1901, le prince Maximilien né le 29 septembre 1902, et le prince Ernest né le 27 mai 1904. Au moment de l'assassinat, ces enfants étaient au château de Schlumetz en Bohème.

 

 

(François-Ferdinand (en allemand : Franz Ferdinand von Österreich-Este), archiduc d'Autriche et prince héritier de l'empire Austro-Hongrois, est né à Graz le 18 décembre 1863 et décédé le 28 juin 1914 victime d'un attentat à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). Son assassinat est souvent considéré comme l'élément déclencheur de la Première Guerre mondiale. Note du transcripteur)

 

Lundi 15 mars 1915

 

Monseigneur Charost, évêque de Lille

(Alexis-Armand Charost a étudié la théologie catholique et la philosophie au Petit séminaire de Précigné, puis au Grand séminaire du Mans, à Rome et à Angers. Il a été ordonné prêtre, à Rome à l'âge de 22 ans, le 19 mai 1883, puis enseigna dans une école catholique.

De 1892 à 1894, il a été directeur d'un internat et de 1894 à 1899, il a été le secrétaire personnel de l'archevêque de Rennes. Il a été vicaire général de l'archevêché de Rennes de 1909 à 1913.

 

Le pape Pie X le consacra évêque auxiliaire de Cambrai et vicaire général du diocèse de Lille le 13 mai 1913 et il devint évêque de Lille la même année, le 21 novembre 1913. En 1920, le pape Benoît XV le nomma archevêque coadjuteur de l'archevêché de Rennes dont il devint archevêque titulaire 1921.

 

Lors du consistoire du 11 décembre 1922, le pape Pie XI le créa cardinal avec le titre de cardinal-prêtre de S. Maria della Vittoria. Il mourut le 7 novembre 1930 à Rennes et a été enterré dans la basilique de cette même ville.

 

Monseigneur Charost, buste sculpté par Henri Soubricas, exposé dans la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille, a été inauguré le 1er novembre 1934 devant le portail Saint-Joseph de la cathédrale en hommage au soutien moral qu'il a apporté à la population lilloise. Il a depuis été transféré à l'intérieur de l'édifice.

 

Légion d'honneur, remise le 2 mars 1921 par M. Delesalle, maire de Lille, lors d'une cérémonie à l'évêché. L'ayant obtenu en 1920, Mgr Charost avait demandé qu'on la lui remette à Lille.

 

Mgr Charost est arrivé à Lille en 1913 où il a pris ses fonctions d'évêque dans le diocèse nouvellement créé. Pendant le conflit, le Nord (et donc Lille, siège de l'évêché) est occupé par les troupes allemandes. Face à l'absence d'autorités civiles (internement du préfet), il fait front à l'occupant et prend énergiquement la défense des populations du Nord qui subisssent des exactions en tout genre : pillages, travaux forcés, enlèvements et déportations. L'évêque de Lille en appellera à Benoît XV qui condammera ces faits.

 

Le 16 août 1917, le gouverneur ordonne à l'évêque de déconsacrer les cloches des églises, ce qu'il refuse catégoriquement en expliquant « que sa conscience interdisait à l'évêque de déférer à la demande qui lui était faite, les cloches devant être transformées en engins de guerre, dirigés contre son pays. »[1] Malgré ses protestations, la plupart des cloches seront saisies. Les heurts entre l'évêché et l'armée allemande sont légion : celle-ci a toujours cherché à connaître les biens de l'église afin de s'en emparer. L'évêque avait interdit aux prêtres du diocèse de les communiquer à l'occupant. Le matin du 10 juin 1918, à 8 heures, les églises de Lille sont envahies par l'armée allemande afin de perquisitionner et rechercher toute cachette susceptible de contenir les biens et trésors de l'église afin de les emmener à la kommandantur.)

 

 

est otage des allemands.

 

 

800 réfugiés de Roubaix et 600 réfugiés de Tourcoing vont être obligés de se rendre dans le midi de la France à cause du manque de farine. Presque chaque jour nous avons des soldats qui viennent faire du coupage à notre machine, les uns sont polis, les autres sont de véritables allemands.

 

Dans toute la longueur de la route de Lille à Menin une automobile allemande laisse tomber une espèce de sable blanc pour indiquer la route à suivre aux troupes, plusieurs automobiles passent à vive allure.

 

Mardi 16 mars 1915

 

Journée un peu froide mais cependant temps assez beau, il ne pleut plus, les champs par conséquent ne sont plus aussi humides, les routes deviennent également meilleures aussi attendons-nous avec impatience l'heure de la délivrance.

Un élève officier prétend que la Prusse gagnera et que dans trois semaines les allemands seront encore à Halluin. Dans le Luxembourg et en Alsace on se bat très fortement. Prions afin que le bon dieu exauce nos prières et pour que la victoire définitive soit pour nous.

 

Mercredi 17 mars 1915

 

Belle journée de Mars, hier c'était nouvelle lune et le temps semble s'être mis au beau. Le cheval du soldat que nous avons chez nous est très méchant, il se cabre facilement, si bien qu'Edouard (frère de la narratrice) en le tenant à attrapé un coup de pied à la main, heureusement que ce ne sera pas grave, le pharmacien près duquel il s'est de suite rendu après avoir reçu ce mauvais coup de pied, lui a donné de l'eau blanche pour frictionner l'enflure de la main et il lui a prescrit un repos de quelques jours. C'est bien le cas de dire que la prudence est la mère de la sûreté. C'est une leçon qui certainement profitera à nous tous, et désormais nous nous tiendrons encore mieux sur nos gardes.

 

Jeudi 18 mars 1915

 

Les réfugiés qui se trouvaient dans Roubaix, Tourcoing ne doivent plus à présent quitter ces villes, on nous dit que c'était une ruse de guerre des allemands pour arriver par ce moyen à faire passer des soldats allemands. Le 15ème qui était parti au feu est revenu à l'école maternelle. Une sentinelle monte la garde jour et nuit à la porte de cet établissement. Dans la soirée la fusillade se fit entendre très fortement du côté du mon d'Halluin.

 

Vendredi 19 mars 1915

 

Les sentinelles qui montaient la garde vis-à-vis de chez M. Beylemans pour les laissez-passer se trouvent maintenant à la frontière. Le 201ème a eu une alerte, tous les chariots partirent du côté de Menin.

Journée d'hiver la neige tombe à gros flocons et toute la terre en est recouverte. Rien de particulier à signaler mais vraiment il en fourmille des soldats allemands.

 

Samedi 20 mars 1915

 

Belle journée. Vers 7h du matin un aéroplane français plane sur Halluin et Menin. On tira sans discontinuer pour tâcher de le descendre mais heureusement il n'est jamais atteint. Il parait qu'il ne reste plus aux allemands qu'une voie de communication pour l'Allemagne, celle de Tournai. On répare plusieurs fils télégraphiques sur la route de Lille. Un officier et son ordonnance se firent photographier vis-à-vis de la maison.

 

 

 

 

 

Dimanche 21 mars 1915

 

Voila le printemps qui nous arrive. Dès l'aurore passage de plusieurs aéroplanes français et allemands. Aucun fait important.

Si jamais nos soldats ne remportent la victoire finale, ils connaîtront au moins "ce qu'aux français jadis on ne refusait pas : la gloire de mourir dans un jour de victoire".

 

Lundi 22 mars 1915

 

Les soldats allemands deviennent laboureurs, en effet au mont près de la ferme Delobel, un soldat avec ses deux chevaux labourait la terre. Qu'allons nous donc encore tout voir pendant cette longue invasion ? Toutes les voitures de vivres du 203ème partirent la semaine dernière vers Lille, sont revenues aujourd'hui à Menin.

 

Mardi 23 mars 1915

 

Nuit mouvementée : vers 2h30 il y eut une alerte, on vint sonner chez nous pour réveiller les soldats, en quinze minutes ils furent prêts avec leurs chevaux attelés, ils revinrent deux heures après.

Passage de trois mitrailleuses avec un petit groupe de soldats se dirigeant vers Lille, quinze voitures d'ambulance passent successivement allant également vers Lille.

 

Mercredi 24 mars 1915

 

Par ordre de l'autorité miliaire allemande, tous les jeunes gens français de la classe 15-16 et 1917 doivent se faire inscrire à la mairie, ainsi que les belges âgés de 18 àn 30 ans. Les français progressent dans l'Est. Le canon ne tonne plus aussi fort qu'à l'ordinaire mais certaines nuits la fusillade se fait vivement entendre.

 

Jeudi 25 mars 1915

 

Fête de l'Annonciation, temps de pluie. Plusieurs compagnies de fantassins se sont dirigées dans la pâture de M. Delobel. Plusieurs estafettes en vélos ainsi que des cavaliers prenaient le devant suivaient derrière des ambulanciers de la Crois-Rouge ainsi que des médecins. Ils sont restés pendant une demi-heure, ensuite ils ont pris la direction de Menin. Ces fantassins avaient l'air tous très fatigués. Un marchand ambulant leur vendait des bouteilles de liqueur. Malgré ce mauvais temps les fantassins font l'exercice comme d'habitude sur la place verte. Revue des chevaux du régiment 201ème à Menin.

 

Vendredi 26 mars 1915

 

Vers 5h du matin, passage de 200 fantassins allant vers Lille au son du tambour militaire, à 7h passage d'un aéroplane allemand, à 8 heures, une centaine de dragons à cheval arrivent de la même direction que les premiers. Par cette belle journée de printemps les fantassins du 201ème ainsi que les voitures vont se promener. Dans l'après-midi passage de lourdes automobiles.

 

Samedi 27 mars 1915

 

Passage de plusieurs aéroplanes, on tira après un aéroplane français, mais nul ne fut pas atteint. Les soldats de chez nous amènent une quantité d'autres soldats à faire du coupage. Beaucoup d'entre eux parlent correctement le français. Plusieurs régiments allemands sont mécontents à cause que le 201 ème est plus favorisé que les autres, des discordes sont entre Prussiens, Saxons et Bavarois.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lundi 29 mars 1915

Dans la journée, un aéroplane français ou anglais apparut, aussitôt les allemands tirèrent sans discontinuer mais il ne fut pas atteint, au contraire il lança deux bombes sur le pont du chemin de fer près de chez M. Vandenyckle. Le pont resta intact mais plusieurs personnes furent blessées, aussi défend-on aux personnes de se tenir dans la rue au moment du passage des aéroplanes.

 

Mardi 30 mars 1915

 

Vers 3 heures de la nuit, un grand coup de sonnette résonna à la porte, c'était pour réveiller les soldats du 201ème, ils attelèrent leurs chevaux et s'en allèrent qu'à 7 heures du matin. Les malles des officiers, les vivres et marchandises furent mises sur leurs chariots, mais pour midi tous les soldats étaient de nouveau rentrés en ville. Beaucoup de bruit pour rien, car ce n'était tout simplement qu'une alerte.

 

Mercredi 31 mars 1915

 

Le commandant de la place ordonne aux jeunes gens des classes 15, 16, 17 de se rendre le jeudi 1er courant dans la rue du moulin à 6h eu soir, les belges le samedi à 5h du soir, ceux qui se soustrairont seront punis de peines très sévères.

 

Jeudi 1er avril 1915

 

Beaucoup d'allemands furent faits prisonniers à Beccelaere; Le 201ème et le 202ème doivent se tenir prêts à partir. Vers 9h dans un ciel serein et presque sans nuage un grand oiseau plane majestueusement malgré le bruit assourdissant des mitrailleuses et le grondement ininterrompu des canon qui crachent obus sur obus mais l'aéroplane continue sa marche lentement sans être atteint. Par le fer et le feu pour assouvir sa haine la Prusse cherche à nous ravir quelques départements, mais c'est en vain, elle n'arrive plus à avancer, d'aucun côté, bientôt nous pourrons de nouveau donner à nos belles couleurs, l'hommage du respect et le tribut des pleurs.

 

Vendredi 2 avril 1915

 

Belle journée de printemps, le soleil se lève radieux ce qui favorise le vol des aéroplanes qui sont très nombreux aujourd'hui. Dans la soirée un aéroplane allié a survolé la ville, le canon fut dirigé contre lui, mais heureusement il fila. Vers le soir le canon recommença à gronder, on ne l'entendait plus depuis quelques jours.

 

Samedi 3 avril 1915

 

Journée pluvieuse, grand mouvement de troupes qui passent et repassent. La Crois Rouge installée en ville est partie se dirigeant vers Lille et Douai. 2 heures après un nouvel escadron la remplace, 2 vers 9 heures un régiment le 73èmme passé musique en tête, le mot "halte" est lancé juste en face de chez nous, les soldats s'arrêtent, rangent leurs fusils en faisceau, ils déjeunent, quelques-uns écrivent des cartes sur le châssis de la fenêtre, sur un ordre du chef ils se mettent en rang et prennent la même direction qu'en arrivant. Le 202ème est passé le matin prenant la direction de Lille, il revient l'après-midi par le Mont, les soldats disent qu'ils vont à la promenade. Vers 5 heures le canon tonne fortement par coups secs, les vitres tremblent, les coups viennent de la direction de Wervicq.

 

 

 

 

 

 

Dimanche 4 avril 1915

 

Jour de Pâques, une pluie fine tombe et reverdie les prairies. Quelques coups de canon ébranlent le ciel et font taire le rossignol qui chante là-bas dans les branches du jardin. Ah l'horrible guerre et que va-t'il encore se passer durant cette journée ? à cette pensée on ne peut retenir un frisson de terreur car pour plus d'un soldat ce sera l'heure du sacrifice, l'heure douloureuse, mais il n'y a rien de plus beau et plus digne d'envie que de mourir pour sa patrie.

 

Lundi 5 avril 1915

 

La providence semble protéger visiblement notre France bien aime nous disait hier Mr le Doyen dans son sermon, continuons donc à bien prier pour que nous obtenons le triomphe final le plus tôt possible. Passage de 150 cavaliers allant vers Roncq puis plusieurs automobiles suivent.

 

Mardi 6 avril 1915

 

des hussards revenant de Lille prennent la rue des Processions, ils défilent deux par deux au petit trot. Des fantassins passent en chantant, ils se dirigent également par la rue des Processions, ce doit être le 5ème régiment d'infanterie.

 

Mercredi 7 avril 1915

 

Nous sommes réveillés chaque matin par le son des tambours et des fifres que les soldats jouent en faisant l’exercice, c’est-à-dire en se baladant. On croyait enfin que le 201ème allait partir définitivement mais ce fut une alerte fausse. L’après-midi vers 4h un aéroplane français survola à faible hauteur aussitôt les canons tonnent et les mitrailleuses se firent entendre plus fortement qu’à l’ordinaire, on aurait dit qu’elles étaient postées derrière le mur du jardin. Dans une promenade derrière la ferme Vouters nous avons vu des fritons manœuvrant dans un champ, un caporal commandant une escouade de 20 hommes.

 

du 8 au 11 avril 1915

 

Aucun fait important sauf que l’on apprend que le 201ème doit se rendre à la caserne de Menin, il est remplacé à l’école des Baraques par le 126ème. Plusieurs régiments sont arrivés en ville. Menin regorge d’une multitude d’allemands, la musique du 201ème donne des sérénades chaque jour sur le kiosque de Menin. Dimanche vers 4h des aéroplanes français et allemands se firent la guerre, plusieurs balles tuèrent plusieurs soldats allemands.

 

Lundi 12 avril 1915

 

Petite gelée mais un fort brouillard annonçant une belle journée pour les aéroplanes, c’est ainsi que plusieurs aéroplanes français passèrent, l’on tira successivement après eux mas on ne les atteignit point. Plusieurs shrapnels (Le shrapnel, du nom de son inventeur Henry Shrapnel, est le nom désignant l'« obus à balles », depuis la Première Guerre mondiale, le terme « shrapnel » a souvent été utilisé, de manière abusive, pour désigner des petits fragments projetés par une explosion, quelle que soit leur origine) tombèrent dans la cours près de la niche du chien et l’on en conserve un comme souvenir.

 

 

Mardi 13 avril 1915

 

On nous annonce l’arrivée de 12.000 soldats allemands. La famine commence à se faire sentir, chaque famille ne pourra désormais avoir dans sa cave que 100 kg de pommes de terre, ce sera comme dans les boulangeries mais on nous dit que ce ne sera pas pour longtemps. Allées et venues continuelles de soldats en ballade. Le tramway entre Comines et Halluin circule, aussi est-il défendu aux voitures de se trouver sur les rails lors du passage du tramway.

 

Mercredi 14 avril 1915

 

Sur ordre de la kommandantur les bouchers sont défendus de tuer des bêtes sans les avoir déclarées à la mairie et de nettoyer et de saler les peaux afin de pouvoir les livrer à la kommandantur.

du 15 au 17 avril 1915

 

Depuis quelques jours nous jouissons de journées printanières, quel beau temps pour les aéroplanes. Dans la journée de vendredi il passa successivement 7 aéroplanes allemands prenant tous la même direction. Les fantassins logés dans l’usine Sion se promènent en déployant tout grand leur drapeau, plusieurs logements de fantassins ont quitté la ville pour se rendre dans les tranchées où la bataille se livre près d’Ypres.

 

Dimanche 18 avril 1915

 

Voilà enfin que le 201ème quitte la ville d’Halluin après y avoir séjourné 4 mois pour se rendre près de la caserne de Menin. Mais rien n’empêche que les autres soldats de ce régiment viennent comme à l’ordinaire faire du coupage. Le cheval du lieutenant et celui de l’ordonnance sont encore restés pour passer la nuit, ces ordonnances comptent retourner demain rejoindre leurs camarades.

 

Lundi 19 avril 1915

 

Chaque lundi les jeunes gens doivent se rendre à la kommandantur pour l’appel, puis le mercredi également. Un jeune homme, le sieur Emile Bitouzé, est mis en prison pour 3 jours et a 50 Fr d’amende pour avoir diffamé une personne de la rue Neuve.

 

Mardi 20 avril 1915

 

Dans la nuit de lundi à mardi le canon gronde avec violence de même que la fusillade. Le ciel est tout rouge.

 

Mercredi 21 avril 1915

 

Halluin ne contient presque plus de soldats allemands sauf des artilleurs et quelques compagnies de fantassins. Aucune marchandise de Belgique ne peut entrer en France. Ceux qui ont des cassettes de chicorée ou qui récolte du lin doivent le déclarer à la kommandantur, afin de pouvoir vendre le lin à Courtrai. La pomme de terre doit se vendre en France, 13 Fr les 100 kg. Deux sentinelles allemandes sont postées à la frontière française.

 

Jeudi 22 avril 1915

 

Près de Wambrechies, les obus tombent à toute volée, à Comines, les personnes n'osent plus se coucher la nuit craignant le bombardement. Aucun obstacle ne peut exister entre Comines et Menin. Une petite affiche indique l'horaire du tramway entre Comines et Halluin, le prix du parcours sera de 10 cts par station, les personnes devront être munies d'un laissez-passer.

 

Vendredi 23 avril 1915

 

Tous les habitants qui ont des stocks de vin doivent les déclarer à la kommandantur avant le 26 courant. Le 201ème quitte Menin pour se rendre à Roulers et Dixmude, il a fallu un jour entier pour ce départ. A Menin il ne se trouve presque plus de soldats. Le kiosque de musique est orné de guirlandes de fleurs. Le 202ème est parti à la bataille d'Ypres.

 

 

 

 

 

Samedi 24 avril 1915

 

A Menin, les dames ne peuvent plus porter ce qu'elles veulent bien, ainsi, il est défendu de porter des rubans tricolores aux chapeaux, ainsi que des broches avec emblème séditieux des pays alliés. Ces messieurs les allemands deviennent de plus en plus difficiles...

 

Dimanche 25 avril 1915

 

Vendredi dernier eu lieu le départ de 18 habitants d'Halluin pour le midi de la France, par le commandant allemand. Plusieurs morceaux de ferraille tombèrent dans la cour, l'un cassa une vitre de la fenêtre de la remise. Défaite à Longuemarck, 1500 soldats anglais et français y furent faits prisonniers par les allemands. On vit à Menin plusieurs soldats belges qui venaient d'être capturés, ils étaient encadrés de uhlans.

 

Lundi 26 avril 1915

 

Hier soir du côté de Comines on apercevait dans le ciel la réverbération de flammes, et on découvrait le clocher aux grosses fumées qui s'en élevaient dans les encirons, on distinguait très bien les feux du camp ennemi.

 

Mardi 27 avril 1915

 

Mr le Doyen demande aux fidèles de bien consacrer le mois de marie car elle est pour beaucoup au triomphe qui s'annonce et qui est plus proche qu'on ne le pense. Il ne faut pas toujours donner foi aux nouvelles de la guerre qu'on nous annonce journellement.

 

Plusieurs personnes s'approchent des lignes de feu et les franchissent afin de pouvoir renseigner les familles sur le sort de leurs enfants, mais une personne fut arrêtée et comme elle n'était porteur que de lettres de peu d'importances elle ne fut pas fusillée, mais elle eut 18 jours de prison, ces lettres étaient mises dans de seau à double fond. Passage de caissons de munitions allant vers Lille et d'autres vers Menin.

 

Mercredi 28 avril 1915

 

Nous continuons encore toujours a être sans nouvelles de France, hélas oui on peut bien dire de France, Lille et ses environs vivent si seuls, si isolés, si séparés de tout, qu'il semble qu'on soit dans quelque île lointaine attendant un mot de la patrie et la regardant de loin avec l'amour et les regrets du proscrit. Chère France, comme on aura appris à t'aimer et à te servir pendant ces cruelles épreuves.

 

Voilà sept mois que nous sommes haletants anxieux, dévorés d'inquiétudes, jamais encore dans notre ville d'assiégés, il n'y avait eu une période de silence si longue. Malgré tout, cependant, des bruits de victoires arrivent jusqu'à nous. Le général du 201 est mort à la bataille d'Ypres, par suite de ses blessures.

 

Jeudi 29 avril 1915

 

Vers onze heures du soir les détonations sont formidables et incessantes, elles ont fait trembler les vitres. Par ordre de la kommandantur, les habitants des rues de Lille, de la Gare, de Linselles et des Ecoles sont obligés de les balayer journellement.

 

 

 

 

 

 

 

Vendredi 30 avril 1915

 

Pendant toute la journée le canon gronde avec violence du côté de Linselles. On dit que les allemands bombardent la ville de Poperinghe, qui se trouve à 11 km d'Ypres. Le 126ème qui était revenu de la bataille pour se reposer doit retourner au feu afin de faire place aux régiments 201, 202. Le 201ème a une quantité énorme de morts et surtout de blessés. L'église St François de Menin sera remplie de blessés pour dimanche prochain. Le 126ème et le 136ème sont continuellement au feu.

 

Samedi et dimanche 1er et 2 mai 1915

 

Le mois de mai s'il est bon prince chassera les lourdes nuées du sud-ouest, ramènera d’exil l'hirondelle, le rossignol, le loriot et l'alouette, qui sont les quatre chantres (chanteur de chants religieux – note du transcripteur) du printemps et refleurira la campagne dénudée. Aucun fait important.

 

Lundi 3 mai 1915

 

Les allemands sont 130,000 soldats et les français anglais et belges 60,000. Ils se battent actuellement sur un front de 13 km près d'Ypres (1), les allemands n'arrivent pas à entrer dans Ypres, grâce à notre artillerie.

 

Mardi 4 mai 1915

 

Journée orageuse et de pluie, vers 4 h l'orage en même temps que le canon se firent entendre dans le lointain, de gros nuages nous accoururent du fond de l'horizon et il y eut comme une petite tempête. Les habitants de Boesingue, petit village près d'Ypres, sont obligés de quitter leurs demeures, à cause de la bataille qui se livre non loin de là. Un aéroplane allemand laissa tomber plusieurs bombes sur la ville d'Ypres, ce qui occasionna la mort de 70 personnes.

 

Mercredi 5 mai 1915

 

Plusieurs affiches ainsi que des proclamations sont posées aux fenêtres de la mairie, il y a aussi un avis disant que la ville de Tourcoing doit de nouveau payer une contribution de guerre de 100,000 Fr pour avoir mal reçu des soldats allemands revenant de la bataille.

 

La ville de Comines a une contribution de guerre de 60.000 Fr pour avoir caché un soldat français depuis le mois de septembre et de ne l'avoir pas déclaré à la kommandantur.

 

Une personne d'Halluin fut fusillée sur le champ de bataille pour n'avoir pas arrêté de suite au cri de Halte-là, poussée par la sentinelle. Cet homme n'était pas porteur de laissez-passer.

 

Un troisième avis mentionne que toutes les personnes qui ont des bicyclettes doivent le déclarer à la mairie avant le 26 courant, pour les donner à la kommandantur.

 

 

 

 

Jeudi 6 mai 1915

 

Belle journée. Passage de plusieurs aéroplanes. A Tourcoing  les personnes belges des deux sexes doivent se faire inscrite à la mairie. Il y a en ville beaucoup d'allemands principalement des soldats de la crois-rouge. De nombreux blessés arrivent continuellement aux ambulances, la plupart éprouvant d'horribles souffrances. Oh comme ils sont à plaindre ces malheureux victimes de la guerre, mais sanctifiés par la souffrance, pussent-ils obtenir beaucoup de mérites pour le ciel, tous ceux qui vont entreprendre le dernier voyage.

 

7 et 8 mai 1915

 

Le département du Nord a obtenu pour les villes et les communes envahies de la farine américaine afin de pouvoir fournir aux habitants du meilleur pain, plus nourrissant et poilus digestif, ces pains sont distribués dans des locaux que chaque ville désigne. A Halluin nous devons aller chercher notre pain à l'atelier Ducarin, rue Varna, il y a une foule énorme parce que l'on distribue du pain que 3 fois par semaine, aussi on passe de longues heures à faire la queue. Ce pain vaut actuellement 0,50Fr le kg. O pauvre Halluin, manquant de tout, tu auras donc comme toutes les privations et toutes les misères pendant ces tristes jours d'envahissement.

 

Dimanche 9 mai 1915

 

Temps splendide pour un dimanche, profitant des rayons d'un beau soleil de mai, la population en habits de fête se promène dans les rues, les marchands de crème à la glace commencent de nouveau à circuler, mais cette crème doit être fabriquée avec je ne sais quel produit fantastique. La nuit dernière nous entendîmes le canon sans doute qu'une forte reconnaissance qu'on aura de nouveau laissée avancer, aura été reçue par une violente canonnade, et elle se sera retirée avec perte. Le bombardement d'Ypres dure depuis le mois d'octobre, quand donc arrivera la fin de cette terrible lutte. Ah puissions-nous sortir meilleurs de cette rude épreuve pour avoir souffert, et sans doute qu'une France nouvelle sortira de ces ruines, consacrées par des vertus douloureusement acquises et par des sacrifices généreusement acceptés.

 

Lundi 10 mai 1915

 

Journée magnifique, pas le moindre nuage ternit l'azur du ciel et une douce brise attiédit les rayons bienfaisants de l'astre du jour. Un aéroplane français survole la ville très lentement ne paraissant nullement s'inquiéter de la canonnage furieuse et des mitrailleuses qui crachant le fer et le feu sans arrêt. Deux tuiles de la toiture sont cassées par la mitraille. Peu après passe un peloton de dragons la lance au point allant vers Lille. On dit que l'Italie a déclaré la guerre à l'Autriche ?

 

(note du transcripteur : Le 23 mai 1915, après avoir négocié le Pacte de Londres, l'Italie entre en guerre aux côtés de la Triple-Entente, décision prise par trois hommes, mais lourde de conséquences: le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, le président du Conseil, Antonio Salandra, et le ministre des Affaires étrangères, Sidney Sonnino)

 

Mardi 11 mai 1915

 

Ce matin le temps est superbe, le soleil rit dans un ciel sans nuages et sa lumière dorée fait scintiller les gouttes de rosée de mai sur les brins d'herbe du jardin, les fleurs des lilas doucement bercées par une chaude brise, laissent échapper leurs parfums qui se répandent dans l'air et l'embaume.

 

Il y eut une méprise ce matin, vers 6h les soldats du Kaiser tirèrent après un aéroplane allemand, mais après 5 à 6 coups de canon ils s'en aperçurent, la situation de l'aviateur allemand était loin d'être gaie et il semble que l'on peut affirmer sans crainte de se tromper, que ces réflexions ne devaient pas alors être couleur de rose, il devait se demander sans doute où le destin allait le faire tomber.

 

Les allemands vont commencer demain de grands travaux aux réservoirs des eaux de la Lys, rue de la procession, de lourdes automobiles amènent déjà de gros madriers pour monter les échafaudages, c'est travail qui va durer deux mois parait-il.

 

 

 

 

 

 

 

 

7ème cahier

 

Mercredi 12 mai 1915

Cette nuit vers une heure un formidable coup de canon ébranla toute la maison, l'obus paraissait être tombé dans la pâture vis-à-vis de chez nous. On nous dit qu'on se bat très activement en ce moment du côté d'Arras et de Douai, et malgré tous les obstacles des bruits de victoire arrivent jusqu'à nous, on nous donne des espérances, mais nous n'osons trop les caresser de peur de les voir s'envoler comme tant d'autres illusions. Un aéroplane français venant de la Belgique, passe sur Halluin vers 7h se dirigeant vers Lille, comme toujours les soldats du Kaiser lui font beaucoup d'honneur, on le salue en passant de plus de cent coups de canon, mais que de poudre perdue inutilement car jamais les allemands n'arrivent à savoir descendre un aéroplane.

 

Jeudi 13 mai 1915

 

Jour de l'Ascension, il pleut tout est sombre, le canon tonne avec fracas dans nos pages par conséquent nous ne pouvons détourner nos pensées des hécatombes humaines que s'accomplissent dans notre région et sur le sol de notre chère patrie. Que de ruines, que de villes incendiées, de champs ravagés, de maisons détruites, quel océan de sang humain, quelles montages de cendres, quelles mers de larmes, que de deuils dans les familles, que de martyrs obscurs, de victimes succombant en silence! Ah prions sans cesse, offrons à dieu ce ce jour de la fête de l'ascension toutes nos angoisses, nos peines, nos chagrins, car les souffrances sont aussi une prière comme l'a dit un grand poète.

On dit aujourd'hui que notre armée reprend l'offensive ici dans nos environs, ainsi à Quesnoy sur Deule, 60 civils viennent d'être tués par les obus français et qu'à Bousbecque un obus a blessé deux personnes. Notre valeureuse armée française est donc toujours prête à se battre, plus forte le lendemain d'une bataille que la veille. Aussi malgré les grandes tranchées des allemands, malgré leurs efforts perfides et malgré les traites soudoyés par l'ennemi, chacun croit à la délivrance prochaine et à la victoire finale.

 

Vendredi 14 mai 1915

 

Des voitures de munitions passent la nuit allant vers Lille, les aspirants officiers doivent tous quitter Halluin.

Un aéroplane anglais passe sur la ville, il est naturellement salué par une pluie d'obus mais aucun ne l'atteint. De nouvelles troupes viennent d'arriver, mais elles séjournent pas longtemps, on les expédie de suite ver les lignes de feu des environs d'Ypres. Une dame de Deulémont étant venue à Halluin dit que dans ces communes il se passe beaucoup plus de choses que par ici. Le commandant est très difficile. Les obus tombent à tout instant, les hommes en revenant des champs avec leurs chevaux en sont atteints. Les habitants n'ont qu'une seule messe durant toute la semaine le dimanche. On enterre les civils morts dans les jardins, les enfants ne peuvent être baptisés sans la permission du commandant, le curé et ses vicaires ne peuvent sortir de chez eux sans leur autorisation.

 

Samedi 15 mai 1915

 

3 affiches viennent d'être apposées sur les murs de la ville de Menin pour annoncer aux habitants qu'ils doivent assainir et blanchir leurs maisons, qu'ils ne peuvent plus donner des gratifications aux sentinelles pour passer, car si ils sont découverts, ils auront 6 ans de prison et une très forte amende. Enfin que les marchands ne peuvent pas vendre aucune marchandise plus chère que les prix affichés à la mairie, sous peine d'amendes.

 

 

 

 

 

Dimanche 16 mai 1915

 

Cette nuit le canon gronda avec violence dans le lointain. Nous voici arrivés au dimanche 16 mai, dernier jour de la neuvaine à la bienheureuse Jeanne d'Arc et par conséquent jour de fête solennelle à son honneur comme libératrice de la France. Le temps est assez beau après ces deux dernières journées de pluie, un doux soleil vient égayer et réchauffer les personnes, les fleurs et les oiseaux qui chantent leur hymne du matin, la nature entière reprend un air de fête en l'honneur de la Bienheureuse. Souvenons-nous donc aujourd'hui, plus que jamais que la France a plus d'un témoignage de prédilection du ciel qui finira par nous donner la victoire finale.

 

Une patrouille de cavaliers est passée se dirigeant vers Lille, ainsi qu'un aéroplane français reçu à coups de canon. Six grandes automobiles allemandes remplies d'officiers sont aussi passées vers 10 h demandant à un passant la route de Bousbecque.

 

Lundi 17 mai 1915

 

Journée de pluie. On ne délivre plus de laissez-passer pour Tourcoing, Vervicq et Comines, on n'en délivre que pour Roncq, Bousbecque, Linselles et Menin. Le commandant a dit à plusieurs de ses amis que c'était seulement pour quelques jours parce qu'il devait passer beaucoup de troupes. Un grand nombre de personnes se dirigeant vers Tourcoing ce matin sont revenus peu de temps après les sentinelles allemandes du pied de bœuf les empêchant de continuer leur route plus loin. Un Mr Joseph Demeestère revenant de Tourcoing montrant son laissez-passer aux sentinelles le lui arrachèrent et lui remirent un billet de sûreté pour éviter des ennuis jusque sa demeure, ce laissez-passer était encore valable pour plusieurs jours. Aucun coup de canon se fit entendre dans le lointain.

 

 

Mardi 18 mai 1915

 

Ce matin nous lisons un journal affiché par les allemands dans lequel nous lisons :

 

que l'Angleterre s'inclinerait vers la paix, qu'ils ont assez de soldats tués et qu'ils ne désirent plus passer l'hiver en guerre. Le roi d'Italie malgré les conseils de son entourage maintient sa résolution; qu'un vapeur anglais chargé de munitions et dissimulé par des passagers mais découvert par des sous-marins fait sauté par les ennemis et que très peu d'hommes échappèrent à la mort (pouvons-nous ajouter foi à ces nouvelles ?).

 

Une affiche vient d'être placardée par ordre du commandant allemand, disant que les 650 ouvriers qui travaillaient habituellement contre contribution aux travaux ordonnés par les allemands, si demain mercredi ils ne se présentaient pas à l'heure, ils seraient punis et forcés à travailler, ne recevraient plus dee salaire pendant un certain temps, c'était un mot donné entre eux.

 

 

 
 

Mercredi 19 mai 1915

 

Du 20 au 25 il se livrera nous dit-on une grande bataille aux environs de Lille, il paraît qu'à Lille les allemands prennent les mobilisables et qu'ils font de grandes fortifications autour de cette ville. Le 202 s'est rendu près d'Arras. A Menin on recherche les grands établissements ou écuries où l'on pourrait mettre des chevaux revenant du champ de bataille. Un simple soldat allemand boitant et revenant des tranchées avec difficultés demanda au médecin-major de pouvoir entrer au cercle catholique, après avoir remis un grand nombre de papiers il fut enfin admis.

 

Les fabricants, cultivateurs, commerçants, marchands et particuliers doivent faire une note détaillée de tout ce que les allemands ont réquisitionné chez eux, on doit remettre ce papier à la mairie les 19, 20 et 21 courant.

 

 

 

 

 

 

 

Jeudi 20 mai 1915

 

Passage de plusieurs automobiles, dans les deux premiers se trouvaient des officiers de l'état-major et dans les autres étaient placés des canons avec six artilleurs, puis passèrent ensuite 97 cavaliers, tous ces soldats se dirigeaient vers Lille. Dans le lointain on entend les sourds grondements du canon. Le nombre de soldats tués en ce moment doit être assez élevé car aujourd'hui il est passé deux camions remplis de croix de bois blanc.

 

Vendredi 21 mai 1915

 

Quatre wagons automobiles remplis de soldats d'infanterie passent allant vers Menin, par contre une vingtaine de soldats cyclistes vont du côté de Lille, peu après les grands canons attelés de quatre chevaux et chargés de tuiles vont vers Menin. L'Allemagne a-t'elle des obus comme la République de Panama, ce grand projectile a comme chargé de poudre 250 kg le coût d'un coup de canon est avec cet engin de 5,000 Fr. Quelles dépenses doit coûter un telle artillerie.

 

Samedi 22 mai 1915

 

On ne donne plus de laissez-passer pour aucune ville. Le canon ne se fit pas entendre ni le bruit du moteur d'un aéroplane, aucun fait saillant.

 

Dimanche 23 mai 1915

 

Jour de la Pentecôte, encore une fête qui se passe tristement, il est aisé de la comprendre, puisque l'ennemi occupe notre territoire et que nous sommes encore toujours sous la domination des baïonnettes prussiennes. Ah quel douloureux spectacle et dire qu'en ces jours-ci se jouent les destinées de la France, donc ce jour de la Pentecôte, cette année est une journée doublement solennelle. Il apparaît aux esprits clairvoyants que nous touchons au terme de l'invasion et que nous sommes au seuil d'une nouvelle période de la guerre, aussi le temps présent est inquiétant, car l'avenir que sera-t'il ? La bataille est terrible dit-on près de Douai et Arras, mais le résultat n'est pas douteux, pour nous et on peut prédire sans crainte de se tromper que la belle et valeureuse armée française triomphera.

 

A 8h ce matin un aéroplane allemand rencontre un aéroplane français il y eut naturellement échange de coups de feu, mais sans résultat, chacun prenant de suite une direction apposée.

 

A 11h passage d'un second aéroplane français salué par plus de trois cents coups de canon pendant son évolution sur Halluin et Menin. A 3h de l'après-midi passage d'un troisième aéroplane, salué lui aussi par une pluie de boulets inoffensifs. Deux aspirants officiers causant très bien le français sont venus nous demander de leur prêter un lit en fer pour un de leur officier, ayant dit que nous n'avions pas de lit disponible actuellement, ils se sont retirés et ont continué à rechercher un plus loin dans la rue de Lille.

 

Lundi 24 mai 1915

 

Le silence et la quiétude de cette nuit furent troublés par le piaffement des chevaux et les lourdes bottes des envahisseurs, il était minuit quand ils réveillèrent le cabaretier vis-à-vis de la maison pour arranger un fil du téléphone, cassé depuis plusieurs jours, ils étaient cinq à la barbe fauve et hirsute, coiffés de casques à pointes et munis d'une longue perche à crochets pour saisir les fils téléphoniques. Ils restèrent environ 30 minutes à tout arranger. Vers 6h du matin, deux aéroplanes alliés firent une apparition, l'un se dirigea vers le montiel, l'autre vers Menin, comme toujours le bruit des canons et les crépitements des mitrailleuses se firent entendre lors de leur passage.

 

 

 

 

 

Mardi 25 mai 1915

 

Une vérité qui fut admirablement vérifiée au cours des campagnes napoléoniennes est bien celle-ci : quela valeur d'une armée dépend exclusivement de la valeur de ses chefs, car une armée est avant tout une foule. Elle a ses instincts, ses impulsions, ses enthousiasmes et ses découragements, ses élans et ses paniques, un irrépressible penchant à obéir à une volonté précisément individuelle, par conséquent avec un chef énergique comme le Général Joffre, qui possède cette volonté capable d'électriser l'armée, nul doute que nous soyons définitivement victorieux.

 

Les grandes automobiles wagons viennent aujourd'hui chercher toutes les marchandises qui restent encore chez Mr P. Defretin.

 

Mercredi 26 mai 1915

 

A l'heure où nous sommes, nous vivons dans une atmosphère tragique, de tous les pays déjà en guerre. L'Italie vient à son tour de déclarer la guerre. Comme le Kaiser doit se dire à présent qu'il faut peu de temps pour faire beaucoup de mal mais que par contre il faudra beaucoup de temps et d'efforts pour le réparer. Comme chaque matin depuis plus de 5 jours déjà un aéroplane allié est venu planer sur Halluin. Les allemands font enlever une partie des poteaux télégraphiques.

 

Jeudi 27 mai 1915

 

On nous annonce l'arrivée de nombreux cavaliers. Une liste de soldats tués à l'ennemi est parvenue à la maison du peuple, cette liste contenait 27 morts et plusieurs blessés mais les décès ne sont pas encore officiels. L'Angleterre dit-on tiendra ses promesses jusqu'à la signature de la paix.

 

Vendredi 28 mai 1915

 

Cette nuit on entendait dans le lointain le son d'une musique militaire, c'était l'arrivée de 1200 fantassins très fatigués et sales venant de Comines, ils sont logés dans les usines Sion-Loridan-Wallart, à l'exception de leurs officiers. A Menin les habitants ne peuvent plus circuler ni se tenir sur le pas de leurs portes, il faut que leurs maisons soient fermées à clefs à partir de 6h du soir jusqu'à 8h du matin à cause d'avoir joué une pièce de théâtre nous dit-on.

Des soldats en cantonnement à la ferme de la rouge porte chez Albert Catteau sont venus nous réquisitionner une table pour un officier.

 

Samedi 29 mai 1915

 

Une dame de Menin nous disait que d'après les journaux qu'elle recevait plusieurs fois la semaine, mais sans la censure allemande, qu'à Roulers toutes les maisons étaient remplies de blessés et que les personnes doivent se lever à 8h du matin pour nettoyer leurs maisons. A Gand règne une mauvaise odeur ainsi que côté de Gheluwe. Les ouvriers travaillant au Gravier sont obligés de ne point se rendre une ou deux fois par semaine afin de pouvoir enterrer les morts. De nombreux officiers s'amusent chez M. Hottelaert. Le canon se fait entendre très rarement.

 

Dimanche 30 mai 1915

 

Ne cessons, en attendant de jours meilleurs, de dévorer notre chagrin dans un silence digne et fier, et gardons durant ces mauvais jours un courage inviolable.

Passage de 210 fantassins demandant la rue de Lille. On dit que la kommandantur de Furnes, petite commune à 15 km de Lille, fut prise dernièrement par les Français. Cette nuit le canon gronda avec violence.

 

 

 

 

 

Lundi 31 mai 1915 et mardi 1er juin

 

Voilà plusieurs personnes qui disent qu'une dizaine d'ouvrier belges et français qui travaillaient aux tranchées ont été tués par des obus anglais (pourquoi aussi s'exposer ainsi) si ces ouvriers ne s'étaient pas rendus, c'eut été des soldats allemands qui auraient attrapé les obus (peut-on croire qu'il y aurait dans le Nord, sans la ville de Lille, 80,000 ouvriers qui travaillent aux différents travaux commandés par des allemands.)

 

Il y aurait parait-il du côté d'Arras 5,000 prisonniers allemands et autant de tués par contre l'ennemi a gagné du côté d'Ypres, ville qui, d'après le dire d'un officier allemand, ils ne tiennent pas à avoir.

Les élèves ecclésiastiques inscrits pour l'appel ont pu reprendre leurs cours chacun dans leur séminaire respectif, et par conséquent ont été rayés de la liste.

 

Il y a parait-il beaucoup de soldats ennemis à Fives et St Maurice.

 

(on devient très sévère pour les laissez-passer, ainsi à l'arrêt du tram de Mouscron se trouvaient 2 gendarmes et plusieurs soldats qui empêchaient les personnes de descendre du tram, afin de vérifier leurs) laissez-passer, aussi plusieurs qui n'étaient pas en règle, ont essayé de s'échapper, l'un en sautant du tram avant l'arrêt complet, car il avait aperçu les gendarmes, d'autres en se faufilant entre des chariots qui stationnaient à cet endroit.

 

On raconte qu'une jeune fille avait risqué de partir pour Courtrai sans laissez-passer, étant arrivée à moitié route on lui demande son papier, ne l'ayant point, elle éprouve un malaise et elle s'en tira de ce mauvais pas en disant qu'elle était malade.

 

Mercredi 2 juin 1915

 

Une affiche datée du 29 mai est posée à la kommandantur, il y est mentionné que les Français et les Anglais livrent continuellement des combats entre La Bassée et Arras, que les Italiens livrent une bataille dans les montagnes du Tyrol, et que la France a demandé un emprunt de 5 milliards à 5%.

Jamais dans l'histoire il n'y eut autant de prisonniers qu'à cette époque. Depuis 10 mois environ on estime le nombre des prisonniers à 1,385,000 français, anglais, belges, russes, serbes.

 

Lundi soir vers 10h30 plusieurs soldats frappèrent à différentes portes en autre à celles de M. Bétouzet, More, Guivron. Ces jeunes gens furent arrêtés et deux soldats logèrent la nuit chez eux afin de fouiller toute la maison parce que parait-il ils avaient fait écrire sur le bas des cahiers des élèves : Vive la France, A bas l'Allemagne.

 

Jeudi 3 juin 1915 et 4 juin

 

Passage de plusieurs aéroplanes français anglais et allemands. De nombreux charriots allemands chargés de paille et de tourbe se dirigent par la rue de la Procession pour se rendre à l'usine Cappelle où il se trouve une centaine d'hommes et chevaux appartenant au régiment 3, résidant à Halluin depuis plusieurs mois. On dit que les Français sont à La Bassée depuis plusieurs semaines. On nous annonce l'arrivée de nouvelles troupes.

 

Samedi 5 juin 1915

 

Deux affiches jaunes et rouges sont posées aux fenêtres de la Mairie et aux différents coins des rues de la ville, l'une a comme titre : trèfle et foin, c'est ào dire que toute la récolte est réservée à l'autorité militaire supérieure allemande par contre les cultivateurs sont obligés de déclarer leur quantité de trèfle et de foin à la kommandantur et de ne rien couper sans l'autorisation du commandant de la place.

L'herbe se trouvant au bord des fossés ou dans des terrains vagues peut être cueillie par tout le monde.

 

 

L'autre a comme titre : arrêté : il est défendu de représenter des séances de cinéma et de théâtre, de jour certains morceaux de musique, de distribuer des journaux, d'imprimer, de vendre des publications, tout cela sans leur autorisation. Cette affiche est rédigée par le chef du grand quartier général commandant de l'armée.

 

Dimanche 6 juin 1915

 

Nombreux sont les soldats qui se sont présentés à la ferme Destombes pour demander à héberger leurs chevaux, la fermière leur ayant répondu qu'étant seule avec cinq petits enfants elle préférait qu'ils aillent ailleurs, ils se retirèrent et ne se représentèrent plus.

 

7 et 8 juin 1915

 

Des officiers et de nombreux fantassins sont revenus de la bataille et logent dans leurs anciens campements.

Un agent de police vient de publier à chaque coin de rue que le commandant de la place, ordonne aux petits commerçants de se réunir ce soir, mardi, à 6 heures dans une des salles du café de la mairie, place de l'église, pour nommer des délégués pour l'achat des denrées de l'alimentation.

 

Mercredi 9 juin 1915

 

Une nouvelle affiche vient d'être apposée à la porte de la kommandantur disant que les français viennent de reprendre plusieurs tranchées en Alsace et que la viande de boucherie devient très rare en France et en Angleterre, que la marine allemande vient de remporter de beaux succès.

Guivron fut condamné par le conseil de guerre de Comines à 5 années de prison pour avoir insulté le Kaiser ainsi que deux jeunes filles de Linselles pour avoir craché sur le portrait de l'empereur d'Allemagne.

 

Jeudi 10 juin 1915

 

Un comptoir d'alimentation s'ouvrira le 15 juin, rue de la Gare, pour les cartes grises. Le prochain arrivage sera réservé aux cartes rouges. Les personnes doivent se munir d'un sac à provisions pour y mettre leurs marchandises.

Les marchandises sont vendues au prix suivant : (par quinzaine) : haricots 312,5 gr = 0,25

pois 312,5 = 0,25

Riz 755 gr = 0,25

Lard 700gr = 2,00

 

Un terrible accident est arrivé ces jours-ci : le garçon boulanger de Mr Emar ayant voulu prendre un bain se noya. On lui avait cependant dit qu'il y avait une fosse d'une profondeur de 6 mètres, il ne le crut point et malheureusement il trouva la mort. Pour en retirer son corps deux personnes de Menin munies d'une barquette travaillèrent toute une journée.

 

Mr Banliart le directeur de la maison Sion est mis en prison pour 8 jours à cause d'avoir dit simplement cette phrase : tout de même les Français ne volent pas autant que les allemands. Soyons donc toujours bien prudents.

 

Samedi 12 juin 1915

 

On dit que des patrouilles de dragons français coupent les fils télégraphiques entre Linselles et Quenoy. Un soldat français fait prisonnier parcoure les rues de Menin entre deux soldats allemands armés, mais il paraît très gai et slut toutes les personnes. 5000 turcs sont hors de combat et 4000 furent fait prisonniers. Sur tout le front d'Arras à Ostende se trouvent un grand nombre de français et d'anglais, aussi les allemands n'arriveront sans doute jamais à savoir percer ces lignes. Un général allemand tué à l'ennemi avait sur lui une lettre où il écrivait qu'il n'avait plus d'espoir. Des bateaux espagnols livrent du charbon en pleine mer aux allemands aussi l'angleterre est intervenue à ce sujet.

Voici comment on se procure des journaux français : des officiers allemands donnent aux ouvriers français ou belges des sommes fabuleuses afin de franchir les lignes allemandes et arriver plus facilement aux troupes françaises.

 

Georges Guivron est parti ce matin vers 4 heures sur un chariot de vivres allemand; il était assis au fond du chariot entre deux soldats, il était porteur d'un sac de toile, regardait par la rue de la Procession afin de revoir encore une dernière fois sa famille en pleurs, mais malheureusement il ne vit rien, ce jeune homme paraissait très sombre.

 

Dimanche 13 juin 1915

 

Dans notre ville ainsi qu'à Tourcoing les allemands ont réquisitionné les brasseries donc plus de bière. Journée relativement calme dans les villes de Tourcoing, Roubaix, Lille. La viande devient à un prix presque inabordable. On dit que la déclaration de guerre d'Italie à l'Allemagne (qui est officielles) abrégera la guerre, mais qui sait ?

 

Le canon que nous entendons ces jours-ci paraît dit-on du côté d'Arras où l'on se bat avec acharnement. Ces jours derniers à Tourcoing, les allemands ont emprisonné tous les hommes qui ne s'étaient pas faits inscrire, ils ont été incarcéfrés pour 4 jours.

 

Lundi 14 juin 1915

 

Prisonniers de guerre français en Allemagne, les parents frères et sœurs seuls peuvent écrire à leurs prisonniers et encore qu'une simple carte par mois car parait-il, il y avait trop d'abus. Le 13ème régiment de cavalerie français est presque entièrement anéanti. Pour l'épicerie il n'y eut point de délégués, les messagers transportent leurs marchandises. On se procure plus facilement des laissez-passer.

 

Mardi 15 et Mercredi 16 juin 1915

 

Des nouvelles de la guerre de la dernière semaine viennent d'être apposées sur la porte de la kommandantur. On dit qu'à Arras les allemands ont gagné un château et plusieurs maisons et qu'entre le canal de Béthune et la Bassée, les français et anglais sont avancés qu'aux plus fortes tranchées allemandes, mais il y perdirent plusieurs mitrailleuses.

 

La classe de 17 ans est appelée en France; Des hommes de la quarantaine sont dans les tranchées parait-il. En France le manque d'argent se fait sentir et les français se plaignent sur le front. Aucun journal socialiste ne peut paraître à l'Armée saut les journaux catholiques.

 

Un aéroplane français survole le ciel à une faible hauteur, les allemands l'ayant aperçu tirèrent au moins pendant environ 15 minutes, ils ne l'atteignère point, l'aéroplane changea complètement de direction. Plusieurs personnes croient au bombardement.

 

Jeudi 17 juin 1915

 

Ce matin de très bonne heure le canon tonné avec violence dans le lointain. A Menin on prend tous les hommes et jeunes gens valides pur les faire travailler aux tranchées, deux hussards accompagnés d'un caporal arrêtent les passants, leur demande leur laisser-passer et s’ils n'en ont pas, ils les conduisent à la kommandantur. Le général de Comines est venu s'installer chez M. Guatry au Gravier. Toute la maison est ornée de tapis et de guirlandes de fleurs. De grandes automobiles passent à vive allure. Passage de quelques centaines de dragons à cheval tenant en main leurs lances et leur fusil sur le dos.

 

 

 

 

18 et 19 juin 1915

 

Une affiche se trouve posée sur les murs de la ville, il y est mentionné ce qui suit : Hygiène-propreté-santé publique- les habitants ne peuvent plus rien jeter sur la rue, ils doivent balayer tous les jours leurs trottoirs, pavés, avant 8h du matin et mettre leurs ordures dans des poubelles de bois et conserver ces poubelles chez eux jusqu'au jour où le ramasseur d'immondices passe. L'eau potable ne peut plus être employée qu'après avoir été bouillie afin d'éviter les épidémies ou maladies contagieuses. La mairie doit veiller à ce sujet.

 

Des poteaux télégraphiques sont posés à travers champs et dans la rue de la Gare à quelques mètres de distance. Au-dessus de la ferme Catteau, au mont, les allemands ont posé un aéroplane en miniature et construit un petit bâtiment afin de pouvoir faire leur cuisine plus aisément. Les soldats coupent l'herbe à l'aide d'une grande faux pour la sécher et ensuite faire du foin pour donner à leurs chevaux.

 

Dimanche 20 juin 1915

 

50 nouveaux blessés viennent d'arriver à l'ambulance parmi lesquesl plusieurs anglais. 3000 fantassins sont revenus de la bataille, les simples soldats sont logés dans les ruines tandis que les officiers et sous-officiers chez les habitants, heureusement cette fois-ci nous avons été épargnés, ils sont venus voir si nous avons de l'emplacement, mais ils ne sont plus revenus par après.

 

Un accident est arrivé ce matin vis-à-vis de la maison, un soldat qui conduisait une voiture de vivres est tombé accidentellement de sa voiture et la roue lui a passé sur la figure à la hauteur du menton, ses camarades le relève dans un piteux état et après lui avoir bandé la tête sommairement et lui avoir donné un cordial, toujours sur la chaussée, ils le conduisirent à l'ambulance du cercle catholique, rue de la gare, c'était un homme d'une quarantaine d'années qui probablement ne survivra pas à son affreuse blessure.

 

Allée et venue continuelle de soldats en ballade. Ce soir le canon tonne très fort non loin d'ici. Passage de deux aéroplanes allemands.

 

Lundi 21 juin et mardi 22 juin 1915

 

Une multitude de fantassins sont partis hier dans la soirée pour Roulers, l'autre moitié est restée et d'autres fantassins viendront de nouveau se reposer à Halluin. Les allemands s'avouent vaincus, ils sont repoussés de Reims, Dixmude, Ostende. Le prince de Bavière redemande ses hommes pour combattre les Russes. Tous les soldats bavarois doivent se réunir à Lille afin de refaire un corps d'armée. Monsieur le Doyen Deram et un père dirigeant l'ambulance sont arrêtés par les allemands, et conduits d'abord à la kommandantur de Menin, puis dirigés sur Comines, la cause nous ne le savons pas au juste. Tout le presbytère fut perquisitionné par des chefs, on recherchait des journaux ou des lettres reçues par les soldats prisonniers, heureusement on ne trouva rien. On perquisitionna de même chez les sœurs de l'ouvrier et les infirmières.

 

Prions le bon dieu afin que nous soyons délivrés au plus tôt pour le 15 août jour de l'assomption de la très sainte vierge, mais la guerre nous dit-on durera encore une année car les allemands doivent être repoussés jusqu'à Berlin. En France parait-il l'état d'esprit est excellent partout, pour personne à présent la victoire finale ne fait de doute.

 

Mercredi 23 juin 1915

 

La lutte grandit, s'élargit, prend des proportions tragiques, devient la rivalité de plusieurs nations, c'est un choc gigantesque de races. Et ce doit être terrible, et cependant la musique militaire du 15ème donne sérénade sur sérénade au commandant de la Place et les soldats du Kaiser vont se griser de cette musique, avant de partir de nouveau aux tranchées où plus d'un se sentira entouré par les éclairs de l'acier et y trouvera la mort.

 

Jeudi 24 juin 1915

 

Pluie d'orage, toute la récolte de foin et de trèfle doit être coupée pour le 25 juin, la vente en est interdite, les cultivateurs ne peuvent plus faire paître le bétail afin d'obtenir une seconde récolte. Les maires des villes de Lille, Roubaix, Tourcoing sont arrêtés parce qu'ils défendent à la population de travailler pour les allemands.

 

Vendredi 25 juin 1915

 

Journée calme, il ne se trouve presque plus de soldats en ville sauf ceux du 1er régiment d'artillerie qui est celui du commandant et ceux de la crois-rouge.

Lettre du gouvernement français est parvenue à la préfecture de Lille, disant aux industriels et fabricants que l'État n'indemnisera point celui qui travaillera désormais pour les ennemis. 700 prisonniers français se trouvent à Lille, de nombreuses personnes leur donnèrent des friandises mais ils refusèrent en disant qu'ils n'accepteraient rien des gens du Nord travaillant pour les allemands.

 

Samedi 26 et dimanche 27 juin 1915

 

Cette nuit on entendait des détonations aussi combien sont-ils tombés avec une balle dans le cœur, dans l'herbe rouge de sang, mais quand on est de France il faut savoir souffrir et mourir. La lutte est terrible mais la France vaincra, il faut avoir confiance en elle.

 

Un bataillon est passé ce matin, plus d'un de ces allemands paraissait avoir la cinquantaine, d'autres semblaient encore plus vieux avec leur barbe blanche et leurs cheveux gris.

 

Un lieutenant et deux sous-officiers sont venus voir si nous avions une écurie, de nouvelles troupes vont donc encore nous arriver pour combien de temps, nul ne peut nous le dire. Quand enfin arrivera-t'il le dernier jour de cette invasion.

 

Lundi 28 juin 1915

 

Passage de 45 fantassins cyclistes, puis une heure après une patrouille de hussards à cheval.

Des nouvelles de la guerre sont affichées à la poste de la kommandantur disant que près d'Arras, les français et anglais n'avancent plus, que la flotte anglaise ne vaut plus rien, que l'Angleterre a perdu tout dernièrement plus de 100,000 hommes, que les soldats français sont à présent munis d'un casque, en France, pour mieux les préserver des obus, il est d'un gris bleu clair, et que l'on construit maintenant des maisons d'une façon particulière pour éviter les obus.

 

 

Mardi 29 juin 1915

 

 

Une affiche intitulée « proclamation » vient d'être posée sur les murs de la ville disant que les ouvriers et ouvrières qui ne se sont pas présentés aujourd'hui au travail seront sévèrement punis, s'ils ne se présentent plus comme d'habitude, la punition commencera demain mardi à midi, heure allemande.

 

Voilà les mesures prises :

1- les restaurants et cafés devront être fermés

2- il sera interdit de circuler dans les rues à partir de 8h du matin jusque 4h du soir, et les fenêtres et les portes devront être closes

3- la commandature offre de payer ceux qui travailleront comme à l'ordinaire

4- les fabricants et directeurs des maisons seront internés, si les ouvriers ne veulent définitivement plus travailler.

5- les ouvriers seront internés, conduits aux travaux, militairement, et ne seront plus payés

6- on ne pourra plus communiquer entre les villages et villes environnantes

7- la ville devra payer une nouvelle contribution de guerre de 100,000 Fr

8- des otages seront pris parmi le conseil municipal, la bourgeoisie et les ouvriers

9- un groupe de 3 personnes n'est plus permission

 

La kommandantur,

se réserve encore à prendre des mesures plus vigoureuses

Le commandant de la place – Shranck

 

La ville est tout à fait en état de siège, une consigne rigoureuse et sévère est appliquée partout. Une sentinelle est de faction à chaque coin de rue. Des patrouilles de hussards à cheval ou à pieds, avec baïonnette au canon, parcourent les rues sans discontinuer. Toutes les communications avec les villes des environs sont interdites. Les hameaux du mont et du colbras doivent se ravitailler du mieux qu'ils peuvent. Aussi un morne silence plane-t'il sur la ville.

 

 
 

Mercredi 30 juin 1915

 

Le maire de la ville ainsi que l'adjoint et le secrétaire sont pris comme otages avec des industriels : Venheddeghem, Vanberberghue,j Gheysen, Aukem, Lhoch, Morel, Bitouzé, Vannoye etc Ils sont internés à l'usine Loridan, rue St André et soumis au régime du pain sec et de l'eau. Personne n peut communiquer avec eux, ils sont au secret.

 

Le commandant de la place devient de plus en plus sévère. Dans le soirée d'hier mardi, plusieurs personnes furent arrêtées par les patrouilles, qui circulaient dans toutes les rues de dix en dix minutes et conduites de suite à la kommandantur. Il est interdit d'ouvrir sa fenêtre du haut, voire même d'y regarder simplement derrière les rideaux. Aucun bruit n'est toléré dans sa cour ou son jardin, ainsi hier soir vers 6h un cavalier s'est détaché dune patrouille de dragons qui passait pour venir frapper à la grande porte, on ouvrit la fenêtre d'une chambre, avant de lui ouvrir afin de lui demander ce qu'il voulait, ouvrez de suite la porte répondit-il, je dois entrer. Une fois entré dans le fond de la cour il mit droit sur la selle de son cheval pour voir ce qu'il se passait dans la cour de la maison voisine, et ayant aperçu un jeune homme sur la plombière de sa maison, il partit au galop pour l'arrêter, mais il ne réussit pas à s'en emparer, il s était déjà enfui, mais des sentinelles restèrent en faction toute la nuit sabre au clair.

 

Ce matin, Mme Desquemach s'était mise sur le pas de sa porte pour causer avec une voisine (20 minutes avant 8 heures) une sentinelle sans faire aucune sommation, déchargea son fusil dans sa direction, par bonheurs elle ne fut pas atteinte, mais elle entendit très distinctement la balle siffler à la hauteur de sa tête. De nombreux gendarmes allemands, à cheval, viennent d'arriver, ils sont casernés chez Vincent Lion, ils patrouillent sans cesse dans nos parages. Malheur aux suspects. Est-ce que l'on va revenir au temps des gueux et au régime de la terreur ?

 

Jeudi 1er juillet 1915

Hier mercredi 30 juin, dans la soirée, vers dix heures du soir, les membres restants du conseil municipal, et plusieurs industriels furent réunis pour une réunion extraordinaire à l'usine Loridan. Ils étaient près d'une soixantaine et ils eurent à voter de vive voix par oui ou par non, pour ou contre, la reprise du travail, des ouvriers, au service des allemands dont le gouvernement français venait de défendre à la municipalité de continuer à rétribuer les ouvriers comme précédemment.

 

Le commandant allemand souffrant, s'était fait remplacé par l'allemand Bauman ex-directeur des moulins de farine français de Corbeil. Il annonça que la situation de la ville était très grave, car si les ouvriers ne reprenaient pas le travail, tous les otages seraient expédiés en Allemagne, et que la ville serait châtiée comme à Orchies, même pour servir d'exemple aux autres villes, on croit jusqu'à fusiller les femmes et les enfants. Enfin qu'il n'accorderait que 15 minutes pour délibérer et connaître définitivement le résultat des votes. Ce fut alors, parait-il, une scène indescriptible parmi tous ces otages. Une épée de Damocles leur tombait sur la tête, la plupart étaient plus mort que vif, et ce fut dans ce malaise, dans cette peur de la mort du châtiment que fut émis ce triste vote, honorable pour les uns et déshonorable pour les autres.

 

Voici les noms de ceux qui sont à la gloire et à l'honneur de cette soirée émouvante, ce sont :

MM Defretin, P. Lemaître, Desquemach, E. Lemaître, Wallart, Bitouzeé, Biermé, Mullet, Demeestère, Bert, Guiton, le percepteur, le commissaire Wanachere, Vanheddeghem, Verschaeve, Delangre, Mr le Doyen, Syndicat Socialiste, J. Beylemans, Loridan, Verkindere, etc dignes de passer à la postérité comme un « gloria victis » éternel. Oui gloire aux vaincus de vote néfaste.

 

Les craintifs qui votèrent pour la reprise du travail des ouvriers sont : C. Morel, H. Morel, A. Dumortier, D. Lepers, A. Danset, G. nDelattre, Lsescrary, Delesalle, J.B. Coisne, G. Declercq, Descamps, Vanhemelebrouck, Vanlerberghue, Gheysen, P. Vandenberghe, A. Beylemans, Capelle, Ovigneur, Hennion, Hautem, Stock, Beckaert, P. Leduc, etc.

 

On dit que Defretin maire, Lemaitre adjoint, Desquemack secrétaire, Deram doyen, ne prirent pas part aux votes et que les délégués du parti socialiste votèrent tous comme un seul homme contre la reprise du travail disant qu'en temps de guerre, il n'existait plus de partis, qu'ils étaient tous que des français.

Le nuit fut calme, on entendait que des patrouilles à pieds et à cheval qui parcouraient sans cesse toutes les rues.

 

Vendredi 2 juillet 1915

 

Dès 8 heures, à peine l'ouverture des portes et des fenêtres est-elle faite, que l'on ne voit dans les rues que des groupes de deux ou trois personnes, faisant des commentaires sur les votes émis mercredi soir, les esprits se chauffent, et la haine du mépris couvre sous la cendre. Un fabricant, apostrophe un menuisier en ces termes : espère de lâche, est-ce que tu t'es vendu aux prussiens ? On voit bien que tu n'as pas de fils sous les drapeaux, ou plutôt que ton avorton de fils ne fut pas reconnu bon pour le service, sans quoi tu n'aurais certainement pas émis un vote pareil.

Mr le Doyen, du haut de la chaire de vérité, demande que l'on ne parla plus de ces votes, disant que chacun dans ce moment solennel avait voté selon sa conscience, donc amen, ainsi soit-il.

 

Samedi 3 juillet 1915

 

Journée triste et morne comme les jours précédents, car on ne peut encore toujours ouvrir ses portes et fenêtres avant 8 heures du matin, pour les fermer de nouveau à 4 heures du soir. Des patrouilles ne font que circuler continuellement, on dirait qu'un grand événement lugubre va se passer, tant le monde s'aborde en se demandant ce qui va se produire. Est-on à la veille d'un drame épouvantable ? La ville sera-t'elle incendiée ? Bombardée ? Complètement anéantie ? Iront-ils jusqu'à fusiller les femmes et les enfants ? Ce serait l'abomination et la désolation complète.

 

Une réunion doit avoir lieu ce soir à 5 heures à l'usine Loridan, comprenant le commandant allemand et les notables de la ville. Mr le Doyen vient d'annoncer au salut de trois heures, que demain dimanche il n'y aura point de messes, l'église devant être fermée par l'autorité allemande, et qu'il était fort à craindre que nous revenions au temps de la révolution, à voir les évènements tragiques qui se préparent.

 

Il est strictement défendu de circuler davantage que 3 personnes, aussi plusieurs hommes ayant enfreint cette consigne, une sentinelle allemande fit feu, par miracle ils ne furent pas atteints et ils réussirent à se sauver dans la ferme de chez Delobel ou on les rechercha, mais en vain. De plus on ne délivre aucun laissez-passer avant la reprise du travail par les ouvriers. Les jeunes gens n'auront plus d'appel jusqu'à nouvel ordre. L'autorité allemande fait afficher que le gouvernement français n'a plus aucun ordre à donner aux villes occupées et que par conséquent toutes les villes envahies sont entièrement sous l'autorité allemande.

 

Enfin vers 6 heures, les notables revenant de la réunion firent connaître partout que tout était fini et que tout était arrangé, que demain dimanche les messes auraient lieu comme les dimanches précédents et que les habitants pouvaient circuler et ouvrir leurs demeures comme auparavant.

 

Dimanche 4 juillet 1915

 

Changement de tableau et de décor, grâce à un nouveau rédempteur, nomme Paul Sion de Tourcoing, c'est par ce magicien que la punition de la ville fut levée comme par enchantement. Comment s'est-il pris pour opérer cette transformation, nul ne le sait. Néanmoins nous ne pouvons pas encore aller à Menin comme auparavant, ainsi étant allée ce matin vers 9 heures faire une course à Menin, je fus arrêtée par une sentinelle postée aux baraques qui me demandé mon laisser-passer, je luis répondis que je n'en possédais pas et que l'on ne m'avait rien dit à l'aller, in ne voulut pas entendre raison ce fantassin et m'a envoyé m'expliquer à l'officier qui se trouvait au poste de la douane. Cet officier me demanda aimablement d'où je venais et où j'allais et finalement me permit de rentrer à la maison.

 

Lundi 5 juillet 1915

 

Une nouvelle affiche vient d'être posée à la porte de la kommandantur, il y est dit : que les français et anglais livrent des combats continuels au Nord d'Arras et au Nord de la Bassée, mais malgré toute leur bravoure et leur ténacité extraordinaire et bien que bravant audacieusement la mort, ils n'arrivent guère à avancer qu'au contraire même par une contre-attaque allemande, près de la Souchet et au Nord de la Neuville, ils perdirent trois mitrailleuses et 600 hommes. Que les français sont étonnés que les italiens et les russes n'avancent pas. Les italiens ne sont pas encore rentrés dans le Tyrol ni les Russes en Galice. Que la ville Poperinghe est détruite par les bombardements et que plusieurs bombes furent jetées sur la gare de Dunkerque ce qui effraya beaucoup la population Dunkerquoise dont les deux tiers s'enfuirent de la ville. La Russie a fait un emprunt de un milliard. Que les villes de Roubaix et de Valenciennes doivent payer une nouvelle contribution de guerre de 150,000 Fr par ce que des cuirassés français contrairement au droit international, détruisirent les 28 et 31 mai les consulats des villes ouvertes de Alexandrie et de Haiffa. Il est aussi écrit : fabricants de munitions recherche associés ayant de gros capitaux mobilisables ou non, recommandés par la fabrique.

De nombreux fantassins au nombre de 300 environ viennent d'arriver, ils sont casernés à l'usine Sion.

 

Mardi 6 juillet 1915

 

Une affiche vient d'être affichée sur les murs de la ville pour annoncer qu'un grand nombre d'ouvriers ont repris le travail mais que cependant il y a encore des manquants. Par conséquent si on moleste ou si on menace des ouvriers travaillant pour l'autorité militaire allemande, ceux qui seront découverts seront envoyés en Allemagne pour être condamnés aux travaux forcés, ou fusillées immédiatement.

 

Les mitrailleuses qui tirent sans cesse lors du passage dees aéroplanes ne nous épargnent pas, hier encore une vitre de la fenêtre de la chambre d'Edgard (son frère) fut brisée, c'est déjà la troisième. Des projectiles sont également tombés dans la cour, ils avaient une forte odeur de souffre et ils étaient encore très chauds lorsqu'on les ramassa.

 

Des nouvelles troupes viennent d'arriver à Menin, mille fantassins et de la cavalerie.

 

7 et 8 juillet 1915

 

Journées froides, vent impétueux mais aussi rudes journées de combat. Mercredi soir le canon tonna avec violence du côté de Lannoy, Lille. Toute la nuit la fusillade se fit entendre ainsi que dans la journée du jeudi.

 

On nous dit : qu'on ne délivre plus de laissez-passer pour Lille, plusieurs portes sont fermées, que les français sont à Lambersart, ils ont réussi enfin à faire une trouée. Tous les aspirants officiers ainsi que les soldats du régiment 3 ayant résidé dans notre ville pendant de longs mois sont tous tués parait-il du côté d'Arras. On nous dit aussi qu'un grand nombre de jeunes gens sont inscrits, d'autres inscrits ont franchi les lignes ennemies. Le commandant de la place ayant appris cette chose est très en colère et une forte punition nous est réservée.

 

Vendredi 9 juillet 1915

 

Tous ceux qui sont chargés du service de transport et d'emmagasinage de vivres, denrées et marchandises diverses ont obtenu du commandant supérieur de l'armée allemande un placard de bois lequel contient ces quelques phrases :

par ordre du commandant supérieure de l'armée allemande, toutes les marchandises importées par la commission for relief in belgium et destinées au ravitaillement de la population civile du territoire français occupé, ne pourront être réquisitionnés, ni saisies par les autorités militaires ou civiles allemandes.

Les conducteurs, attelages et véhicules de tout genre affectés au transport de ces marchandises ne pourront être ni réquisitionnés, ni saisies pour les besoins de l'armée allemande – Grand quartier général, le 26 avril 1915

 

9 et 10 juillet 1915

 

C'est le 28 juillet prochain que les petits états balkaniques dont la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce, déclareront la guerre à la Turquie et à l'Allemagne,n par conséquent de tous cotés l'Allemagne va se trouver en mauvaise posture, d'autant plus que l'Amérique offre un crédit illimité à la France, allant jusqu'à des billions et une quantité journalière énorme d'obus.

 

Un corps d'armée allemande vient d'être encerclé par les Russes et les Italiens occupant le Tyrol. Ici dans notre région, près d'Ypres et d'Arras les allemands reculent également et il en est de même de Nieuport aux Vosges, et l'argent, ce nerf de la guerre, commence à se faire rare en Allemagne.

 

On nous raconte à présent une foule de choses ainsi on dit qu'un lieutenant arrivé cinq minutes trop tard lord du départ de son régiment fut appréhendé de suite par des gendarmes et envoyé en Allemagne pour y être emprisonné, malheureusement pour lui, il oublia sa montre, son porte-monnaie et sa capote là où il logeait, chez un particulier de la rue du Tissage.

 

On nous dit encore qu'à Halluin les ouvriers qui travaillent pour l'autorité militaire allemande sont payés 2 francs de plus qu'à Menin, ici ils gagnent 4 francs par jour, même des jeunes garçons de 15 à 16 ans pour nettoyer les rails du tramway. Et on rapporte que 800 civils sont revenus d'Allemagne en France, où ils étaient captifs contre les lois de la guerre d'après la convention de la Haye. Il paraît qu'un grand nombre de jeunes gens belges et du Nord de la France sont partis rejoindre les lignes françaises par la Hollande. Le général gouverneur de Lille discute actuellement avec le Préfet du Nord, l'article 52 de la convention de la Haye car c'est un abus de pouvoir que de faire ainsi travailler des ouvriers contre leur patrie. M. Biermé qui s'étaient mis à faire une pétition contre ceux qui avaient voté la reprise du travail, fut incarcéré pour 8 jours et eut une forte amende.

 

Henri Dereuze, le chef actuel du parti socialiste réclame à cor et à cri l'affichage du compte tendu de la fameuse séance et le nom de ceux qui manquèrent de courage tel que ce fameux Béckaert du parti des démocrates qui disait : Mieux vaut voter pour la reprise du travail que de le repousser puisque l'on va devenir allemand.

 

Monseigneur Charost évêque de Lille a écrit à M, le doyen Deram car il est contre la reprise du travail, c'est pourquoi 17 membres du clergé des environs furent arrêtés par les allemands pour avoir obéi à leur évêque.

 

Plusieurs hussards viennent de déserter, la plupart étaient des hommes mariés, ils sont également partis par la Hollande tous les régiments fut puni et envoyé aux tranchées. On dit aussi que M. et Mme Caillaux furent fusillés à cause d'avoir trahi la France.

 

Les cultivateurs doivent faire de nouveaux la déclaration de toutes les céréales qui se trouvent encore sur leurs champs. La ville doit payer une nouvelle amende de 7,000 Fr et on nous annonce l'arrivée de troupes.

 

Dimanche 11 juillet 1915

 

Il paraît que nos troupes se ruent sur l'ennemi avec un entrain sans pareil, ils sont de rudes et intrépides hommes nos braves petits troupiers, ainsi près d'Ypres, racontait hier un soldat allemand, revenant de la bataille, un capitaine français enleva de vive force à la baïonnette avec sa compagnie une maison où il fit vingt prisonniers dont plusieurs officiers, malgré une mêlée longue et sanglante et la mitraille de l'artillerie.

 

Dès le petit jour ce matin, le canon tonne, sans doute qu'une grande bataille se livre encore, car la canonnade ébranle les vitres, et du grenier on entend comme la fusillade qui crépite dans le lointain, pourvu que les obus ne viennent pas éclater dans Halluin, mais espérant que le bon dieu nous en préservera, car aujourd'hui même commence à l'église paroissiale une neuvaine en l'honneur de N.D. Du perpétuel secours, vénérée de longue date à Halluin a dit le prédicateur à la messe, pour obtenir la grâce d'être préservé du bombardement, le départ des envahisseurs et le salut de la France. 35 dragons passent se dirigeant vers Lille.

 

 

 

Lundi 12 juillet 1915

 

Ce matin à 8h un quart, nous entendîmes une très forte détonation, tout le monde croyait que c'était l'éclat d'une bombe lancée par un aéroplane qui passait justement à ce moment-là, mais parait-il c'est le bruit occasionné par l'éclat de bouteilles remplies d'une poudre explosible, que des jeunes recrues, nouvellement arrivées s'exercent à lancer contre l'ennemi.

Ah il me semble que nous pouvons bien avoir l'ardent désir, assez légitime en soi, que cette invasion finisse au plus tôt, car nous avons assez entendu le bruit du canon et le crépitement de la fusillade et les lourdes bottes de l'envahisseur ont martelés plus qu'assez les pavés de notre ville habituée au silence et la quiétude et le tintamarre de l'artillerie allemande, de ses cavaliers et de ses lourdes voitures de munitions, de vivres et de bagages ont fait assez trembler les vitres de nos maisons paisibles et ces hôtes étranges du kaiser ce sont aussi assez ébroués dans les chambres et les lits des particuliers. Plais à dieu donc que la délivrance arrive bien vite.

 

Lettre du commandant aux habitants de la ville d'Halluin, lu à Halluin le 30 juin 1915 à 23h30, au conseil municipal et aux notables de la ville d'Halluin.

 

Messieurs

 

Les événements qui se passent sont connus par tous les messieurs. C'est la conception et l'interprétation de l'article 52 de la convention de la Haye qui a créé les différents entre vous et l'autorité militaire allemande. De quel côté est le droit ce n'est à nous de le discuter parce que nous ne sommes pas compétents, nous ne nous entendrons jamais sur ce point-là.

C'est l'affaire des représentants et des diplomates après la guerre. C'est exclusivement l'interprétation de l'autorité militaire allemande qui est valable et en raison de cela nous demandons que tout ce que nous besoin pour l'entretien de nos troupes soit fabriqué par les ouvriers du territoire occupé.

Je puis vous assurer que l'autorité allemande ne se départira sous aucune condition de ses demandes et ses droits même si une ville de 15,000 habitants y devrait périr.

Les mesures indroduites qu'à présent ne sont qu'un commencement et chaque jour ce sera des mesures lus sévères jusqu'à ce que notre but soit atteint.

C'est le dernier mot et le bon conseil que je vous donne ce soir, revenez à la raison et faites en seote que les ouvriers reprennent le travail sans délai autrement vous exposez vos familles, votre ville, vous-même au plus grand malheur.

Aujourd'hui et peut-être pour longtemps il n'y a ni gouvernement, ni préfecture, il n'y a qu'une seule volonté, c'est la volonté de l'autorité militaire allemande

 

Le Commandant de la place : Shranck

 

Mardi 13 juillet 1915

 

Journée de passage de troupes. Dans le lointain on entend la fusillade, c'est des jeunes fantassins qui s'exercent au tir, puis vers huit heures passage de caissons de munitions, de mitrailleuses, de quelques canons et cuisines roulantes, puis des voitures volées par les allemands; Derrière tout cela suivait une centaine de cavaliers uhlans, leurs chevaux paraissaient tous très fatigués et exténués.

Vers midi de la grosse artillerie se dirige vers Lille, tout ces chariots de vivres étaient attelés de quatre chevaux. Les chevaux étaient couverts de poussière, sans doute qu'ils arrivaient de bien loin. On nous dit que les allemands retirent beaucoup de troupes du côté d'Ypres, pour les envoyer du côté d'Arras, où ils croient que demain mercredi, fête du 14 juillet, les français s'amuseront dans les tranchées et qu'il sera facile de les surprendre à l'improviste pendant qu'ils feront leur fête.

Un grand nombre de fantassins sont logés à la ferme Vouters et à la Pannerie.

 

Aujourd'hui, nous lisons dans la feuille allemande affichée à la kommandantur que les Français se savent pas vaincre les fortifications, qu'ils ont eu le temps de faire pendant leur long séjour chez nous (9 mois) que les anglais supposent qu'un million d'hommes aurait suffit, mais pour reconquérir la Belgique il leur faudrait 5 à 600 mille hommes. Les attaques des français ont échouées (s'il faut les croire) entre Souchet et Béthune. Dans les Vosges l'attentat français a été arrêté par les armées du Kompring. Les allemands ont pris aux français des tranchées de 300 m environ de longueur.

 

 

 

 

Mercredi 14 juillet 1915 – fête nationale

 

Ce n'est pas cette année que les parisiens  pourront aller à Longchamps voir défiler et complimenter l'armée française à la revue solennelle du 14 juillet, comme les années précédentes, mais à la place d'assister à la revue des soldats français, nous, nous assistons à regrets, morne et triste, à voir défiler dans nos rues les soldats du Kaiser, contrairement aux nôtres, aux uniformes élégants, ils sont vêtus de sombre et coiffés de casques à pointes ou à casquettes, avec ou sans visière, et les officiers bien sanglés dans leurs redingotes grises, bleues ou vertes réséda, avec col rouge ou jaune, paraissant les uns hautains et dédaigneux, les autres semblant fatigués par de longs moi de campagne, de marches forcées, de nits sans sommeil, résignés, mais un peu inquiets, tout de même, sur les suites de cette guerre qu'ils n'avaient pas prévue si longue et dont le résultat final commence à les inquiéter sérieusement d’après « leurs nouvelles » affichées à la porte de la kommandantur.

 

Un artilleur galonné, très grand, est venu sonner et carillonner à la porte, à peine entré, il se mit à fureter partout, pour voir si nous n'avions plus une grande cuisinière. N'ayant pas ce qu'il désirait, il s'en alla comme il était venu, gros jean comme auparavant, sans marquer notre à la crie blanche. Mais voilà-t'il pas, que vers trois heures, trois artilleurs en quête de logement viennent de nouveau carillonner, comme notre porte n'avait pas été marquée, nous n'ouvrîmes pas, ce qui fit que cette fois-ci nous n'avons pas de soldats à loger. Dieu en soit loué, car nous avons déjà bien éprouvé notre part à ce sujet.

 

Jeudi 15 juillet 1915

 

Une centaine de cavaliers sont passés ce matin à 7 heures se dirigeant vers Lille. Plusieurs locomobiles (Locomobile est le terme désignant une machine à vapeur montée sur des roues non motrices. Ce dispositif était entre autres utilisé comme source motrice en machinisme agricole.  note du transcripteur) et machines à battre le blé sont aussi passées allant vers Menin.

 

Il paraît qu'un nommé Victor Duprets, employé chez Lemaitre, ayant porté des fraises et des cerises au commandant, de la part d'un industriel Halluinois, a reçu comme gratification un mark et deux cigares. Vraiment quel beau patriotisme ! Et quelle galanterie française ? Ont certaines personnes pour les ennemis de la France, leur mère patrie, mais tout ceci se passe de commentaire.

 

Neuf heures : cinq canons tirés par six chevaux et six caissons de munitions passent allant vers Lille, suivis de huit voitures de bagages, tous ces soldats sont du 116ème d'artillerie.

Le hameau de Colbras et tout le haut de la rue de Lille regorgent de soldats, c'est le 118ème d'artillerie qui vient de nous arriver de Touflers, nous sommes privilégiés, presque tus nos voisins en ont à héberger, dans des petites maisons de journaliers, il y en a même jusqu'à onze.

 

Nous cachons nos poules, car comme il y a des soldats dans la maison voisine, nous avons peur qu'ils viennent nous les voler en escale dans la muraille de séparation ou en venant par la plombière, aussi cette nuit nous nous endormons pas trop tranquillement.

 

Il paraît que la Belgique va être fermée par conséquent nous ne pourrons plus communiquer avec Menin, ce sera très ennuyeux pour ce qui concerne les vivres et les denrées, tous ces produits se vendant moins cher en Belgique qu'en France.

 

Vendredi 16 juillet 1916

 

A minuit un quart, un coup de feu troubla le silence et le calme de la nuit, une sentinelle placée près de chez nous déchargea son arme sur un individu qui profitant des ténèbres essayait de passer, heureusement parait-il, il ne fut pas atteint.

 

Un soldat portant au bras le brassard de la croix rouge est encore venu voir si nous n'avions pas une chambre disponible pour loger un officier.

 

 

Le commandant de la place, décoré récemment par Guillaume, de l'ordre de la croix de fer, est parti aujourd'hui en congé pour seize jours. 200 fantassins sont revenus de la bataille pour cantonner à l'usine Sion, ils étaient couverts de poussière et ils paraissaient très fatigués.

 

Depuis cinq heures du soir le canon tonne assez fortement du côté de Comines. On nous dit que les habitants de la ville de Comines doivent évacuer et que Warneton est en feu.

 

Samedi 17 juillet 1915

 

8h du matin passage de 136 cavaliers allant vers Menin, pui sune patrouille de hussards passe conduisant à la kommandantur deux civils arrêtés pour avoir voulu passer sans laissez-passer.

 

Dimanche 18 juillet 1915

 

Hier il y eut encore une nouvelle répartition des cantonnements, ainsi chez Vanhullebusche il y a maintenant des soldats, ils sont donc disséminés par escouade un peu partout dans le haut de la rue de Lille; cela doit être ennuyeux pour la surveillance des corvées, la distribution de vivres et les inspections en général, mais tant pis pour eux.

 

Ce matin vers 6 heures, un aéroplane est passé comme d'habitude il fut canonné mais sans être atteint.

 

On se bat actuellement très fort dans les environs de Roulers, cependant nous n'entendons plus aussi distinctement le canon que les jours précédents.

Une automobile montée par 5 officiers fit panache près de Menin, 4 furent mortellement blessés, un seul est resté indemne. Le destin parfois bien cuel et il se rit bien souvent des vains projets des hommes.

 

Lundi 19 juillet 1915

 

D'après quelques nouvelles françaises affichées par les allemands, il paraît que les Français ont gagné quelques tranchées au nord de La Bassée, à Virny; qu'en France les agriculteurs manquent de bras, laissant l'herbe pousser très haut dans les champs.

 

Les attachés militaires des États neutres se sont rendus du théâtre de la guerre du sud-est à l'ouest et ont passé par Lille.

 

Deulémont va être bombardée, les enfants doivent quitter la ville, une dame d'Halluin conduisant ses enfants chez ses parents est obligée de retourner de suite dans sa ville. Plusieurs maisons de notre ville ont sur leur porte d'entrée une petite affiche indiquant le logement pour un ou deux officiers.

 

 

 

Mardi 20 juillet 1915

 

Toute la nuit le canon tonna avec violence du côté d'Ypres, ce matin au contraire on entendait le grondement sinistre des canons 75 du côté de Lille.

Les anglais ont fait sauter plusieurs tranchées, presque tout le 126ème d'infanterie est tué ou blessé. Menin regorge d'une multitude de blessés. Grand passage de troupes, de caissons de munitions et de quelques canons. Les allemands ont volé à la trésorerie générale de Lille 375,000 Fr à l'époque de l'échéance.

 

 

 

 

 

21 et 22 juillet 1915

 

Le 3ème régiment de dragons est revenu d'Arras pour se reposer à Halluin, un escadron se trouve disséminé un peu partout; une grande partie fut décimée.

A Lille, il fait très cher à vivre, le beurre vaut actuellement 20 Fr, il n'y a presque plus de viande à trouver. A Halluin, le beurre vaut actuellement 6,80 Fr, la viande 4,80 Fr, le pain de blé de 2 livres 1 Fr.

 

Le canon tonne toujours dans la direction  d'Ypres. Passage d'aéroplanes français, anglais et allemands. Les nôtres des aéroplanes sont toujours très bien salués par les soldats du Kaiser.

Le cheval du commandant s'est enfui jusqu'à Montaleux. On croyait que la ville serait punie parce qu'on supposait un individu d'avoir volé ce joli cheval, mais c'est un soldat du 1er régiment qui le pris pour le vendre parait-il.

 

Les sentinelles posées au bord de Reckem sont très difficiles, il n'y a que les enfants au-dessous de 15 ans qui peuvent passer sans difficultés.

 

23 et 24 juillet 1915

 

Vendredi vers 6h du matin, dix grands chariots allemands attelés de trois chevaux et remplis de lin se dirigent vers Menin. Passage d'(une vingtaine de cavaliers et de plusieurs aéroplanes.

Samedi à 3h de la nuit, tus les artilleurs cantonnés dans notre quartier sont partis vers Lille; ils font un tapage infernal à réveiller toutes les personnes. Dans l'après-midi, vers deux heures, une trentaire de chariots à bâches blanches sont arrêtés vis à vis de chez nous attendant des ordres de leurs chers, puis peu de temps après ils se dirigent vers Lille.

 

Les villes de Roubaix et de Tourcoing doivent payer une contribution de 1 million parce que les ouvriers ne reprennent pas le travail.

 

Dimanche 25 juillet 1915

 

Journée d'adoration perpétuelle; les messes sont encore changées, car les allemands retiennent l'église de 7 à 9h et de 3 à 4h, donc ce soir  6 heures il y aura un sermon de clôture par le révérend père franciscain.

On nous dit qu'on sera de nouveau puni, car M. Vanheddeghem ne veut plus que l'on travaille dans son usine pour le service des allemands. Plusieurs tisserands employés à la fabrique de sacs ne vont également plus travailler.

Qu'est ce que l'avenir nous réserve encore ? Nul ne le sait! Si ce n'est dieu seul, puisqu'il connaît tout jusqu'à nos plus secrètes pensées.

 

Sur les murs de la ville de Menin il est affiché: qu'on ne délivre plus de passe-port que pour des affaires très importantes; que tous les propriétaires de chevaux se trouvant en ville doivent faire leur déclaration à la kommandantur de Menin.

 

Lundi 26 juillet 1915

 

Ce matin dès notre lever, nos voisins nous racontèrent qu'un aéroplane français était tombé, cette nuit entre 2 et 3 heures du matin, près de la ferme Destombes à la Becque de Roncq. Nous sommes allés voir de suite et il y avait déjà foule près du lieu de l'accident pour contempler ce bel aéroplane qui était tombé brusquement parait-il, mais presque sans bruit par suite du mauvais fonctionnement du moteur. Les officiers aviateurs qui le montaient purent s'enfuit très facilement, les sentinelles allemandes ne se trouvant pas dans les environs, et aidés de quelques hommes que cette chute matinale et inopinée avait attiré, ils emportèrent pour mettre en lieu sûr, une mitrailleuse, leurs jumelles et leurs appareils d'aérostation après avoir naturellement détérioré et rendu inutilisable leur bel aéroplane. Les allemands recherchèrent partout les traces de ces hardis aviateurs, mais ce fut en vain, ils ne découvrirent absolument rien, aussi vers 8 heures après que le commandant de la place fut venu en personne voir et contempler de visu le lieu de la catastrophe, se décidèrent-ils à placer ce qui restait de ce magnifique aéroplane français sur une automobile pour conduire ces glorieux débris à la kommandantur.

 

27 et 28 juillet 1915

 

Rien de particulier à signaler depuis quelques jours; dans un journal affiché à la kommandantur on y lit que d'un côté comme de l'autre, les armées n'avancent guère, si les Français ont gagné un peu du côté de Souchet, près d'Arras, les allemands ont également gagné d'un autre côté. Qu'en Belgique les soldats belges meurent de faim; les allemands ayant lu une lettre qu'un belge envoyait à ses parents « chers parents, je n'ai plus que 0,15 Fr dans mon porte-monnaie, nous mourrons de faim, nous avons de la viande que 2 fois par semaine et très peu d'autres aliments »

Cela est une ruse de nos chers pioupious afin d'obtenir de leurs parents plus d'argent en disant qu'il manque de pain.

 

Jeudi 29 juillet 1915

 

Plusieurs petites affiches sont posées aux fenêtres de la mairie disant : ceux qui volent au détériorant les champs, les légumes, seront conduits à la commandature et condamnés à 10 jours de prison. Les personnes trouvant le pain mauvais ou n'ayant point son poids, doivent faire leurs déclarations à la mairie.

27.000 russes furent faits prisonniers dernièrement par les allemands, du moins c'est ce qui est affiché.

 

30 et 31 juillet 1915

 

Journées pluvieuses, malgré ce mauvais temps le canon tonne toujours, principalement dans la nuit de jeudi à vendredi. Passage de plusieurs aéroplanes français, anglais et allemands. Dans la soirée de vendredi on tira pendant 20 minutes après un aéroplane français.

6 trains de blessés sont arrivés en gares d'Halluin et de Menin. Un grand nombre de blessés se trouve au cercle catholique.

 

Allées et venues continuelles de chariots allemands, porteurs de meubles, de lits ou de circuits, fabriqués dans les différentes scieries de la ville.

 

On ne donne plus facilement de laissez-passer pour Tourcoing, aussi en ais-je obtenu un avec peine. Continuellement on vient sonner à la porte pour demander une chambre pour loger un aspirant officier. On nous annonce encore l'arrivée de 3 à 4.000 soldats. Les français font sauter les murs de sacs parait-il avec de la poudre dynamitée. Que de choses on nous raconte mais devons-nous les croire ? 60 évacués, faits prisonniers par les allemands sont revenus à Tourcoing.

 

Dimanche 1er août 1915

 

C'est aujourd'hui, premier dimanche d'août, le triste anniversaire de la déclaration de guerre. Que d'obstacles! D'efforts, de luttes infatigables! De souffrances, de sacrifices! Que de combats acharnés et glorieux, depuis un an à pareille époque? Aussi les souvenirs qui se rattacheront à cette guerre seront innombrables et ne manqueront certainement pas d'intérêt. La France ne pouvant mourir qu'avec le dernier français, finira par être victorieuse. Étant le royaume de Marie et du sacré cœur. La France n'a-t'elle pas aussi donné l'exemple d'une énergie singulière, résolue qu'elle est à conquérir malgré tout et par tous les moyens, jusqu'ici elle n'a encore connu une seule heure de découragement. Espérant donc que bientôt les drapeaux étrangers comme ceux qui flottent actuellement à la porte de la kommandantur seront abattus, car avec de la persévérance dans la lutte et de la ténacité, le triomphe final arrivera.

 

Depuis deux jours, le canon gronde chaque nuit avec fracas, il semble plus rapproché de nous, on dirait même parfois un bruit de tonnerre s'élevant de tous les côtés, et les vitres des chambres vibrent comme s'il y avait un tremblement de terre, ces derniers jours de la semaine se suivent pleins d'imprévue, ils sont de nature à présent à faire craindre des lendemains plus graves encore.

Lundi 2 août 1915

 

Les messes de dimanche dernier furent encore changées, la 1ère messe eut lieu à 5h15, la seconde à 6h, la 3ème à 8h30, la grand'messe fut célébrée à 9h30 et la dernière à 11h, donc il n'y eut pas de messe à 7h30 mais par contre il y eut une messe à l'honneur de Jeanne d'Arc à l'école pour les petites filles et une autre au couvent pour les personnes qui ne pouvaient pas communier au plus tôt.

A Tourcoing et Neuville, les hommes et jeunes gens de 17 à 45 ans doivent passer la revue à la kommandantur et lorsqu'ils changeront de domicile ils doivent en faire la déclaration de suite à l'autorité militaire allemande.

 

Mardi 3 août 1915

 

A 5h ce matin passèrent au petit trot un peloton de dragons, la lance en arrêt, allant vers Menin. Une religieuse de la sagesse accompagnée d'une jeune orpheline se rendant à l'hôpital de Tourcoing passèrent vers 6h sur un camion allemand, probablement que c'était cette jeune orpheline qui fut écrasée dernièrement par une auto allemande au coin de la rue de la Gare.

De 6 à 8h, cinq aéroplanes sont déjà passés dont 2 français ou alliés et 3 allemands. La fin de cette journée se passe sans incident.

 

Mercredi 4 août 1915

 

Journée pluvieuse. Dès le matin les chariots se mettent en marche. Une centaine de dragons prennent la direction de Lille. Toute l'artillerie, canons, munitions du 1er régiment est partie mais pour revenir sans doute. Beaucoup d'aspirants officiers circulent en ville, ces aspirants ont 3 tenues de rechange, sur 3.000 aspirants partis à la bataille d'Arras, il n'en reste plus que 200. On nous annonce la mort des 2 plus jeunes fils de chez Montreuil.

A Menin il est défendu de photographier les personnes, de vendre des chicorées brulées sans la permission du commandant.

 

5 et 6 août 1915

 

On nous dit qu'il ne reste plus rien de la ville d'Arras : Arras sera le tombeau des Français et Ypres sera la tombeau des allemands. Dans la soirée de jeudi vers cinq heures les cloches se sont fait entendre on disait que c'était pour annoncer la prise de la ville de Varsovie en Pologne.

On nous dit qu'on se bat maintenant de 12 côtés à la fois ; les français et allemands ont pris chacun l'offensive, aussi le canon gronde avec violence le jour et la nuit.

La ration de pain sera de 6 kg pour 2 jours pour 8 personnes et cela coûtera 3 Fr. Une affiche est posée chez les marchands de pommes de terre interdisant la vente au-dehors de la ville par ordre du commandant de la ville d'Halluin sans cela leur commerce serait arrêté et leurs marchandises saisies.

 

Samedi 7 août 1915

 

Vers 6h du matin passage d'une centaine de dragons se dirigeant vers Lille. En ville il n'y a presque plus de soldats, tous ont été appelés sur le champ de bataille car on se bat avec acharnement et le canon se fait entendre. Ce soir on nous raconte que lundi prochain aucune personne ne pourra plus passer sans passeport, aucune marchandise ne rentrera plus en France.

Un général allemand s'étant rendu sur le champ de bataille fut atteint mortellement. Un lieutenant soigné au cercle catholique a le ventre perforé d'une balle, sa mère et sa sœur sont venus le voir, cette dame attend journellement sa mort pour prendre avec  elle le cercueil de son fils pour retourner l'enterrer en terre alsacienne.

 

C'est aujourd'hui samedi que les ouvriers travaillant au réservoir ont fini d'achever les travaux de maçonnerie et de charpente.

 

 

Dimanche 8 août 1915

 

Passage d'automobiles à vive allure et de plusieurs aéroplanes. Aucun fait saillant.

 

Lundi 9 août 1915

 

La nuit dernière fut assez mouvementée. Du côté de Gheluwe, des lueurs sinistres et des éclairs apparaissaient continuellement dans la nuit et les roulements des canons durèrent de deux heurs à 7 heures du matin sans interruption; il était impossible d'arriver à compter à la minute le nombre de cops de canon. Aussi ce matin, dès 5h, six aéroplanes tant français qu'allemands survolèrent nos encirons pour connaître les effets de ce terrible combat. Vers 8h une centaine de dragons passèrent se dirigeant vers leur cantonnement, par la rue de la Procession, mais bientôt, vers 9h30, ils repartirent précipitamment dans la direction de Lille. Dix chariots de vivres passèrent également pour aller vers Lille. Le combat acharné de la nuit dernière a été parait-il très meurtrier pour les allemands, le nombre de blessés est énorme aux diverses ambulances de Menin, d'Halluin, et l'hécatombe humaine fut aussi très grande, car les anglais sont arrivés par cette attaque brusquée de la nuit à trouver les défenses de sacs de terre, avec des canons de marine dont un obus est même venu tomber dans le hameau du Mont, vis à vis de chez Vanholsbecke.

 

Mardi 10 août 1915

 

C'est aujourd'hui la rentrée des chambres au Reichstag allemand. Il serait curieux de connaître les déclarations que le général Von Falhen Kenhayn, ministre de la guerre, va faire au sujet de cette guerre terrible.

 

L'incorporation des toutes dernières jeunes recrues continuera-t'elle à se faire pour arriver à combler les places vides d'officiers et de sous-officiers sans titulaires? Et les nouveaux grands crédits seront-ils votés par le Reichstag pour arriver à savoir continuer cette guerre néfaste, ce sera sans doute une séance très tumultueuse qui donnera bien à un spectable sans précédent, car jamais en effet il doit y avoir eu pareille assemblée.

 

Et dans tout cela la providence, sait déjouer par les moyens les plus simples, les plus perfides combinaisons, car elle ne laisse jamais s'accomplir jusqu'au bout les choses mauvaises que des hommes haineux ont voulues et préposées et c'est ordinairement quand ils se croient le plus assuré de vaincre que la providence intervient pour paralyser leurs entreprises, du reste c'est toujours l'éternelle loi de l'histoire que ne se continue qu'en se recommençant.

 

Mardi 11 août 1915

 

On nous dit que le résultat du combat de la nuit de dimanche à lundi fut le suivant : 56,000 ennemis hors de combat, et les anglais ont pris 3 tranchées allemandes. L'ennemi ne s'attendait à combattre que vers 4h aussi les anglais le sachant ont pis l'offensive vers 2h30 du matin. Les allemands ont demandé du renfort par des coups de canons spéciaux, on leur a envoyé 500 hommes, faute de plus. Le lieu de combat était Gheluwelt village, au-dessus de Gheluwe à 9km de Menin. Les anglais se sont aussi amparés dernièrement d'un petit village entre Iseghem et Roulers.

 

On dit aussi que si les allemands n'ont pas quitté nos villes pour le 28 août, les anglais les chasseront de force par le fer et le feu.

 

Depuis quelques jours les allemands enlevèrent tout le matériel mécanique de la maison Lévecque, Delesalle, ancien fabricant de chaises, rue des Ecoles.

 

Il paraît que beaucoup d'allemands désertent l'armée, pour les retrouver le commandant de la ville de Menin oblige tous les hommes de 16 à 50 ans de se faire inscrire et aucun Halluinois ne peut se rendre à Menin sans être muni d'une carte d'identité du commandant d'Halluin.

 

 

Jeudi 12 août 1915

 

Cette nuit à 1h15 trois automobiles montées par six officiers passèrent comme une trombe, allant vers Menin. A 2h du matin, quatre voitures attelées de deux chevaux et remplies de soldats passèrent également. A 5h retour du 18ème d'infanterie, de 300 hommes qu'ils étaient au départ ils n'en reviennent qu'à 200, donc un tiers de moins en cinq jours. A 7h un peloton de dragons passe en chantant. A 8h le canon commence à gronder du côté de Gheluwe.

Hier soir à 7h30 nous avons assisté à un combat dans les airs entre deux aéroplanes un français et un allemand, cette lutte d'un nouveau gendre dur environ 20 minutes, finalement l'aéroplane allemand fut atteint d'un coup de feu et descendit précipitamment dans un champ de blé, en vol plané, pendant que l'aéroplane français se retirait en triomphateur salué par un nombre incalculable de coups de canon, mais dont aucun ne l'atteignit.

 

Vendredi 13 août 1915

 

On nous dit que Douai est aux mains des Français. Une affiche est posée sur les murs de la ville obligeant les propriétaires de chevaux à déclarer à la mairie leurs chevaux, demain samedi 14 avril avant midi. Il est défendu d'en vendre ou d'en tuer. Il est arrivé en ville une vingtaine de caissons de munitions attelés de 4 chevaux, puis des cuisines roulantes. Tous ces soldats sont logés dans le bas de la rue de Lille et rue des Ecoles. Leurs chevaux sont dans la fabrique Levecque. Dans la journée on tira encore après un aéroplane français, mais on ne l'atteignit point. L'aéroplane allemand tomba sur le nouveau boulevard de Tourcoing raconte-t'on. Le canon ne se fit plus entendre comme à l'ordinaire.

 

Samedi 14 août 1915

 

On nous raconte aujourd'hui que l'amérique déclarera la guerre à l'Allemagne, donc elle ne fournira lus de denrées aux villes envahies, ce sera au tour de l'Espagne. Le pain est encore diminué, ce sera maintenant 321 gr au lieu de 350gr.

 

Le commandant d'Halluin « Shranck) fait l'intérim en remplaçant le commandant de Menin qui est parti en congé.

Mr le doyen annonça du haut de la chaire de vérité, que les messes seront encore changées,n elles seront dites comme au jour de l'adoration.

Le 126ème est revenu aux Baraques, une grande partie est décimée.

 

Dimanche 15 août 1915

 

Jour de l'Assomption, pour la première fois parait-il depuis le vœu de Louis XIII (il s'agit de son testament reproduit dans les notes 2, le transcripteur), le procession ne se déroulera pas dans les rues de la ville, comme les années précédentes, à cause des allemands, mais elle se fera quand même dans l'église, aussi Mr le Doyen invite-t'il tous ses paroissiens à y assister en grand nombre, vu ce jour d'épreuve et de deuil, donc répétant avec le poète ces beaux vers :

 

« vous qui passez, venez à lui, car il demeure

vous qui pleurez, venez à lui, car il  console

vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit. »

 

Prions aussi pour nos pauvres petits soldats qui sont au feu et qui se battent actuellement à la baïonnette dans des ruées sauvages, mais toujours confiants en l'avenir, toujours alertes et crânes, toujours fiers et indomptés.

 

 

 

 

 

 

Lundi 16 août 1915

 

Ce matin à 6h un aéroplane allié survole Halluin, il est salué par une trombe de fer et d'obus, mais le pointage des allemands n'est pas bon, ils manquent de sang-froid, ils se pressent trop et c'est ce qui fait qu'ils ne savant point pointer avec précision et toucher, aussi combien d'obus qui se servent à rien.

 

A 8h ils passent vers Lille six grandes automobiles bondées de soldats. A Menin on construit plusieurs ponts avec des passerelles. Il est affiché qu'il est défendu de faire la récolte de pommes de terre avant le mois de septembre. Menin regorge encore d'une quantité de soldats allemands.

 

Mardi 17 août 1915

 

Les allemands viennent d'envoyer du côté d'Armentières trois gros canons dont l'ouverture de ces bouches à feu a presque la dimension d'une marmite, ces canons se posent sur des rails pour la traction, tellement ils sont lourds, ces armements formidables se préparent parce que les allemands vont reprendre l'offensive. Mais la France ne veut pas périr, elle ne veut pas devenir une immense Alsace-Lorraine, râlant sous la domination allemands, dans nos régions du Nord, surtout on en a déjà assez des premiers coups, dans nos riches provinces de Flandre et d'Artois; aussi prions avec ardeur pour que cette invasion finisse au plus tôt et pour que nos tropes continuent à être toujours victorieuses.

 

Mercredi 18 août 1915

 

A 5h30 une patrouille de dragons passe allant vers Lille, puis par contre 400 fantassins passent revenant de ce côté-là. Ensuite c'est un défilé d'une dizaine de chariots de cultivateurs où se trouve assis une douzaine de soldats. Un régiment de cavalerie vient d'arriver, ce sont de toutes jeunes recrues, ils ont une lance plus courte que celle des dragons.

La dame Vouters-Vanholsbecke arrêtée avant-hier parce qu'on avait trouvé chez elle une lettre reçue dernièrement de son mari, est revenue de Tourcoing, mais son estaminet est fermé par ordre de la kommandantur.

 

Jeudi 19 août 1915

 

Ce matin on nous raconte qu'une automobile anglaise contenant plusieurs officiers déguisés en officiers allemands est arrivée à traverser les lignes ennemies. Ces audacieux officiers ont même eu la hardiesse de s'arrêter aux kommandantures de Menin et d'Halluin.

 

Aux portes de chaque débit de boissons, les allemands viennent d'afficher un petit avis pour indiquer que la vente des boissons n'est permise que de midi à 2 heures et de 6 heures du soir jusqu'à l'heure de la retraite c’est-à-dire à 8 heures (heure allemande).

 

C'est aujourd'hui jeudi, la cérémonie solennelle de la première communion, bien que nous sommes en temps de guerre, les petites filles étaient habillées de blanc et les petits garçons avaient le brassard comme d'habitude.

 

Une centaine de fantassins sont arrivés par la rue de la Procession. Plusieurs chariots passent chargés de petites rails et de voitures Decauville, il est à supposer donc que c'est pour entreprendre de nouveau et d'importants travaux.

 

Vendredi 20 août 1915

 

Un gradé envoyé par la kommandantur est encore venu pour avoir du logement, en effet il nous montra une liste de noms avec tous les numéros des maisons. La chambre que nous lui avons montré ne lui convenait pas, il s'est alors retiré, très poliment et a cherché plus loin dans le haut de la rue de Lille. Il y en a maintenant  chez Vanacckere-Vanstaen.

 

De grands camions remplis de briques passent continuellement. Une nouvelle affiche vient d'être placardée par la réglementation de la vente des pommes de terre. Les marchands doivent les vendre à 0,11 Fr.

 

A 6 heures du soir nous avons assisté à l'atterrissage de deux aéroplanes au champ d'aviation (sur la route de Vervicq à Menin) l'uniforme de l'officier était tout en cuir noir, il n'y avait que les yeux qui n'en étaient pas recouverts, vis-à-vis de lui se trouve la mitrailleuse et son mécanicien ou pilote se trouve derrière lui. Les aéroplanes avaient la forme ovale d'une automobile de course et le devant la forme d'un poisson.

 

Vis-à-vis du champ d'aviation se trouve deux mitrailleuses.

 

Samedi 21 août 1915

 

Il est arrivé en ville une quantité de cavaliers et de fantassins. Les fantassins semblent revenir de la bataille car certains boitent, d'autres ont la tête ou les membres bandés. Ces soldats reviennent de la ville de Comines car plusieurs obus tombèrent sur la ville en outre près de l'ambulance. Un grand nombre de personnes évacuèrent la ville.

 

Dimanche 22 août 1915

 

C'est une journée d'aéroplanes, dès 9 heures du matin ils commencèrent à passer. Vers 7 heures il y en edut deux qui furent principalement canonnés mais heureusement aucun obus ne les toucha.

 

Un peloton de dragons passe à l'heure habituelle comme les jours précédents. Malgré le nombre assez grand de soldats actuellement en ville on en voit peu circuler en ville pour un dimanche.

 

Lundi 23 août 1915

 

C'est aujourd'hui qu'à lieu le recensement des chevaux de la ville d'Halluin sur la place verte à 6 heures (heure allemande) et 5 heures (heure française). Les chevaux se trouvaient déjà au nombre d'une centaine, ils furent tous marqués sur la cuisse gauche de derrière de la lettre « z ».

A Roncq les chevaux furent marqués sur le genou droit. Les propriétaires de chevaux durent donner leur nom, adresse et numéro. Cela dura 4 heures. Dans la journée passage de plusieurs aéroplanes.

 

Mardi 28 et mercredi 29 août 1915

 

Le brouillard est très épais ce matin. Mardi on cribla d'obus un aéroplane allié mais on ne l'atteignit point. De très bonne heure il passe des cavaliers. De lourds chariots automobiles passent se dirigeant du côté de Lille, chargés de marchandises. A Menin il arrive continuellement des fantassins.

 

Jeudi 26 août 1915

 

Cette nuit à 11h05 une bombe fut lancée vers la gare d'Halluin, le bruit en fut assourdissant, on l'entendit une lieue à la ronde, heureusement il n'y a pas eut de mort d'hommes, mais sept soldats furent blessés assez grièvement. Les dégâts matériels ne sont importants que comme vitres brisées, la marquise de la gare est entièrement pulvérisée, il en est de même de presque toutes les vitres des fenêtres des maisons d'habitations des environs. La maison qui en a le plus souffert est l'estaminet du coin, situé derrière la gare, vis-à-vis de l'usine Wallaert Frères, la façade est criblée de petits trous et les portes et les volets des fenêtres sont déchiquetés en certains endroits.

Dans la rue, au milieu de la chaussée la bombe en éclatant fit un trou d'une profondeur d'une cinquantaine de centimètres. Durant toute la matinée ce fut un défilé continuel de personnes curieuses de contempler le lieu de l'accident. Les soldats allemands étaient aussi très avides de tout voir en détail, les désastres occasionnés nuitamment par l'éclat de cette bombe, ils en firent sans doute plus d'un commentaire à ce sujet, d'autant plus qu'ils venaient de fêter très joyeusement la St Louis, en l'honneur de la fête patronale du prince de Bavière.

 

Vendredi 27 et samedi 28 août 1915

 

Les dégâts occasionnés par la bombe d'hier sont de 1 mort et 6 blessés qui furent immédiatement transportés à l'ambulance. Une bombe n'éclata point, elle creusa un trou; deux allemands sont continuellement postés en sentinelle empêchant les civils d'en approcher.

 

Toutes les écoles communales des filles, rue des écoles renferment une quantité énorme de fantassins; On nous dit qu'il arrivera encore des hommes. Chez Vanackere-Vanstaen vis-à-vis de la maison se trouve un dépôt d'habillement et de marchandises; Deux chariots de fermiers que les allemands ont volé remplis de fil de fer furent déchargés cette après midi chez Vanackère.

 

Dimanche 29 août 1915

 

Aucun fait saillant sauf que les messes furent changées, les 2 premières messes eurent lieu comme d'habitude, la 3ème à 7h, la grand-messe fut célébrée à 10h1/2 et la dernière à 11h1/2.

 

Lundi 30 août 1915

 

Depuis plus d'un mois il ne se trouve plus rien d'affiché sur la porte de la kommandantur narrant les nouvelles de la dernière semaine.

Un régiment de fantassins vient de Lille, tous paraissent fatigués, plusieurs ont le casque à la main, ils prennent la rue de la Procession.

 

Mardi 31 août 1915

 

A minuit moins quelques minutes un fantassin cycliste est venu réveiller les soldats qui se trouvent actuellement chez Vanackere, ils dormaient profondément car il frappa par tris fois à coups redoublés. Dix minutes après ce réveil précipité, ils étaient déjà prêts et ils partirent du côté de Menin.

 

Plusieurs caissons de munitions peu après prirent également la direction de Menin.

 

Mercredi 1er septembre 1915

 

On nous dit aujourd'hui que les français sont à Condé et qu'ils ont repris ces jours derniers Cambrai et Valenciennes et du côté de l'Est Colmar et Mulhouse.

 

Jeudi 2 septembre 1915

 

La ville fut obligée de fournir aux officiers allemands 8 chambres meublées, ces officiers ne les trouvant pas assez belles à leur goût dirent : puisque vous ne fournissez point de chambres convenables nous en trouverons. En vérité ils en trouvèrent dans les maisons particulières où ils logèrent dernièrement; ils prirent des meubles dans des maisons différentes.

 

Chez Melle Blanche Demeestère, la jolie chambre de Mr l'abbé Léon Danset mort le 28 août à la guerre en service commandé et une autre, chez Mme Danset Defretin tout une chambre y compris les tentures et tapis à l'exception des rideaux et un bureau, comme cette date protestait les officiers dirent : madame si vous continuez nous allons vous coffrer; Une autre alla trouver de suite le commandant. Le commandant écouta mais en tournant le dos à la personne. Chez Melle Victorine Delattre et Mr Auguste Dumortier : une chambre et un salon, chez Mr Achille Danset une chambre et un bureau, chez Mr Morel un piano. Tout ces meubles furent transportés au château de Mr Verhaeghe-Vandewyckele près de la Lys.

 

 

 

Vendredi 3 septembre 1915

 

1er vendredi du mois par conséquent jour consacré au Sacré-Coeur. La journée est froide on se croirait en hiver, il pleut continuellement. Toutes les ambulances de Comines-Linselles-Verwicq-Bousbecque-Menin-Halluin doivent évacuer. Il y a beaucoup trop d'officiers pour les piou-piou qui restent. Certains officiers sont rappelés en Allemagne.

 

Samedi 7 et dimanche 8 septembre 1915

 

Plusieurs petites affiches sont posées aux fenêtres de la Mairie pour annoncer aux habitants qu'il est interdit de tuer aucune bête sans l'autorisation du commandant, une autre pour dire aux cultivateurs et maraîchers qu'il est défendu de défaire aucune pomme de terre et qu'ils doivent déclarer à la kommandantur la quantité de pommes de terre qu'ils vont récolter. Mr Emile Lemaitre et Mr Désiré Laurent, fils, de Roncq, accompagnés tous deux d'un lieutenant allemand sont partis à Bruxelles depuis dimanche faire l'achat de vivres, dentées alimentaire et produits divers pour le ravitaillement de la ville, ils sont rentrés jeudi.

On nous dit que la journée la plus pénible de la guerre fut pour nous les 23 août de l'année 1914.

 

du lundi 6 septembre au lundi 13 septembre 1915

 

Cette semaine il n'y eut rien de bien particulier donc aucun incident à narrer. Nous n'entendons plus le bruit du canon sans doute qu'il y a une accalmie de quelques jours, pour permettre aux soldats de se reposer un peu de leurs fatigues continuelles afin de reprendre prochainement une nouvelle offensive.

Nous n'entendons plus chanter comme d'habitude le Deutsch uher alles. L'Allemagne au-dessus de tout car probablement que nos braves soldats en se battant un contre deux ont montré que l'Allemagne n'était pas toujours la nation la plus puissante.

Plusieurs aéroplanes sont passés au-dessus de la ville à une très grande hauteur on les distinguait à peine mais cependant on reconnaissait les formes caractéristiques des aéroplanes français.

 

Un habitant de la rue des Ecoles, étant sorti la nuit de son habitation a reçu d'une sentinelle allemande une balle dans le talon, comme il ne pouvait plus marcher des soldats le conduisirent à la kommandantur pour être pansé et interné. Vers 9 heures ce matin un tank allemand a été poursuivi par un aéroplane français, le combat a eu lieu à une grande hauteur et il fut impossible d'en connaître le résultat.

 

Lundi 13 et mardi 14 septembre 1915

 

Belle journée d'été. Les allemands qui sont dans la rue de la Procession chez Vanackere ont réquisitionné un camion de Mr Ferdinand Vanhosbecke. Les fermiers ont obtenu la permission de défaire la moitié de leur récolte de pommes de terre,  l'autre moitié est réservée aux allemands. Les fermiers apportent eux-(mêmes leurs pommes de terre chez les différents marchands de la ville aussi est-ce un va-et-vient continuel de personnes se dirigeant chez ces marchands car on nous dit qu'à un moment donné le fermiers ne pourront plus du tout en fournir. Nous serons taxés, ce sera 5 kg par personne.

 

Du mercredi 15 au 18 septembre 1915

 

Ces jours-ci nous entendons le grondement sinistre du canon. On nous dit que les allemands vont reprendre l'offensive la semaine prochaine. Lille regorge d'une quantité de fantassins, cavaliers et artilleurs allemands et d'un grand nombre de blessés. Les habitants ayant leurs maisons situées près des gares de Lille, Roubaix, Tourcoing doivent évacuer.

Il est arrivé à Menin un millier de fantassins par chemin de fer qui prirent aussitôt la direction de Gheluwe. La Mairie se charge de vendre du saindoux, boeuf salé et vinaigre et la Poste des haricots, riz, pois, lentilles, café vert, céréaline (pâtes alimentaires) lait concentré et saumon.

 

La ville d'Halluin doit fournir 250,000 kg de pommes de terre aux allemands.

Dimanche 19 septembre 1915

 

Dans la nuit de samedi à dimanche le grondement du canon se fit entendre très fort dans la direction d'Ypres; on entendait distinctement aussi le roulement incessant des canons français qui répondaient à la canonnade allemande. Cela dura aussi presque toute la journée en laissant cependant quelques alternatives de temps en temps sans doute pour ramasser les morts.

 

Ce matin en revenant de la messe une affiche était posée à la Mairie prévenant les habitants qu'à la tombée du jour la circulation était interdite dans la ville et les villages environnants. Et comme se commettait beaucoup trop de vol la commandature se voyait obligé de faire circuler des patrouilles, et si des personnes occupées à marauder prenaient la fuite elles seraient fusillées sur le champ.

 

De plus la circulation entre la ville d'Halluin et Menin et vice-versa est interdite sans laissez-passer. (Commandant Shranck)

 

du 20 au 26 septembre 1915

 

Cette semaine l'on entendait continuellement le canon particulièrement ces jours derniers.

 

Il est défendu de circuler en ville avant 7h du matin (heure allemande) et il faut être rentré chez soi à la tombée du jour. On ne délivre plus de laissez-passer pour les communes environnantes jusqu'à nouvel ordre. On nous annonce l'arrivée de troupes à cause d'un changement survenu, en effet hier nous comptions jusqu'à 200 coups de canon à la minute.

 

Du 27 au 30 septembre 1915

 

Le canon ne se fait plus entendre. Deux affiches rouges sont posées sur les murs de la ville avertissant « les habitants qui possédaient encore des pigeons, que s'ils ne les déclaraient pas de suite à la mairie, ils seraient fusillés, ainsi que s'ils cacheraient des soldats alliés ou des vêtements militaires ».

 

Le 23 septembre 1915 furent fusillés à la citadelle de Lille un négociant en vins, un sous-lieutenant, un commerçant et un ouvrier,

1/ à cause d'avoir caché un aviateur anglais o^son aéroplane était tombé le 15 mars 1915 près de Lille et parce qu'ils facilitèrent cet aviateur à rejoindre les lignes françaises.

2/ à cause d'avoir caché des soldats français dépourvus de leurs uniformes et franchissant les lignes allemandes pour rejoindre les lignes françaises.

Voilà pourquoi nous affichons cela afin d'en avertir le public » Le commandant général de l'armée.

 

Du 1er au 3 octobre 1915

 

On nous dit que trois corps d'armées allemands furent anéantis et que les allemands perdirent une tranchée à laquelle ils y tenaient beaucoup du côté d'Arras et que les français sont avancés de quelques kilomètres.

 

Les français promenèrent dans Paris 50,000 prisonniers allemands.

 

Du 4 au 6 octobre 1915

 

Un grand nombre de fantassins sont arrivés en ville, ils sont logés à l'école maternelle et dans différentes usines. Le bureau situé chez Vanackere est transféré chez Hamel (rue de Lille). On nous annonce l'arrivée de cavaliers et on nous dit qu'il se passera quelque chose de grave pendant ce mois du Rosaire.

 

 

 

Du 7 au 10 octobre 1915

 

Tous les chevaux doivent passer une revue sur la place verte le 7 à 2 heures (heure française), de cette revue il résulta qu'une trentaine de chevaux furent réquisitionnés pour l'autorité militaire allemande. Ces chevaux furent mis dans la pâture de M; Tyberthien. Des fantassins venus au début de la semaine, il n'en reste qu'une très faible partie, ils sont partis du côté d'Ypres afin de reprendre l'offensive. Il passe rarement des aéroplanes et nous n'entendons plus le son du canon.

 

Du 11 au 17 octobre 1915

 

Cette semaine tout fut calme. Les jeunes gens vendredi dernier furent punis par ordre du commandant parce qu'ils s'étaient permis de fumer lors de l'appel.

 

Un banquet d'officiers de 42 couverts eut lieu chez Sion. Les allemands réquisitionnèrent tout le bois qui restait encore chez les différents menuisiers de la ville. Un sous-officier de la kommandantur est venu voir si nous n'avions pas une chambre de disponible pour loger un officier, mais ayant vu tante malade il s'est retiré très poliment en disant qu'il voyait que nous étions ici beaucoup de monde et par conséquent qu'il ne devait pas avoir de chambre libre.

 

Il s'est produit cette semaine un va-et-vient continuel de soldats transportant des lits en bois dans les usines.

 

Du 18 au 20 octobre 1915

 

La journée de mardi fut marquée par le passage du Kaiser

(Frédéric Guillaume Victor Albert de Hohenzollern Guillaume II (Friedrich Wilhelm Viktor Albert von Hohenzollern) né le 27 janvier 1859 et mort le  juin 1941, fut le dernier empereur allemand (et non empereur d'Allemagne) et dernier roi de Prusse de 1888 à 1918. Note du transcripteur)

 

il s'arrêta quelques instants à l'usine Gheysen, rue de Lille et puis un petit moment à Bousbecque nous dit-on. 8 autos remplies d'officiers d'état-major ou d'officiers supérieurs suivirent la voiture du Kaiser, puis tous prirent la direction de la Belgique.

 

Une affiche se trouve affichée pour indiquer la vente des pommes de terre que la ville fournira aux personnes qui n'ont pas récolté de pommes de terre et qui n'auront pas fait de provisions, 200 gr par habitant et par jour à raison de 0,125 Fr le kg. Cette vente se fera rue de la Gare à l'usine Defretin on en distribuera pour 10 jours à la fois.

 

Le commandant et un régiment quittent Halluin pour se diriger à Attiche (pays minier). Il paraît que ses soldats logent dans des corons et même dans les mines. A peine parti il est remplacé par un autre commandant et son régiment plus nombreux que les autres, ils sont tous logés où étaient logés les autres soldats, ceux-ci viennent de Lens. Tous le régiment quitte Halluin de même aujourd'hui dimanche. Tous les messagers de la ville furent réquisitionnés pour le transport des jeunes recrues à la gare d'Halluin pour les expédier par chemin de fer en Allemagne.

 

Du 21 au 24 octobre 1915

 

Deux nouvelles affiches viennent d'être posées sur les murs de la ville.

 

1- L'autorité militaire allemande vient de renouveler la défense de fournir aux personnes ennemies de l'armée allemande : un abri, de la nourriture ainsi que tout ce qu'ils pourraient avoir besoin.

2- les habitants ne peuvent sortir de leurs maisons avant 7 h du matin jusque 9 heures du soir.

3- la circulation est interdite sur les voies ferrées, il n'est permis de circuler que sur les routes ordinaires et barrières à niveau.

4- ceux qui se soustrairaient aux articles 1, 2, 3 seront punis de peines très sévères.

5- si des attentats sont commis sur la voie ferrée qui se trouve près des fermes ou des habitations, l'autorité militaire aura le droit de réquisitionner le bétail et les hommes seront conduits comme prisonniers en Allemagne, les vieillards, femmes et enfants seront conduits dans les localités voisines.

Ces ordonnances entrent en vigueur le jour même de cette publication.

 

2ème affiche: il est défendu de photographier les personnes, toute personne possédant des appareils de photographe, tels que plaques, films, doivent les déclarer à la kommandantur. On ne peut pas porter sur soi aucun appareil photographique. Toutes contraventions seront punies de 2,000 marks d'amende.

 

Du 25 au 28 octobre 1915

 

Tout le 18ème régiment et les aspirants officiers sont partis du côté d'Arras car on nous dit que les Français et Anglais tâchent de percer les lignes de trois côtés, 1- entre Lens et Arras, 2- Ostende, Roulers, Thourout, 3- du côté des Vosges, mais les allemands préparent eux aussi de nombreuses tranchées.

Cette semaine ils commenceront à faire des tranchées partir du Gravier jusque Comines, tout le long de la Lys.

 

Près de la ferme Catteau au Mont ils firent des tranchées de 50 m environ de long, ils firent de même dans le jardin de M. Jules Demeestère, brasseur et en dessous de la cave de chez Mr Pollet pour aller jusque la gare, un espèce de tunnel afin qu'à leur fuite ils puissent faire sauter la gare à la dynamite.

 

Chaque jour de nombreux camions passent chargés d'arbres ou de fils barbelés fin d'entreprendre des travaux de fortification.

 

Notre ancien commandant était un banquier avant de s'en aller il fit collection de cartes des villes de Menin, Halluin, etc. Il envoya son secrétaire (le petit roux) réquisitionner dans Halluin des lampes d'acétylène car où ils sont il manque d'éclairage.

Aucun Français ni allié ont mis le pied sur le territoire allemand sauf quelques petites villes prises dès le début de la guerre en Alsace.

 

250 Russes prisonniers furent débarqués à Menin pour entreprendre le travail des tranchées, tous ont d'abord été conduits à l'école de natation, un grand nombre sont malades, ils sont transportés aux diverses ambulances d'Halluin et Menin.

 

Les Français ont inventé un aéroplane où 12 hommes peuvent y prendre place. 100 avions de ce genre furent lancés pour bombarder la ville de Trèves en Allemagne, car les allemands avaient envoyés des avions, survoler et jeter des bombes sur Nancy. Un combat eu lieu récemment à Becelaere, tous les tramways belges qui se trouvaient près de Becelaere furent pris par les Anglais.

 

Du 29 au 31 octobre 1915

 

Journées sombres. A Bousbecque les cultivateurs n'ont plus le droit de cultiver leurs terres. Le commandant a envoyé d'Allemagne 24 chevaux et plusieurs hommes allemands pour cultiver les terres. Dans la nuit de mercredi à jeudi le canon se fit entendre, il paraît que les anglais voulaient bombarder la gare de Verwicq. L'appel des jeunes gens a lieu maintenant à 3 heures (heure française).

 

Édouard (son frère) a obtenu la permission du commandant de ne se rendre à l'appel qu'une fois par semaine. Vendredi, Edgard (son autre frère) a vu un russe accompagné d'un allemand, il se dirigeait à l'ambulance. Les personnes qui désirent aller à Tourcoing par groupe munis d'un laissez-passer doivent se rendre à la mairie, le jour du départ qui aura lieu à 7h du matin (heure allemande) sous escorte de soldats. Les soldats indiquent l'heure et le lieu du retour. Cela coûte 3 marks.

Pour Menin les laissez-passer coute 1 mark, sans laissez-passer les personnes des Baraques (Belgique) ne peuvent aller que jusqu'au pont.

Lundi 1er novembre 1915

 

Fête de la Toussaint et fête des morts. Le temps gris et pluvieux nous invite à faire un retour sur nous-même, car chacun de nous à la douleur de pleurer un être cher.

L'église et le cimetière étaient remplis aujourd'hui d'une foule pieuse et recueillie se rappelant le souvenir de ceux qui ne  sont plus, aussi tout semble plus triste et plein de deuil pour cette fête des morts pendant la guerre.

 

Mais nous croyons en la miséricorde du bon dieu, nous espérons, car nous savons que les tombeaux semés sur notre route sont les marches d'un escalier qui finit au ciel. Regardons ce but avec confiance, ne nous décourageons pas, quel que soit l'effort à faire nous finirons par remporter la victoire finale.

 

Aussi, en ce jour de deuil, veuillez donner seigneur, le repos éternel à nos chers parents et à tous nos braves petits soldats morts pour la patrie et faites luire sur eux votre éternelle lumière.

 

Du 3 au 5 novembre 1915

 

Le mois de novembre s'annonce pluvieux. Depuis deux jours il ne fait que pleuvoir. Deux petites affiches sont posées sur les murs de la ville :

 

1- les cartes destinées aux prisonniers ne peuvent être écrites qu'au crayon ou au crayon-encre et on n peuty leur écrire qu'une fois par mois. Elles ne peuvent contenir que 10 lignes très lisibles.

2- les personnes possédant des pigeons ou tourterelles sont obligés de les tuer de suite. Ceux qui les cacheraient seront punis de peines très sévères. Les personnes qui possédaient des pigeons et qui ne les ont pas déclarés ont été fusillés.

Le commandant Curshman.

 

Il est arrivé en ville de l'artillerie avec plusieurs canons, caissons, cuisines roulantes, le tout est logé un peu partout. Mardi matin il y eut en l'église St Hilaire à Halluin un obit solennel pour les enfants de la paroisse morts pour la patrie. Il y avait une foule immense, Mr le Doyen monta en chaire et nomma les soldats morts au champ d'honneur depuis le commencement de la guerre et qui sont officiels. Il exprima en termes émus, que ceux qui ne sont  plus, sont probablement au ciel, qu'une grande partie mourait en vaillants héros français. Il sut toucher son monde et il dit aussi que de bonnes mains françaises avaient orné avec goût la tombe de notre petit zouave français mort courageusement le 16 novembre 1914 à l'âge de 18 ans et enterré dans le cimetière Halluinois.

 

6 et 7 novembre 1915

 

Journées froides pour nos braves soldats. Un fort brouillard qui ne se dissipe pas rend la température humide et froide. Dans le lointain nous entendons le sourd grondement du canon. Il paraît que de l'autre côté des lignes les français ramassent tous les hommes valides. À la frontière du petit bureau la circulation est interdite, Mr Leduc (charpentier) fut chargé par la ville de faire une palissade en planches. Vendredi dernier un soldat allemand mourut subitement dans un café de la rue de la Gare. A Menin les allemands font marcher un cinématographe pour leurs soldats aux prix de 10 centimes par place.

 

Du 8 au 10 novembre 1915

 

Ces jours-ci nous faisons qu'entendre le canon du côté d'Armentières, on nous dit que les Français qui se battent de ce côté-là sont nombreux et qu'un grand nombre de fantassins et d'artilleurs ont quitté la ville pour se rendre au champ de bataille. Du 25 avril au 16 septembre 1914 l'état-major français se croyait perdu mais maintenant il se croit vainqueur.

 

 

 

 

11 et 12 novembre 1915

 

Il fait un vent à décorner les bœufs, c'est une véritable tempête. En ville il n'y a presque plus de voitures de civils, il n'y a que des camions ou chariots allemands qui conduisent des briques, planches de bois, arbres, etc. On nous dit que le commandant alla compter toutes les marchandises américaines se trouvant chez Huet et à la Mairie. On se demande pourquoi.

 

13 et 14 novembre 1915

 

Journées d'aéroplanes. La deuxième répartition des pommes de terre a lieu le 15 novembre et pour 30 jours. Les laissez-passer se délivrent au bureau de chez Mr Paul Lemaitre, rue du Moulin. Sur la poste il est marqué « défense d'entrer ici sans raison importante ». Les laissez-passer ne coûtent maintenant que 1 mark.

 

15 au 17 novembre 1915

 

Toutes les personnes possédant des bons de réquisitions  sont invitées à aller à la Mairie munis de leurs bons pour en faire la vérification.

Tous les hommes à partir de 15 ans doivent être porteurs d'une carte d'identité pour la présenter quand on leur la demandera car s’ils n'ont pas cette carte ils seront formellement punis.

Les propriétaires de chevaux doivent soigneusement s'occuper de leurs chevaux, les nettoyer, les ferrer à temps etc. Toutes les infractions de ce genre seront punis de 1.000 marks ou de plusieurs jours de prisons.

 

 
 

18 et 19 novembre 1915

 

Le canon se fait entendre aussi on dit que les Français ont bombardé Lens et Comines. Un grand nombre de civils furent tués et blessés à cause que les allemands empêchèrent l’évacuation des civils de sortir de ces villes.

La tour de Comines est démolie par un obus.

 

La Bulgarie s’est alliée aux allemands et les serbes marchent contre elle, ce mois dernier on s’est battu surtout en Champagne et les français prennent l’offensive du côté d’Ypres. Changement de ministère en France. Passage de plusieurs aéroplanes. Les allemands tirèrent mais sans en atteindre aucun.

 

20 et 21 novembre 1915

 

Arrivée de 2.000 fantassins ils sont logés dans les usines. Le pain se fait rare ainsi que les pommes de terre. Les soldats campés vis-à-vis de chez nous ont été pomper l’eau  des tranchées à Houthem. M. Emile Lemaitre ne s’est pas encore rendu à Bruxelles. Vendredi la poste de Vervicq est venue s’établir dans notre poste.

 

Le commandant de la place de la ville d’Halluin informe les habitants qu’il a été péniblement impressionné par le manque de respect que certaines personnes apportent lors du passage des corps des soldats morts conduits au cimetière. Si ces incidents se reproduisent encore la ville sera sévèrement punie. Voilà les dernières nouvelles de cette semaine.

 

Du 22 au 28 novembre 1915

 

Plusieurs affiches sont posées aux fenêtres de la mairie entre autres une donnant avis aux fabricants et commerçants pour dire que toutes les machines sont réquisitionnées par la 123ème division d’infanterie allemande (régiment du commandant) donc il est défendu de démonter ou de faire sortir des machines de la ville.

 

Dès le début de cette semaine on nous annonce l’arrivée de troupes. En effet mercredi soir, vers 6 heures, de nombreux fantassins, chevaux d’officiers, chariots, cuisines roulantes stationnent vis à   vis de la maison pendant une demi-heure au moins. Les officiers cherchaient du logement dans les différentes maisons où il y avait des écuries et remises. Les fantassins furent mis dans les usines, on eut la chance de ne pas en avoir mais jeudi matin on sonna au moins dix fois à plusieurs reprises toujours pour avoir du logement.

 

Vendredi journée d’aéroplanes, dans le lointain nous entendons le grondement du canon. Tous les jours jusqu’à la tombée du jour il se trouve un ballon captif examinant le champ de bataille. On nous dit que le 67ème résidant à Halluin depuis quelques jours, sont des prussiens et plus méchants que les autres. C’est ainsi que chez Melle Mahrina Dupont il y avait une chambre dont la porte était fermée à clefs, cet officier curieux voulut à tout prix savoir ce qu’il s’y trouvait, il le sut et on se demande pourquoi, cette chambre renfermait une salle de bains, la servante fut obligée de préparer un bain pour Monsieur.

 

On nous dit encore qu’un grand nombre de soldats arriveront ces jours-ci

 

Du 29 novembre au 5 décembre 1915

 

Rien de bien important à signaler sauf que jeudi fut une journée de passage d’aéroplanes, le temps était beau. On nous dit que la France à fait un emprunt de 25 millions, 800 anglais furent faits prisonniers à Vervicq dans la journée de mercredi. Un soldat allemand a reçu cinq blessures et retourne après guérison encore au feu, il a été blessé raconte-t’il par un sergent français criblé de coups de baïonnettes dans la poitrine et ayant cependant encore la force et le courage de tirer sur son ennemi, quelle bravoure ont nos fantassins français.

 

Du côté de Comines les tranchées sont d’une profondeur de 14 à 15 mètres, les allemands se sont très bien fortifiés de ce côté-là mais pas autant du côté d’Arras. Il parait que le front des alliés avance du côté de Comines et Vervicq.

 

Les allemands porteurs d’un petit ruban noir sont des prussiens, décorés par le Kaiser et préfèrent les liqueurs comme boisson. Ceux porteurs d’un ruban jaune sont des saxons et décorés par le prince de Saxe, ils préfèrent le café et ceux porteurs d’un ruban bleu sont des bavarois, décorés par le prince de Bavière, ils préfèrent la bière.

 

Création d’un dépôt de pain au Colbras. Les industriels ont reçu un questionnaire très détaillé concernant leur commerce. Hier se trouvait affiché à la mairie ceci : les personnes désireuses de quitter Halluin pour se rendre à Paris doivent donner leurs noms à la mairie de 3 ç 5 heures du soir, on tirera au sort, à Roncq 200 personnes furent inscrites.

 

Du 6 au 12 décembre 1915

 

Sur les murs de la ville se trouve une grande affiche blanche longue de 1 mètre intitulée « proclamation » pour résumer toutes les petites affiches, et redisant que la ville est en état de siège, qu’on ne peut pas circuler au-dehors de la ville sans laissez-passer etc.

 

Mercredi soir un bataillon au son de la musique partait aux tranchées. Jeudi dans la journée 5.000 allemands furent faits prisonniers par les anglais dans les environs d’Ypres. Ils avaient promis que pour le 10 courant ils seraient dans Ypres, ils le furent en effet mais n’entrèrent pas en vainqueurs.

Pour les laissez-passer ils deviennent de plus en plus difficiles, ils en délivrent aux ménages que 2 fois par semaine et aux particuliers 1 fois par mois. Les allemands réservent l’église pendant quelques heures durant cette semaine pour célébrer leurs offices.

 

On se bat dans les rues de Comines nous dit-on. Sur une affiche posée à la mairie il est indiqué que les chefs de familles désireuses de partir pour travailler en Allemagne dans les mines ou la métallurgie,  etc doivent se faire inscrire à la kommandantur et doivent emmener avec  eux toute leur famille et leur mobilier.

 

Passage de plusieurs aéroplanes ces jours deniers. Vendredi on est venu chez nous pour chercher du logement pour 1 sergent-major et dans la soirée pour un officier.

Dans notre ville il ne se trouve que des troupes changeant continuellement de compagnies, pour aller aux tranchées. Les officiers reviennent sales, malpropres, les soldats reviennent sans bottes.

La France a fait un emprunt de 60 milliards, la Hollande 4 milliards, Paris 29, les provinces 13 et l’amérique et le japon.

 

Le roi Carol de Roumanie est mort inopinément, son fils le remplace.

 

Au plateau de Vimy à Montigny en Ghoelle, Lens et Arras, se livra un des plus grands combats en France, 80.000 allemands furent hors de combat et un nombre à peu près égal de français, ce fut une véritable boucherie raconte un gendarme allemand.

 

Dimanche il est tombé sur la citadelle de Lille 3 boulets. Guillaume a fait un emprunt mais il n’obtint pas tout il demande la paix mais en se disant vainqueur.

 

Du 13 au 19 décembre 1915

 

Semaine mouvementée par le passage des troupes. Mercredi dernier ce fut le départ du 67ème régiment d’infanterie résidant à Halluin depuis 3 semaines, il fut aussi remplacé par le régiment de la réserve de la garde impériale, ce fut un continuel mouvement de coups de sonnettes de la part de ces soldats durant les jours suivants pour trouver du logement. Toute la journée de jeudi fut consacrée par les téléphonistes pour la pose de fils téléphoniques tout le long des principales rues.

Dans la soirée il arriva encore 400 fantassins, ils furent casernés du côté de la ferme de chez M. Albert Catteau.

L’ambulance 15 qui se trouvait au cercle catholique et qui était à Halluin depuis 8 mois évacue sur Gands, mais elle sera remplacée par la 13ème. Lundi départ des soldats de la garde impériale pour se rendre aux tranchées afin de tâcher de percer près d’Ypres car Guillaume compte sur sa garde il joue son dernier atout. Dans ce régiment se trouve les restants du régiment 201 ; Les allemands cherchent un casino pour fêter Noël. Samedi il est arrivé un grand nombre de fantassins, ils furent logés dans l’école communale de garçons et la maison du peuple, ils sont les dernières recrues.

 

Un simple soldat du 201 est maintenant officiers après une année d’études. Le canon ne se fait plus entendre ; L’église est de temps en temps retenue par les allemands. M. Emile Lemaitre est revenu de Bruxelles, mais non point avec les marchandises désirées, le général en chef prétend que l’Amérique envoie ses produits, dans quinze jours il arrivera de Hollande un wagon chargé de différentes marchandises entre autres des pommes de terre.

 

Du 20 au 24 décembre 1915

 

Semaine relativement calme, rien de particulier à signaler. Vis-à-vis de chez nous se trouve une cantine et la poste. Les allemands retiennent l’église pour célébrer leurs offices à l’occasion de la fête de Noël. La veille M. le doyen dut arrêter les confessions assez tôt car les allemands avaient besoin de l’église de 3 à 6 heures. Dans le chœur de la grande nef les allemands mirent de grands sapins pour faire figurer un arbre de Noël illuminé de bougies, ils chantèrent à pleins poumons vis-à-vis de cet arbre certains d’entre eux jouèrent du violon et d’autres instruments à cordes, c’était assez cérémonieux m’a-t’on dit. Après cet office les allemands se rendirent au banquet traditionnel. Ce  jour là ils eurent la permission de minuit.

 

On nous dit que c’est le commencement d’une révolution en Allemagne, dans les grandes villes on est obligé de mettre des mitrailleuses dans les rues. Un grand nombre de femmes sont tuées raconte un médecin revenu de congé.

 

Pour fêter la Noël, l’Amérique donne un cadeau à chaque personne : une coquille de 100 gr.

 

La garde impériale quitte Halluin ces jours-ci pour être remplacée par d’autres. 47.000 allemands furent rués entre Lens et Ypres. Le canon se fait entendre de temps en temps dans le lointain

 

25 décembre 1915

 

Nous voici le 25 décembre, jour de la douce Noël, avec un cantique d'allégresse. Cette année la neige ne couvre pas la terre, mais une pluie fine la remplace. La messe de minuit n'eut lieu qu'à 8 heures du matin, l'église reluisait de lumière, illuminée par des milliers de bougies. Mais pas de réveillon cette année dans aucune famille, en temps de guerre il faut faire beaucoup de sacrifices pour obtenir la victoire finalement

 

26 décembre 1915

 

Journées d'aéroplanes, le temps est beau. Les allemands sont à la recherche d'un piano, ils se rendirent chez messiers Delfortrie, Morel, Delangre, enfin il prirent celui de chez Mr Castelarin au Gravier. Mr Catry, boucher, rue Varnba est revenu d'Allemagne où il a été fait prisonnier au début d'octobre 1914 près d'Haubourdin où les balles allemandes sifflaient autour d'eux comme une pluie de grêles.

 

On nous dit que d'Allemagne on expédie tous les malades dans leurs foyers. Deux obus tombèrent à Bousbecque en plein champ.

 

 

 

 

 

Du 27 au 31 décembre 1915

 

Lundi soir vers 9h moins ¼ une bombe tomba sur la nouvelle église de Comines, Belgique qui servait de poudrière. Cette bombe fit beaucoup de dégâts nous dit-on. A Comines, Vervicq, Bousbecque il ne reste plus une seule vitre.

Notre habitation ne fut pas épargnée, nous avons eu plusieurs vitres de brisées, même à Lille nous dit-on il y eu des dégâts.

 

Mercredi journée d'aéroplanes, le temps était beau, les allemands tirèrent continuellement après ces aéroplanes mais sans en atteindre aucun, plusieurs morceaux de fer tombèrent dans les rues dela ville.

 

Jeudi belle journée aussi les aéroplanes parurent, dans l'après dîner un aéroplane lança 3 bombes sur la gare de Menin, le soir on sonna à différentes reprises pour héberger plusieurs chevaux.

 

Vendredi matin vers 7h alors que tut était cale une grande éclair se fit voir suivit d'un grand coup on croyait vraiment cette fois que la gare d'Halluin était bombardée. On vit très distinctement s'élever dans le ciel une grande fumée noire et épaisse, c'était au hameau du Malplaquet au Gravier que la bombe était tombée sur des maisons d'ouvriers dont les allemands s'étaient servis comme poudrière. La maison d'une veuve et de sept enfants fut complètement démolie de même que les usines Picha et Lemaitre eurent leurs toitures enlevées et un grand nombre de vitres brisées etc.

 

Dans chaque rue de la ville il y a des carreaux de brisés ou fendus. La grande vitre du café de la bourse est entièrement cassée. Ce fut une semaine mouvementée.

 

1er janvier 1916

 

Nous voilà au 1er janvier 1916, c'est l'année solennelle qui est arrivée, la liberté ou la mort nous attend. Mais ce sera très probablement l'année de la délivrance et de la victoire, car la France ne peut périr, nous avons le droit pour nous. La France peut parfois sommeiller mais non mourir, que nos cœurs donc restent nobles, fiers et courageux pour nous réjouir de l'heureuse délivrance de notre patrie. Enfin souhaitons que l'année 1916 soit l'année de la délivrance pour notre région, l'année du triomphe pour notre patrie et l'année de la paix pour le monde entier.

 

Dimanche 2 janvier 1916

 

Journée de pluie, la garde impériale quitte Halluin pour se rendre aux tranchées. Passage d'un aéroplane allemand, L'ambulance n'est point encore arrivée.

 

Lundi 3 janvier 1916

 

Vent impétueux. Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville entre autres deux pour la taxe et la vente de lait, elles sont affichées chez les cultivateurs et débitant de lait défendant de vendre le lait pour plus cher que 0,35 Fr le litre et le lait écrémé 0,25 FR. La mairie s'est chargée de cet emploi afin de bien nourrir les jeunes enfants au lait car les personnes ayant des enfants en bas âge ont une carte dite de lait, pur se rendre chaque jour chez les fermiers indiqués ayant le droit à 1 livre de lait pur.

 

Une autre affiche : « avis important », les personnes d'Halluin possédant des pommes de terre doivent les déclarer à la mairie jusqu'au 3 janvier, passé ce délai, les gendarmes visiteront les maisons, prendront les pommes de terre non déclarées croyant comme mal acquises.

 

Le 15ème corps de la garde impériale se rend du côté d'Audenarde et de Gand où il y a de grandes tranchées parait-il.

 

Du 4 au 6 janvier 1916

 

A la mairie se trouve une affiche défendant aux habitants de sortir de chez eux après 5 heures du soir et cela jusqu'à nouvel ordre. Le soir vers 6 heures la garde quitte Halluin au son de la musique pour être remplacée par le 93ème qui loge dans les maisons où logeaient les autres soldats. Ce régiment a avec lui un grand nombre de mitrailleuses, ils font chaque jour l'exercice dans la pâture en face de chez nous. Jeudi on publie en ville que la circulation des habitants est interdite entre 4 heures du soir jusqu'à 7 heures du matin sauf les personnes munies d'un laissez-passer.

 

Du 7 au 9 janvier 1916

 

A Roncq et Neuville la circulation des habitants est permise seulement de 9 h jusqu'à 1 heure à cause de la poudrière. Ils prétendent que des civils ont creusé des trous en dessous de la terre, ce sont les conseillers qui gardent les poudrières. Vendredi dernier des aéroplanes alliés lancèrent des bombes sur une poudrière qui se trouve à 3 km de l'église St Sauveur à Lille.

 

10 janvier 1916

 

Belle journée. Les allemands deviennent de plus en plus difficiles pur les laissez-passer, c'est ainsi qu'Yvonne (sa soeur) pour s'en retourner à Tourcoing, les sentinelles qui se trouvent postés à la frontière ont vérifié complètement son laissez-passer, de même, du côté du Colbras où nous étions allés nous promener on m'a demandé ma carte de pain, ne l'ayant pas je fus obligée de rebrousser chemin.

 

Du 11 au 15 janvier 1916

 

On nous annonce un grand arrivage de soldats, au hameau du mont, de simples soldats ont visité les fermes. Les allemands abattent tous les noyers qui se trouvent dans la ville ainsi qu'au mont et au Colbras pour en faire des fusils, ils abattent les frênes, les saules sont déjà abattus. L'obus qui tomba vendredi dernier sur Lille occasionna un grand nombre de dégâts. L'arsenal servant de poudrière est complètement détruit ainsi qu'un grand nombre de maisons bourgeoises, ce fut plus terrible nous dit-on que lors du bombardement, cela arriva à 3 h de la nit de terribles accidents eurent lieu : dans une famille de 10 membres il ne reste plus que la mère âgée de 70 ans à moitié asphyxiée, une femme courait à travers les rues ayant dans ses bras un enfant sans tête. Quel triste spectacle. Ainsi chacun doit être prêt pour le grand voyage car chaque jour il arrive des incidents fâcheux.

 

16 janvier 1916

 

Belle journée. Un officier de la kommandantur et un sous-officier sont venus sonner pour héberger un officier. Allées et venues continuelles de soldats en ballade. Un aéroplane allemand passe à une très faible hauteur. On publie en ville qu'il est défendu de sortir et de se tenir sur le pas de sa porte après 1 h sans cela la punition durerait plus longtemps.

 

17 janvier 1916

 

Dans la matinée de lundi le canon se fit entendre très fort de tous côtés, le soir l'on apprit que certains quartiers de Lille et surtout celui de la Madeleine étaient en feu parce que les alliés avaient lancés quelques obus. Les allemands vont essayer de nouveau de percer les lignes à Ypres ces jours derniers car l'Allemagne n'avance plus de crédit d'argent avant que les soldats du Kaiser ont remporté une grande victoire. Le Kaiser est atteint d'un cancer à la gorge.

 

18 janvier 1916

 

Journée pluvieuse malgré ce temps mauvais et humide les allemands ont entrepris un grand ouvrage, vers 1 heure de l'après-midi une trentaine de chariots vides sont venus précipitamment enlever toutes les betteraves qui se trouvaient en face de chez nous dans la pâture de M. Delobel, à l'aide de fourches et de pelles, ils firent cela jusque 7 heures pour se diriger ensuite du côté de Lille.

19 janvier 1916

 

Journées d'aéroplanes. Dès le matin la journée s'annonçait belle, il passa une vingtaine d'aéroplanes autant français qu'allemands. Des combats d'aéroplanes eurent lieu dans les airs, 4 allemands contre un français. Étant dans la cour nous entendions très bien la mitraille lancée par les allemands contre l'aéroplane français. Le canon se fait entendre très fort du côté de Gruselle.

 

20 janvier 1916

 

Une nouvelle et dernière répartition de pommes de terre va avoir lieu ces jours-ci, chaque personne a droit à 1 kg 500 au prix de 0,20 Fr. M. Charles Achein est décédé il fut fait prisonnier lors de la prise de Maubeuge, mais il est mort parait-il d'une mort naturelle.

 

21 janvier 1916

 

De jeunes allemands s'amusent sur la place verte, ce sont de vrais gamins de 17 à 20 ans, d'autres apprennent à tirer, d'autres encore à courir plus légèrement munis de la baïonnette. Passage de quelques aéroplanes et d'un régiment de fantassins. Du mardi 18 janvier il résulte de la bataille d'aéroplanes qu'un aéroplane français tomba entre Halluin et Roncq au hameau du Pape. Sur cet aéroplane il y avait un drapeau français et il était monté par deux anglais nous dit-on, l'un fut tué dans les aires et l'autre blessé très gravement, ils ne savaient pas un mot de français. Il tomba également 2 aéroplanes allemands l'un à Linselles, l'autre dans un petit village de Belgique.

A Leddeghem, le maire, l'adjoint et différents notables de la ville sont arrêtés à cause que la population s'était révoltée et avait tué deux allemands cachant leurs corps dans la terre en construisant une meule de bois dessus.

 

A Lille tout un quartier fut effondré, de grandes maisons en pierres sont tombées et 70 civils morts, leurs funérailles furent présidées par Monseigneur Charost, c'est navrant raconte un monsieur qui est allé voir à Lille. Une jeune fille blessée assistait à l'enterrement de 11 des siens. Nouveau champ d'aviation près de la ferme Acquette, près du pont du Grave au hameau du Mont.

 

23 janvier 1916

 

Grand brouillard mais assez belle journée, un peu froide cependant. Passage de plusieurs aéroplanes. Arrivée d'une nouvelle ambulance au cercle catholique. Enlèvement de cuivre à l'usine Defretin et à la brasserie Beyls. Samedi un obus est tombé sur Bousbecque entre la papeterie et l'église.

 

24 janvier 1916

 

Petite pluie fine. Dans l'après-midi vers 4h ½ passe un convoi funèbre allemand par la rue de la Procession pour se rendre au cimetière, musique en tête, deux chasseurs à pieds portaient une grande couronne de feuillage pour leur ami défunt aviateur, une grande auto décorée de feuillage et ornée aux couleurs allemandes contenait le corps du défunt, elle suivant très lentement derrière, la musique qui jouait une marche funèbre de Chopin. Puis venait l'évêque catholique allemand qui se trouvait déjà dans la région depuis quelques mois, un grand nombre d'officiers et le régiment entier de cet aviateur suivaient également ce cortège funèbre. Cet aviateur avait trouvé la mort près de la ferme Acquette où il tomba accidentellement en montant avec son aéroplane, il fut accroché à un arbe de la route et reçut une branche d'arbre en pleine poitrine, son compagnon fut blessé très gravement.

 

25 janvier 1916

 

On ne voit défiler en ville durant toute la journée que des chariots de vivres de toutes les sortes réquisitionnements ou plutôt prenant la paille chez les cultivateurs, ils prirent plusieurs meules de paille à la ferme Tyberthien. On nous annonce un grand arrivage de troupes.

26 janvier 1916

 

Belle journée, les aéroplanes foisonnent et plus d'un combat d'aéroplanes a lieu dans les airs, mais aucun aéroplane ne fut atteint. Vers 1 heure de l'après-midi 25 chariots sont encore venus chercher les betteraves pour se diriger du côté de Lille. En face de chez nous chez Vanhullebuche ils auront à héberger 5 hussards qui remplacent momentanément les gendarmes retournés en Allemagne pour maintenir l'ordre.

 

27 janvier 1916

 

Extrait de la bombe lancée sur Lille le 11 janvier à 3 heures de la nuit, le nombre de victimes s'élève à 100 civils, 45 officiers, 95 soldats. Chaque nuit et quelquefois dans la journée il tombe dans certains quartiers des obus de petit calibre pour jeter plus tard des obus de grand calibre. Une affiche se trouve posée sur les murs de Lille avertissant les habitants qu'il n'est plus prudent de dormir aux étages supérieurs, mieux vaut se coucher dans les caves ou au rez-de-chaussée et qu'en cas d'accident les personnes doivent aller immédiatement prévenir l'autorité militaire allemande qui leur vient en aide et que les habitants qui désirent s'en aller peuvent quitter la ville.

A Boursbecque, il tombe aussi de temps en temps des obus. Le maire fut arrêté la semaine dernière mais il fut relâché ces jours-ci. Le commandant d'Halluin eut un congé mais il le prolongera à cause d'opération chirurgicale de sa femme.

 

28 et 29 janvier 1916

 

On nous dit que la gare de Vervicq est entièrement démolie, 13 obus tombèrent sur la ville. Samedi un hussard de Roncq conduisait à la kommandantur d'Halluin un homme ayant voulu passer sans passeport. L'ambulance contient un grand nombre de blessés. L'argent allemand n'a plus cours. M. Simon Morel chef de mitrailleurs soldat au 56ème hussard est mort dans les environs d'Ypres, il est inhumé dans le cimetière de cette ville;

 

30 janvier 1916

 

Épais brouillard qui se change en pluie fine. Le 93ème régiment quitte Halluin pour se rendre à Cambrai où les alliés viennent de gagner plusieurs kilomètres du côté d'Arras, il sera remplacé par un autre régiment. Deux soldats sont venus voir ce matin vers 10 heures si nous n'avions pas une chambre disponible pour l'officier.

 

31 janvier 1916

 

Plusieurs obus tombèrent sur Vervicq. Dêulemont est aux mains des français nous dit-on. Passage d'aéroplanes allemands. Arrivage de marchandises de Lille pour Halluin et certaines communes. Les ouvriers meninois et Halluinois travaillant pour les allemands sont payés au prix de 5 Fr par jour pour les hommes et 4 Fr pour les jeunes gens. La punition n'est point encore là d'être levée.

 

Mardi 1er février 1916

 

Journée d'hiver. Une affiche se trouve posée sur les murs de la ville disant que le grand chancelier de l'empire allemand vient d'organiser à Lille, Roubaix, Tourcoing un poste où les personnes ayant eu à souffrir des réquisitions expédiées en Allemagne peuvent faire leur réclamation. Ceux des communes environnantes doivent par écrit envoyer leur liste au bureau de Tourcoing. Il est absolument défendu de circuler sur la place verte pendant l'exercice des troupes, toutes infractions seront punies de plusieurs jours de prison.

 

Mercredi 2 février 1916

 

Nous avons l'hiver sur un tard, il fait très froit aujourd'hui. On nous dit que les femmes et enfants devront tous être porteurs de cartes d'identité. Passage de plusieurs aéroplanes.

Le canon se fait entendre dans le lointain.

 

Jeudi 3, vendredi 4 et samedi 5 février 1916

 

Journées peu importantes, aucun fait saillant sauf le passage de quelques aéroplanes et sourd grondement du canon.

 

9ème cahier

 

Dimanche 6 février 1916

 

Le commandant de la place ordonne à la municipalité de faire le recensement de la population. Passage de caissons de munitions.

Les flottes anglaises et françaises vont bombarder le port d'Albanie. Le blocus devient de plus en plus rigoureux. L'Amérique avait envoyé un bateau de provisions à la Belgique, l'Allemagne a pris la moitié de son contenu (dit-on). L'Autriche a fait sauter un bateau où se trouvait un consul américain.

A Comines une bombe tomba sur le château où logeait un général et plusieurs officiers, tous furent tués.

 

Lundi 7 février 1916

 

Une affiche jaune se trouve posée aux fenêtres de la mairie disant que jusqu'à nouvel ordre on ne délivrera plus de laissez-passer entre la France et le gouvernement de la Belgique, ni à l'est d'Halluin depuis la Lys jusque Tourcoing, par Reckem - Mouscron. Les sentinelles ont même le droit de tirer sur les personnes en faute sans les avertir.

On ne délivrera plus de laissez-passer pour aucun motif ni pour aucune raison pour les communes de Reckem, Albecke, Mouscron.

 

Du 8 au 11 février 1916

 

Journées de pluie. Pour aider la municipalité à faire le recensement, un groupe d'hommes et de jeunes gens vont de portes en portes porter une grande feuille blanche, dite de recensement, le père de famille doit inscrire les noms des personnes de sa famille, la date de leur naissance, le sexe et la profession. Les Allemands font maintenant des tuiles à la tuilerie de Pottelberg. M. Cappelle de Menin est condamné à 1 an et demi de prison pour n'avoir pas déclaré des vieux fusils de chasse qui se trouvaient dans un tas de bois.

Chaque soir on dirait que de gros obus tombent dans les villes ou villages environnants. Vendredi dernier trois obus tombèrent à Vervicq sur des maisons particulières et une bombe tomba du côté de la rue Royale à Lille où il y eut une vingtaine d'enfants tués.

 

Samedi 12 février 1916

 

Départ de la garde impériale, mouvements de troupes.

 

Dimanche 13 février 1916

 

Journée de pluie, Le canon se fait entendre très fort dans le lointain.

 

Lundi 14 février 1916

 

Ce matin ce fut une véritable tempête mais l'après-midi fut belle. Vers 3 heures on entendit plusieurs ronflements d'aéroplanes, en effet l'on voyait s'élever dans le ciel majestueusement en ligne droit 7 aéroplanes français prenant la direction de la Belgique. Le soir on apprit que sur le front d'Ypres et d'Arras se trouvait des australiens, en effet dans la soirée le canon tonne de toutes ses forces.

 

Mardi 15 février 1916

 

Durant toute la nuit de lundi à mardi le canon se fit entendre très fort de tous côtés. Sur les murs de la ville se trouve une affiche disant que les bons de ville qui n'ont pas été ratifiés par les autorités françaises ne sont plus valables. Pour faire de nouveaux billets il faut avoir l'autorisation du commandant de place ou d'étage.

 

19 – 20 février 1916

 

Belles journées, l'ambulance contient 150 malades dont une cinquantaine d'aveugles. Passage de deux aéroplanes. Jeudi un sous-lieutenant est venu chez nous pour réquisitionner une chambre.

 

21 février 1916

 

Passage de 13 aéroplanes tant français qu'alliés. Mort d'un officier aviateur à Gheluwe son pilote fut grièvement blessé il est soigné chez Mme Maître.

 

22 février 1916

 

Journée de neige. Sur les murs de la ville se trouve une affiche rouge disant que dès aujourd'hui, tous les hommes âgés de 18 à 50 ans, français ou belges, doivent se faire inscrire à la kommandantur et se rendre à l'appel une fois par semaine.

 

23 février 1916

 

Les allemands vont maintenant s'occuper du recensement des voitures, non pas pour faire une nouvelle réquisition, mais pour savoir le nombre exact de voitures se trouvant dans la ville d'Halluin. Les Russes ont remporté une grande victoire dans les montagnes du Caucase, ils firent 10.000 prisonniers et prirent 100 canons.

 

24 février 1916

 

Petite gelée. Les Allemands ont fixé une taxe sur les chiens s'élevant à 30 marks par an. Vers dix heures le convoi funèbre d'un aviateur se déroule rue de Lille, à la gare où l'on expédia son corps en Allemagne, par chemin de fer, 17 couronnes furent offertes par ses camarades. Son père y assistant, un grand nombre d'officiers et de soldats.

 

Vendredi 25 février 1916

 

Neige et gelée. Vente au comité américain d'harengs salés au pris de 0,30 Fr pièce.

 

Samedi 26 février 1916

 

Vers deux heures de la nuit plusieurs coups de canon se firent entendre. Le matin une couche épaisse de neige recouvrait la terre. Arrivée du 247ème.

 

Dimanche 27 février 1916

 

Passage d'un aéroplane.

 

Lundi 28 février 1916

 

Nous avons éprouvé un échec du côté de Verdun 10.000 morts et 15.000 blessés. Un petit fort fut pris mais 89.000 allemands furent tués. Passage d'un aéroplane.

 

 

 

Mardi 29 février 1916

 

Passage de plusieurs aéroplanes. Une lutte dans les airs eut lieu, 2 aéroplanes français et 2 allemands. L'aéroplane français eut une panne de moteur et tomba près de Reckem, les aviateurs furent faits prisonniers, l'allemand tomba aussi.

 

Mercredi 1er mars 1916

 

Belle journée, le canon se fait entendre très fort. On nous dit qu'Ypres est en flammes.

 

Jeudi 2 mars 1916

 

Belle journée, aussi les personnes profitent de ce beau temps pour se promener.

 

Vendredi 3 mars 1916

 

Nous entendons dans le lointain le grondement du canon.

 

Samedi 4 mars 1916

 

Il neige. Vers 3 heures de l’après-dîner un agent de police va de porte en porte disant aux habitants de balayer la rue.

 

Dimanche 5 mars 1916

 

Vent froid. Le commandant demande des ouvriers terrassiers qui gagneront 5 Fr par jour ou 3 Fr en plus la nourriture et le logement.

 

Lundi 6 mars 1916

 

Dans la soirée, vers 6 heures, un pigeon voyageur vient se reposer sur le toit de Mr Splète, rue de Lille, un sergent voyant ce pigeon un instant immobile tira son revolver de son ceinturon visa et tua cet inoffensif pigeon, la malheureuse bête tomba morte quelques mètres plus loin.

Ce soldat le ramassa et alla le porter de suite à la kommandantur car parait-il il était porteur d'une dépêche chiffrée.

 

Mardi 7 mars 1916

 

Il neige. Les marchands de pommes de terre ont eu leurs chariots réquisitionnés par l'autorité allemande afin de pouvoir fournir des pommes de terre à la population. Un arrivage de 12.500 kg sera réparti sur toutes les habitations. Chaque personne pourra avoir 1 kg.

 

Mercredi 8 mars 1916

 

Il neige encore. La terre est recouverte d'une couche épaisse, journée très calme.

 

Jeudi 9 mars 1916

 

Journée sombre. Arrivée de 5.000 fantassins, 2..000 soldats logèrent au nouvel hôpital sans paille ayant simplement leur couverture pour se préserver du froid de la nuit. Le lendemain ils repartirent de très bonne heure du côté de Chielt où l'armée allemande a subi une perte du côté de Roulers.

 

Vendredi 10 mars 1916

 

M. Deproit est chargé par la ville de fournir un camion pour conduire 4 prisonniers, ces individus avaient volé des poussins et des poules voire même une vache dit-on.

 

Samedi 11 mars 1916

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville, les cabaretiers sont expressément défendus de donner comme boisson aux militaires de l'alcool. Les industriels possédant des traites doivent les remettre à la kommandantur. Les cultivateurs possesseurs de vaches qui doivent vêler, doivent déclarer de suite à la kommandantur le nouveau né ou même étant mort-né.

 

Dimanche 12 mars 1916

 

Belle journée. Départ du 244ème régiment, passage d'un aéroplane.

 

Mardi 14 mars 1916

 

Journée printanière. Passage de plusieurs aéroplanes. Durant la nuit passage de chariots de vivres. Le commandant (allemand) quitte Halluin pour se rendre à Chouvout. Les hommes sont partis la veille pendant la nuit.

 

Mercredi 15 mars 1916

 

Pluie fine. Passage de canons et de caissons de munitions pendant la nuit. Les allemands abandonnèrent un camion dans la rue St Denis. Départ des gendarmes allemands pour se rendre à Bruges. Passage de chariots de vivres et de 2 aéroplanes.

 

Jeudi 16 mars 1916

 

Passage de troupes 4000 hommes se trouvent en ville. Des affiches sont posées sur les murs : une nous disant la mort d'un châtelain nommé Henri d'Urckem les d'Acoy dont on a trouvé son corps enfoui dans un bois sur la chaussée de Beernem-Wurckemls à Beernem, et la disparition du garde-chasse. Le commandant se charge de donner 2000 marks de récompense à celui qui trouvera le garde-chasse ; Un homme de Menin fut fusillé à Halluin parce qu'il ne s'était pas arrêté de suite à la sommation de la sentinelle.

Deux hommes de Roncq sont condamnés à 10 ans de réclusion en qualité d'ennemis et avoir suivi les troupes allemandes en habit civil.

 

Vendredi 17 mars 1916

 

Arrivée de 6000 hommes, passage d'un grand nombre d'aéroplanes autant français qu'alliés, une bataille dans les airs eut lieu.

 

Samedi 18 mars 1916

 

Belle journée. Au mont les fermes sont remplies des soldats du 242ème régiment d'infanterie mais pas pour longtemps car ils doivent repartir le lendemain. Arrivée de 5000 hommes.

 

Dimanche 19 mars 1916

 

Arrivée du 46ème régiment d'artillerie et d'un nouveau commandant avec sa division, ils sont tous du 23ème régiment.

 

Mardi 21 mars 1916

 

Journée de malheur.

 

Jeudi 23 mars 1916

 

Les allemands vont construire plusieurs fours à l'usine Wallaert pour faire 26000 pains par jour. Les messagers d'Halluin sont tous allés en caravane à Tourcoing.

Vendredi 24 mars 1916

 

Il neige, arrivée de plusieurs  compagnies, les allemands ont visité les maisons du haut en bas dans la rue de Lille.

 

Samedi 25 mars 1916

 

Jour de l'Annonciation, il neige. Passage de 5 aéroplanes allemands.

 

Dimanche 26 mars 1916

 

A la bataille de Verdun, les allemands ont perdu 123.000 hommes et les français 40.000.

 

Lundi 27 mars 1916

 

Journée printanière. Un sous-officier est venu visiter la maison puis il nous a dit que notre maison était réservée pour un officier. En effet, à 3 heures de l'après-midi 3 officiers en grande tenue se présentèrent et visitèrent nos chambres.

 

Mercredi 29 mars 1916

 

Grande bourrasque. Les allemands ont installé chez M. Vanackere une petite ambulance. Arrivée de quelques  centaines de fantassins.

 

Jeudi 30 mars 1916

 

Les allemands vont taxer les pianos et réquisitionner les machines à coudre. Ils font aussi une nouvelle ligne de combat de Comines à Bondues, les civils travaillent le jour et les allemands la nuit. Un aéroplane allemand est tombé criblé de balles près de la ferme Destailleurs.

 

Dimanche 2 avril 1916

 

Belle journée ; La circulation des habitants est permise de 5h du matin à 9h du soir, heure allemande.

 

Lundi 3 avril 1916

 

Belle journée, passage de quelques aéroplanes. 300 prisonniers russes venant de Menin se dirigent à l'usine Wallaert, escortés de soldats allemands fusil à l'épaule. Les personnes se groupent en très grand nombre pour les regarder passer, certaines personnes leur donnèrent des cigarettes, mais malheureusement ils furent condamnés à 3 semaines de prison pour avoir montré trop de sympathie. Une punition sera exigée pour toute la ville à cause de cette trop grande sympathie pour les soldats.

 

Mardi 4 au jeudi 6 avril 1916

 

Un grand nombre d'affiches se trouvent sur les murs de la ville pour annoncer qu'il est défendu de stationner sur la place verte, les parents sont même responsables de leurs enfants. Dans les rues principales de la ville on ne peut plus rester sur le pas de sa porte, ni se grouper. La rue de Lille, de l’Église, de la Gare, doivent être balayées le mardi, jeudi et samedi, et arroser le pavé 2 fois par jour à 7h du matin et à 2h de l'après-midi. On est obligé de descendre du trottoir pour laisser place aux officiers, Oberlieutnant et soldats.

 

 
 

Vendredi 7 avril 1916

 

Pluie fine. Premier vendredi du mois. Plusieurs chariots remplis de farine se dirigent vers Pottelberg.

 

Samedi 8 avril 1916

 

Arrivée de 1.000 fantassins, l'ancienne poste allemande revient dans Halluin. Un sous-officier est revenu visiter la maison. Les allemands dont deux dépôts de ravitaillement, l'un à l'usine Lepoutre et l'autre à l'Usine Gatry, et un dépôt de munitions à l'Emaillerie. Ils construisent une nouvelle voie pour la ligne de tramways de Roncq à Linselles.

 

Dimanche 9 avril 1916

 

Beau temps. Nous avons reçu des nouvelles de Tante Élise de Montereau Fault Yonne par la croix rouge de Genève.

Arrivée du 178ème régiment. Par ordre de la kommandantur les habitants sont obligés de rester chez eux à partir de midi, il est même défendu de regarder par les fenêtres sous peine d'une amende de 3.000 marks ou 3 semaines de prison.

 

On demande des ouvriers pour travailler dans la ville au prix de 6 Fr par jour mais à la condition de travailler le dimanche aussi, les ouvriers auront la facilité de trouver des pommes de terre et de la viande.

 

Lundi 10 avril 1916

 

Passage de voitures de munitions. Edgard (son frère) et moi étant allé faire une course du côté du Colbras nous vîmes les prisonniers russes au nombre d'une centaine travaillant dans un champ. Nous vîmes aussi le dépôt de munitions du 123ème régiment.

 

Mardi 11 avril 1916

 

Journée de pluie. Enterrement de 3 prisonniers russes, on nous dit que l’un deux fut tué à coups de baïonnette. Ce fut un beau spectacle, tous les hommes se découvrirent sur le passage du convoi funèbre.

 

Mercredi 12 et jeudi 13 avril 1916

 

Le canon se fit entendre ces jours-ci. Plusieurs wagons de pommes sont arrivés en gare, mais ce sont des pommes de terre pour planter. Les fermiers ont eu de l’avoine et des pommes de terre aux allemands qui probablement récolteront encore cette récolte.

 

Vendredi 14 avril 1916

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville : il est absolument défendu aux enfants et aux grandes personnes de colporter et de suivre les troupes. Les ouvriers réquisitionnés pour le travail de la ville et qui ne se rendraient pas seront forcés de travailler et ne recevront plus de salaire, s’ils refusent encore ils seront punis d’un mois de prison et nourris au pain et à l’eau.

 

Ceux qui travailleront et étaient assistés du bureau de bienfaisance, leurs secours ne seront point réitérés et en plus ils recevront 0 franc par jour. Les patentes contributions directes et indirectes devront être payées à la kommandantur.

 

Plusieurs condamnations sont imposées à cause de trahison.

 

 
 

Samedi 15 avril 1916

 

Vent et pluie dans la journée, il tomba de grosses grêles. Des habitants de Tourcoing ont été réquisitionnés et envoyés à Mézières pour le travail des tranchées allemandes. Sur 3000 hommes, 600 femmes dont dû partir pour nettoyer leur linge et faire la popote, comme certains refusèrent de monter dans le train, les allemands les y forcèrent à coups de crosse.

 

Dimanche 16 avril 1916

 

Belle journée, passage d’un aéroplane. Trahison et mort d’un général français à la bataille de Verdun.

 

Lundi 17 avril 1916

 

Vent impétueux. La hollande va être comprise dans le blocus. L’Amérique déclare la guerre. Départ d’une partie du 178ème régiment.

 

Mardi 18 avril 1916

 

Les vitres donnant sur les rues ou dans les jardins devront être recouvertes d’une étoffe épaisse afin de ne pas laisser filtrer la lumière.

Les allemands donnent à la population Halluinoise des pommes de terre gratuites pour planter.

 

Mercredi 19 avril 1916

 

Passage d’aéroplane. Enterrement civil de la fille du protestant Camille Saens. Durant toute la journée le canon se fit entendre très fort à plusieurs reprises, les vitres de la maison branlèrent. Départ du 178ème régiment. Une trentaine de grandes autos sont arrivées avec leurs mécaniciens, chauffeurs, etc… pour les arranger ayant reçu un ordre ils partirent le plus.

 

Jeudi saint 1916

 

Journée de pluie. Les propriétaires de poules doivent les déclarer à la kommandantur et leur remettre chaque semaine 2 œufs par poule. 4.000 jeunes filles de Tourcoing sont désignées pour partir en Allemagne.

 

(Non contents de toutes les vexations infligées depuis deux ans, les Allemands en sont venus à traiter en esclaves les habitants. Ils agissaient, baïonnette au canon, mitrailleuses en travers de la chaussée.
Environ 25000 femmes et jeunes filles de 15 à 20 ans, hommes jusqu'à 55 ans, sans distinction de condition sociale ont été arrachés à leur foyer et forcés à faire des travaux agricoles dans l'Aisne, les Ardennes ou déportés en Allemagne.
A partir du 9 avril 1916, les Allemands raflent, soit dans la rue, soit à domicile, enlevant pêle-mêle les habitants pour les expédier on ne sait où.
L'officier désignait les personnes qui devaient partir et on les emmenait vers la gare.
Les victimes partirent en criant: Vive la France et en chantant la Marseillaise…


extrait d'un article paru dans "Le Petit Journal en avril 1916
", cf note du transcripteur)

 

 

Vendredi 23, samedi 22 avril 1916

 

Aucune marchandise ne peut sortir de la ville. Le soir l’on voit de grands réflecteurs avec rayons très puissants, l’on nous dit que ce sont les anglais.

 

 

Dimanche 23 avril 1916

 

Jour de Pâques, belle journée. Passage de plusieurs aéroplanes. A Menin l’on visite les caves et l’on marque les portes d’un zéro. Il parait qu’il se prépare un grand coup la semaine prochaine sur tous les fronts. En ville on n’allume plus les réverbères pour préserver la ville des obus qui pourraient tomber la nuit.

 

Lundi 24 avril 1916

 

Belle journée. 4 grandes autos sont arrivées vis-à-vis de chez nous pour 10 jours, un officier est venu à la maison pour retenir un logement.

 

Du 25 au 30 avril 1916

 

Ces jours derniers l’on a appris que dans la région voisine, les allemands arrêtaient les hommes et les jeunes gens, voire même les femmes et les jeunes filles pour les envoyer dans l’Est en pays occupé par eux afin de les faire travailler à la culture. Un officier frappait à chaque porte de la rue du quartier désigné et disait que dans une heure toutes les personnes se trouvant dans la maison devaient être prêtes et pouvaient emporter environ 30 Kg. C’est ainsi qu’un grand nombre de personnes de Roubaix, Tourcoing furent expédiées par chemin de fer. On nous dit aujourd’hui vendredi que la kommandantur de Tourcoing a reçu un ordre comme quoi il était formellement interdit d’arrêter des femmes.

 

Lundi 1er mai 1916

 

Plusieurs personnes étant allées se promener la veille du côté de la ferme Tiberghien furent rencontrés par des gendarmes allemands leur disant qu’elles se trouvaient sur le territoire de Roncq, elles furent arrêtées, conduites à la kommandantur d’Halluin et condamnées à 20 jours de prison, nourries au pain et à l’eau, obligées de travailler sur les champs, les hommes pour décharger du fumier, les femmes aux pommes de terre, et à 10 Fr d’amende en or. M. Biermé, souffrant, payé 95Ff en or. Les gendarmes emmenèrent à la kommandantur une foule de personnes pour rien.

 

Mardi 2 mai 1916

 

Temps chaud. Les personnes possédant du caoutchouc, des pneus de vélos, doivent le déclarer à la mairie avant le 13 mai, les allemands feront une visite domiciliaire.

 

Mercredi 3 mai 1916

 

Une vingtaine d’hommes passèrent se dirigeant vers Lille, porteurs de virus, l’on apprit que c’était des hommes de Courtrai réquisitionnés par l’armée allemande ;

 

Jeudi 4 mai 1916

 

Arrivée de 1.000 fantassins. M. Cuchenaere fut pris déchargeant du sel dans une maison d’Halluin, il fut arrêté et condamné à plusieurs jours de prison.

 

Vendredi 5 mai 1916

 

Le canon se fait entendre très fort du côté du Quesnoy, le soir l’on voit des étincelles. 20 hommes furent pris à l’appel.

 

 

 

 

 

 

Samedi 6 mai 1916

 

Temps nuageux. 10 jeunes gens sont envoyés à Tourcoing étant voleurs de tapis de M. Defretin. On nous annonce la mort de MM. Lesage, Desplanques, Lestienne, Duques, décédés au champ d’honneur. Mmes Henri Lemaire et Vanlerberghe sont allées soigner leur mari en Suisse. On nous annonce l’arrivée de 3.000 fantassins.

 

Dimanche 7 mai 1916

 

Temps sombre. Les 2 enfants de chez Vanhullebrusche sont relâchés de la prison. Ils étaient condamnés à 10 jours à cause d’avoir cueilli de l’herbe sur un fossé.

 

Lundi 8 mai 1916

 

Belle journée. L’Allemagne parait-il change ses farines avec celles d’Amérique ce qui fait que la population a du pain immangeable. Dernière vente de lard jusqu’au prochain arrivage qui dit-on sera long à venir.

 

Mardi 9 mai 1916

 

Les personnes prises la semaine dernière sont relâchées. La commandature seule s’occupe des laissez-passer.

 

Mercredi 10 mai 1916

 

Un grand nombre de femmes ayant dû partir pour la Champagne lors des arrestations sont revenues folles tellement l’émotion était grand.

 

Jeudi 11 mai 1916

 

Tous les boulangers allemands se trouvant dans notre quartier ont reçu un ordre de loger dès aujourd’hui à l’usine Huet près du pont du chemin de fer, rue du Molinel, aucun soldat boulanger ne peut plus loger dans les maisons, leur colonne partira dans 3 semaines pour Courtrai.

 

Vendredi 12 mai 1916

 

Journée sombre, le soleil apparaît de temps en temps. 5 affiches sont posées sur les murs de la ville pour annoncer

  1. 1.Que les possesseurs de chines doivent se rendre à mairie pour recevoir une médaille contre paiement 

  2. 2.Qu’un grand nombre de condamnations furent imposées à cause de trahison 

  3. 3.Qu’il est défendu d’imprimer, de distribuer des circulaires contenant des injures, des grossièretés sur l’armée allemande et de répandre de fausses nouvelles de guerre 

  4. 4.A partir du 1er mai à minuit, tous les habitants faisant partie de la 4ème armée allemande sont retardés d’un jour jusqu’au 1er septembre à minuit. 

  5. 5.Les prisonniers de guerre détenus en Allemagne peuvent recevoir un colis de 5 kg dont il peut contenir du chocolat, des cigares et rien concernant de la farine, on peut aussi envoyer des livres imprimés. 

 

Samedi 13 mai 1916

 

Il pleut continuellement et cependant cela n’empêche pas le canon de se faire entendre de toutes ses fac es. A Lille le prix du Kg de viande vaut 20 Francs. Arrivée de fantassins. Les habitants d’Halluin doivent remettre à la kommandantur leur bicyclette et les tuyaux de caoutchouc, gommes, pneus de vélo jusqu’au 16 mai, après ce jour les allemands feront une visite domiciliaire.

 

 

Dimanche 14 mai 1916

 

Les russes ont quitté Halluin ces jours derniers. Les allemands entreprennent de grands travaux au Gravier afin d’établir une ligne de voie ferrée d’Halluin à Verwicq. Ils posent des tuyaux sur l’eau à l’hôpital du Mont, les allemands à l’abattoir construisent des baraquements pour élever des porcs. 4 jeunes gens liés l’un à l’autre sont conduits à Tourcoing accompagnés d’un agent de police du commissariat et d’un allemand.

 

Du 15 ai 20 mai 1916

 

On nous annonce qu’un grand combat se livrera cette semaine dans les environs d’Ypres. Beaucoup de russes viennent d’arriver sur le front pour combattre avec les alliés.

 

Par ordre de la kommandantur, tous les hommes et femmes âgés de 14 ans doivent se rendre à la mairie pour se munir d’une carte d’identité.

 

Arrivée de 3 régiments de fantassins.

 

Lundi 21 mai 1916

 

Passage de plusieurs aéroplanes, vers 4h un grand orage éclate.

 

Mardi 22 mai 1916

 

Du combat d’aéroplanes qui eut lieu la veille il résulte que 2 aéroplanes allemands et un anglais tombèrent entre Bousbecque et Verwicq. Dans l’aéroplane anglais se trouvaient des anglais, ils furent faits prisonniers, en attendant qu’ils soient transférés en Allemagne. Ils logèrent chez Mme Ch. Lemaitre, gardés par des fantassins baïonnettes au canon.

 

Mercredi 23 mai 1916

 

Tous les habitants d’Halluin vont avoir 1 kg de pommes de terre par personne au prix de 0,20Fr le kg.

 

Dimanche 27 mai 1916

 

La voix du peuple commence à se faire entendre, on murmure contre le comité d’alimentation, que les habitants n’ont pas autant de vivres que les communes environnantes. 20 homes furent pris à l’appel samedi dernier, mais heureusement ils furent relâchés de suite.

 

Mardi 29 mai 1916

 

Comme dans notre ville il ne se trouve plus de viande, les autorités de la ville se décidèrent à tâcher de pouvoir nous en fournir de temps à autre.

 

Chaque ménage par conséquent peut se rendre chez son boucher habituel où il lui sera remis 300 grammes de viande par personne au prix de 14 Fr le kg pour le filet, 10 Fr le kg pour les biftecks, 8 Fr le kg pour les morceaux de pièce à queue, 4 Fr le kg pour les bas morceaux poitrine, cou, etc ;

 

A Tourcoing le kg de viande vaut 25 Fr les pommes de terre 100 Fr les 1200 kg et 120 Fr les cents kg de farine, les œufs 0,55 Fr pièce.

 

Mercredi 30 mai 1916

 

On vient d’apprendre la mort de quatre Halluinois morts au champ d’honneur, ce sont MM J. Devernay, O. Vanoverschede, J. Descamp. Un nommé Bar a les deux jambes coupées. A Menin grand passage de canons se dirigeant sur le front pour l’engagement d’une grande bataille.

Un pénible accident est survenu dans notre quartier, une motocyclette passant à vive allure renverse au milieu de la chaussée le plus jeune fils de Léopold Vanderrière.

 

Des nouvelles affiches au coin de la rue de la Gare annonçaient que de la bataille qui eut lieu la veille, il résulte que 66 officiers anglais et 2000 hommes furent faits prisonniers et que des canons et des mitrailleuses y furent prises.

 

Samedi 3 juin 1916

 

Samedi dans la matinée vers 11 h 35 une escadrille de 7 avions anglais est venue planer sur Halluin et Menin et y jeter 3 bombes, dont une rue de la Lys près de l’usine Gatry, où elle tua la fille du concierge de cet établissement, une seconde bombe tomba place St Martin et y jeta un homme en le mutilant d’une façon hideuse, la tête, les bras, les jambes furent projetées au loin, un second individu à la porte de sa demeure eut le bras emporté, un pan de muraille s’est effondré, des arbres furent déracinés, des toitures abîmées, des tuyaux tordus, etc..

 

Une troisième bombe tomba au hameau de Sébastopol dans un champ de seigle, d’autres bombes tombèrent à Menin, rue de Bruges et près de la gare où il y eut 6 personnes de tuées.

 

On croit qu’à Halluin on visait la gare de marchandises pour y détruire un dépôt de munitions qui s’y trouvait.

 

La bombe près de chez Gatry était destinée croit-on au 188ème régiment d’infanterie revenant  des tranchées et rentrant à ce moment là à l’usine Gatry.

 

C’était curieux à voir les soldats allemands hospitalisés au cercle catholique s’enfuir éperdus de tous côtés. Il en arriva même un jusque chez nous dans une tenue sommaire ayant la tête bandée et une brosse à la main, il paraissait comme fou de terreur et il tremblait de tous ses membres ne sachant où s’abriter, on aurait dit un insensé qui venait de perdre la raison.

De même deux officiers qui passaient en auto, ils arrêtèrent brusquement leur automobile et s’enfuirent précipitamment chez Banhullebusche où la porte était restée entrouverte, puis deux autres fantassins avec leur fusil sur le dos s’enfuirent étalement pleins de frayeur par la rue de la Procession.

 

Des chevaux se cabraient, c’était un spectacle vraiment curieux de voir bêtes et gens atrocement effrayés par l’éclat de toutes ces bombes.

 

Dimanche 4 juin 1916

 

Les funérailles des deux victimes de la guerre morts accidentellement vont avoir lieu mardi à 9h.

 

Lundi 5 juin 1916

 

Sur les murs de Menin, se trouve une affiche où les allemands avouent que les russes ont fait 40.000 prisonniers autrichiens et ont avancés de 45 km.

 

Mardi 6 juin 1916

 

Temps pluvieux. Une foule immense se rend aux convois et services funèbres des deux victimes. Vers 9h15 les cercueils entrent à l’église, toutes les chaises grandes comme petites sont occupées, après l’évangile, le doyen monte en chair en disant qu’il fallait s’unir aux prières du prêtre afin que les âmes de ces malheureux puissent aller au ciel. Au cimetière M. Pierre Defretin, maire prononça un discours.

 

 

 

 

Mercredi 7 juin 1916

 

Arrivée de fantassins, rien d’important à signaler.

 

Jeudi 8 juin 1916

 

Une bombe d’aéroplane anglais ou français fut lancée sur la vile de Hautem où 10.000 soldats allemands et quelques centaines de Meninois nous dit-on sont tués et mortellement blessés.

 

Vendredi 9 juin 1916

 

Une autre bombe tomba aujourd’hui sur Comines où 86 hommes travaillant pour les allemands périssent. Les allemands construisent des tranchées cimentées pour y s’abriter en cas de besoin lors du lancement des bombes.

 

Samedi 10 juin 1916

 

Passage de 10 aéroplanes français. Les allemands encerclent les avions de projectiles, néanmoins les envahisseurs persistent à pénétrer plus loin. Les mitrailleuses crépitent dans la rue, le métal, les ailes des appareils de guerre scintillent frappés par les rayons du soleil.

 

Dimanche 11 juin 1916

 

Le grondement du canon se fait entendre jour et nuit, les oiseux chantent, un merveilleux soleil de juin brille. Combien de jeunes gens vont mourir aujourd’hui ?

 

Du lundi 12 juin 1916 au lundi 19 juin 1916

 

Les français vont reprendre l’offensive sur tout le front. Les russes gagnent chaque jour du terrain et font un grand nombre de prisonniers autrichiens.

 

Les personnes qui désirent un laissez-passer pour Menin doivent se munir d’un certificat ayant la signature du patron, le cachet du commissaire et celui du commandant de Menin, mais les bureaucrates allemands écrivent un mot en allemand qui signifie « ne pas donner ». Les personnes ayant leurs papiers en règle sont de nouveau à la kommandantur d’Halluin qui se moquent alors d’elles.

 

Vendredi départ d’Yvonne (sa sœur) qui a obtenu un laissez-passer pour 45 jours, la veille le canon s’est fait entendre d’une façon violente.

Vente de viande fraîche cède par l’autorité militaire au prix de 8 Fr le Kg, cette viande se vendait cuite dit-on.

Arrivée de fantassins. Renouvellement des cartes de pain, Passage de quelques aéroplanes.

 

Lundi 19 juin 1916

 

Journée sombre. Les allemands achètent l’or et des billets de banque, contre de la monnaie allemande ils donnent des bons de ville français avec une prime de 10% au bureau de change (crédit du nord).

 

Enterrement civil à 8 heures de la fille du protestant Camille Soens, cet homme perdit sa fille aînée il y a deux mois, une foule immense se groupait sur les trottoirs.

 

Mardi 20 juin 1916

 

Il pleut. Départ de fantassins, le commandant rappelle aux habitants qu’il est strictement défendu de se grouper comme cela s’et présenté lundi à 4 heures, si cela arriverait encore la ville sera sévèrement punie.

Mercredi 21 et jeudi 22 juin 1916

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville :

«1.- aucune pomme de terre ne peut être récoltée avant le 1er août sans l’autorisation du commandant de la place. Toute personne prise en défaut sera punie d’une amende de 1000 marks ou de 3 mois de prison.

2.- le cimetière ne sera ouvert que les mercredis et dimanches après dîner. En cas d’enterrement il sera ouvert mais les personnes suivant le cercueil devront se retirer quelques instants après. Les enfants au-dessous de 16 ans devront être accompagnés d’adultes. On ne peut pas cueillir des fleurs.

3.- Des fils télégraphiques et téléphoniques ont été coupés ces jours derniers à la campagne, l’on a vu des adultes allant sur les poteaux pour endommager les fils, aussi toute personne accomplissant cette chose sera fusillée, les parents ou auteurs sont responsables pour leurs enfants. »

Un sieur de Besseghem est condamné à 3 ans de travaux forcés parce qu’il était encore possesseur de pigeons.

 

Vendredi 23 juin 1916

 

Journée sombre. Vente de saindoux. Vers 8h du soir le canon se fait entendre très fort.

 

Samedi 24 juin 1916

 

On ne délivre plus de laissez-passer à cause d’un changement de troupes. Un grand nombre de soldats boulangers vont aller aux tranchées. Passage d’aéroplanes allemands : le sourd grondement se fait entendre le soir et toute la nuit.

 

Dimanche 25 juin 1916

 

Les allemands viennent d’afficher en trois langues : français, flamand et allemand le discours que prononça dernièrement l’empereur Guillaume à l’occasion du succès remporté sur la flotte anglaise par la marine allemande. Pour humilier l’Angleterre il dit que le premier coup de marteau vient d’être donné à la reine des mers, et que d’autres coups plus formidables suivront. Pour humilier les français, il dit que les troupes françaises faiblissent enfin devant Verdun. Mais probablement ce c’est que des contes que nous conte là ce bon Guillaume car la France comme St Paul sur le chemin Damas se relèvera, non pas pour humilier et écraser, mais pour le bonheur de tous les peuples.

 

(il s’agit certainement de la La bataille du Jutland, ou bataille du Skagerrak pour les Allemands, qui est la plus grande bataille navale de la Première Guerre mondiale et probablement l'une des plus complexes de l'histoire. Elle opposa pendant deux jours, la Royal Navy britannique à la Kaiserliche Marine, Marine impériale allemande en mer du Nord, à 200 km au nord-ouest de la péninsule danoise du Jutland en mai-juin 1916.

Après plus de deux ans d'attente et plusieurs occasions manquées, la Grand Fleet britannique, commandée par l'amiral Sir John Jellicoe, réussit à contraindre la Hochseeflotte, la Flotte de haute mer de la Marine impériale allemande, aux ordres de l'amiral Reinhard Scheer, à une grande confrontation au milieu de la mer du Nord. La bataille générale, impliquant au total 250 navires de tous types, commença à 18 h 30, le 31 mai 1916 et dura deux heures. Suite aux mauvaises conditions de visibilité et à des erreurs des Britanniques, elle ne fut pas décisive, malgré la supériorité numérique de ces derniers. Cependant, Jellicoe réussit à couper la route de repli des navires allemands vers leurs ports, et était persuadé d'avoir l'occasion d'une bataille décisive pour le lendemain matin. Mais Scheer, déterminé à sauver sa flotte à n'importe quel prix, traversa le dispositif britannique à la faveur de la nuit et regagna ses bases de Wilhemshaven, à l'abri des champs de mines allemands.

L'affrontement a coûté quatorze bâtiments aux Britanniques et onze aux Allemands, ainsi que des milliers de victimes humaines. Les deux camps revendiquèrent chacun la victoire. Même s'il est vrai que les pertes des Britanniques en vies humaines et en navires ont été les plus importantes, les marins allemands n'étaient pas dupes et avaient conscience d'avoir échappé de peu à un désastre. La flotte de haute-mer allemande resta dès lors dans ses ports, hormis quelques brèves sorties en août 1916 et avril 1918. Certes, elle continuait de constituer une menace, obligeant les Britanniques à maintenir de nombreuses unités en mer du Nord, mais jamais plus elle ne tenta de disputer la maîtrise des mers à son adversaire. Au contraire, la Marine allemande allait consacrer ses principaux efforts à la guerre sous-marine.)

 

 

 

Lundi 26 juin 1916

 

17 ballons captifs se trouvant sur toute la ligne furent détruits par de la poudre que lancèrent des officiers aviateurs français ou anglais. L’un d’eux voyant qu’il était atteint lança à l’aide d’une brique tous les renseignements du coté du camp allemand, 3 tombèrent à Bousbecque.

 

27 et 28 juin 1916

 

Temps incertain. Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville :

Le commandant Matschnez commence : j’ai un motif c’est pourquoi je défends à la population d’Halluin d’envoyer des lettres ou mots écrits aux villes environnantes, de communiquer aux prisonniers sans passer par la kommandantur d’annoncer des nouvelles de vive voix et rien ne peut être récolté sans l’autorisation du commandant.

 

Jeudi 29 juin 1916

 

Journée sombre. Passage de plusieurs aéroplanes. Changement de commandant nous dit-on.

 

Vendredi 30 juin 1916

 

Vers 8 heures du soir 5 avions français s’élèvent majestueusement dans la nuit ; aussitôt que les allemands les aperçurent les canons retentissent de tous côtés d’une façon formidable. En les examinant nous vîmes que l’un d’eux lança des bombes sur les aéroplanes allemands venant en leur poursuite, on croit qu’un aéroplane fut atteint.

 

Samedi 1er juillet 1916

 

Belle journée. Dans la matinée 2 ballons captifs allemands examinèrent encore les environs….

Toute la journée le canon se fait entendre. On nous dit qu’une offensive commence et que les alliés ont percé de 10 côtés à la fois.

 

Les russes avancent chaque jour de plus en plus. Le roi de Grèce est prisonnier des Français. Le soir plusieurs aéroplanes alliés se montrèrent, on trouva dans la cour plusieurs petits morceaux de fer.

 

Dimanche 2 juillet 1916

 

On nous dit qu’à Comines et Vervicq des obus tombèrent dans la ville, un obus tomba sur l’école de Vervicq où 30 enfants furent tués. Une petite fille de Comines âgée de 11 ans ayant les 2 jambes emportées est venue se faire soigner à l’ambulance.

 

3 et 4 juillet 1916

 

Belles journées. Dans la nuit de lundi à mardi, des grandes autos passèrent à petite allure se dirigeant sur Lille et vers 4 heures du matin la même chose se renouvela ainsi que dans la matinée. Dans l’après-midi de mardi une dizaine d’autos de la croix rouge passèrent également se dirigeant sur Lille. Beaucoup de personnes espèrent la délivrance pour le mois d’août, mais je ne crois rien à ces faux bruits.

 

Mercredi 5 juillet 1916

 

Pluie torrentielle qui dura 2h30. Dans l’après-midi plusieurs aéroplanes survolèrent notre ville.

 

Jeudi 6 juillet 1916

 

Le canon se fait entendre, à certains moments il gronde très fortement, on dirait qu’un bombardement a lieu. Deux bombes sont tombées à Vervicq.

 

Vendredi 7 juillet 1916

 

On nous annonce l’arrivée de 3.000 cavaliers. Menin regorge de soldats. On ne délivre plus de laissez-passer pour Menin.

 

Samedi 8 juillet 1916

 

Les allemands affichent chaque jour des nouvelles des opérations de la guerre, aujourd’hui ils disent qu’ils ont retiré leurs troupes du village de Hem. Les Français ont gagné le village de Waloy en Santerre. Les Français combattent pour prendre le village de Essen. Les russes ont rétréci leurs fronts.

 

Dimanche 9 juillet 1916

 

Belle journée. M. le doyen du haut de la chaire de vérité annonce que la grande offensive française et reprise depuis 8 jours donc il fallait redoubler nos prières afin que nous soyons délivrés au plus tôt.

 

Toutes les pommes de terre qui se trouvent plantées dans les champs, en clos, jardins, doivent déclarer à la kommandantur.

 

Nous avons eu une nouvelle carte de pain pour remplacer l’ancienne trop usagée.

 

 

 

 

 

10ème cahier

 

 

Lundi 10 juillet 1916

 

Belle journée. Passage de plusieurs aéroplanes.

 

Mardi 11 juillet 1916

 

Pluie fine. La grande offensive est commencée depuis 8 jours. Les Français gagnent énormément du coté de la Somme. 6000 anglais hors de combat, plusieurs milliers d’allemands furent faits prisonniers.

 

Mercredi 12 juillet 1916

 

De grands chariots remplis de foin passent se dirigeant vers l’abattoir. Les allemands réquisitionnent tout chez M. Demeestere et brisent tout dans les différentes usines. Arrivée de fantassins.

 

Samedi 15 juillet 1916

 

Le soir vers 21h30 un aéroplane allemand sur l’Emaillerie venant de la direction de Gand (B) l’aviateur tomba mort et le pilote grièvement blessé.

 

Dimanche 16 juillet 1916

 

Journée sombre. La confirmation aura lieu dans notre paroisse le jeudi 20 juillet, Mg Charost présidera, à 14h30 salut de réparation chanté par les petites filles où Monseigneur prendra la parole.

 

 

Lundi 17 juillet 1916

 

Pluie fine. Les allemands agrandissent le cercle catholique.

 

Mardi 18 juillet 1916

 

Belle journée. J’ai enfin obtenu un laissez-passer pour Menin. A Menin il n’y a presque plus de soldats. Encore un peu nous étions prises comme espionnes. Une bombe tomba à Lille sur le quartier St Sauveur.

 

Mercredi 19 juillet 1916

 

Belle journée. Combats d’aéroplanes. Ces jours-ci nous n’entendons plus aucun bruit de canon.

 

Jeudi 20 juillet 1916

 

Monseigneur Charost est arrivé à 10h dans notre ville. Il était accompagné de Msg Carton, son secrétaire et d’un domestique. 500 enfants furent confirmés. Vers midi moins le quart Monseigneur prit la parole après avoir écouté M. le doyen qui fit son rapport sur les deux terribles années qui viennent de s’écouler et dont Mg Charost n’a pu être le témoin.

 

Monseigneur se rendit après dîner au cercle St Joseph, aux différentes écoles et les filles de la Sagesse (voir Notes 3).

Il quitta Halluin vers 17h30, monseigneur fut très ému de la population.

 

Vendredi 21 juillet 1916

 

L’autorité militaire allemande demande à notre chère ville d’Halluin un impôt ou plutôt une contribution de guerre de 1 million.

 

Le conseil municipal s’est réuni pour la 2ème fois prétendant que l’on ne payera pas, des conseillers votèrent, la majorité l’emporta. M. Achille Dansel et M. Delesalle votèrent pour payer

Linselles, Bousbecque, Roncq sont également punis.

 

Samedi 22 juillet 1916

 

Journée de crainte et de peur, les casques à pointe se promènent dans les rues. Les gendarmes liste en mains vont chercher les conseillers chez eux, les conduisant à la kommandantur ainsi que différents notables M. Desquemach et M. Lemaitre ne sont point pris. Une banse (corbeille) de pain leur servira de souper.

 

Dimanche 23 juillet 1916

 

Dès la première heure une affiche se trouve posée sur les murs de la ville, voici ce qu’elle mentionne :

 
 

Toutes les villes occupées par l’autorité militaire allemande doivent payer une nouvelle contribution de guerre assez élevée. La ville de Tourcoing est contente d’avancer de l’argent par délibération formelle du conseil municipal.

Le conseil municipal d’Halluin ne veut pas payer, donc j’ordonne ce qui suit, jusqu’au payement de la contribution de guerre :

 

1- toutes les habitations, portes et fenêtres devront être fermées, les dimanches à partir de midi, les jours de semaine à 7h du soir.

 

2- les cultivateurs et ouvriers de ferme auront un permis de circuler

 

3-  la récolte de pommes de terre est suspendue

 

4- tout l’alcool y compris la bière est réquisitionnée. L’importation et l’exportation est défendue.

 

5- les estaminets et magasins doivent être fermés continuellement

 

6- on ne plus communiquer d’une commune à une autre

 

7- le maire, les membres du conseil municipal et différents notables de la ville sont considérés comme otages.

 

Toute infraction à chaque cas particulier seront punis d’un emprisonnement de 3 mois ou d’une amende de 1000 marks – Signé Matschnez Oberlieutnant

 

 

Lundi 24 juillet 1916

 

Les cafés, estaminets et magasins de tous genres restent fermés, la ville est morne et triste, les gens se tiennent sur le pas de leurs portes, car le bruit court que demain la ville sera fortement punie. Hier il y eut une réunion et le conseil municipal est à moitié décidé à ne pas payer.

 

Les otages sont enfermés dans une petite cellule, chacun séparément, ils sont nourris au pain et à l’eau. Ils sont au nombre de 23. M. Lemaitre ainsi que M. Desquesmach et Lepers ont l’autorisation de les voir.

A Roncq on commence à prendre des otages. Les otages de Bousbecque sont envoyés à Comines.

 

Mardi 25 juillet 1916

 

La ville est en émoi. Ce matin avec Paule et Antoinette je me suis rendue dans la rue du moulin où se trouve emprisonné les otages. Paule par un appel de sa voix perçante put interpeller son cousin, il reconnut également très bien ma voix quant à mon tour je lui causais et me dit gentiment de beau bonjour. Un autre nous a fait signe de la main.

 

Que cela fait mal au cœur et vous impressionne péniblement. Il était temps de partir car une sentinelle montra son gros nez à la fenêtre. Des prisonniers tâchent de leur procurer des vivres.

En me rendant au pain comme de coutume je vis toute la population affolée, les uns couraient se ravitailler, les autres retournaient chez eux précipitamment, je ne savais trop que faire lorsque M. Lougez arriva en disant qu’il fallait se tranquilliser vu que tout le monde serait servi, si les gendarmes vous arrêtent dit-il vous leur montrerez votre carte de pain ainsi que vos pains en retournant immédiatement chez vous.

 

J’ai omis de mentionner l’affiche que l’on posa sur les murs de la ville d’Halluin à 13h30 pour indiquer que tout le monde devait rentrer chez soi pour 15h et c’est à cause de cette affiche que toute la population se trouvait en émoi, car cette affiche était intitulée ainsi :

 

A la population.

 

L’administration et le conseil municipal étant décidé à ne pas payer après plusieurs réunions, j’ordonne ce qui suit :

 

A partir du mardi 25 juillet la circulation est interdite depuis 3h, portes et fenêtres doivent être fermées. Le mercredi 26 juillet et jours suivants la circulation est permise de 9h à midi (heure allemande).

Si l’administration et le conseil municipal ne sont point décidés à payer l’indemnité de guerre après la réunion qui aura lieu à 3h de l’après-midi, le mercredi 26 juillet, j’ordonne ce qui suit :

 

Des départs de personnes de tout âge et de tout sexe se feront pour des camps de travail comme cela se fit déjà dans les villes environnantes tant dans la population riche que dans la population pauvre.

 

Signé : Matschnez

 

 

 

 
 

Mercredi 26 juillet 1916

 

C’est aujourd’hui qu’à lieu la séance, voici les otages du conseil municipal :

 

MM. J. Beylemans, A. Mullet, le percepteur, A. Vanackere, G. Wallard, A. Danset, S. Beylemans, R. Llescrovart, D’Halluin, J. Demeestere, Defretin, Dervaux, P. Delangre, Ovigneur, Vanheddogheur, G. Declerc, Hennion, Vandemeulebrouck, Descamps, Lefebre, Destailleurs, Morel, Delesalle

Le vote sera secret, qu’en résultera-t’il ?

 

Jeudi 27 juillet 1916

 

Ce matin l’on apprend dès la première heure que les membres du conseil votèrent le paiement de l’indemnité par conséquent les otages seront relâchés à 8h30.

 

J’en ai vu plusieurs lors de la sortie du local où ils étaient enfermés. Certains avaient une barbe assez longue, d’autres l’air plus ou moins négligés, enfin ils étaient tous satisfaits d’être libres, mais la punition n’est point encore entièrement finie.

 

Vendredi 28 juillet 1916

 

Voilà la dernière journée de punition, le commandant se rendra aujourd’hui à Tourcoing pour aller toucher l’argent nous dit-on.

 

 

 

Samedi 29 juillet 1916

 

De très bonne heure, tous les volets sont ouverts, l’on voit que la ville a repris son air habituel, les marchands circulent allant de porte en porte, les ménagères vont aux provisions. Lutte d’aéroplanes. Bruit de canon.

 

Dimanche 30 juillet 1916

 

Grand brouillard. Il parait qu’à Neuville la circulation est encore interdite durant toute la journée. M. le curé ainsi que le docteur sont mis en cellule.

 

Le nommé Gilbert Declercq, garçon de 16 ans est condamné à 3 mois de prison ou 1800 marks d’amende pour avoir regardé par une fenêtre du haut pendant la punition, lors du passage du commandant qui ne dit rien, mais il envoie de suite un gendarme le chercher.

M. Desquemack fils ayant l’habitude de cueillir de l’herbe dans la prairie près de chez lui avec plusieurs autres personnes a failli être mis en prison. De même jeudi soir M. Desquemack père qui prenait l’air dans la prairie de Delobel fut aperçu par deux gendarmes dont l’un tira son revolver mais sur l’ordre de son chef, le remit dans le fourreau.

 

Quand M. Desquemack approcha près du fil barbelé qui clôture cette pâture, le gendarme lui demanda son laissez-passer. M. Desquemack se fouilla en disant que son laissez-passer était chez lui faisant signe de la main qu’il habitait là près de la pâture. Le gendarme lui dit alors : si vous n’avez point votre laissez-passer je vais vous conduire à la kommandantur. M. Desquemack répondit qu’il ne savait point passer à cause des fils barbelés, le gendarme lui fit signe alors de se baisser pour passer en dessous, mais M. Desquemack fit semblant de ne pas savoir passer. Le gendarme après réflexion lui fit alors signe de la main qu’il était libre. Et ce fut ainsi que prit fin cette petite comédie qui aurait pu cependant avoir des conséquences fâcheuses.

Les allemands réquisitionnent des enfants des classes catholiques et laïques pour glaner le seigle.

Toute la colonne de Menin est partie pour Tournai nous dit-on

 

Lundi 21 juillet 1916

 

Les enfants des écoles gratuites sous la direction de deux professeurs et d’agents de police ainsi que de trois allemands baïonnette au canon, vont vers les champs pour glaner. Aucun enfant ne peut s’amuser, sans cela la sentinelle frappe avec la crosse de son fusil.

 

Du combat d’aéroplanes de samedi soir il résulte que plusieurs bombes tombèrent sur Menin, Vervicq, Comines. La gare de Courtrai fut très endommagée.

 

Mardi 1er août 1916

 

Grande chaleur. Chaque jour nous apercevons dans la rue une nuée d’aéroplanes français venant jeter des bombes.

 

Mercredi 2 août 1916

 

Toute la  colonne de Menin est partie pour Courtrai, le commandant seul reste. 75 aéroplanes alliés survolent Gand et Bruxelles. Une bombe tomba dans un quartier de Ledeghem où plusieurs maisons furent détruites ainsi que toute une famille entière (le marchand de volailles). Une bombe tomba à Halluin dans le jardin de M. Gatry mais n’occasionna aucun dégât.

 

Jeudi 3 août 1916

 

Belle journée. Cette nuit nous entendîmes plusieurs gros coups de canons, un moment après tout retombait dans le calme.

Au gravier il est arrivé des caissons de munitions et un grand nombre d’artilleurs.

 

Vendredi 4 août 1916

 

Vente de saindoux, huile à manger, de nouvelles pommes de terre à raison de 3 kg par personne au prix de 5,20 Fr le kg.

 

Samedi 5 août 1916

 

Toute personne possède sa carte d'identité, les enfants de 15 à 16 ans aussi.

Une affiche est posée sur les murs de la ville pour avertir les cultivateurs que toute la récolte est réquisitionnée. Les fermiers ne peuvent pas même en réserver pour nourrir leurs bêtes ni en cacher sans l’autorisation du commandant.

 

Les pommes de terre ne peuvent être récoltées que pour le besoin personnel du demandant et de sa famille.

 

Pour la population le commandant s'en occupera.

 

Les enfants des écoles sont chargés d'aller glaner pour les besoins respectifs du fermier. Plus tard la kommandantur donnera un permis aux personnes afin de pouvoir glaner elle aussi.

 

Les possesseurs de poules et de lapins doivent chercher de la nourriture pour leurs bêtes pendant l'hiver au bord des fossés. La kommandantur mettra aussi un terrain à leur disposition.

 

Toute contravention sera punie d'une amende de 1000 marks ou de 3 mois de prison pouvant s'élever jusqu'à 60,000 marks ou 2 ans de prison.

 

Dimanche 6 août 1916

 

Dans notre paroisse les enfants ont fait leur communion solennelle le jeudi 3 août.

Passage de plusieurs aéroplanes allemands.

 

Chaque jour les gendarmes allemands arrêtent une quantité de personnes entr'autres la veuve joyeuse et M. Boidin, étant en retard après l'heure, d'autres à cause qu'ils arrachent des épis sur le bord des routes.

 

Lundi 7 août 1916

 

Grande chaleur. Arrivée de chère Yvonne (sa sœur) pour 2 mois.

 

Mardi 8 août 1916

 

Passage d'une vingtaine d'aéroplanes allemands survolant notre ville et se dirigeant de côté et d'autres. La vie coûte cher à Tourcoing, Roubaix, Lille, les légumes sont à prix exorbitant : 1 Fr pour un chou, point de nouvelles pommes de terre, en un mot grande cherté.

 

Mercredi 9 août 1916

 

Grand brouillard. Passage d'aéroplanes français. Les allemands tirèrent mais sans en atteindre aucun. Quand tout à coup du côté du Mont on vit s'élever dans le ciel une épaisse fumée noire. On apprit enfin que c'était la grange de M. D'Halluin Duprez, contenant 6000 kg de seigle qui était incendiée, alors cet incendie fut occasionné par des enfants nous dit-on.

 

Vers 8 h du soir un petit incendie éclata également à la gare de marchandises d'Halluin occasionné par de la poudre ;

 

 

 

Jeudi 10 août 1916

 

Le commandant fait afficher sur les murs de la ville une grande affiche rouge disant :

 

Avis – aujourd'hui la grande de la ferme d'Halluin Duprez fut détruire par un incendie, causé par des enfants. On va déduire le grain brûlé de l'alimentation pour la ville.

 

Les écoles devront reprendre de suite leurs cours de 8h à 18h à l'exception des professeurs et des enfants qui glanent.

 

Je défends de fumer et de porter des allumettes. Pour toutes les personnes jusqu’à 17 ans, en autre les enfants jusqu'à 16 ans y compris, ne peuvent sortir de leur maison qu'accompagnés de leurs parents ou de leurs substituts légitimes, et sont obligés de rester dans leurs maisons après 7h le soir.

 

Les parents ou les substitués légitimes sont responsables pour les contraventions de leurs enfants et seront punis pour chaque cas particulier avec peine de prison jusqu'à 3 mois.

 

Qui hors des chemins officiels sera rencontré dans une distance moins de 50 mètres près d'une meule de grains de paille ou de foin sera puni.

 

Qui provoque des incendies à dessein sera fusillé.

 

Signé Matschnez – Oberlieutnant

 

 

Vendredi 11 août 1916

 

Vente de lard : 300 gr par personne au prix de 1,50 Fr.

 

Samedi 12 août 1916

 

Chaque jour des enfants des deux sexes doivent aller glaner escortés de soldats allemands et de leurs professeurs. Loe soir le commandant passe pour vérifier l'ouvrage.

 

Dimanche 13 août 1916

 

Dans la nuit de samedi à dimanche nous vîmes de lourdes automobiles chargées d'attirails de guerre se dirigeant vers Lille.

 

Ce matin nous entendons le bruit incessant du canon.

Une affiche bleue avertie les habitants que des escadrilles d'avions anglais et français lancent des bombes incendiaires pour détruire les moissons qui servent à l'alimentation. La moisson brûlée sera déduite sur la nourriture des habitants de la ville.

 

L'ennemi endommage donc ses propres compatriotes.

 

Comme toute la récolte appartient à la ville sauf celle de l'avoine et du foin à l'autorité militaire allemande.

 

Je permets à toute personne d’éteindre des incendies car ces accidents peuvent arriver à chaque instant.

 

Quiconque n'éteindra point sera puni selon les lois de la guerre.

 

Toute personne sera punie qui provoque des incendies ou qui intrigue à quelque embrasement.

 

 

Du 11 au 19 août 1916

 

Semaine inchangée. Nous n'avons aperçu ces jours derniers aucun aéroplane français. Grande avance des russes nous dit-on.

Toutes les cartes d'identité doivent porter la signature du maire de la ville.

Voici maintenant comment chaque habitant est ravitaillé par le comité hispano-américain du nord de la France.

 

Les denrées sont distribuées pour 15 jours, toutes les portions sont de 0,25 Fr sauf la chicorée qui est de 0,60 le kg, le sel de 0,10 Fr, 270 gr d'haricots, 765 gr de riz, 220 gr de café, 450 gr de céréaline, 275 gr de sucre, lait non sucré 1,10 Fr la boite, fromage 100 gr pour 0,50 Fr. Distribution de saindoux tous les quinze jours 0,50 FR pour 210 gr, farine de maïs 200 gr. De temps en temps distribution de lard, pommes de terre, huile à manger. La ration de pain est de 1,750 gr, lentilles 310 gr, savon 250 gr, riz 1145 gr, pois 270 gr, portion de lard 330 gr.

 

Dimanche 20 août 1916

 

Belle journée ; Vers les dix heures du matin, une escadrille d'avions français survolent notre ville. Les canons tonnent avec fracas car l'on tira pendant un quart d'heure au moins, mais sans en atteindre aucun.

Tous les métaux de cuivre, d'acier, de plomb, d'étain etc sont réquisitionnés par l'autorité allemande, même les ustensiles de ménage comme chaudrons, chandelier, etc.

 

Lundi 21 août 1916

 

Belle journée. Les infirmiers de la croix rouge sont venus chercher à la petite ambulance rue de la Procession un soldat gravement malade, il était étendu sur une civière, ils le mirent dans leur auto, puis prirent la direction de l'hôpital du Mont.

 

Mardi 22 août 1916

 

Allées et venues continuelles de chariots de paille, de foin, d'arbres, etc, en un mot nous sommes dans une vraie ville de garnison. Un capitaine allemand avoue que la guerre durera encore 1 an.

 

Mercredi 23 et jeudi 24 août 1916

 

Journées de pluies. Aucun fait important à signaler sauf que chaque jour il y a un grand nombre d'arrestations presque toujours pour des bagatelles. Il est absolument défendu d’apercevoir à l'extérieur une légère lumière.

 

Vendredi 25 et samedi 26 août 1916

 

Journées sombres. Nous entendons ces jours-ci des bruits de canon.

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville pour annoncer que :

 

1- toutes les affaires d'équipement des soldats doivent être remises rue du Moulin dans la cour de la kommandantur, tels que toile imperméable, gamelle, bottines, paillasse, retenus soit pour une affaire ou une autre et toute cela jusqu'au 31 août 1916.

À l’avenir quand les militaires logeront dans les quartiers et laisseront certaines affaires par rapport à l'équipement il faut de suite les remettre à la kommandantur. Passé ce délai les gendarmes iront perquisitionner et s'ils trouvent quelque chose, les personnes seront sévèrement punies.

 

2- par ordre de la kommandantur tous les laissez-passer, certificats, permis, en un mot toutes les pièces portant le cachet de la kommandantur doivent pêtre remises au bureau des laissez-passer jusqu'au 1er septembre 1916 et l'exception des cartes d'identité.

Si après cette date fixée, les laissez-passer ne sont pas remis on sera puni d'une amende de 1.000 marks ou de 3 mois de prison ;

Les laissez-passer doivent être rendus le lendemain après leur expiration. De plus aucun nouveau laissez-passer sera encore donné pendant la durée de la guerre ;

 

3- Un officier d'un sous-marin anglais fut fusillé à cause d'avoir renversé un torpilleur allemand.

 

4- le commandant donne congé aux enfants le jeudi à condition que les enfants soient accompagnés de leurs parents. On ne peut plus rien servir aux militaires sans l'autorisation de la kommandantur.

 

Dimanche 27 août 1916

 

Il pleut.

 

Avis aux commerçants :

 

L'union après avoir fait plusieurs démarches a enfin obtenu de la kommandantur la permission de se rendre à Roubaix, Tourcoing, pour achat de mercerie, épicerie, chaussures, quincaillerie.

L'union se charge de prendre des colis pour expédier à Roubaix, Tourcoing, mais les colis seront ouverts pour éviter la fraude. Un grand nombre de condamnations à 5 ans de prison furent imposés aux habitants et fermiers de Courtrai et environ pour n'avoir pas remis leurs armes.

 

Lundi 28 août 1916

 

Le bruit circule en ville que la Roumanie a déclaré la guerre à l'Autriche, l'Italie à l'Allemagne, l'Allemagne à la Roumanie et la Bulgarie à la Roumanie.

 

Mardi 29 août 1916 et 30 août 1916

 

Journées pluvieuses, le 30 ce fut une véritable tempête ;

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville, les voici :

 

La culture des plantes oléagineuses est défendue, le lin ainsi que les autres plantes etc, la graine qui restera après avoir été battue servira de semence, pour l'année prochaine. Les personnes qui ont récolté des pommes de terre epuvent tenir 300 gr par tête, pour toute la durée des pommes de terre.

 

Jeudi 31 août 1916

 

Dans la nuit de mercredi à jeudi nous entendons le canon gronder de toutes ses forces.

 

Vendredi 1er septembre 1916

 

Grand passage de troupes, convoi de munitions et de chariots de vivre. Changement de commandant.

 

Joseph Delattre avant de partir à Tourcoing fut fouillé et étant porteur de plusieurs lettres fut arrêté et condamné à 30 jours de prison ainsi que les personnes qui lui avaient remis des lettres.

 

Le commandant n’autorise plus l'enlèvement de pommes aux cultivateurs, il donnera seulement un permis aux personnes ayant petites jardins donc encore une distribution puis fini, nous en serons privé jusqu'au mois d’octobre.

 

Vente de saindoux.

 

 

 

 

 

Samedi 2 septembre 1916

 

Cette nuit l'on vit sur toute la ligne une immense ligne de feu d'où l'on entendait gronder le canon et les éclaires qui illuminaient toutes nos chambres de derrière. Au petit jour des autos passèrent à une allure vertigineuse. Passage de chasseurs à pied se dirigeant vers Lille.

 

Dimanche 3 septembre 1916

 

Journées d'aéroplanes. Vers 11h 16 aéroplanes français ou alliés se groupèrent pour jeter des bombes sur l'hôpital du mont. Étant allées à la ferme nous entendîmes non loin de nous des balles tombées,nous vîmes de la fumée d'aéroplane, des nôtres furent atteints croit-on. En revenant nous aperçûmes dans notre grenier qu'une panne fut cassée par un morceau de fer. Verts 2h 7 aéroplanes alliés survolèrent encore notre ville, mais cette fois-ci occasionnent un petit accident : une femme se trouvant à la porte de son habitation eut une blessure à la jambe.

 

Passage d'une trentaine de chevaux et voitures de vivres.

 

Lundi 4 septembre 1916

 

Arrivée du commandant major Shulenberger et de sa division. Ils sont casernés où logeait l'ancienne kommandantur.

 

Les laissez-passer se délivrent par un guichet. Un grand nombre d'arrestations eurent lieu parce que des personnes voyageaient avec des pommes de terre mais pour 84 jours au lieu de 42 jours. Au lieu de 25 cellules il s’en trouve à présent une cinquantaine. Le commandant se montre sévère en arrivant.

 

Mercredi 6 septembre 1916

 

Belle journée. Vers 4h du soir 6 aéroplanes français survolent notre ville ; Les allemands comme de coutume tirèrent sans discontinuer sans en atteindre aucun, mais des Shrapnels (du nom de son inventeur Henry Shrapnel, est le nom désignant l'« obus à balles », depuis la Première Guerre mondiale. Le terme « shrapnel » a souvent été utilisé, de manière abusive, pour désigner des petits fragments projetés par une explosion, quelle que soit leur origine), allemands n'éclatant point dans l'air viennent éclater sur terre et occasionnent des dégâts. C'est ainsi qu'au café de la mairie un shrapnel tomba dans la cour, brisant la cuisinière, cassant les cadres et des débris de shrapnels furent projetés encore plus loin croit-on car dans l'église le confessionnal de M. Baert fut abîmé.

 

Jeudi 7 septembre 1916

 

Vers onze heures une escadrille d'avions français ou alliés survolent encore de nouveau notre ville, ils sèment la frayeur maintenant car une bombe tomba dans le puits d'une habitation de la rue Magenta, elle occasionna de grands dégâts.

 

Dans toute la rue chaque maison eut des vitres brisées, des tuiles enlevées, une maison est même entièrement démolie il ne reste que les murs, dans une autre le plafond des chambres du haut est tombé, les vitres brisées, c'est navrant.

 

Dans la rue de la Paneterie un shrapnel tomba sur une maison d’ouvriers et détruisit deux plafonds et des meubles.

 

A 1h30 un aéroplane allié vote encore aussitôt les allemands tirent, à 2h30 l'on entend le sifflement des obus, tout le monde rentre chez soi, personne ne se trouve plus dans la rue et l'on dit ensuite que ce shrapnel est tombé près de l'église des baraques.

 

A l'hôpital du mont, les allemands ont arboré plusieurs drapeaux de la croix rouge sans doute pour préserver cet établissement de ces fâcheux accidents qui arrivèrent ces jours derniers.

 

Vendredi 8 septembre 1916

 

Jour de la nativité, les pèlerins ne peuvent plus se rendre comme à l’ordinaire à Dadizèle c'est pourquoi Mr le Doyen nous dit qu'il faut redoubler nos prières.

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville, les voici :

 

1- 4 habitants de Vervicq furent mordus par un chien enragé, par conséquent tous les chines errants rencontrés dans la rue qui ne seront pas muselés ou tenus en laisse seront immédiatement tués de même pour tout chat errant. Les propriétaires de ces animaux seront punis d'une amende de 1,000 marks ou de 3 mois de prison.

 

2- je défends  à toute personne de traverser les champs cultivés ou non, pâtures, bois et de détériorer les légumes et les récoltes sous peine d'être arrêtés et emprisonnés à la kommandantur.

 

3- Il est expressément défendu d’imprimer ou de vendre des livres et de dire des injures contre l'armée allemande sous peine de 5 ans de prison.

 

4- Échange d'or contre la monnaie allemande ou bons communaux.

 

5- tous les livres doivent être déclarés au militarisme exil à Gand.

 

Samedi 9 septembre 1916

 

Passage d'aéroplanes allemands, arrivée d'artilleurs et de caissons de munitions ainsi que d'un grand nombre de chevaux.

 

Les allemands avouent que du côté de la Somme, ils sont perdus, d'ici quelques jours il est probable qu'une grande bataille se livre entre Ypres et Armentières.

 

Dimanche 10 septembre 1916

 

Journée sombre. L'église est retenue pour les allemands de 9 à 10h30.

 

Allées et venues continuelles de soldats en ballade. Le commandant Shulenberger défend aux enfants de faire monter des cerf-volants. Ce sont les parents qui seront punis personnellement pour leurs enfants.

 

Mercredi 13 septembre 1916

 

Passage d'aéroplanes français. Une partie du 23ème régiment est allé à Audenarde. Un officier en quartier chez Melle Cruffaux réquisitionne la chambre àù il logeait. M. Vellin officier de la kommandantur visite les maisons des quartiers des officiers pour prendre la laine contenue dans les matelas, il ouvre le matelas, le pèse et inscrit le poids sur une liste, tout cela en ne parlant presque pas.

 

Jeudi 14 septembre 1916

 

Nous entendons dans le lointain le grondement du canon. 5 anglais dont 2 gravement blessés se trouvent à l’ambulance du cercle catholique où ils ont été faits prisonniers près de Vervicq.

 

On se bat très fort à Armentières parait-il. Les alliés ont fait sauter une mine de charbon à Lens sur une très grande longueur, il y eut beaucoup de dégâts.

 

 

 

 

Vendredi 15 septembre 1916

 

Vente de saindoux. Le commandant défend aux cultivateurs de louer des parcelles de terre ou de terrain aux habitants.

Le service des enfants et des écoles est maintenue.

 

Les docteurs allemands de l'ambulance iront visiter les habitants malades de 4 à 5 heures du soir et les rues, trottoirs et fils d'eau doivent proprement tenus.

 

Samedi 16 septembre 1916

 

Voilà les dernières belles journées d'été, le vent est froid. Les gendarmes circulent journellement parcourant les champs, visitant les brouettes, chariots voitures. La Chine, dit-on, vient de déclarer la guerre au Japon. (?)

 

Dimanche 17 septembre 1916

 

Aucun fait saillant, si ce n'est que l'on nous raconte qu'il y eut un petit incident hier après midi à la salle de distribution du pain de la rue des Écoles : une ménagère qui habite la cour de la gendarmerie n'eut pas de pain parce qu'elle injuria M. Louget distributeur de ravitaillement. Dereuze le gérant de la maison du peuple s'occupa de cette affaire et cette femme fut remis en liberté.

 

A Tourcoing une tasse de lait coûte 0,15 Fr. Le manque de charbon se fait sentir, on le remplace ar le bois.

 

Du lundi 18 au 24 septembre 1916

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville :

 

1 Revue d'appel, tous les hommes nés en 1864 jusqu'en 1899 doivent se rendre à l'appel chaque dimanche à 10 h précises, les uns dans la cour Levecque, les autres Place St Martin et Place Verte.

Ils doivent se rendre 5 mn avant l'heure pour prendre leur place, tenir leur carte d'identité en main, laquelle sera numérotée. Ils ne peuvent ni cracher, ni parler, ni fumer, ni quitter leur place

 

2 Toutes les pièces de vélos et de bicyclettes sont saisies par la kommandantur. Ces mêmes pièces sont à vendre par la dite kommandantur. Les personnes qui désirent circuler en vélos doivent en faire la demande par une formule.

 

3 Recrutement d'ouvriers. La kommandantur recherche des ouvriers en bois, fer, des électriciens, en un mot des hommes de tous métiers et des femmes comme blanchisseuse.

Les hommes sont payés 4 Fr par jour, les apprentis, les ouvriers 2 Fr et seront employés dans la zone des opérations.

Contre remise 1/3 de leur salaire, ils peuvent avoir de la farine, de la viande et autres denrées alimentaires comme prix intègre de l’autorité militaire.

Les ouvriers ne se présentant pas en quantité suffisante, la ville devra en fournir.

 

4 La kommandantur est acheteuse de marrons au prix de 11 marks les 100 Kg et des glands 14 marks.

 

5 La rentrée des écoles et le service dans les rues est maintenue comme l'affiche du 9 août. Toute la semaine il se fait des distributions de pommes de terre, 9 kg par tête au prix de 0,15 Fr.

Les allemands vont prendre dans les magasins 75 sur toutes les marchandises.

On nous dit que vendredi dernier un général allemand, commandant la place de Comines s'est suicidé.

Le commandant d'Halluin met son nez à tout ce qui se passe. Le canon s'est fait entendre très for samedi.

Lundi 27 septembre 1916

 

Cette nuit l'on entendit de grands coups de feu vers onze heures ou minuit, l'on apprit le lendemain matin que c'était de jeunes recrues faisant l'exercice à la grenade.

 

Mardi 28 septembre 1916

 

Les alliés ont gagné la ville de Combes, 38.000 prisonniers et un grand nombre de canon furent pris.

 

Mercredi 29 septembre 1916

 

Un grand nombre d'affiches sont posées sur les murs de la ville :

 

1 il est strictement défendu de marcher sur un champ si on n'est pas le propriétaire à l'exception des ouvriers, si cet ordre n'est pas observé les habitants du centre ne pourront plus se rendre dans la banlieue.

 

2 les habitants ne peuvent circuler que de 6 heures du matin à 9 heures du soir. A partir du 31 septembre 1916 les horloges doivent être retardées d'une heure. Quand il s'agit d'heures c'est toujours de l'heure allemande qu'il s’agit.

 

3 la kommandantur tolère d'abattre une bête chaque semaine et de vendre la viande à 3 Fr la livre pour viande à bouillir et 4 Fr rôtir.

 

4 Prochainement un train d'évacués partira pour la Suisse, donc les femmes, enfants, vieillards et malades peuvent se faire inscrire, puis l'on tirera au sort le nom des personnes qui pourront se rendre en Suisse.

 

5 deux belges furent fusillés pour avoir fait passer des hommes et des lettres moyennant caution de l'autre côté des lignes

 

jeudi et vendredi 30 septembre 1916

 

Distribution de 18 kg de pommes de terre par tête. Vente de farine blanche pour les malades et de phosphate par enfants et personnes âgées à raison de 0,40 Fr et 0,55 Fr le kg.

 

Samedi 31 septembre 1916

 

Belle journée. Les allemands posent des fils télégraphiques de tous côtés, à tous les cins de rue. Ils indiquent en grande lettre les directions : Roncq, Neuville, Menin, Bousbecque.

Yvonne (sa sœur) a obtenu son laissez-passer sans difficultés.

 

Dimanche 1er octobre 1916

 

Changement de troupes. Les allemands réquisitionnent tous les moteurs et machines diverses.

 

Lundi 2 octobre 1916

 

Arrêt dans la vente des pommes de terre, les allemands y ont mis un arrêt momentané. Il n'arrive plus de vivres au dépôt de l'Emaillerie. Les allemands font des obus à l'usine Hottelaert.

 

Mardi 3 octobre 1916

 

La nuit de lundi à mardi nous entendîmes deux grands coups de feu vers minuit. Ce mardi matin dès cinq heures nous entendons tonner le canon avec fracas du côté de Pérenchies, on entend aussi parfaitement le bruit des mitrailleuses.

Mercredi 4 octobre 1916

 

Le canon se fait de nouveau entendre jour et nuit. Des bruits courent que les habitants de la ville de Pérenchies doivent évacuer sur Roubaix-Tourcoing.

 

Jeudi 5 et vendredi 6 octobre 1916

 

Arrivée d'artilleurs uhlans pour un repos de 3, 4 jours. Notre ancien commandant Grabant Ablert et deux gendarmes sont tués du côté de la Somme.

 

Samedi 7 octobre 1916

 

Deux téléphonistes allemands trouvant notre palissade pas très droite, ôtèrent quelques planches et l’arrangèrent. Un certain nombre de bottines américaines sont arrivées et réservées aux enfants.

 

Dimanche 8 octobre 1916

 

Journée calme. La vente des pommes de terre est reprise. Bruit incessant de canon.

 

Mercredi 11 octobre 1916

 

Dans la nuit le canon se fit entendre très fort à certaines reprises, c'est une avance des alliés nous dit-on. Les alliés vont bientôt reprendre la ville de Bapaume.

 

Jeudi 12 octobre 1916

 

La semaine dernière plusieurs obus d'aéroplanes sont tombés sur Lille rue Esquermoise et les environs. Des dégâts matériels eurent lieu ainsi qu'un grand nombre de blessés. Au bruit du canon les habitants de Lille se réfugient dans leurs caves.

 

Vendredi 13 octobre 1916

 

Aujourd'hui arrestation d'un grand nombre de fraudeurs. Les maisons Deprort-Dewaily-Betonzet-Declerc, furent fouillées à la recherche de l'or et des tissus, les allemands en trouvèrent beaucoup nous dit-on.

 

Samedi 14 octobre 1916

 

Une affiche se trouve posée sur les murs de la ville avertissant que tous les moteurs, dynamos, etc, doivent être déclarés, et il faut dire si les machines se trouvent en magasin ou non. Les punitions s'éleveront à 10 marks d'amende ou 6 mois de prison.

 

Dimanche 15 octobre 1916

 

Il pleut. Beaucoup d'artilleurs sont arrivés en ville, ils sont casernés ainsi que leurs chevaux à l'usine Sion et dans les différents quartiers.

 

Lundi 16 octobre 1916

 

Les artilleurs arrivés samedi dernier font chaque jour l'exercice de tir dans la pâture de M. Delobel.

 

Mardi 17, mercredi 18 octobre 1916

 

Passage continuel de canons, caissons de munitions se dirigeant sur Menin.

 

 

Jeudi 19, vendredi 20 octobre 1916

 

Gelée blanche. Quelques aéroplanes alliés survolent notre ville, les allemands tirèrent mais sans en atteindre aucun.

 

Samedi 21 octobre 1916

 

Les ouvriers de métier qui ont du se rendre à l'usine Lepoutre jeudi dernier, il résulte de tout ces ouvriers ont fait preuve d'un grand patriotisme. Les allemands étaient contents de payer la journée 10 Fr aucun n'acceptèrent.

 

 

                                                       

(l'usine lepoutre en ruine après la guerre – à la recherche du passé d'Halluin.net)

 

 

 

 

Un soldat allemand s'est noyé à l'aide d'une pierre au cou.

 

Dimanche 22 octobre 1916

 

Départ d'artilleurs. On distribue encore 9 kg de pommes de terre par tête. Vente de sindoux et sabots gratis.

 

Du lundi 23 octobre au dimanche 29 octobre 1916

 

Semaine inchangeante dans les opérations de guerre, sauf qu'un certain nombre d'hommes des différents corps de métier furent pris pour travailler avec des allemands.

Il paraît que nous pris un fort et fait prisonnier 35.000 prisonniers.

 

Un ministre d'Autriche fut assassiné par trois coups de révolver. (le Premier ministre Karl von Stürgkh est assassiné le 21 octobre 1916 par Friedrich Adler, fils du leader social-démocrate et proche ami d'Albert Einstein. Note du transcripteur).

 

Un certain nombre de fantassins et 35 mitrailleuses sont arrivés à Menin.

 

Lundi 30 octobre 1916

 

Les hommes qui ont été prix la semaine dernière doivent travailler à Tourcoing.

Les notables de Lille, Roubaix, Tourcoing ont été envoyés en Allemagne à cause d'un accord avait été conclu en janvier entre les gouvernements allemand et français au sujet du rapatriement des prisonniers  civils internés en France et en Allemagne.

 

D'après cet accord toutes les femmes et jeunes filles allemandes internées en France ainsi que les hommes au-dessous de 17 ans et au-dessus de 55 ans, et les hommes de 17 à 55 ans inaptes au service militaire, devaient être libérés et rapatriés à moins qu'ils ne furent poursuivis de crimes ou délits de droit commun.

Le gouvernement français n'a pas rempli ses engagements en ce sens, qu'il a refusé à un certain nombre d'allemands et tout particulièrement à des Alsaciens-Lorrains, qui d'après l'accord devaient être relâchés, entre autres à des femmes et des enfants, de les laisser partir et cela sans donner de motif.

 

Les protestations élevées du côté allemand étant restées sans succès, le gouvernement allemand s'est décidé à agir par représailles en choisissant d'abord 200 habitants français hommes et femmes appartenant à de bonnes familles du territoire occupé pour les faire conduire en Allemagne où ils resteront jusqu'à ce que les allemands retenus au mépris de l'accord, seront rentrés en Allemagne.

 

(A Holzminden, déportation de civils des territoires occupés.
A leur arrivée en Alsace en 1914, les troupes françaises ont emmené les fonctionnaires impériaux en poste dans les villes sous contrôle de l’armée française ainsi que leur famille. Ceux-ci ont été internés dans des camps en France et en Algérie.

De longues tractations ont commencé entre la France et l’Allemagne pour régler leur sort. Afin de faire céder le gouvernement français, les Allemands décident en novembre 1916 de déporter 300 civils du Nord. Ces otages – hommes et femmes – sont choisis dans les mêmes catégories socioprofessionnelles que les Allemands emprisonnés. Parmi eux se trouvent de grands industriels (Prouvost, Pollet, Motte, Masurel, Tiberghien…), des élus, des juristes, des avocats, des médecins… Un début d’accord ayant été signé entre les gouvernements français et allemand, ces premiers otages sont rapatriés en avril 1917 après six mois d’une détention relativement clémente.

Comme les négociations franco-allemandes piétinent, les Allemands procèdent à une deuxième déportation massive (600 personnes) en janvier 1918. Cette fois, seules les femmes sont internées à Holzminden. Les hommes sont déportés en Lituanie dans les camps de Jewie, Milejgany et Roon, dans des conditions bien plus dures : vingt-six d'entre eux y trouvent la mort.

 

 

(Camp de Holzminden – archives départementales du Nord)

 

 Note du transcripteur)

 

Mardi 31 octobre 1916

 

Grande bourrasque, vent de Toussaint, les feuilles des arbres tombent.

 

Mercredi 1er novembre 1916

 

Jour de Toussaint, belle journée. Grande assistance aux offices religieux. La tombe du petit zouave, mort au champ d'honneur était admirablement ornée aussi beaucoup de monde, visite aux tombes.

 

Samedi 4 novembre 1916

 

On nous annonce de nouvelles troupes. Un grand nombre d'habitations ont leur porte inscrite pour loger des soldats. Notre commandant se trouve sur le point de départ.

 

Dimanche 5 novembre 1916

 

Grand vent, c'est l'automne.

 

Mardi 7 novembre 1916

Arrivée d'un général et de son corps d'armée. Le général et les officiers sont logés chez Mme Ch. Lemaitre.

 

 

 

 

Mercredi 8 novembre 1916

 

Notre ville regorge de fantassins. Un officier est venu visites nos chambres en nous laissant dans l'inquiétude d’avoir des soldats à loger.

 

Jeudi 9 novembre 1916

 

Arrivée de deux trains de fantassins, de hussards et d'artilleurs.

 

Vendredi 10 novembre 1916

 

Notre commandant est parti en congé en Allemagne. Sa colonne doit partir pour une autre destination.

 

Dimanche 12 novembre 1916

 

Allées et venues  continuelles de soldats en ballade, Halluin regorge d'une multitude de soldats.

 

Lundi 13 novembre 1916

 

Départ de tous les fantassins qui se trouvent dans la ville d'Halluin.

 

Jeudi 16 novembre 1916

 

Arrivée du commandant Sammer et de sa division.

 

Vendredi 17 novembre 1916

 

Dans la nuit de jeudi à vendredi un aéroplane allié jeta 4 bombes sur Menin, Courtrai, sur des champs d'aviation dit-on.

 

Samedi 18 novembre 1916

 

Journée d'hiver. Arrivée de fantassins, ils sont logés à l'usine Sion. Les soldats de la nouvelle kommandantur parlent correctement le français.

 

Dimanche 19 novembre 1916

 

Nous entendons dans le lointain le sourd grandement du canon.

 

Du lundi 20 au lundi 27 novembre 1916

 

Cette semaine il nous est arrivé par le moyen d'aéroplanes de nombreux petits journaux du pays de France intitulés : « la voix du pays ». Ces journaux portent les dates des 17, 18 et 19 novembre, ils contenaient les discours de MM Poincaré et Briand concernant la décoration de la ville de Verdun et les victoires de la Somme.

 

Lundi 27 novembre 1916

 

Les allemands sont de nouveau mis une affiche sur les murs de la ville pour appeler des hommes, voici l'affiche :

 

Mercredi prochain tous les hommes de 17 à 50 ans doivent se rendre sur la place St Martin et Plaine Levecque. Jeudi, tous les jeunes gens de 15 à 17 ans qui ne fréquentent plus l'école doivent se rendre sur la Place Verte.

 

 

Mardi 28 novembre 1916

 

Albert Leduc et Jean Hus ont passé en jugement. Leduc a été condamné à 100 marks et 1 mois de prison, Hus à 500 marks et 3 mois de prison.

 

Mercredi 29 novembre 1916

 

Les hommes se sont rendus à l'appel, 560 ont été pris, beaucoup vont demander un certificat aux médecins pour tâcher de se faire réformer.

 

Jeudi 30 novembre 1916

 

Le canon tonne de moins en moins, par contre beaucoup de blessés arrivent en automobile au cercle catholique où on les pansent à la va-vite et ils sont ensuite transportés à Lille, Roubaix et Tourcoing.

 

Vendredi 1er décembre 1916

 

On dit que ceux qui ont été pris doivent se rendre à 10 heures sur la place Verte avec leurs bagages, mais vers 9h ½ il y eut contre ordre on ne sait donc pas, quand ils doivent se rendre.

 

Samedi 2 décembre 1916

 

Nouvelle affiche à la mairie, on ne peut sortie de 5h30 jusque 7h du soir.

On demande un jeune homme de 15 ans pour la librairie allemande. Il manque de tout en Allemagne,  même un soldat pour l'imprimerie.

 

Dimanche 3 décembre 1916

 

Une grande affiche rouge est posée sur les murs dee la ville concernant la suppression générale des biens publics :

Tout homme pris pour travailler doit se rendre au travail désigné et en cas d'accident toute personne doit porter secours à une autre. Quiconque ne travaillera pas on empêchera le travail sera puni d'une amende de 10.000 marks ou de 3 mois de prison. Grand quartier général allemand.

 

Mardi 5 et mercredi 6 décembre 1916

 

Journées sombres, 5 personnes de 80 ans moururent en 8 jours de temps, ce sont Alfred Lepers, M. M. Delesalle, le receveur de douane, Mme Beylmans Wallard, Mme Lalle.

 

Jeudi 7 décembre 1916

 

Cette journée fut signalée par les chants des ouvriers patriotes neuvillois amenés à Halluin, comme ne voulant pas travailler. Ils furent enfermés à l'usine Verhaeghe, nourris au pain et à l'eau.

 

Vendredi 8 décembre 1916

 

Une affiche bleue paraît pour avertir les hommes qui furent pris lors du dernier appel qu'ils devaient se rendre samedi à 7h sur la place Verte par ordre de classes.

 

Les cartes seront vérifiées par un gendarme allemand et un sergent de ville.

 

Tous ces ouvriers prendront le matin le tram qui les conduiront à Vervicq, d'où ils reviendront le soir à 5h (heure allemande). Ils doivent prendre le repas pour la journée.

 

 

Dimanche 10 décembre 1916

 

Aujourd'hui l'on entend dire en ville que les ouvriers de la veille ont dû se rendre à Vervicq pour travailler aux tranchées et mettre des fils barbelés. Un grand nombre ne voulurent pas travailler avant d'avoir un billet de garantie du maire et de l'adjoint serviable après la guerre.

Un nommé Jonchere, de la rue de Linselles, se mit à la tête de ses camarades et disant que ceux qui travailleraient étaient des lâches, qu'il fallait mieux mourir pour la défense de sa patrie que par le déshonneur. Cet individu fut condamné pour toute la durée de la guerre à travailler au service des allemands. Il est en prison.

 

Lundi 11 novembre 1916

 

Les gendarmes allemands vont  chercher les ouvriers chez eux pour les forcer à travailler. Certains en passant chantent la Marseillaise et ont le sac au dos renfermant du linge et des vivres. Ils sont tous enfermés à la kommandantur.

Durant toute la journée les gendarmes circulent en ville pour interdire le rassemblement des personnes vis à vis de l'usine P. Lemaître.

 

(LEMAITRE DEMEESTERE est une entreprise textile d'Halluin (Nord de la France). Elle fut fondée par Édouard Lemaitre-Demeestere en 1835 (Maire d'Halluin). 

A cette époque la construction d'usine est rare, l'entreprise ne comptabilise que quelques métiers à tisser dans de petites maisons prévues à cet effet. De nouvelles maisons sont construites dans les quartiers du Christ-Dal, des cités Saint-Pierre et Saint-Paul et de la Pannerie pour pallier au développement de l'entreprise. Ce développent rapide est majoritairement la conséquence de la création du chemin de fer. Ceci permet les échanges commerciaux et la machine à vapeur vient soulager le travail humain dans le fonctionnement des métiers. A partir de là on construit de grandes usines où l'on installe des métiers en fonte animés par des machines à vapeur puis électriques. Cette augmentation du nombre de métiers et de leur vitesse de fonctionnement permet de multiplier la production par 10.

Lemaitre-Demeestere achète les bâtiments d'un ancien moulin à huile et à grains situé dans la Rue du Moulin (actuel emplacement du Foyer-Logement du val de Lys, rue de la Libération à Halluin). Les métiers à tisser achetés viennent d'Angleterre et permettent de réaliser des matières très fines en lin. Cette production nécessite un personnel très qualifié : des femmes au bobinage et au canetage, des hommes comme ourdisseurs, emballeurs ou tisserands, des piquières et des ourleuses pour finir le travail à la main.

Les entreprises Lemaitre-Demeestere gagnent de nombreuses récompenses lors d'expositions universelles ou internationales, ce qui est mentionné sur les en-têtes des anciennes factures. Lemaitre-Demeestere est un leader incontesté de la profession à cette époque.

Les fils Paul et Joseph Lemaitre se joignent à leur père en 1910. Des maisons de vente sont crées à Lille et à Paris. Une activité de tissage d'ameublement s'ajoute à la production. Cela entraîne l'acquisition et l'agrandissement d'un tissage de jute au 216, Rue de la Lys (actuel siège de l'entreprise). Cette usine devient opérationnelle en 1912. Les salles sont tellement grandes qu'elles permettent de mettre une centaine de métiers à tisser sur le même niveau.

En 1910 la ville d'Halluin subit d'importantes grèves au cours desquels les portes de Lemaitre-Demeestere sont forcés.

M. Paul Lemaitre-Boutry (appelé « Monsieur Paul ») prend ensuite la direction de la société et gère les deux usines avec 3 directeurs.

Durant la guerre de 1914-1918, l'usine de la Rue du Moulin est réquisitionnée par les armées allemandes et transformées en Kommandantur et en prison pour civil. Celles de la Rue de la Lys est pillée. Après la signature de l'armistice, la remise en état nécessite de longs mois. La première usine à redémarrer la production est celle de la rue de la Lys, à la fin de l'année 1919. 

Cependant la reprise n'est pas facile : les clients de la France libre achètent plutôt à la concurrence étrangère. Lemaitre-Demeestere utilise alors le coton peigné et cardé dans la fabrication du linge de maison et c'est un succès. La baisse des prix, tout en maintenant la qualité et l'augmentation de la production (grâce aux métiers à tisser Anglais Atterton) leur permet de reprendre une place prépondérante dans le domaine.

En 1926 apparaît une crise économique avec des périodes de chômage partiel et total.

En 1929 d'autres grèves éclatent et durent 7 mois. L'usine de la Rue du Moulin fonctionne avec des ouvriers flamands qui logent et mangent dans l'usine pendant la durée de la grève. A la fin du conflit, la reprise est difficile à cause de la crise mondiale.

Pour le centenaire de l'entreprise, les premiers métiers à tisser automatiques apparaissent et le tisserand doit alors surveiller 16 métiers.

Des exportations importantes de linge se font vers l'Argentine et les États Unis. Le travail en équipe des deux huit est décidé et accepté par le personnel. On entre dans un cycle stable où les parents prennent les enfants en apprentissage et où on continue la tradition familiale. 

Dès 1936 les usines textiles travaillent pour l'intendance militaire et confectionnent des uniformes. La concentration du matériel se fait rue de la Lys.

Durant l'occupation de la Seconde Guerre Mondiale, l'usine de le Rue de la Lys continue de travailler en partie pour la France et en partie pour l'armée allemande, mais l'approvisionnement en matières premières est instable. Cette situation dure jusqu'en 1946.

La période de l'après guerre se caractérise par une reprise importante de l'activité et de l'exportation. En 1951 des difficultés entraînent la vente de l'usine de la Rue du Moulin aux entreprises Rover qui y fabriqueront des machines à laver.

M. Segard entre dans le capital,la reprise total de l'usine par les entreprises Segard est effective en 1953. De nouvelles activités fleurissent : linge de table imprimé, tissu d'ameublement fantaisie, tissu mural en métis de lin... Certains produits floqués (notamment la « Peau d'Halluin ») font la réputation mondiale de l'entreprise avec des exportations vers les USA, le Japon, Hong-Kong et l'Europe.

 

Donc en 1953,LEMAITRE DEMEESTERE devient la propriété de la famille Segard et concentre son offre sur les marchés de l'uniforme, de l'habillement et du coutils matelas.

En 1993, Xavier SEGARD prend la succession de son père dans un contexte  économique difficile.Il repositionne complètement l'entreprise pour en faire l'un des spécialistes européens de tissus en fibres naturelles destinés à l'ameublement et à la décoration.

Depuis septembre 2008, Olivier DUCATILLION dirige l'entreprise et a pour objectif d'exporter son savoir-faire en Europe et aux Etats-unis. 

LEMAITRE DEMEESTERE est aujourd'hui l'une des plus anciennes entreprises textiles de France.Elle est devenue une référence dans l'industrie des tissus d'ameublement en associant savoir-faire, réactivité et compétitivité.)

 

 
 

A la mairie on trouve une affiche interdisant à la population de ne plus de chez soi à partir de 5h, tout contrevenant sera sévèrement puni.

 

Mardi 12 novembre 1916

 

Beaucoup d'ouvriers se sont cachés pour ne point se rendre à l'appel, si ces ouvriers ne sont point rendus de 9h à 12h à la kommandantur, les parents seront punis et leurs peines augmenteront chaque jour et la ville sera sévèrement punie.

Les fermiers qui ont livré des pommes de terre à la ville doivent donner à la mairie leurs bons de livraison.

 

Mercredi 13 novembre 1916

 

Tous les ouvriers d'Halluin sont conduits à Bousbecque et ceux de Bousbecque à Halluin. Ils sont mal traités, doivent coucher sou la dire et les allemands les forcent à travailler dans une prairie remplis d'eau.

Un ouvrier neuvillois refusant de travailler fut tué d'un coup de crosse.

 

Jeudi 14 novembre 1916

 

Des femmes d'Halluin partirent au nombre de 50 sur le chemin de Bousbecque pour porter des vivres à leurs marie, frères. A la porte de la ville se trouvait une sentinelle qui leur permit de passer. Etant entré dans l'usine de papeterie, les allemands refermèrent la porte, les tinrent prisonnières et les conduisirent à la kommandantur d'Halluin où elles passèrent la nuit et où elles furent relâchées à 8h du matin.

 

Vendredi 15 novembre 1916

 

Les fermiers de la ville auront en échange de leurs bons de livraison des bons communaux.

Les allemands empêchent les habitants de Comines d'évacuer.

Les officiers placent des feux dans leur chambre de quartier.

Le canon s'est fait entendre un peu.

 

Samedi 16 novembre 1916

 

Les allemands ont pendu parait-il 40.000 hommes en Roumanie.(?)

La librairie allemande affichait aujourd'hui que d'après les succès remportés par eux, on parlait d'une proposition de paix.

Les cloches sonnèrent à Comines, Vervicq, Tourcoing, Roubaix, Lille pour la prise de Bucarest.

(À la fin octobre 1916, l'armée roumaine fut repoussée de Transylvanie par les troupes austro-hongroises et allemandes. L'Autriche-Hongrie, qui avait dû demander l'aide de l'Allemagne, vit sa position vis-à-vis de celle-ci considérablement affaiblie. À la fin de 1916, Bucarest fut prise, et le gouvernement dut fuir à Iași, en Moldavie. La Valachie passa sous le contrôle des Empires centraux. La Roumanie perdit 100 000 hommes au cours de la Première Guerre mondiale, mais obtint finalement la Transylvanie, la Bucovine et la Bessarabie au traité de Trianon (1920).)

 

Un gendarme allemand est venu fouiller la cave et le grenier étant à la recherche de vin.

24 maisons aux environs du petit bureau de douane, ainsi que dans la rue de la Montagne, sont forcées d'évacuer par l'autorité militaire allemande, ils doivent habiter dans des maisons désignées par la kommandantur ; On parle même de 100 maisons. La cause exacte, on l'ignore mais on croit que c'est à cause de la fraude.

 

Dimanche 17 novembre 1916

 

Toutes les personnes possédant du vin doivent le déclarer à la kommandantur, la gendarmerie fera des recherches.

 

Les habitants de la ville d'Halluin doivent suffire à leur provision de pommes de terre. Il est défendu de se rendre du côté de la belle fontaine-nouveau monde chemin d'eau quand les barrières sont fermées et que le drapeau rouge flotte au mont, c'est pour l'exercice des jeunes recrues.

Allée et venue continuelle de soldats en ballade.

La punition continue toujours.

 

 

Lundi 18 novembre 1916

 

Les ouvriers obligés forcément de travailler ont pris le travail, c'est pourquoi il leur sera permis de rentrer dans leur famille pour la nouvelle année.

 

Mardi 19 décembre 1916

 

De nombreux sapins furent coupés par les allemands pour fêter Noël. Beaucoup de soldats passent ayant des petits paquets de friandises sous les bras, reçus d'Allemagne sans doute leurs cadeaux de fête.

 

Nous apprenons avec plaisir le grand avancement des troupes françaises seules, sans le concours des Anglais, au front de Verdun.

 

Samedi 23 décembre 1916

 

Grande bourrasque et malgré ce vent impétueux 600 fantassins sont partis cette nuit pour les tranchées où les réclament le canon d'alarme.

 

Dimanche 24 décembre 1916

 

L'église est retenue toute l'après-midi aux allemands pour fêter leur Noël.

 

 

 

 

 

 

11ème cahier

 

 

Lundi 25 décembre 1916

 

La messe de minuit fut célébrée à 5h30 cette année et les vêpres solennelles à 2h30, il y eut sermon par le révérend père Gauden, des pères franciscains.

 

Jeudi 28 décembre 1916

 

Les allemands n'ont point fêté Noël aussi bruyamment que les années précédentes. Dans la soirée et la nuit du mercredi à jeudi des gendarmes de Comines firent des visites domiciliaires dans tous les estaminets de notre ville, ils étaient à la recherche dit-on d'individus qui avaient tué deux soldats allemands. Lorsqu'ils arrivèrent dans une habitation la première chose qu'ils faisaient c'était de demander les cartes d'identité, aussi un grand nombre de personnes furent pincées parce qu'elles se trouvaient dans les maisons voisines.

 

Vendredi 29 décembre 1916

 

Distribution d'oignons au comité d'alimentation, distribution de 215 gr de lard gratis comme cadeau de nouvel an.

 

Samedi 30 décembre 1916

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville, voici ce qu'elles contiennent :

Tous les hommes âgés de plus de 35 ans ne doivent plus se rendre à l'appel.

Réclamation pour le renouvellement des cartes de pain, 6 au lieu de 7.

L'imprimerie de M. Lesage peut seule imprimer pour la ville.

 

 

 

 

 

 

Dimanche 31 décembre 1916

 

Journée sombre. L'abbé Lemaitre est revenu de Tourcoing passer ses vacances. Sur chaque porte d'habitation à l'intérieur, sera mis une carte portant le nom des personnes se trouvant dans la maison.

 

Lundi 1er janvier 1917

 

Voilà le premier jour de l'année 1917, espérant qu'elle sera l'année de paix, de victoire, de triomphe, de bonheur, des au revoir.

 

A l'aurore de cette année nouvelle on nous annonce que le général Joffre vient d'être nommé Maréchal de France. Cette dignité est très ancienne chez nous, elle remonte au règne de Philippe Auguste (1180-1223), Cette dignité fut supprimée en 1790, puis elle fut rétablie par Napoléon 1er et le dernier maréchal fut Canrobert (?) décédé en 1895. Il est probable que c'est parce que le Général Joffre remportera sous peu la victoire finale en libérant tout notre territoire envahi.

 

Ce 1er janvier on nous annonce aussi le décès de Mgr Lobledez, évêque d'Arras, par sa belle conduite depuis les hostilités, il avait reçu la décoration de la croix de guerre.

 

Le président Wilson s'offre comme intermédiaire pour l'échange des conditions de paix. Il dit que tous les belligérants se trouvent comme dans une impasse et que le seul moyen d'en sortir est d’échanger des propositions de paix, mais il est à craindre que l'Amérique est à deux doigts de la guerre, vue que le ministre des affaires étrangères américain vient de réunir les représentants de la presse et leur tient ce langage : la démarche américaine est imposée par la conviction que les États-Unis seraient entraînés dans la guerre. Ils ont supporté de graves atteintes de divers belligérants. Mais jusqu'ici ils ont pu néanmoins garder la paix, tandis qu'à présent cela ne serait pas possible si le drame continuait.

 

Mardi 2 au jeudi 4 janvier 1917

 

Plusieurs affiches sont posées en ville :

 

Les ouvriers réquisitionnés pour le travail doivent présenter au caporal leur n° d'appel chaque jour en prenant le tram.

Voir Notes § 4.

L'appel des hommes aura lieu les dimanches à 10h sur la place Verte et place St Martin.

La kommandantur demande des ouvriers belges volontaires pour la culture en Allemagne.

Il est défendu de voir de la lumière le soir, les vitres doivent être recouvertes d'étoffe.

Le conseil municipal s'est réuni pour envoyer un secours de 10 Fr aux indigents prisonniers en Allemagne.

 

Vendredi 5 janvier 1917

 

Distribution de pain gratis du 15 au 27 et de moitié sucre et biscuit.

Mort de M. D'Halluin fermier et ses deux fils tués à la guerre.

 

 

Samedi 6 janvier 1917

 

Les jeunes fantassins de notre ville font chaque jour d'exercice, d'autres exercent des chiens pour les tranchées.

 

 

 

 

 

 

Dimanche 7 janvier 1917

 

Belle journée. Les allemands ont mille canons de différents calibres par dizaine de kilomètres et l’artillerie française et anglaise est deux ou trois plus forte. Dans le Nord de la France les alliés doivent reprendre 2.300 communes occupées par lea allemands. Les tranchées françaises et anglaises sont un enchevêtrement, une espèce de fouillis inexprimable de lignes d'intersection se reliant avec une fantaisie inimaginable.

 

Aux environs de Bapaume, il pleut nuit et jour des obus qui éclatent sur le sol, creusant des entonnoirs et couvrent les alentours de fer et d'acier. La terre est remuée sur toute la ligne d'éclats d'obus, de masses de fil de fer, débris d'armes, véhicules le tout ininterrompu du canon est comme un roulement de tambour, discontinu et seulement interrompu par des coups plus puissants de l'artillerie la plus lourde et cela se poursuit ainsi jour et nuit.

 

Dans les maisons l'ébranlement et la résonance des vitres par suite du feu de l'artillerie ne cesse pas un instant. De temps à autre la canonnade est encore plus forte, c'est quand une attaque se livre mais jamais elle ne cesse.

 

Les aéroplanes peuvent atteindre une hauteur de 5.300 mètres et une vitesse de 200 km/h. Le pilote et l'observateur se parlent par un porte-voix. Ils ne peuvent échanger des signes, tellement la pression d'air est forte derrière l'hélice, elle risquerait de désarticuler le poignet si on levait la main pour faire un signe.

 

Lundi 8 janvier 1917

 

Vent froid. Toute la récolte de blé, d'avoine et de seigle de la ville, est battue chez M. Delobel par l'autorité militaire.

 

Les allemands réquisitionnent 60 vaches, enlèvent des grandes glaces chez les particuliers, font brûler des couettes de chicorée pour envoyer en Allemagne. Nous sommes obligés cacher nos belles glaces.

 

Mardi 9 janvier 1917

 

On lit dans la gazette des Ardennes de ce jour (journal de propagande allemande en français) :

Ordre du jour impérial

A mon armée et ma marine

D'un commun accord avec les souverains qui sont nos alliés, j'avais proposé à nos ennemis d'entamer au plus tôt des négociations de paix.

Les ennemis ont décliné ma proposition, leur soif de puissance veut anéantir l'Allemagne.

La guerre continue donc.

Devant dieu et les hommes, les gouvernements ennemis porteront la lourde responsabilité de nouveaux et terribles sacrifices que ma volonté a voulu vous épargner.

Justement indignés de la criminelle arrogance des ennemis et décidés à défendre nos biens les plus sacrés et à garantir à la patrie un heureux avenir, vous deviendrez d'acier.

Nos ennemis ont repoussé l'explication que je leur avais offerte. Avec l'aide de dieu nos armes la leur imposeront.

Grand quartier général le 5 janvier 1917

Wilhelm.J.R

 

Mercredi 10 janvier 1917

 

Un grand nombre de personnes qui faisaient la fraude furent arrêtés. M. Vincent Sion, Dervaux, D'Halluin, Ilers, tous sont tenus à la kommandantur pour un bon moment.

 

 

 

Jeudi 11 janvier 1917

 

Les allemands distribuent de l'avoine aux fermiers.

 

Vendredi 12 janvier 1917

 

Les hommes âgés de 45 ans doivent retourner à l'appel dimanche prochain, une carte d'appel leur sera distribuée.

 

Samedi 13 janvier 1917

 

Les personnes désireuses d'évacuer pour se rendre en France non occupée par la Suisse, doivent se faire inscrire à la mairie. Il en est de même pour les enfants de 6 à 14 ans que les parents veulent envoyer en Hollande.

 

Dimanche 14 janvier 1917

 

Verglas, grand brouillard. Il paraît que prochainement une grande offensive se livrera de La Bassée à Ostende.

 

Les Allemands font faire des tranchées du côté de Comines, Vervicq et de Bousbecque.

Arrivée de soldats dans notre ville.

 

 

Du Mardi 16 janvier 1917 au samedi 20 janvier 1917

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville :

1- Les personnes qui désirent évacuer par la Suisse doivent passer une visite médicale, rue de la Procession n° 4. Les paquets de 30 Kg doivent être remis à la kommandantur 3 jours avant le départ. Il n'est permis d'emporter aucune carte ni lettre, photographie, laissez-passer, certificat de travail ou autre. Ils seront renvoyés au destinataire et celui-là sera exclu du voyage.

 

2- Les hommes qui vont à l'appel doivent être exacts à 10 h

3- se mettent à leur rang et ne plus bouger

4- ne peuvent ni cracher, ni rire, ni parler, ni tenir aucune conversation

5- obéir aux gendarmes, soldats, agents de police

6- préparer le n° d'appel et carte d'identité s’ils ne veulent pas se rendre au camp des prisonniers à Bousbecque.

 
 

(Des Halluinois requis par les allemands, refusèrent de travailler.

Ils furent considérés comme prisonniers et placés dans un camp

à Bousbecque)
 

 

Dimanche 21 janvier 1917

 

Gelées, temps froid. Visite domiciliaire à Menin pour le cuivre. Toutes les vaches sauf une dans chaque ferme ont été conduites lundi dernier à Bousbecque. Dans toutes les communes environnantes il en est de même.

 

Lundi 22 janvier 1917

 

C'est l'hiver il gèle assez fortement, le thermomètre marque 11° en dessous de zéro.

Les dernières vaches se trouvant dans les fermes doivent être conduites demain mardi à 10h à l'abattoir pour les peser et les mettre ensuite comme suit :

20 vaches à la ferme d'Halluin, Duprez

Les 20 autres chez M. Jules Acquette

Les 20 autres chez M. Lescroat

Tout contrevenant sera sévèrement puni.

 

Mardi 23 janvier 1917

 

Il est affiché en ville qu'un service de lait aura lieu à la mairie :

1- pour les vieillards de 65 ans

2- enfants de 0 à 18 mois

3- personnes alitées ne s'alimentant qu'avec du lait naturel.

Les personnes auront le droit à 1 demi-litre par jour à raison de 0,50 Fr le litre, une carte dite de lait leur sera distribuée.

 

Mercredi 24 janvier 1917

 

Il gèle toujours de plus en plus, l'eau se trouvant dans les appartements est gelée, vent froid, triste et long hiver.

 

Jeudi 25 janvier 1917

 

Temps sec permettant aux grands oiseaux de l'air de reprendre leur vol.

 

Dans la matinée 6 aéroplanes alliés parcourent de côté et d'autre, les aéroplanes allemands vont à leur poursuite, les mitrailleuses et les canons retentissent, un aéroplane français est atteint, panne au moteur, l'aéroplane était à 100 m de terre lorsque des jeunes recrues allemandes tirèrent de nouveau sur le pilote observateur qui voulait sauter en bas de son appareil. Il est blessé très gravement à la tête et à la cuisse, l'autre aviateur est mort. De même les deux aviateurs anglais tombés au hameau du Pellegrin hier vers midi.

 

Vendredi 26 janvier 1917

 

Vente de bœuf salé à raison de 555 gr environ par tête, au prix de 2 Fr le kg et de comprimé de bouillon. Le prix du pain sera augmenté à partir du 29 janvier à raison de 0,60 Fr le Kg pour la farine de froment et 0,45 Fr celle de seigle. Nouvelle carte de pain.

 

Samedi 27 janvier 1917

 

Nous entendons ces jours-ci les ronflements des moteurs alliés. Un aéroplane anglais fut brûlé et tomba entre la ferme Lescroat et Tyberthien, les deux aviateurs étaient broyés.

 

 

 

 

Dimanche 28 janvier 1917

 

Vent froid, le thermomètre parque -15 degrés. Départ de fantassins pour Vervicq. M. Vincent Sion est relâché. Mort de M. Paul Hus, à l'hôpital de Lille. (voir notes § 5)

 

Les colliers et chaînes des vaches, bidons et mesures de lait, doivent être remis à la kommandantur.

On se demandait ce matin dimanche en se rendant à la messe, pourquoi des bannières flottaient aux balcons et fenêtres de certaines habitations particulières où logent actuellement des officiers supérieurs.

On nous répondit que c'était à cause de l'anniversaire de l'empereur roi Guillaume, lé le 27 janvier. Donc c'est pour le troisième déjà depuis la déclaration de guerre que les fils de l'Allemagne fêtent cet anniversaire malgré que la bataille fait rage.

 

Lundi 29 janvier 1917

 

Évacuations des bêtes bovines de Comines et Vervicq sur Halluin et Neuville. Toutes ces vaches et ces porcs ont été conduits par leur propriétaire et sont maintenant à l'usine Verlindère rue de la Lys. Les fermes de notre ville sont prêtes à recevoir d'autres bestiaux.

Il en sera de même dit-on des personnes de ces dernières villes qui devront également évacuer leurs demeures.

Les habitants de Warneton sont déjà évacués.

 

Mardi 30 janvier 1917

 

Chute de 4 aéroplanes, 2 alliés et 2 allemands. Ces aéroplanes sont tombés sur la route de Menin à Dadizeele, les aéroplanes brûlèrent et les aviateurs français et belges furent tués ainsi que les aviateurs allemands.

 

Mercredi 31 janvier 1917

 

Un officier de la kommandantur visite les caves pour s'assurer du nombre de soldats à y mettre, en cas de bombardement. Notre cave est marquée pour y contenir 16 soldats.

La Lys est gelée, de bons patineurs patinent d'Halluin à Comines, mais recueillent des amendes de 20 marks.

 

Jeudi 1er février 1917

 

Changement de jour et des heures pour le bureau de l'alimentation. Vente de saindoux 1 Fr par personne et de crème de riz 0,50 Fr par personne.

 

Le 1er février 1917 la guerre sous-marine vient d'entrer dans une phase nouvelle. L'Angleterre vient de proclamer le blocus de la baie allemande de la mer du Nord, c’est-à-dire d'une zone qui s'étend de la  Hollande au Danemark. Le gouverneur allemand de son coté a déclaré le blocus sous-marin des cotes anglaises, françaises et italiennes. On combat donc pour la liberté des mers. La guerre sous-marine entre ainsi dans une phase nouvelle.

 

Vendredi 2 février 1917

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville pour avertir que :

 

1- tous les arbres de la ville qui ont 0,80 m de diamètre doivent être déclarés et de dire s'ils peuvent être abattus ou s'ils sont coupés.

2- les fermiers doivent dire leurs provisions de blé, de seigle, d'avoine et d'orge non battus à la kommandantur.

3- les ouvriers non occupés par l'autorité allemande ainsi que les femmes peuvent se faire inscrite à la mairie pour le matériel des vaches.

4- les ouvriers réquisitionnés pur le travail à Bousbecque seront payés à raison de 0,35 Fr par jour.

Samedi 3 février 1917

 

Vente de charbon pour la boulangerie et 100 kg par ménage,  grande pénurie de charbon en ville.

 

Dimanche 4 février 1917

 

Le thermomètre marque 15 degrés en dessous de zéro, le froid est très vif.

 

Les allemands posent une voie ferrée conduisant à la place Verte pour y conduire des arbres en dépôt avant deles faire scier en planches de différentes grosseurs.

 

Les fantassins sont partis pur les tranchées de Hautem (Hautem-Sainte-Marguerite (Sint-Margriete-Houtem en néerlandais) est une section de la ville belge de Tirlemont située en Région flamande dans la province du Brabant flamand.)

 

Melle Elisa Berghmans est conduite à Lille pour raison de santé.

 

La haine des évacués n'aura point lieu maintenant à cause d'un conflit avec la Suisse.

 

Sur les laissez-passer de Menin la sentinelle inscrit à présent les heures de l'allée et du retour lorsque l'on passe.

 

 

Lundi 5 février 1917

 

Rupture diplomatique entre l'Amérique et les puissances centrales ; Le président Wilson vient de déclarer que l'ambassadeur allemand  comte Bernstorff (Le comte Johann Heinrich von Bernstorff (14 novembre 1862, à Londres — 6 octobre 1939, à Genève) était un diplomate allemand)  a reçu un passeport et que l'ambassadeur américain à Berlin a été rappelé, que vont dire les pacifistes qui espéraient que l'intervention du président Wilson finirait par amener la paix alors cependant que les États-Unis étaient les fournisseurs d'armes de l'entente.

On voit à présent que cette guerre approche de la fin et que cette nouvelle phase sera décisive pour tous les belligérants.

 

 

 

 

 

On nous dit que la maréchal allemand Von Hindenburg est revenu commander en Flandre.

(Paul Ludwig Hans Anton von Beneckendorff und von Hindenburg, dit Paul von Hindenburg, né le 2 octobre 1847 à Posen (aujourd'hui en Pologne) et décédé le au manoir de Neudeck en Prusse-Occidentale1, fut un militaire, nommé maréchal, et homme d'État allemand qui a joué, du fait de son prestige et de sa longévité, un rôle important dans l'histoire allemande. Après une longue carrière militaire au cours de laquelle il participe, notamment, à la bataille de Sadowa puis à la Guerre franco-prussienne de 1870, Hindenburg occupe la scène militaire et politique allemande de 1914 jusqu'à sa mort. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il est sollicité par l'Empereur Guillaume II. Vainqueur à la bataille de Tannenberg, Hindenburg est nommé chef de l'état-major de l'Armée impériale allemande deux ans plus tard. Il le restera jusqu'à la fin du conflit, prenant en main les rênes du pays avec le général Ludendorff sous la forme d'une dictature militaire.)

 

 

Mardi 6 février 1917

 

Visite complète des maisons.

 

Mercredi 7 février 1917

 

Dans l'après-dîner deux officiers viennent chez nous pour hébergeur leur ordonnance et leurs chevaux pour quatre heures. Ils venaient de Menin et étaient très découragés de la durée de la guerre.

A Lille cinq officiers furent tués par de simples soldats, mais ces soldats ne se sont pas arrêtés à cause de la multitude des personnes qui se trouvaient au théâtre.

Les officiers touchent 310 marks par mois, les simples soldats ont 10 marks par semaine et les ordonnances ont 12 à 15 marks par mois de leurs officiers.

 

Jeudi 8 février 1917

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville :

 

1- l'acier rapide doit être déclaré à la kommandantur

2- les véhicules et voitures de tous genres doivent être conduits à la kommandantur

3- les cabaretiers ne peuvent plus servir à boire aux militaires, de même dans les cabarets allemands aucun civil ne peut entrer sous peine d'espionnage.

4- les ouvriers réquisitionnés pour le séchage des pommes de terre chez Vandenychele doivent se représenter

5- beaucoup de civils reçoivent des billets bleus pour se présenter au travail boche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 10 février 1917

 

Voici la ravitaillement du comité d'alimentation du Nord de la France pour 15 jours et par tête :

 

(Extrait du cahier)

 

Dimanche 11 février 1917

 

Le dégel commence. Durant cette semaine 4 avions allemands sont tombés par nos braves aviateurs aux environs de Roubaix, Tourcoing.

 

Lundi 12 février 1917

 

Forte gelée. Grand tumulte en ville, on lance des bruits à faire pleurer tous les braves gens. La kommandantur et la mairie recherche les coupables.

 

Mardi 13 février 1917

 

La ration de pain est diminuée de 1 kg par semaine et par personne au lieu de 3;500 kg elle est maintenant de 2,500 kg. Cette épreuve doit être supportée courageusement par la population et est probablement momentanée.

 

Que de misères allons-nous passer et on réserve pour jeudi une nouvelle affiche :

- lundi-mardi : 750 gr pain gris

- mercredi-jeudi 750 gr pain blanc

- vendredi-samedi 1 kg pain gris

 

Mercredi 14 février 1917

 

Les écoles sont fermées à cause du manque de charbon.

A Roncq on trouve une affiche comme quoi quand les cloches sonneront, les habitants devront se réfugier chez eux, fermer leurs volets et laisser les portes ouvertes pendant la nuit.

 

 

Jeudi 15 février 1917

 

Toutes les cartes d'identité doivent correspondre exactement avec les feuilles de recensement. Toutes les feuilles de maison doivent porter le sceau de la kommandantur. Il en est rien résulté du babil des gens.

 

Vendredi 16 et samedi 17 février 1917

 

La gelée est terminée. Au comité américain les rations ne sont plus marquées.

Affiche pour la phosphatine et le lait :

le lait naturel ne sera distribué qu'aux enfants de 0 à 2 ans et aux grands malades atteints de maladies graves et aux vieillards au dessus de 70 ans, le lait en boite aux ménages.

 

Dimanche 18 février 1917

 

Tous les jeunes officiers recrues sont partis au front, la guerre ne cesse de durer.

 

Lundi 19 février 1917

 

A Tourcoing nous dit-on toutes les grandes écoles sont réservées pour des ambulances. On vend actuellement la viande de mouton de 4 à 10 Francs le kg et le bœuf salé à 2 Fr le kg.

 

Mercredi 21 février 1917

 

Hier on vit à Menin des prisonniers anglais qui furent capturés près de Menin, il y avait 1 officier et 6 hommes, et au cours d'un combat aérien un appareil allemand fut détruit.

 

Jeudi 22 février 1917

 

Grande activité des deux artilleries. On entend parfois parler des soldats nettoyeurs, or on appelle ainsi des équipes spéciales chargées de nettoyer les tranchées ennemies enlevées par les troupes d'assaut. La besogne des nettoyeurs consiste à tirer à coup de grenades, de revolver ou de couteau les derniers survivants restés dans la tranchée conquise. Les nettoyeurs travaillant avec rigueur ne font pas des prisonniers, ils exterminent tout ce qui leur tombe sous la main, ci-joint deux couplets de la chanson des nettoyeurs :

 

 

Oh ! Lancez les fines grenades

Dans l'amas tremblant des feldgrau (soldat allemand de la première guerre mondiale)

Restez sourds à leurs Kamarades

En passant dans chaque boyau

 

Oh volupté du nettoyage

Qu'ignorent les vils embusqués

Nous goûtons son ragoût sauvage

Aux soirs de bons communiqués

 

(Des détachements réunissant des escouades de grenadiers, renforcés de quelques voltigeurs et de soldats du génie étaient constitués pour "nettoyer " les tranchées et permettre à la vague d'assaut de ne pas perdre un temps précieux à réduire, sur ses arrières, des îlots de résistances de faibles intensités ou à vérifier que les abris ennemis avaient été évacués.

Quand deux vagues d'assaut devaient se succéder à courte distance, les nettoyeurs étaient placés derrière la deuxième vague. Ils étaient, selon le règlement militaire en usage, prélevés sur les sections de renfort ou sur les compagnies ou bataillons de deuxième ligne et avaient suivi à cet effet, un entraînement spécial. - Note du transcripteur)

 

 

 

Vendredi 23 et samedi 24 février 1917

 

Avis important : les habitants sont prévenus que lorsqu'ils entendront 3 coups de sifflet à vapeur le jour ou la nuit,  ils devront se réfugier dans leurs caves et ouvrir les portes de leur habitation.

C'est en cas de prudence que nous agissons ainsi disent les allemands mais c'est en cas d'aéroplanes.

 

Dimanche 25 février 1917

 

Toutes les écoles sont fermées à cause du manque de combustible.

En France on recense les jeunes gens de 18 ans et ceux de 19 ans sont soumis à un entraînement rigoureux dans les camps d'instruction du front et même les vieux de 45 ans vivent continuellement sous le feu de l'ennemi et ils mènent une existence pleine de dangers et de fatigue.

 

Lundi 26 février 1917

 

Grand brouillard se dissipant dans la journée permettant ainsi aux grands oiseaux de l'air de reprendre leur vol. Il y eut des chutes d'aéroplanes.

En France l'on fait appel aux hommes de 16 à 61 ans pour la culture des champs.

 

Mardi 27 février 1917

 

La guerre mondiale coûte plusieurs millions par heure. Un grand nombre de sous-marins coulent chaque jour depuis la guerre sans restriction commencée dès le 1er février. Combien de vies humaines tombent chaque jour ?

 

Mercredi 28 février 1917

 

Depuis quelques temps l'officier de la kommandantur est très sage par rapport aux logements des officiers, mais il en est par de même des affiches placardées chaque jour sur notre palissage et notre commandant Von Sammer rappelle aux habitants de lire attentivement les affiches et de s'y conformer aux ordres sinon grande punition.

 

Jeudi 1er mars 1917

 

Le temps est malsain aussi les malades souffrent davantage, ils n'ont plus de médicaments. Le lait naturel est seul réservé aux grands malades. Le lait en boites et la phosphatine aux petits malades.

 

Vendredi 2 mars 1917

 

Vente de vinaigre gratuit à raison de 1 litre pour quatre personnes. Le pain change chaque jour de poids et de prix, les boulangers ont reçu un ordre formel de ne plus cuire pour les habitants et de ne plus vendre la levure, car ils sont sans levure depuis une semaine, ils cuisent leur pain avec du levain.

 

Samedi 3 mars 1917

 

Un grand nombre d'affiches sont placardées en ville, les voici ;

 

1- déclaration de cuivre, étain, ustensiles de cuisine, fer blanc etc, de gommes arabiques, de colle, de peaux de toutes espèces d'animaux tannés ou non

2- tous les professeurs doivent enseigner trois langue, le français, le flamand, l'allemand et doivent être diplômés de chacune de ces parties.

Tout cela vient de la 4ème étape mais ce sont point pour nous, ce sont les affiches du grand quartier général.

3- tous les coqs, poules, poulets, poulettes doivent être déclarés à la kommandantur pour le 4 mars.

La gendarmerie fera des recherches et imposera 25 marks par poule et la ville doit remettre la liste pour lundi soir.

4- les cartes d'identité doivent être recommencées car elles sont inexactes sans doute que du nouveau se prépare encore

 

Dimanche 4 mars 1917

 

Petite gelée blanche mais vers midi le soleil de mars nous réchauffe quelque peu.

Distribution d'avoine aux propriétaires de chevaux, 50 Kg d'avoine par mois et d'autres semences. Les allemands font une route de Vervicq à Linselles.

 

Lundi 5 mars 1917

 

La neige est tombée toute la matinée. Visite domiciliaire pour le métal, nous dit-on, 2 sous-officiers entrent, ils visitent toutes les places, ouvrent les armoires, en un mot ils sont très difficiles. Chez certaines personnes ils ont pris des pots d'étain, ils inscrivent tout sur leur carnet et ils remirent la liste à la kommandantur.

 

Mardi 6 mars 1917

 

Petite gelée blanche. 2 allemands munis d'un sac viennent chercher le cuivre réquisitionné la veille par leurs camarades.

 

Mercredi 7 mars 1917

 

Il fait un froid de loup. Affiches pour la chicorée et le tabac. Avancement de 20 km du coté de Bapaume et de 1 km de Verdun. Un grand nombre d'allemands furent faits prisonniers. On nous dit qu'à Tourcoing, dans les grands établissements, se trouvent des évacués de Bapaume. Un nouvel appel aura lieu nous dit-on. Notre ville fut visitée de maisons en maisons pour le cuivre.

 

 

Jeudi 8 mars 1917

 

La neige tombe en abondance. Les allemands ont fini de faire battre la récolte dans les fermes. Un grand nombre de ces ouvriers vont être employés pur la chicorée. Les fermiers eux-mêmes ne possèdent plus de grains. La ferme Tyberghien et l'usine Vandemychele et ferme Lefevre Emar sont réservés pour la laiterie allemande. Les fermiers possédant les vaches de la ville reçoivent 10 Fr par jour pour les signer.

 

Vendredi 9 mars 1917

 

Mauvaise nouvelle pour le ravitaillement hispano-américain, les sous-marins causent trop de dégats, les marchandises n'arrivent plus.

Du côté d'Hautem (Hautem-Saint-Liévin (ou Hauthem-Saint-Liévin, en néerlandais Sint-Lievens-Houtem) est une commune néerlandophone de Belgique sur le Molenbeek dans le Denderstreek située en Région flamande, dans la province de Flandre-Orientale) les allemands font de grandes tranchées et posent des canons. Commencement de la misère et de la famine.

 

Halluin prit heureusement quelques précautions, nous avons encore du sucre pour 1 semaine et du lait pour 1 mois ou deux. Vente de lard 1 Fr par personne.

 

Samedi 10 mars 1917

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs de la ville :

 

les propriétaires de volailles doivent porter à la mairie 1 œuf par poule et par semaine, inscrire leur nom sur l’œuf qui sera payé

 

Déclaration de chicorée et de tabac

 

Chaque jour 100 à 150 jeunes gens et hommes reçoivent des billets pour se rendre au travail à Vervicq ; au bout de 5 billets en 5 fois différentes ; ils doivent payer 25 marks et envoyés dans les Ardennes.

 

Dimanche 11 mars 1917

 

Un grand nombre de personnes furent arrêtées, certaines parce qu'ils tissaient, d'autres parce qu'ils brûlaient de la chicorée, tout cela provient des visites domiciliaires. Toutes ces personnes sont tenues à la kommandantur en attendant d'être condamnés. L'appel des hommes est vérifié par un civil et un allemand.

 

Lundi 12 mars 1917

 

La femme Vanhullebusche est conduite à la kommandantur par deux gendarmes, ils fouillent son habitation. Le soldat logeant chez elle est pris aussi, on nous dit que c'est à cause de la fraude des chicorées ;

 

Mardi 13 mars 1917

 

Relâchement de cette femme, mais  non du soldat. Un nommé Saver est déjà depuis un mois à la kommandantur, nul ne sait pour quelle cause. Cette kommandantur est très difficile pour les hommes.

 

Mercredi 14 mars 1917

 

Le canon ne se fait presque plus entendre. A Menin toutes les maisons possédant une cave assez grande ont un petit drapeau rouge.

 

Enterrement de 8 officiers, jamais nous a-t'on dit tant de couronnes furent offertes, de grands officiers venaient de tous côtés dire un dernier adieu à leurs camarades défunts.

 

Deux gendarmes défendaient la circulation vis-à-vis du cimetière, ces gendarmes ne sont point commodes.

 

Jeudi 15 mars 1917

 

Belle journée. Les personnes qui ont des grands malades auront 1 kg de farine blanche à raison de 0,75 Fr. Distribution gratuite de sabots et de chaussettes pour les chômeurs et vente de lait.

 

Vendredi 16 mars 1917

 

Départ pour Tourcoing de Melle Sopie Boivin, revenu le 21 février. M. Pierre Defretin subit à Lille une opération pour les yeux, sa dame l'accompagne.

 

La kommandantur permet plusieurs fois la semaine à un délégué d'Halluin de se rendre à Tourcoing. Vers 4 heures le soldat vis-à-vis de chez nous est revenu de prison et doit déloger de chez Vanhullebrusche ainsi que son camarade.

 

Samedi 17 mars 1917

 

Par une belle matinée de mars un grand nombre d'avions tant alliés qu'allemands survolent les rues. Les Français étaient au nombre de 11, les gros canons allemands tirèrent continuellement mais sans en atteindre aucun.

 

Les avions étaient sans doute venus voir les dégâts faits la veille à 9h du soir sur la route de Bousbecque, occasionnés par une bombe pour détruire des dépôts de munitions, mais il n'y eut aucun résultat.

Dimanche 18 mars 1917

 

D'une centaine d'officiers aspirants résidant dans notre ville l'année dernière, il n'en reste qu'une quinzaine. Les allemands réquisitionnent tous les calendriers chromos à l'usine Eblagon (atelier d'imprimerie et fabrique d'image,  rue Palestro) tous les garçonnets suivent derrière pour en voler.

 

Lundi 19 mars 1917

 

Plusieurs affiches sont posées sur les murs, les voici :

 

Un grand nombre de personnes omettent de rapporter le billet du logement quand l'officier est parti espérant d'en être sans pendant un moment.

Les personnes ayant des chambres disponibles ou des lits sont tenus de faire leur déclaration et de dire les billets de perte, lors de la prochaine visite domiciliaire toute infraction sera sévèrement punie.

 

Revue d'appel pour tous les hommes et nouvelle carte de contrôle. Les jeunes gens de 1900 qui ont 17 ans avant le 1er avril doivent se rendre; les autres devront aller quand ils auront atteint l'âge.

 

Mercredi 21 mars 1917

 

Ce jour est un jour de nouvelles pur le peuple français. De tous côtés l'on entend dire que nos braves français ont pris des villes et villages. De même de nos alliés. Il paraît que quand les allemands quittent un village ils emmènent tous les jeunes gens et jeunes filles. Dans un village ils n'ont point eu le temps.

 

Jeudi 22 mars 1917

 

Retraite pascale des jeunes filles. Chaque jour sermon à cinq heures par le révérend père Rémi des franciscains, c'est un très bon prédicateur. Avancement continuel des Français.

 

Vendredi 23 mars 1917

 

Distribution de sabots gratis aux garçonnets et fillettes. Farine blanche pour grands malades, phosphatine pour enfants de 6 à 10 ans. A Menin on nous dit que les habitants ont par tête et par semaine 0,15 Fr de café, 0,15 Fr d'haricots et 0,05 Fr de sucre et encore peu de choses. Pour le charbon il en est de même, tandis que dans notre ville distribution de 100 kg de charbon par ménage et par quinzaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 24 mars 1917

 

Petite gelée blanche. Enlèvement complet de la fabrique wallaert-lepers, coton, laine, fil, pièces de toiles etc

 

 

 
 
 

carte postale  vue aérienne montrant  l'usine wallaert

 

 

C'est inouï les lettres anonymes envoyées à la kommandantur, celle-ci poursuit les pistes et découvre, chaque jour de nouvelles arrestations ont lieu, il y a sans doute une police secrète civil allemand.

 

Dimanche 25 mars 1917

 

Belle journée. On nous annonce l'arrivée de 2000 cavaliers, on dit aussi que la kommandantur s'en ira sous peu, mais rien ne bouge certains disent qu'ils passeront tout l'été.

 

Lundi 26 mars 1917

 

Ouverture de la retraite pascale des dames. On nous dit qu'à Linselles et Comines, la kommandantur exigeait la liste des chômeurs, le maire ainsi que les fonctionnaires ne l'ayant point remis, fut emmené en Allemagne.

 

Mardi 27 mars 1917

 

Chaque jour les hommes et jeunes gens de notre ville reçoivent des billets bleus pour se rendre au travail. Les vieux de 60 ans sont employés à oter les fils de fer entourant les prairies et les terres du Mont et du Colbras.

 

Mercredi 2/8 mars 1917

 

Il pleut, le mois de mars est froid. Les fermes du Mont regorgent de soldats allemands et de chariots. Toutes les femmes et jeunes filles ayant inscrit la profession de couturière sur leur carte d'identité, doivent se rendre chaque jour au travail à l'usine Lemaitre pour la couture allemande, deux hommes coupeurs sont là aussi.

 

 

 

 

 

Jeudi 29 mars 1917

 

Grelons de mars. A l'usine Sion se trouvent les mêmes sentinelles depuis 5 mois. Un grand nombre dee fantassins sont revenus des tranchées munis de leurs nouveaux casques. Passage d'une dizaine de cavaliers.

 

Vendredi 30 mars 1917

 

Distribution de saindoux. Chaque matin passe une grande auto se dirigeant vers Lille chargée d'os d'animaux ou autres.

 

Samedi 31 mars 1917

 

Un grand nombre d'affiches sont posées sur les murs de la ville, les voici :

 

1- les laissez-passer accordés et leur prolongation seront remis à toute personne ayant versé au bureau : 40 Fr en or, 50 Fr en bilet de banque ou argent, 40 Fr en marks,

 

lors de leur expiration, la somme sera remise en billets de ville avec une remise de 26% sur l'or, 4% sur les marks et 10 % pour l'argent et billets de banque.

 

2- Il est absolument défendu d'enlever les plancards se trouvant sur les routes pour indiquer les tranchées.

 

3- Les jeunes gens de la classe 1900 doivent se rendre à l'appel le 1er avril, place St Martin à 9 heures.

 

4-Les habitations, fabriques ou constructions ne peuvent plus continuer de se bâtir.

 

Dimanche 1er avril 1917

 

Voici le discours que Sa Majesté l'Empereur Guillaume II  

 

 

 a adressé au Feldmaréchal Von Hindenburg,

 

 

chef de l'état-major de l'armée de campagne, l'ordre de cabinet que voici :

 

 

 

(Paul von Beneckendorff und von Hindenburg est né en Pologne à Poznan en 1847. Issu d'une lignée de militaires prussiens, il a une carrière classique de militaire (guerre austro-prussienne de 1866, guerre de 1870-71 en France...) jusqu'à sa retraite en 1911 au grade de général.

Appelé le 23 août 1914,il est responsable du front de Prusse-Orientale et remporte quelques victoires sur l'armée russe, ce qui lui vaut d'être promu au grade de feld-maréchal. En 1916, il devient le commandant en chef de l'armée allemande et est à l'origine de la construction d'une ligne défensive à l'Ouest.

En 1918, après l'échec de l'offensive allemande sur le front ouest, il incite le gouvernement à demander l'armistice.

Démobilisé en juillet 1919, il publie ses mémoires l'année suivante.

En 1925, il est élu président de la République puis réélu en 1932. Mais face à la montée du nazisme, il se résigne à nommer A. Hitler à la chancellerie allemande.

Il meurt le 2 août 1934, laissant son pouvoir au chancelier...)

 

Mon cher Feldmaréchal   

 

Les mouvements qui s’exécutent actuellement en France sont une mesure de la plus haute importance pour l'ensemble de la situation sur notre front occidental.

Avec un sage esprit de prévision, vous avez, d'accord avec votre conseiller éprouvé, le Général d'infanterie Ludendorff,

(Erich Ludendorff, né le 9 avril 1865 à Kruszewnia près de Posen en Prusse (aujourd'hui Poznań, en Pologne) et mort le 20 décembre 1937 à Tutzing en Bavière, est un militaire et homme politique allemand. Il est général en chef des armées allemandes (la Deutsches Heer) pendant la Première Guerre mondiale, de 1916 à 1918. Il soutient activement le mouvement national-socialiste dans ses débuts (années 1920), avant de s'opposer à Adolf Hitler, et de se détourner de la politique pour créer, avec sa femme, un mouvement néopaïen.)

 

pris cette décision importante, et vous avez ainsi fourni une nouvelle preuve de l'envergure de votre art stratégique, qui s'ajoute dignement à vos grands succès remportés dans l'Est.

 

Une nouvelle base pour la conduite de la guerre est ainsi créée. Mais la mise en action du vaste projet ne pouvait réussir qu'à condition que sa réalisation fut méditée et préparée systématiquement jusque dans ses moindres détails ; cette tâche a exigé de tous vos officiers d'état-major le plus complet dévouement et la plus grande tension de l'esprit.

 

Toutes les mesures exécutées jusqu'ici ont réussi sans accroc ni friction et d'est là une nouvelle page de gloire qui s'ajoute à l'activité de mon haut commandement.

 

Après avoir fait exprimer, par votre intermédiaire, aux troupes mon entière satisfaction de leur conduite, je tiens à vous dire aujourd'hui, à vous-même, en particulier au général d'infanterie Ludendorff et à tout vos collaborateurs, ma gratitude et ma satisfaction sans réserve et vous prie d'en donner connaissance à tous ceux qui y ont part.

 

Grand quartier général le 1er mars 1917

Votre roi très affectionné et reconnaissant

Wilhelm IR

 

(Frédéric Guillaume Victor Albert de Hohenzollern (en allemand : Friedrich Wilhelm Viktor Albrecht), né le 27 janvier 1859 à Berlin et mort le 4 juin 1941 à Doorn, aux Pays-Bas, est, de 1888 à son abdication en 1918, le troisième et dernier empereur allemand et le neuvième et dernier roi de Prusse.

Membre de la Maison de Hohenzollern, Guillaume II était le petit-fils de Guillaume Ier premier empereur allemand et le fils de Frédéric III, qui ne régna que 99 jours et à qui il succéda.

Sa mère, la Kaiserin Victoria dite impératrice Frédéric, était la fille de la reine Victoria Ire du Royaume-Uni et du prince consort Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Ses prénoms sont un hommage à son grand-oncle Frédéric-Guillaume IV de Prusse régnant lors de sa naissance et à ses grands-parents.)

 

Lundi 2 avril 1917

 

Ouverture de la retraite pascale des hommes. Arrivée d'un grand nombre de soldats à la Rouge Porte chez M. Cateau. Cette grande ferme contient actuellement beaucoup d'allemands aussi ces personnes ne peuvent plus occuper que deux places de leur maison, le reste est entièrement occupé par des officiers et des soldats allemands.

 

Mardi 3 avril 1917

 

Dès mon réveil j'aperçois sur les toits et la terre une couche de neige. Mais vers midi le soleil se montre et fait disparaître la légère couche de neige.

Dans la soirée vers 9h et demie du soir trois appels successifs de la sirène de l'usine Lemaître, où est installée la kommandantur, retentissent. Ces sifflets d'alarme sont un appel pour avertir les habitants de descendre dans leurs caves à cause des aéroplanes qui jettent des bombes. Nous entendîmes très distinctement le ronflement des moteurs des aéroplanes, ils jetèrent des bombes qui tombèrent sur une locomotive d'un trin militaire. Le coup a très bien réussi nous a-t'on dit, aussi eut-il un grand nombre de victimes.

 

Mercredi 4 avril 1917

 

Les harnais de chevaux doivent être déclarés à la kommandantur. Les personnes possédant des harnais doivent en faire la déclaration sinon grande punition.

Il est strictement défendu de consommer des pommes de terre à partir du 7 avril. Il faut en déclarer exactement le nombre.

 

Jeudi 5 avril 1917

 

Nouvelle affiche pour déclarer le nombre de sacs. Le soir sermon de la passion.

 

Vendredi 6 avril 1917

 

La distribution de pain du lundi de Pâques se fera le matin. Point d'autre distribution ce jour-là. Vente gratuite de bœuf salé comme cadeau de Pâques. Distribution de chaussures pour les personnes ne touchant ni du chômage, ni de l'allocation militaire.

 

Cette après-midi l'église est occupée par les allemands, donc point de chemin de croix comme chaque année le vendredi saint à trois heures.

 

Samedi 7 avril 1917

 

Les pommes de terre ne peuvent être vendues plus de 0,15 Fr/kg. Les marchands peuvent faire un bénéfice sur une très grande quantité.

 

La parcelle de terre ou terrain vendu, loué, ayant même fait des contrats, sont nuls. Les possesseurs de terrains doivent faire leur déclaration à la kommandantur.

Le prix d'un citron est de 0,50 Fr et celui d'une orange de 0,75 FR.

La commandature a permis d'abattre les vaches et elles seront vendues chez les différents bouchers dela ville à raison de 6 Fr/kg, 18 Fr pour le filet et aloyau.

 

Dimanche 8 avril 1917

 

Jour de Pâques, belle journée. Vers 8h du matin dans un ciel sans nuage, apparut une nuée d'aéroplanes alliés, peu de temps après des sinistres craquements se font entendre. Des bombes sont tombées sur le champ d'aviation de Reckem où deux soldats allemands furent tués et plusieurs civils tués et blessés. Le jeune Hottelaert est relâche de sa punition.

Lundi 9 avril 1917

 

Le mauvais temps ne permit point de se promener le lundi de Pâques.

 

Dans la matinée un aéroplane tomba au Mont près de la ferme Vannest par suite du manquement d'essence. Les deux aviateurs venaient d'Arras et étaient poursuivis par 8 avions alliés, en atterrissant la 1ère chose qu’ils désirèrent connaître fut de savoir dans quel pays ils se trouvaient. Vers 3 h de l'après-midi ils repartirent.

 

Mardi 10 avril 1917

 

On ne distribue plus de charbon et on nous dit que l'on n'en distribuera plus cr la bataille de la Somme étant terminée, c'est la bataille d'Arras qui commence, les anglais et les français manquant de charbon veulent à tout prix reprendre le pays houiller. C'est le commencement de la misère qui arrive, plus de charbon, plus de vitres, etc...

 

Mercredi 11 avril 1917

 

Passage d'aéroplanes alliés, les avions visaient toutes les gares se trouvant sur la ligne Lille, Roubaix, Tourcoing.

 

 

Jeudi 12 avril 1917

 

Un grand nombre d'affiches sont posées sur les murs de la ville, les voici :

 

1- on doit déclarer jusqu'au 14 avril soir à la mairie, machines à coudre, tonneaux, bascules, balances.

2- il faut faire sa déclaration exacte de pommes de terre en indiquant le terrain, l'emplacement le nombre de personnes, résidant la famille, la rue, le numéro, etc... et remettra la feuille à la mairie

3- les propriétaires de poules ne doivent plus porter d’œufs pour le moment.

4- afin d'éviter l'encombrement en cas de panique,  les enfants même accompagnés de leurs parents ne peuvent plus se rendre au pain ni au dépôt des denrées.

5- les allemands, au tournant de chaque rue ont inscrit l'emplacement des dépôts de munitions, d'approvisionnement.

 

Vendredi 13 avril 1917

 

Vente de saindoux. On distribuera des chaussettes pur les chômeurs. On nous dit que l'on aura du vin. Envoi de colis aux prisonniers. On vient d'apprendre la mort de M. Ernest Beylemans tombé au champ d'honneur. Un grand nombre de nouvelles sont arrivées par la Croix Rouge.

M; Victor Destailleurs curé à Frelinghem suivi de près sa mère au cimetière.

 

Samedi 14 avril 1917

 

Grand tumulte en ville causé par dénonciation de 3 allemands, dits alsaciens, exerçant le métier de cordonnier, dans la rue Frasez depuis 2 ans et demie.

 

Dimanche 15 avril 1917

 

Chaque jour les pitous font l'exercice sur la place verte et Levecque. M. Bollengier, vicaire de la paroisse St Hilaire est nommé à Roubaix, Ste Elisabeth.

Grand avancement des Français, on nous dit que près de Cambrai 49,000 hommes et 2 généraux furent faits prisonniers.

Les officiers allemands maltraitent leurs soldats munis de leur cravache ainsi qu'un difficile gendarme pour les civils.

Les ouvriers réquisitionnés par l'autorité allemande doivent partir se rendre chaque jour à 4 h du matin sur la place Verte pour prendre le tramway et reviennent à 4h du soir, ils reçoivent 4 Fr par semaine en signant et sont en danger pur recevoir les bombes.

 

     

 

La douane et le tram d'Armentières en 1907.

La diligence à impériale est soigneusement inspectée avant de rentrer en France.

En sens inverse, le tramway à vapeur vient de quitter la gare pour rejoindre

la rue de la Lys. La ligne Armentières-Halluin fut inaugurée en 1896 mais la

Grande Guerre allait détruire complétement la voie ferrée. Malgré une remise

en état, elle allait disparaitre avant la seconde guerre mondiale  
 

Ticket    

 

Dans une cave que les allemands construisent à Comines France, ils vont mettre 3 canons, l'un se dirigeant sur Ypres, l'autre sur … et ainsi de suite.

 

Lundi 16 avril 1917

 

De la dénonciation de ces 3 individus allemands il résulte que M. Plancq commissionnaire administrateur du chômage, Longez directeur du ravitaillement, sont prisonniers.

Le 1er jour ils ont été nourris au pain et à l'eau, les jours suivants ils purent faire venir de la nourriture de chez eux. Plusieurs personnes furent appelées à la kommandantur à cause de ces arrestations.

 

Mardi 17 avril 1917

 

Tous les pianos et pianos à queue se trouvant dans la ville doivent être déclarés à la mairie pour le 20 avril. Journée mémorable de la grande bataille des Monts de Champagne, victoire décisive mais sacrifice énorme de vies humaines.

 

Mercredi 18 avril 1917

 

Les fantassins de chez Sion sont repartis dans les tranchées, il ne reste plus que des invalides. Les allemands avouent eux-mêmes dans leurs journaux qu'ils perdent et préparent leur retraite, s'attendent à un grand coup qui se livrera ce mois-ci.

2500 obus sont tombés sur la ville de Reims, St Quentin est bombardé, à Cambrai certains quartiers sont dû évacuer et tous les hommes âgés de 17 ,à 45 ans ont été prix.

 

Jeudi 19 avril 1917

 

Passage continuel de fantassins se dirigeant sur Lille, d'autres vers Menin munis de leur nouveau casque, ils sont très fatigués et sales, revenant des tranchées très probablement.

Les allemands ont réquisitionné 2500 kg de zinc se trouvant chez Devernay et l'ont mis chez Madou. Depuis huit jours d'autres allemands sont occupés à prendre les tonneaux se trouvant dans les brasseries.

 

Vendredi 20 avril 1917

 

Vente de lard, le comité nous donne des œufs, du beurre, des oignons, mais il n'y a plus de boîte de lait. L'abattage des porcs est permis.

 

Samedi 21 avril 1917

 

La circulation des habitants est permise de 4h du matin à 8h du soir. Les estaminets devront être fermés à 8h. Tout contrevenant sera sévèrement puni.

Passage d'un groupe de musiciens se dirigeant vers Lille. Dans la soirée le canon gronda de toute ses forces.

 

Dimanche 22 avril 1917

 

Belle journée. M. le doyen annonce du haut de la chaire de vérité que le temps pascal est prolongé de 14 jours et se terminera par une neuvaine préparatoire pour notre délivrance et le recul allemand et pour les pauvres pêcheurs.

 

 

 

Monseigneur Charost, évêque de Lille

 

 

envoya une lettre à M. le doyen au sujet de la neuvaine. Ce matin l'église est retenue par les allemands.

La ville d'Halluin doit payer une contribution de guerre de 2 millions et demie. La ville paiera la moitié maintenant et l'autre dans quelques mois.

 

 

Lundi 23 avril 1917

 

Les allemands visitent les maisons pour les machines à coudre, les personnes ayant omis d'en faire la déclaration, les allemands en prennent note.

Une bombe tomba sur Tourcoing.

 

 

 

 

Mardi 24 avril 1917

 

Un aéroplane anglais fut atteint et tomba à Vervicq. Cet aéroplane était monté par un seul aviateur, ce jeune aviateur de 20 ans  fait preuve de bravoure, d'énergie et de sang froid, avant de tomber et de se rendre, il détruisit à l'ide de sa mitrailleuse un ballon captif, tira sur un tramway contenant civils et militaire. Le wagon renfermant les militaires fut criblé de balles et les soldats moururent des suites de leurs blessures. L'aéroplane tomba sur un arbre où il fut tout abîmé et l'aviateur était mort.

Les anglais se servent maintenant de grands aéroplanes blindés.

 

Mercredi 25 avril 1917

 

Départ de tous les soldats se trouvant chez Sion pour Comines. Notre jeune officier part aussi mais en laissant son nom sur la porte car nous revient dans quelque temps. Son père, général vient le voir chaque semaine.

Le bois (humide) vaut actuellement 8 Fr les 100 kg et il commence déjà à se faire rare. Toute la population circule pour ce nouveau genre de chauffage.

Un grand nombre de personnes malades sont conduites à Tourcoing pur subir des opérations. A Tourcoing, tous les jours ont lieu 8 à 9 trains d'évacuations pour la France.

 

Jeudi 26 avril 1917

 

Tous les coffres forts doivent être déclarés et il faut mentionner s'ils sont en acier, fer ou fonte. Toutes les machines à hacher et les moulins à écraser doivent être déclarés.

 

Vendredi 27 avril 1917

 

Vente de saindoux, de torréaline (eau teintée à la chicorée), remplaçant la chicorée, de farine de seigle. Les allemands distribuent des pommes de terre aux fermiers pour la plantation.

Le comité hispano-hollandais (pour la Protection du Ravitaillement en Belgique et dans le Nord de la France) ne ravitaille plus assez. Nous avons une petite quantité de tout pour quinze jours.

Heureuses les personnes ayant su faire des provisions.

 

Samedi 28 avril 1917

 

La première grande offensive n'a pas eu lieu, réussie pour percer les lignes allemandes mais les alliés y arriveront quand même.

Les Français et Alliés ont fait un nombre considérable de prisonniers : 1,500 en un jour.

Les peaux rouges et nègres viendront combattre en France.

  1. M.Joffre ainsi que sa suite se sont rendus en Amérique. 

 

Le général Joffre et M. Viviani en Amérique [passage en revue des troupes]

source : BNF

 

Dimanche 29 avril 1917

 

Un grand nombre de jeunes gens devront vendredi prochain se rendre au travail à la gare pour les boches.

Si le charbon n'arrive plus, toutes les boulangeries seront fermées à l'exception de la Fraternelle et de l'Epi.

 

Lundi 30 avril 1917

 

Les habitations possédant des grandes caves pouvant contenir 60 à 80 hommes doivent avoir des ouvertures sur la rue, aussi les allemands font-ils une ou deux entrées.

Arrivée de nouveaux soldats chez Sion

 

Mardi 1er mai 1917

 

MM. Plancq, Ovigneur, Louget, vont passer au conseil de guerre cet après-midi ou plutôt un jugement présidé par M, Willemine.

 

Une foule énorme est massée le long de la rue de Lille, Place de l’Église et du Moulin, car ils se trouvaient en prison à la Mairie depuis déjà un certain temps.

Assassinat d'une femme par son mari.

 

Mercredi 2 mai 1917

 

Du grand bruit entendu hier après-midi, il paraît que ce fut une mine qui éclate à Comines causée par un obus, les vitres tremblèrent très fortement.

 

Du jugement d'hier on nous dit que M. Ovigneur est condamné à 12 ans de prison, Louget à 10 ans, Plancq 8 ans, Deleu 6 ans et le gamin à 1 an.

 

Jeudi 3 mai 1917

 

A partir du 5 mai la circulation est permise de 5h du matin à 10h le soir (heure allemande). Vente de viande de veau à raison de 4 et 3Fr le kg et de volaille à 4Fr le kg de 200 gr par personne. Vente de farine de seigle, son, carottes. Distribution de pain gratis toutes les semaines.

 

Les possesseurs de chèvres et moutons peuvent se faire inscrire pour du son. La production de lait étant augmentée les vieillards de 67 à 69 ans peuvent se présenter munis de la carte du pain. Envoi de colis aux prisonniers

 

Vendredi 4 mai 1917

 

On nous annonce l'arrivée d'un corps d'armée. Un sous-officier va de porte en porte pour retenir du logement. Chez nous il a retenu une chambre pour l'officier et son ordonnance et de l'emplacement pour 4 chevaux.

 

Vers 10 heures du soir nous entendîmes le ronflement du moteur d'un aéroplane, les sifflets d'alarme retentirent lugubrement car l'aéroplane lança plusieurs bombes. On croit que cet aviateur visait des trains car cette nuit-là il en passe beaucoup remplis de soldats, puis vers minuit l'aéroplane repasse de nouveau, il volait alors à une très faible hauteur, les sifflets d'alarme se firent entendre encore une fois.

 

A Menin les sirènes se font entendre beaucoup plus vite. Dès que l'on entend les premiers coups des canons de défense, tandis que chez nous, les sifflets retentissent ordinairement lorsque le danger est à peu près passé.

Samedi 5 mai 1917

 

Toute la ville regorge de soldats gris du 23ème corps d'armée qui pour 4 ou 5 jours, 4 ou 5 semaines ils n'en savent point. Il y a des soldats de tous les corps, ils viennent des environs d'Arras car le village où ils cantonnaient fut pris ces jours derniers par nos troupes. Tous ont l'air très fatigués et ne demandent qu'un lit et un peu de nourriture.

On sonne continuellement pour chercher quartier ;

 

Dimanche 6 mai 1917

 

L'église est retenue une partie de la matinée par les allemands. Messe de 8h à Jeanne d'Arc. Durant toute la semaine il ne passa que des troupes au Gravier, tous par petits groupes. Passage de caissons de munitions se dirigeant vers Bousbecque.

Les propriétaires de chevaux doivent couper de la longueur d'une main la crinière et queue du cheval et remettre dans une enveloppe indiquant le nom du propriétaire et numéro du cheval.

 

Lundi 7 mai 1917

 

Par un ciel sans nuage des aéroplanes survolèrent notre ville, quand malheureusement l'un d'entre eux criblé de balles dut atterrir, mais en lançant néanmoins des obus sur des convois de munitions.

Il tomba sur le champ d'aviation de Reckem, c'était un avion belge monté par des anglais.

Le 23ème est pour quelque temps car il cherche du logement pour des bureaux, casinos, etc.

Allées et venues continuelles de soldats en ballon.

 

Revue des chevaux d'Halluin et des communes environnantes à 2h de l'après-midi. Ils prennent tous les chevaux entiers, un assez grand nombre d'autres sont également pris.

Les 3 prisonniers du comité ainsi que deux autres, l'un faisant leurs commissions, l'autre leur donnant asile durent passer la visite du médecin allemand rue de la Procession pour partir en Allemagne.

 

Mardi 8 mai 1917

 

Passage de convoi de vivres, une cinquantaire de charriots défilèrent à la file les uns des autres se dirigeant vers Lille.

Chez M. Honoré 200 soldats sont logés. Distribution de charbon, mais il n'en est point arrivé pour tout le monde. Un très petit nombre furent servis.

Les allemands distribueront aux ouvriers travaillant pour eux chaque semaine un pain de 1,5 kg à raison de 0,60 pfennings (Le pfennig était une subdivision du Deutsche Mark et des monnaies allemandes antérieures) et des sabots à raison de 1,25FR en échange des sabots usés.

 

Mercredi 9 mai 1917

 

On nous dit que les habitants de Hotem et de Comines (Belgique) doivent évacuer, la liste de Linselles et de Bousbecque est prête.

A Quesnoy 100 personnes moururent par suite des obus, l'autorité allemande ne permet point d'évacuer la ville.

Chez nous certaines personnes parlent d'évacuation, d'autres ne le croit pas, nous vivons dans l'attente et l'espoir de ne pas devoir évacuer.

 

Jeudi 10 mai 1917

 

Départ de 5 personnes pour Lille, pour consulter un spécialiste pour leur vue, un seul allemand les accompagne, les personnes doivent verser 40 marks pour leur laissez-passer et 1 mark à l'allemand et 9 Fr au conducteur. Aucune halte ne se fait d'ici à Lille. La vie à Lille est la même qu'ici, sinon que les vivres sont très chers.

 

Monsieur Poulet curé de Notre Dame est condamné à 1 mois de cellule pour avoir fait représenter une pièce de théâtre avec des costumes militaires français.

 

Vers 1h de l’après-midi 9 avions français ou alliés survolèrent la ville et lancèrent plusieurs bombes, le soir l'on apprend qu'ils lancèrent des bombes du côté de Reckem sur le champ d'aviation. Une maison fut écroulée, un enfant de 3 ans y trouva la mort et 2 femmes furent gravement blessées.

 

Le hameau du Mont regorge de soldats ainsi qu'à l'usine de caoutchouc.

 

Vendredi 11 mai 1917

 

Au comité il n'arrivera plus de riz, ni d'haricots, ni de beurre, céréaline, œufs ; Arrivage cependant de sucre, viande, orge, etc, mais en très petite quantité. Que va-t'on devenir. Vente de choucroute à raison de 0,50 Fr par personne.

 

Samedi 12 mai 1917

 

Passage durant une heure de convois de munitions, canons, caissons, cuisines roulantes, chariots de vivres, se dirigeant vers Lille. Alarme pur le 23ème régiment. Passage d'aéroplanes.

 

Dimanche 13 mai 1917

 

L'église est retenue de 8 à 10h par les allemands. Belle journée aussi nos aéroplanes vont-ils sans doute faire bonne besogne.

 

Lundi 14 mai 1917

 

Grand tumulte en ville occasionné par la mort subite de Mr Ovigneur qui devait partir le lendemain pour l'Allemagne. Voici comment l'on raconte sa mort : souffrant d'une maladie de cœur depuis longtemps, il était actuellement plus souffrant depuis son incarcération de 3 semaines en cellule. Dimanche midi, il ne digéra point son dîner puis le soir il fut transporté à l'ambulance par des allemands, certains disent qu'il mourut dans sa cellule, d’autres à l'ambulance, personne ne sait le fin mot de cette mort tragique ; il eut croit-on une congestion. On dit aussi que Mr le doyen se présenta mais il ne fut point admis, le moribond avait demandé le prêtre par 3 fois. Encore victime de la guerre.

 

Mardi 15 mai 1917

 

Départ des prisonniers pour l'Allemagne. 9 avions alliés survolent notre région. Sur le mont de Vervicq les allemands construisent de larges caves pour mettre des canons quand l'une de ces caves étant à peine achevées reçut un obus qui éclaté 40 ouvriers Halluinois étaient employés à cette cave ; Ces ouvriers risquent chaque jour leur vie aussi peut-on penser que le matin on ne verra peut-être pas le soir, après le soir on ne verra pas le matin.

 

Mercredi 16 mai 1917

 

Belle journée. Les possesseurs de voitures à bras, de voiturettes aux malades, transport à deux, trois, quatre roues, doivent être déclarés à la kommandantur. Les voitures seront revêtues d'une plaque portant Halluin et le numéro d'ordre. 9 jours après l'inscription toute voiture rencontrée sans sa plaque, le possesseur sera sévèrement puni.

 

Les personnes apercevant des bombes lancées par les ennemis ou plutôt par nos alliés doivent dire aussitôt à la mairie le lieu où la bombe est tombée, l'heure, le nombre. La Mairie doit en faire la déclaration de suite à la kommandantur.

 

 

Jeudi 17 mai 1917

 

Fête de l'ascension. Pluie toute la journée. Sermon sur la fête par le père Godart.

Les ouvriers doivent travailler comme de coutume. Les allemands vis-à-vis à vis de chez nous vont chercher 2 camions remplis de bois pour remplacer le charbon.

 

Vendredi 18 mai 1917

 

Vente de bœuf salé. Distribution gratuite de toutes les denrées à l'exception des œufs à l'occasion de la Pentecôte et de la ducasse.

 

Samedi 19 mai 1917

 

Arrivée d'artilleurs. Continuellement on sonne à la poste pour quartiers officiers, la rue de Lille en est rempli, certaines maisons en contiennent 10, notre voisin Wallaert en héberge un. Passage d'aéroplanes, 9 ballons captifs examinent chaque jour les positions.

 

Dimanche 20 mai 1917

 

Belle journée. Allées et venues continuelle de soldats et d'officiers examinant toute la ville. Arrivage d'un peu de charbon. Le pain n'est plus si bon, il est fait d'un mélange de blé, de seigle et de son. La semaine prochaine nous avons du pain entièrement de farine de seigle.

 

Le blé vaut actuellement dans notre ville 4,25 Fr le kg et les pommes de terre 35 sous le kg. Quelle stupéfiante spéculation.

 

Lundi 21 mai 1917

 

 Communion solennelle pour les enfants de 11 ans à l'église St Alphonse au Mont d'Halluin.

 

Une cinquantaine de fantassins chantent leur gloire se dirigeant vers Lille presque tous munis de bouquets de lilas.

Au comité d'alimentation on ne distribue plus de biscuits les réservant pour l'avenir. Distribution de boites de lait pour les enfants de 2 à 4 ans.

170 familles avait double carte et par conséquent double pain et rations.

La kommandantur prévient la population civile que le bureau principal n° 1 et ouvert de 10 à 11h et de 2h à 5h (heure allemande) tous les jours à l'exception du dimanche.

 

Mardi 22 mai 1917

 

Il pleut. Départ de Melle Florin Crombez pour Tourcoing, Melle Lucie Verbecq en remplacera une.

Le 23ème reste longtemps.

Vers 8h du soir des aéroplanes alliés survolent notre ville, on tira beaucoup mais sans en atteindre aucun ;

 

Mercredi 23 mai 1917

 

Les personnes possédant plus que 15 nappes et serviettes, bas, caleçons, jambières doivent faire la déclaration. Une foule de choses peu importantes doivent être déclarées.

 

Jeudi 24 mai 1917

 

Arrestation de Mr Bregne et de sa dame et visite domiciliaire de toutes les maisons voisines occasionné par la fraude. Mais tout ces fraudeurs au lieu de faire de la prison, payent beaucoup, sont délivrés et la guerre peut continuer grâce à l'argent.

 

Mme Lemoutre, Plancq, Creton sont partis à Tourcoing-Lille.

Les allemands visitent les maisons de haut en bas dans la rue de Linselles, gare, etc

M. Declercq fut arrêté, étant possesseur de 3000 Fr de fil.

 

Vendredi 25 mai 1917

 

Vente de citrons : 0,25 Fr pour 2 et par personne. Arrivage de farine qui manquait. Distribution de saindoux.

 

Samedi 26 mai 1917

 

Les soldats de chez Sion partis il y a un mois sont revenus. Installation de bureaux un peu partout. Notre grand soldat (jacques) est toujours là, l'officier aussi.

 

Une croix-rouge se trouve chez Bouveur anciennement.

 

Les allemands résidant dans notre ville depuis 6 mois et plus font la fraude avec les civils et la guerre est pour eux, une guerre de spéculation leur faisant un argent fou.

 

Vers 8h du soir 8 avions français volant très haut, les apercevant à peine, restèrent au moins une demi-heure en ne bougeant presque pas, quand l'un d'eux suivi de deux autres, descendirent à pic à une certaine hauteur, tout le monde croyait qu'ils étaient atteints par les bombes allemandes, mais il s'agissait du contraire, ils venaient pour lancer des bombes à faible hauteur, on n'entendit rien, un moment après ils disparaissaient.

 

Dimanche 27 mai 1917

 

Belle journée. Tous les arbres fruitiers doivent être déclarés à la kommandantur qui examinera si la déclaration était juste.

Les parents des ouvriers ont le droit de leur porter à manger sur la place verte aux heures réglementaires ;

Une sœur de Mme Clarine (Mme Marie de Néchin) est venue pour 8 jours en annonçant que l'empereur, le Général Hindenburg et sa suite étaient venus à Lille discuter la question d'évacuation de la ville et de la région et avaient déclarés « imposible ». Quelle bonne affaire.

 

Lundi 28 mai 1917

 

Une retraite de jeune fille (enfants de marie) à lieu depuis hier soir à 5 h qui durera jusqu'oà vendredi prochain. Elle se donne dans la grande salle Jeanne d'Arc et elle est prêchée par le père Rémi.

Le soir au salut M. le doyen monta en chaire et annonça aux paroissiens que 1200 évacués de Comines arriveraient demain après-midi à Halluin et que chaque personne devrait mettre du sien pour en héberger. Il dépeignit la tristesse de ces pauvres évacués qui devaient tout quitter, disant même qu'un verre d'eau donné à un pauvre malheureux sera récompensé, il parla d'une façon très éloquente.

 

Mardi 29 mai 1917

 

En effet l'on voit afficher à une fenêtre de la mairie une petite affriche ayant comme en-tête « évacués ». La kommandantur nous avise que 1200 évacués de Comines viendront demain après-midi à Halluin.

En arrivant ils devront se rendre à la mairie présenter leur carte d'identité qui leur sera remise le lendemain en même temps qu'une carte d'alimentation et dire si ils connaissent dela famille. C'est donc cet après-midi que l'on attend en famile les évacués par le tram de 2h30 nous dit-on.

Déjà à 1h une foule énorme se masse dans le bas de l rue de Lille, place de l'église etc, les gendarmes font circuler la foule mais voilà que vers 3h rien n'arrive. Dans la soirée non plus, on nous dit que ce sera pour demain.

 

Mercredi 30 mai 1917

 

Point encore d'évacués, ce sera pour jeudi ou vendredi. Les personnes peuvent se faire inscrire à la mairie pour en héberger. La mairie recherche tous les grands établissements c'est ainsi que près de chez nous les maisons de la ville sont retenues, chez Hamel on logera 26 évacués, en un mot tout est prêt.

 

Jeudi 31 mai 1917

 

Point d'évacués, on nous dit que les personnes de Comines (Belgique) doivent évacuer sur Bruxelles, les hommes, vieillards, enfants de Comines (France) sont évacués on ne sait où, il ne reste donc que les mobilisables, c'est oà dire ceux de 17 à 45 ans. Le bruit court que Vervicq doit évacuer aussi.

 

Vendredi 1er juin 1917

 

Voilà enfin le jour où les évacués arrivent ; dès 9h du matin on voit arriver sur la route du Gravier des évacués chargés de bagages ayant obtenu de prendre avec eux autant d'objets qu’ils pouvaient, aussi voit-on des charrettes, des brouettes, des paquets (toutes dimensions) un grand nombre faisant pitié à voir, de pauvres mères pleuraient tenant les petits sur leurs bras, celles-là avaient obtenu la permission de s'asseoir sur des camions allemands qui transportaient des matelas, oreillers, de toutes ces personnes ces chariots étaient peu nombreux. Tous les évacués sont venus par petits groupes, une file de jeunes gens, sac au dos chantant, accompagnés d'une sentinelle, marchant au pas, tous sont munis d'une canne, on les place eu peu partout. Vers 6h du soir ce sont les évacués du ravitaillement de Comines, ils logent à Halluin en attendant un laissez-passer pour Roubaix ou Bruxelles, ayant de la famille dans ces villes.

 

On nous cite de tristes faits c'est ainsi qu'une pauvre veuve préparant ses affaires pour partir, étant assistée de ses deux garçons, âgés de 19 et 21 ans trouvèrent la mort par un obus, la veuve reste donc seule. De tels faits se sont présentés incroyablement. Il nous est arrivé une famille de 2 enfants, du père et de la mère, ils sont logés dans une maison.

 

Samedi 2 juin1917

 

Notre ville a son aspect ordinaire mais nous voyons de nouvelles figures, aujourd'hui l'on entend dire que notre commandant fut étonné d'avoir vu loger 1.200 personnes en 1 jour, quand il s'agit d'une compagnie il n'en est pas de même.

Les allemands ont fait main basse sur le ravitaillement de Comines. J'aperçois dans la rue un évacué muni d'un petit pain faisant signe à son camarade que c'était très peu et qu'ils auraient pris beaucoup plus de vivres s'ils avaient su qu'ils arrivaient à Halluin car les allemands n'ont jamais dit où ils allaient.

Passage continuel de troupes. Un remue ménage s'opère, une nouvelle attaque aura lieu, certaines personnes craignent aussi l'évacuation. Comines en feu nous dit-on.

 

Dimanche 3 juin 1917

 

Arrivée d'artilleurs, nous en hébergeons, même leurs chevaux. M. le doyen souhaite la bienvenue aux évacués et annonce aux jeunes gens que tous les cercles sont à leur disposition. On nous annonce encore des évacués.

 

Tous les ouvriers doivent passer la visite du médecin allemand rue de la Procession.

Les cultivateurs doivent faire la déclaration de toutes leurs machines agricoles.

 

A Bousbecque 6 gros canons sont parés pour bombarder Armentières. Nous vivons dans un drôle de moment, les nuits sont remplies d'éclairs, le canon tonne de toutes ses forces. Ce matin lancement de 8 bombes.

 

A Menin où les obus tombent, les personnes doivent faire la déclaration à la kommandantur.

 

Lundi 4 juin 1917

 

La nuit fut mouvementée suite au passage continuel de canons, caissons de munitions et bagages de tous genres à citer : lapins, chèvres, porcs, etc

Vers 7h1/4 du matin l'officier chargé de rechercher du logement sonne chez nous, on ouvre, le monsieur se dirige droit en haut en disant : je désire une chambre ou plutôt je marque sur mon carnet « chambre officier ». Arrangez-vous et un coin pour l’ordonnance. Nous voilà donc bien partagés : officier, ordonnance, chevaux, hommes.

 

Mardi 5 juin 1917

 

Deux sergents-major sonnent pour se rendre compte par eux-mêmes si la chambre de l'officier est prête, disant que le lieutenant arriverait ce soir à 6h.

 

2 gros mortiers pesant 16.000 kg tirés par une automobile se dirigent sur Lille. Un grand nombre d'aéroplanes survolent la ville.

 

L'après-midi un jeune officier entre pour voir la chambre de son camarade et nous averti que notre officier est en congé et ne viendra que dans cinq jours, mais l'ordonnance apportera les malles et logera. Il fut très poli et paraissait un jeune homme de bonne famille, il resta toujours découvert ainsi que son sergent. Vers 6h de nouveau il arrive mais ce ne fut plus galant officier, tout à l'heure il avait trouvé un logement, donc c'était fini.

 

A 8h on sonne encore très fort, un capitaine d'artillerie cherche chambre et écurie. On lui dit que tout est retenu mais il ne nous croit pas, désire voir et part en riant.

Cette journée fut remarquable par les visites continuelles des allemands.

 

Mercredi 6 juin 1917

 

Une partie des soldats du train des équipages du 23ème sont chez Stockphès. De l'artillerie arrive de leurs côtés, le mont et le Colbras regorgent d'artilleurs, notre voisine en a passablement. Comme proche voisin nous aurons maintenant un officier allemand qui sera à la tête d'un bureau pour six mois. On lui fait une belle installation, salons, bureau etc, le tout meublé avec élégance, il y a un très beau tapis sur la muraille pour remplacer la tapisserie, d'une étoffe nuance jaune clair. Comme garniture la cheminée des vases japonais. Chez Parmentier notre voisin il y a cuisine pour 4.

 

Des obus tombent à présent sur Menin et près du mont du chemin de fer sur la lys entre Halluin et Menin, l'école est supprimée à Menin à cause des blessés occasionnés par les bombes. Nombreuses victimes civiles et militaire.

 

Les alliés désirent détruire le pont du chemin de fer se trouvant au Gravier et la gare de Menin.

Par moment toute la maison tremble, les vitres font une danse effrénée, certaines personnes se réfugient dans leurs caves.

 

On nous dit qu'un obus est tombé sur un train de munition aux environs de la gare de Menin, tout pris feu, un autre près de Reckem tuant un enfant.

 

Jeudi 7 juin 1917

 

Cette nuit fut remarquable par le roulement continuel du canon qui ne cessa même guère durant toute la journée.

 

Vers 3h de la nuit nous avons tous été voir la bataille engagée à la tabatière du grenier. Nous vîmes très bien des étincelles et de grosses boules de feu toujours à la même place. Depuis le début de la guerre entre Armentières et Ypres. 2 gros mortiers repassèrent ainsi que des canons chargés sur des automobiles passent à vive allure. Les soldats entre eux disent que cette nuit il eut toute une batterie détruite, donc la colonne doit partir immédiatement.

 

Vers 8h combat d'aéroplanes, un aéroplane anglais tomba poursuivi par la mitraille allemande.

 

Vendredi 8 juin 1917

 

Ce matin ce fut une foule de fidèles qui se rendirent à l'église car un grand nombre de personnes furent effrayées de la terrible nuit que nous venons de passer, le canon se faisant entendre sans discontinuer comme un véritablement roulement de tambour.

Vente de confiture à raison de 0,25 Fr par personne et de volaille à raison de 200 gr par personne et 4 Fr le kg.

 

Des personnes de Vervicq France et Belgique doivent évacuer.

2 officiers allemands faisant dit-on l'office de police secrète sont venus s'installer en face de chez nous. Nos voisins les allemands ont des appartements très bien meublés, ces meubles viennent probablement de familles évacuées de Comines.

 

Samedi 9 juin 1917

 

La colonne d'artillerie n'est point encore revenue. Notre officier est encore et toujours en congé.

Passage continuel de troupes de tous genres se dirigeant vers Menin. La nuit il passe 5000 hommes. Dans la soirée un officier faisait les cent pas vis-à-vis de chez M. Vanackère quand tout à coup il a demandé à Albert Vanackère l'autorisation de monter au grenier, il était porteur de son fusil, monta sur la gouttière, visa et tira sur un pigeon qui se trouvait sur le toit de la maison d'en face. Il réussit bien son coup et descend en toute hâte enveloppa d'un papier la pauvre bête qu'il croyait porteur d'une dépêche française et la porta à la kommandantur fier de sa réussite.

 

Dimanche 10 juin 1917

 

De la bataille de ces jours derniers il résulte que les villages de Wyschaete et Messines sont aux mains des anglais. Les allemands s'attendaient point à l'offensive, donc ils perdirent incroyablement d'hommes et de ce fait ils prennent aujourd'hui à l'appel 200 à 300 jeunes gens pour les employer aux munitions.

 

Passage de 3 canons, ils allaient à très petite allure et une vingtaine de soldats se trouvaient dessus. Il passe chaque jour des quantités d'automobiles de la croix-rouge. Au Mont l'hôpital regorge de blessés.

 

Lundi 11 juin 1917

 

9 rues de Menin doivent évacuer sur Dinde, les habitants de Vervicq sur Thil Ingelmunster. Obus tombés à Bousbecque.

A cause du grand nombre de troupes arrivant en ville, les habitants logeant des officiers ou soldats doivent laisser le plus de place possible.

Toute place retenue par la kommandantur doit être libre immédiatement. Toute mauvaise volonté sera sévèrement punie, tout rassemblement est défendu et de suivre les troupes ou chariots militaires.

 

Mardi 12 juin 1917

 

4 rues de Menin doivent encore évacuer. Un nombre considérable de troupes arrivent. Nous hébergeons un officier d'une fierté sans pareil, notre maison est parfumée, l'ordonnance est correct et des chevaux dans l'écurie.

 

Des soldats ont dit entre eux que nous allons voir du changement dans 3 ou 4 semaines et que les obus pleuvent à Vervicq. Toutes ces troupes viennent de Bousbecque.

 

Mercredi 13 juin 1917

 

Départ de notre officier, mais il fut remplacé de suite par un autre.

 

Dans l'après-midi M. Willemme juge visita toute notre maison en se faisant passer pour le commandant.

Un médecin-capitaine le mit à la porte.

Notre maison sert de casino restaurant à une quantité d'officiers rendant visite au capitaine. Nous avons ces jours-ci capitaine-médecin, officiers, sous-officiers et des ordonnances par-dessus le marché.

 

Vendredi 15 juin 1917

 

Un grand nombre de troupes passent la nuit dans la prairie voisine. Les allemands construisent des baraquements en planches. Vente au comité de choucroute.

 

Samedi 16 juin 1917

 

Aujourd'hui les allemands veulent à tout prix faire casino-restaurant pour les officiers, nous protestons et enlèvent notre cuisinière pour la mettre en plein air, la verra-t'on encore ?

Douze grands officiers sont assis sur nos belles chaises de salon, fument et abîment. Jamais notre corridor eut tant de pas depuis la guerre. Notre table de cuisine est transférée à la cour pour ces messieurs passer la soirée et une partie de la nuit. Ils n'ont point réussi encore à avoir notre salle à manger.

 

Il arrive encore et toujours des troupes. 2 généraux résident dans notre ville avec leurs armées. Les bombes ou obus vont pleuvoir sur les troupes et campements militaires.

 

Dimanche 17 juin 1917

 

Changement de kommandantur et de gendarmes.

 

Les aéroplanes ne se montrent plus mais le canon tonne surtout la nuit. Dans la journée ce sont des combats à la baïonnette.

Distribution de chaussures pour les ménages de 9 personnes et plus, 8 et 78 la semaine prochaine.

Vente de choucroute ;

 

Pendant le mois de mai les allemands perdirent 79 avions et 9 ballons captifs. Les anglais en uns seule journée firent 5000 prisonniers, il en reste beaucoup à dénombrer. Nous avons en outre capturé un certain nombre de canons, de nombreux mortiers de tranchées et mitrailleuses dont le total n'est pas encore connu. Les allemands perdirent 30 appareils, plus de 6400 prisonniers dont 132 officiers, ont été dénombrés depuis l'attaque d'hier ainsi qu'une vingtaine de canons. Pendant la bataille notre aviation a rendu de grands services à l'infanterie et à l'artillerie. En outre une grande quantité de raids aériens ont eu lieu attaquant à la mitrailleuse ou à la bombe des aéroplanes, des ballons, des trains, des cantonnements, des dépôts ou des troupes ennemies. Les avions allemands ont été empêchés de prendre part à la bataille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12ème cahier (EVACUATION !)

 

Lundi 18 juin 1917

 

Des soldats du 18ème veulent à tout prix avoir notre cuisinière qui est rentrée hier soir de la prairie. Nous sommes forcés de la donner. Dans l'après-midi des officiers prennent notre arrière-cuisine, rapportent un feu et font cuisine pour officiers. Nous n'avons plus de maison.

 

Mardi 19 juin 1917

 

Grand tumulte en ville occasionné par des mesures préventives d'évacuation.

Une affiche se trouve posée sur les murs de la ville avertissant qu'une partie de la population sera évacuée et qu'on ne peut emporter que 25 kg consistant de vêtements couvertures, point de matelas et qu'il fallait se préparer. Le soir au salut M. le doyen ému de la situation monta en chaire pour surmonter le courage de la population qui croyait évacuer de suite.

 

Mercredi 20 juin 1917

 

De tous côtés nous ne voyons que des troupes allemandes. Dans la rue de la Procession on ne voit que des gris, rue de Lille, de même plus de place pour les personnes passer, cela dura au moins une heure, des caissons de munitions venaient de Lille, d'autres se dirigeaient sur Menin, c'était une véritable déroute. Notre lieutenant revenant des tranchées dut attendre un quart d'heure avant de pouvoir rentrer chez nous. La ville de Houtem est aux anglais et on nous dit qu'ils sont encore avancés.

 

Jeudi 21 juin 1917

 

Les allemands vont construire des baraquements en planches pour mettre à sec leurs hommes et chevaux dans la pâture. Ils coupent le blé, l'avoine, le seigle vert pour servir de nourriture aux chevaux, toute la moisson va être coupée avant de mûrir. Le Mont regorge de soldats ainsi que le cobras, notre ville en est rempli, dans tous les coins se trouvent des militaires.

 

Vendredi 22 juin 1917

 

A l'occasion des mesures préventives d'évacuation il sera distribué aux habitants gratuitement des biscuits du lard et des œufs, du saindoux double ration.

 

Samedi 23 juin1917

 

La ville ne vit plus, tout le monde est en l'air, des personnes disent que l'évacuation aura lieu au début de la semaine, tout le monde prépare ses 25 kg on ne voit qu'un va-et-vient continuel, des personnes se dirigeant aux ravitaillements.

 

Dimanche 24 juin 1917

 

En allant à la messe ce matin, Mr le doyen exprima qu'il serait possible et même probable d'évacuer dans 8, 15 jours, un mois peut-être, personne ne le sait mais qu'il faut se tenir prêt et préparer ses bagages afin de n'être à charge à personne de l'autre côté. Nos voisins « les baraques » sont évacués la veille entre Roulers et Malines, des obus et des bombes tombent continuellement sur Menin.

Menin est à peu près tout évacué il paraît que c'était lamentable à voir les habitants des baraques s'en aller.

Nous passons un triste dimanche, nous nous sommes rendus à la 1ère messe afin de finir nos paquets. De tous côtés l'on entend dire qu'une nouvelle affiche paraîtra, que les grands malades et vieillards devront être déclarés à la mairie pour ce soir, qu’un départ aura lieu. Nous allons nous distraire un peu au jardin quand l'on entend dire que l'affiche est posée et qu'une partie de la population partira mardi, vite je m'habille et me rend à la mairie,

 

l'affiche consistait en ceci : avis aux évacués, 2000 personnes d'Halluin seront évacués sur la Belgique les 26, 27 et 28 juin et recevront une carte d'évacuation remise à la gare indiquant le nom des personnes visées. Il faut prendre que 25 kg, y compris la nourriture pour un jour, celui qui en prendrait davantage verrait ses bagages confisqués. Donc ceux qui reçoivent l'allocation militaire doivent se rendre à la mairie, de même les personnes touchant des pensions de retraite ou de vieillesse.

 

La distribution de fromage et de vêtements est supprimée, les personnes qui devaient se rendre au ravitaillement les jours suivants et qui ont reçu leur carte d'évacuation peuvent se rendre de suite. Je rentre à la maison dire le contenu de l'affiche quand un monsieur me dit qu'une autre afficher sera posée ce sir indiquant les quartiers et rues.

 

En rentrant je vis le capitaine ainsi que sa suite, le lieutenant de munitions (louis) qui nous avait dit qu'Halluin ne partira jamais, que les anglais n'avançaient plus et un tas de choses. En apprenant cela le lieutenant alla voir l'affiche, se dirigea à la kommandantur, revenant triste, très triste chez nous en constatant la vérité tous en disant : restez ici, je dis que vous ne partirez pas, restez donc ici, vous ne me croyez donc plus, cet allemand disait cela.

 

En nous voyant tous ici attristés il dit à papa que monsieur si vous avez des souvenirs ou autre chose, je ne sais quoi, faites un trou et mettez dedans, papa n'avait point trop confiance car sans doute après notre départ il aurait remué la terre.

 

La journée de dimanche se passa donc ainsi dans l'inquiétude.

 

Lundi 25 juin 1917

 

Journée d'angoisse. Notre lessive n'eut point lieu, on nous dit que les personnes vont recevoir leur carte ce soir, nous finissons nos paquets, nous courons chercher des vivres de tous côtés, tout est à peu près fini, il n'y a plus qu'à ficeler, tout est bien pesé, nous sommes très ennuyés car l'on vient de nous dire que les mobilisables restent, les mobilisables de 17 à 50 ans avaient dû passer une revue d'appel vendredi, quand samedi soir nous recevons un billet jaune de la kommandantur pour Edgard (son frère) devant se rendre au bureau des ouvriers, le lendemain tout est bien arrangé.

 

Nous passâmes une partie de la nuit à cacher le principal etc, nos hôtes allemands étaient couchés, vers inuit nous montâmes quand tout à coup, un coup de sonnette retentit très faiblement, j'ouvris ma fenêtre et vis un employé de mairie qui me dit : voilà votre feuille d'évacuation, je descendis ouvrir la porte, l'employé me remit la carte indiquant tous les noms de notre famille, même nos frères, quelle joie et quelle surprise de les avoir avec nous, mais quelle peine, tristesse de tout quitter, de tout laisser surtout que l'on ne s'attendait point du tout à partir les premiers, enfin c'était comme cela. Tout le monde descendit, la carte indiquait qu'il fallait se rendre à la gare demain matin à 11h (heure allemande)

 

texte entouré : journée du lundi, lieutenant Warner inoubliable.

Après avoir un peu discuté, parlé, pleuré même nous rentrâmes dans nos chambres pour passer notre dernière nuit. En rentrant dans ma chambre avec Yvonne (sa sœur) je ne faisais que pleurer, disant adieu à tout ce que j'aimais, je ne savais pas me raisonner en pensant que c'était la dernière fois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mardi 26 juin 1917

 

Journée d'évacuation.

 

Tout le monde est debout de très bonne heure à 3h30 du matin, je finissais les derniers préparatifs, l'on perdait la tête, l'on courait de chambre en chambre, Edgard et Édouard (ses frères) descendaient du grenier toutes les malles, notre vin est mis en fuite, nous prîmes plusieurs bouteilles afin de surmonter le courage de ces pauvres habitants.

 

Je suis allée au pain le matin, Édouard couru à la mairie, tante s'occupait de cuire les pommes de terre, les œufs, de préparer les victuailles, nous primes avec nous tout le restant des pommes de terre, du riz, des haricots, etc.

 

Il était déjà neuf heures et nous ne savons plus quoi, dans une heure l'on doit être rendu sur la place verte, heureusement que notre lieutenant met à notre disposition sa voiture mais non pas sans misère, un soldat nous conduit à la gare, déposa nos paquets sur la place et s'en alla, Edgard suivi le militaire, papa, tante, Édouard, Yvonne et moi quittèrent la maison, nous étions tous très tristes, le capitaine et le lieutenant nous serrèrent la main, le lieutenant avait des larmes dans les yeux, il me remit son adresse.

 

Enfin il était six heures et nous n'étions point encore partis, ce fut le départ final en se dirigeant sur la place verte, l'on était chargé et surtout très bien vêtus ; En arrivant sur la place verte un grand nombre de personnes se trouvaient là, tout le onde attendant, des gendarmes circulaient, des personnes arrivaient, les unes après les autres munis de matelas.

 

Étant sur la place verte nous retournâmes à la maison chercher une belle couverture de voyage, je suis retournée expressément pour casser mon piano et arracher tous les fruits se trouvant au jardin. Edgard et moi étant arrivés à la maison, le lieutenant fouillait déjà tout avec son ordonnance, des provisions qui étaient restées on ne vit plus rien, le capitaine avait pris la chambre de papa, enfin il n'y avait pas un quart d'heure que nous étions partis que toute notre maison était retournée ». Qu'est-ce que cela va être après plusieurs jours que nous ne serons plus là. Alors nous retournâmes rejoindre notre famille sur la place, nos amis ainsi que nos connaissances nous serrèrent la main une dernière fois en espérant nous revoir plus loin du côté de Bruxelles.

 

Le clergé nous serrèrent la main aussi mais toutes les personnes avaient avec eux plus de 25 kg et un grand nombre de matelas ; Sur la place verte il fallait se ranger par numéros d'évacuation, je m'adressais à M. Willemme chargé d’évacuation, qui me dit : attendez mademoiselle, quel numéro avez-vous, 39 répondis-je, eh bien l'on vous appellera, restez-là. En effet un gendarme, listes en main, rangeait les familles par numéro d'ordre, là on nous dit que nous allons être dans des fourgons, 4 ménages dans un fourgon, environ une trentaine de personnes.

 

Les camionneurs de la ville étaient chargés de transporter les bagages de la place à la gare.

Voilà que l'on commence à charger, les personnes se dirigent à la gare, peu à peu arrivent notre tour mais voilà que quand notre tour arrive les camionneurs ne sont point là, le chef de gendarmerie se fâche, les soldats chargés de l’évacuation fusil au dos, nous assiste à porter nos bagages ainsi que des civils, un alsacien m'aide d'une façon admirable, était arrivée à la gare, l'on dut monter dans le fourgon, je ne savais plus monter, on me poussa dessus.

 

 

Évacuation d'Halluinois

 

 

Les fourgons étaient sales, très sales, l'on dut s'asseoir sur nos bagages, nous dûmes attendre de 10h à 2h avant de s'en aller, voilà que le train se met en marche prenant la direction de Menin, un côté du fourgon se trouve ouvert, Mme Clarisse est avec sa vieille mère infirme, elle obtient un matelas de chez elle à un ouvrier pur 5 marks, nous sommes mêlés dans notre fourgon, à Menin nous vîmes que tous les environs de la gare étaient détruits par les obus, il n'y avait plus de civils, le chemin de fer avait pris la route de Audenarde à Bruxelles, nous fîmes plusieurs haltes à certains endroits, les personnes achetaient de la bière, Edgard remit sa bouteille vide pour en avoir une autre, mais ce fut trop tard.

 

Nous vîmes le derrière de Bruxelles, nous passâmes en dessous de plusieurs tunnels, surtout l'un fut très long, les enfants pleuraient, nous avions déjà fait quatre heures de voyage, certains nous disent que l'on descendra à Rosendael je crois, nous ne savons  point tout ces noms mais le révérend père Rémi en nous quittant sur la place verte nous avait dit que allons dans une très belle ville que probablement dans trois semaines il nous rejoindra et que dans quelques mois les allemands ne seraient plus chez nous car une grande offensive va avoir lieu et nous donnait courage et confiance.

 

En route à la gare de Courtrai nous vîmes des évacués de Comines qui stationnaient là depuis de longues heures ne sachant où aller, ayant dû passer 3 semaines à Wevelghem, ils n'avaient point été ravitaillés sinon que sirop et du sel.

 

Enfin le train ne savait point où nous faire descendre, était arrivés dans les hameaux, le train avançait puis reculait pur finir nous descendîmes à Overysshe (Overijse en flamand), joli village de 3000 habitants, mais 5 hameaux dépendent de la commune et du village de Overysshe, ce sont Jezus-Eik ou Notre-Dame-au-Bois, Maleizen, Eizer, Terlanen et Tombeek. Dans le centre il se trouve 1500 évacués. A partir de Bruxelles ou plutôt des communes environnantes les habitants étaient prévenus de recevoir des évacués donc depuis 8 h nous étions attendus mais il était 11h quand nous arrivions, ce fut la descente finale, l'on nous dit qu'il fallait descendre et mettre ses bagages à terre, nous attendîmes encore cela une heure, ensuite nous fûmes dirigés dans un restaurant où l'on a déposé nos bagages, alors on nous servit de la soute et des tartines puis l'on remonta dans la grande salle où l'on dut passer la nuit sur des bancs en attendant d'être casé le lendemain.

 

 
 
 

Ancienne gare du tram

 

 

 

Mercredi 27 juin 1917

 

Cette nuit ne fut pas très bonne, nous avons dormi que quelques heures, nous avons dû nous débarbouiller comme des militaires dans la salle, nous coiffer de même.

Dans cette grande salle, en arrivant, les enfants pleuraient, les personnes ayant des matelas les déposèrent à terre, c'était marrant de voir tout cela, enfin quand nous étions prêts, nous nous dirigeâmes à la soupe.

 

De retour nous cherchons du logement nous-mêmes comme de vrais allemands car ce n'était que dans la matinée que nous allons être logés.

Nous trouvâmes une habitation sur la colline n°1 chez un veuf, mais très avare, nous ne sommes pas chez nous, il y a cuisine, cave, 2 bons lits et des matelas par terre, c'est la guerre dit-on à Overysshe, tous les Halluinois désirent retourner de suite chez eux.

 

Dans le village au centre nous sommes 1500 évacués. A midi nous allons à la soupe ainsi que le soir.

La journée se passe à déballer nos affaires.

 

Jeudi 28 juin 1917

 

Arrivée d'un train d'évacués d'Halluin pour les 7 hameaux d'Overysshe dépendant tous du bourgmestre et du comité. Les évacués durent passer 16 heures de chemin de fer, en arrivant vers 8h, ils étaient très sales et se rendirent de suite manger une bonne assiette de soupe.

 

Les belges nous reçoivent très bien, ils sont très hospitaliers, tout le monde se gêne par ici, on continue à placer les évacués, des bureaux de renseignement, de ravitaillement, de réclamation sont ouverts.

 

L’argent ou plutôt les billets français ont cours jusqu'au 5 juillet après plus.

 

C'est curieux de voir dans ce village tous nos compatriotes subissant le même sort. Dans le couvent des sœurs du sacré cœur, chaussée de Bruxelles se trouvent 158 personnes.

 

M. Vanhoutte fils du receveur municipal qui nous fit bel accueil à la gare nous plaça chez le procureur général, mais nous lui avons dit que nous étions pas trop mal.

Comme route de passage nous ne pouvons pas être mieux mais rien ne vaut de toujours charger. M. Dassonville avec sa nombreuse famille et Mme Clarine aussi sa pauvre mère malade infirme sont tous logés dans une grande salle en attendant mieux espérant partir pour Malaise. Nous nous sommes rendus comme hier à la soupe.

 

Vendredi 29 juin 1917

 

Ce matin nous nous sommes rendus à l'église, il n'y a que 2 à 3 messes par jour, mais cela change continuellement, le salut 1 fois par semaine, pour les confessions c'est bien.

 

Dans la paroisse St Martin d'Overysshe se trouve 1 doyen, 1 curé et un vicaire ; dans toutes les communes se trouve une église ainsi qu'un curé. Le curé M. Daubois est revêtu de blanc. C'est la catholicisme qui règne mais comme à Halluin. Tous les alentours sont remplis d'évacués et il en arrive encore dit-on.

 

Samedi 30 juin 1917

 

Aujourd'hui l'on entend dire que les anglais sont à Vervicq, que des obus tombèrent sur St André et rue du Moulin. Julien Declercq est mort, sa femme grièvement blessée est conduite à Bruxelles.

A Halluin il ne reste que le conseil municipal, le clergé et les fermiers.

 

A Hal de l'autre coté de Bruxelles se trouve les évacués de Roncq et un grand nombre d'Halluin entre autres.

 

A Overysshe l'on vend pour les évacués du miel et de la confiture, des conserves mais tout très très cher, le kg de carottes vaut 1 Fr, 1 choux-fleur 1,45 Fr, les légumes sont d'un prix exorbitant. Un grand nombre d'Halluinois vont de suite visiter la capitale.

 

Dimanche 1er juillet 1917

 

Ce n'est plus notre cher dimanche si regretté de notre ville d'Halluin, nous trouvons le temps long à Overysshe, point d'amusement, point de piano auquel l'on tenait tans, un grand nombre d'évacués prennent leur parti en brave mais moi je suis bien triste, en écrivant ces lignes, dans la chambre de papa, servant de salle à manger. Heureusement que nous sommes en plein centre, nous sommes sur la chaussée de Bruxelles au Wavre, (aujourd'hui chaussée de Wavre) de grands omnibus passent chaque jour remplis de personnes, en nous promenant nous avons cherché du logement, lorsque nous cherchons ainsi je pense chaque fois à la maison, quand les allemands sonnèrent pour la même cause, nous avons trouvé une chambre à deux lits, une cuisine et arrière-cuisine, mais tout à fait nu, il ne se trouve point six chaises, nous avons dû fournir les oreillers, draps, couvertures, etc chez M. le secrétaire.

 

Dans la soirée nous nous sommes rendus à Notre Dame au Bois, c'est une magnifique route, un gravier tout au long, de chaque côté se trouve des grands arbres, sur la route nous voyons toujours nos compatriotes allant ou vent.

 

Après une bonne heure de marche nous aperçûmes le clocher c'est village à au Bois, (Jezus-Eik en néerlandais, littéralement le chêne de Jésus)  il ne se trouve qu'une petite quantité de maisons, sur la place quelques grands cafés recevant les bruxellois qui vont se promener dans la forêt de Soigny ou le bois des capucins. C'est merveilleux cette forêt, puis nous retournâmes sur nos pas car il était déjà tard sur la route nous rencontrâmes un cabriolet, on demandé au conducteur si nous pouvons monter après bien des hésitations il dit que oui, nous montâmes et descendirent au couvent. A cause de l'aimable obligeance de cet homme nous gagnâmes beaucoup de temps.

 

Lundi 2 juillet 1917

 

Toutes les journées se ressemblent, nous faisons de nouvelles excursions, mais aujourd'hui nous nous reposons. Édouard (son frère) est occupé à l'hôtel de ville et Edgard (autre frère) trouve à s'employer de côté et d'autre. Nous allons chercher la soupe maintenant car nous avons obtenu après bien des démarches quelques ustensiles de cuisine. En Belgique au lieu d'une seule carte de ravitaillement comme en France il en faut cinq. Nous avons eu aujourd'hui des distributions de farine 1,950 kg gratis par personne pour 8 jours, et du savon à raison de 0,55 Fr par personne et 0,80 Fr de levure, car dans cet endroit il faut se charger de faire son pain ou de le donner à cuire.

 

Pour cuire un pain de 3 livres on demande 0,25 Fr. Comme denrées nous avons eu des cristaux, du sel, du savon à 2 Fr pièce, du cacao, du sucre vanillé à 0,60Fr le petit paquet, de l'amidon, rien pour se nourrir.

 

Ce fut une journée de courses et d'agrément en même temps car dans la soirée nous nous sommes rendus au château des 3 jumelles où logent M. Vanackère, nous sommes reçus très aimablement et invités à retourner munis de nos morceaux de piano.

 

 

Mardi 3 juillet 1917

 

Nous avons assisté à la messe de 7h1/2, la piété n'est point si fidèle à Overysshe qu'à Halluin, à part quelques bonnes chrétiennes de notre paroisse il n'y a pas beaucoup de monde.

 

L'après-midi nous sommes rendus à Malaise accompagnés de Georgina notre voisine hospitalière, la route n'est point si belle qu'à Notre Dame au Bois, elle est très longue, c'est un très petit endroit, il n'y a que quelques habitations, on nous informe pour savoir où se trouve les familles Clarine, Dassonville, Cappelles, on nous dit que les villas  se trouvent situées près de la Hucle, c 'est très loin nous dit Georgina, il y a encore vingt minutes de marche, nous hésitons mais était en route nous continuons, la 1ère villa nous avait-on dit est occupée par ML. Moreau et les bruxellois, l'autre par M. Clarisse, Dassonville et une autre famille, un peu plus loin la villa de M. Cappelle.

 

Nous nous rendons chez la Tourelle villa occupée par Clarisse, sur la route qui conduisait au château, nous rencontrâmes les petits enfants se promenant de Mme Clarisse, Gustave alla avertir sa maman de notre arrivée, nous avons été très bien reçus et invités à retourner.

Il était six heures quand nous quittions Malaise, nous arrivâmes à Isque pour 7 h mais très fatigués et ayant gagné appétit.

 

Mercredi 4 juillet 1917

 

Journée de repos. On ne distribue de la soupe qu'une fois par jour, plus de pain, tous les Halluinois se plaignent du ravitaillement.

 

Jeudi 5 juillet 1917

 

Nous dormons aujourd'hui très tard il était 9 heures quand nous sommes arrivés chez papa. C'est le jour où il faut remettre le bordereau de son argent au siège social n° 36 et les évacués ayant des enfants de 3 à 15 ans doivent se faire inscrite à la maison communale pour les écoles. Distribution gratuite de quelques ustensiles de ménage indispensables.

 

Vendredi 6 juillet 1917

 

Nous avons visité Bruxelles Yvonne (sa sœur), Edgard (son frère) et moi accompagnés de M. et Mme Gonthier pour la première fois. Nous avons quitté Overysshe à 7h du matin, nous avons été à pied jusqu’à Auderghem où là se trouve un tramway nous conduisant à Bruxelles pour 0,20 FR, nous longeâmes la route de N.D. Au Bois, nous sommes arrivés à Bruxelles à 9h1/2, un peu fatigués déjà de notre longue route, nous visitâmes les principaux monuments, tels que la cathédrale, le palais de justice, la gare du Nord etc. Edgard et moi nous montâmes à la colonne du congrès payant 0,10 FR, il y a un escalier tournant toujours, la tête commençait à tourner, heureusement qu'Edgard me disant que l'on arrivait, il n'y avait plus moyen de descendre, il faisant très noir enfin nous arrivâmes, l'on vit tout le panorama de Bruxelles.

 

A midi nous dînâmes dans un café, nous prîmes nos tartines d'Overysshe, la livre de cerises coûte 0,80F'r et le chope de bière 0,90Fr. Après être restaurés nous quittâmes pour visiter la bourse et le boulevard du Nord u Midi, le jardin botanique, le musée des beaux-arts etc. Il y avait grande toilette à Bruxelles, la vie coûte très cher, l'on voit pas mal d'allemands assis aux tables des cafés, 20.000 sont casernés à Bruxelles.

 

Nous quittâmes Bruxelles à 5h pour être de retour à 8h. En route nous avons rencontré pas mal de connaissances, le soir l'on rentra chez papa pour raconter notre voyage et l'on dormit très lourd car nous étions très fatigués.

 

Samedi 7 juillet 1917

 

l'on dormit très tard aujourd’hui car nous nous ressentons de la fatigue de la veille, heureusement que ce n'est plus notre samedi d'Halluin, nous sommes hébergés comme des allemands, il n'y a que notre chambre et cuisine à nettoyer. Chez le secrétaire nous sommes très bien, nous avons deux bons lits, salle à manger et cuisine. Nous disposons du jardin.

 

Dimanche 8 juillet 1917

 

Il pleut. Toute la famille s'est rendue à la messe de 7 heures, ensuite nous déjeunons chez le secrétaire, la cuisinière marche très bien, nous avons proposé une grande promenade pour l'après dîner, mais le temps est trop mauvais, après avoir assisté aux vêpres, nous avons passé l'après-midi et la soirée en musique. M. Charliers et sa dame qui est très bonne ainsi que ses deux filles, nous avait mis à notre disposition le piano. Nous passâmes la soirée chez elle et invités à retourner quand nous voulons.

 

Lundi 9 juillet 1917

 

Le lundi est pour les évacués jour de sortie et de ravitaillement car il faut courir pour tout, nous avons eu 400 gr de lard, 400 gr d'haricots et 275 gr de farine, de la confiture à 0,90 Fr le pot et ainsi de suite. Les évacués reçoivent 1 Fr par jour, nous recevons 48 Fr et un échange de notre argent. La farine est donnée gratuite.

 

Mardi 10 juillet 1917

 

Fête de papa,

(à noter que sa maman est décédée en 1903, lorsque Élisabeth avait 5 ans)

 cette fête ne s'est point passée si gaie que les années précédentes, au lieu d'un jour de fête ce fut notre jour de lessive. La bouchère est très bonne, elle nous donne des légumes, nous avons trouvé 1 litre et demi de lait à 0,90 Fr. Les pommes de terre valent 2,50 Fr, tout est très cher. Distribution de viande samedi pour les évacués.

 

Mercredi 11 juillet 1917

 

Journée de pluie. M. Gonthier et sa famille est déménagée pour le hameau. On a obtenu un billet du secteur pour le lait. C'est toujours la même vie qu'au début.

 

Jeudi 12 juillet 1917

 

Journée passée à Bruxelles, là l'on apprit que la révolution était à Berlin, qu'il avait changement de ministère, démissions de généraux, famine et que la guerre finissait en automne.

(Le chancelier Bethmann-Hollweg, démissionnaire, est remplacé par Michaëlis. Note du transcripteur)

 

Vendredi 13 juillet 1917

 

Toujours la même vie à Overysshe, l'on apprend que la Suisse nous réclame encore est-ce à croire ou à laisser. ,Les vivres sont très chers nous payons 1,35 Fr le kg de pommes de terre, des petit pois 1,10 Fr, le choux fleur 1,50 Fr, la botte d'oignons 0,75 Fr, la botte de carottes 0,90 Fr et encore il faut courir pour se procurer cela.

Un grand nombre d'Halluinois sont retournés dans leur patrie pour revenir.

 

Samedi 14 juillet 1917

 

Journée sans changement sinon que l'on vend de la viande tout prix, pour 7 Fr nous n'avons point eu un bon morceau, on a obtenu 100 kg de charbon, le sac de bois vaut 0,50 Fr, l'on commence un peu à s'habituer en prenant son parti.

 

Dimanche 15 juillet 1917

 

Journée passée à Bruxelles, ou plutôt à St Gilles chez notre cousin Bourquin (branche maternelle). Nous avons été très bien reçus et surtout bien restaurés. On ne s'aperçoit dela guerre qu'à cause de la chereté des vivres et du manque de tout, les théâtres, cinémas tout marche comme de coutume. Etant partis à 8h du matin nous rentrâmes à Overysshe à 10h du soir. Papa était un peu inquiet.

 

Lundi 16 juillet 1917

 

On vendra du pain hollandais dans le courant de la semaine, des pommes de terre samedi ainsi que de la viande. Aucune autre vente aura lieu, la boulangerie ne marchera pas, donc cette semaine se passera sans ravitaillement, sinon que entame nos provisions.

 

Mardi 17 juillet 1917

 

Cette journée se passa très agréablement, nous avons fait la cueillette des framboises dans une grande propriété privée ou plutôt dans un bois, nous nous sommes griffées, M. Vandebeulque ramassa du bois mort, papa nous accompagna, nous sommes rentrés à 6 h.

 

Mercredi 18 juillet 1917

 

Journée sombre. Depuis trois semaines que nous sommes ici aucun changement l'eut lieu, nous ne faisons qu'attendre à Halluin il n'y a plus question d’évacuations, certaines personnes ont été mises à la porte de chez elles mais sont restées telles que Melle Truffaut, Desprez etc. la vie se remet un peu.

 

Marie  Thourout n'est pas revenue. Papa est allée à Bruxelles avec Edgard. Chaque jour des Halluinois des environs viennent voir leurs amies et connaissances.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

13ème cahier

 

 

Jeudi 19 juillet 1917

 

Distribution de pommes de terre à raison de 1 kg ½ par tête et de 0,35 Fr le kg. On ne s’aperçoit plus de la guerre, le canon ne tonne plus, aucun passage d'aéroplanes.

 

Vendredi 20 juillet 1917

 

Des uhlans arrêtent les personnes pour demander les cartes d'identité. Papa en allant à Bruxelles avec Edgard fut inquiété. L'après dîner fut passé agréablement au piano. Aucun changement dans les opérations.

 

Samedi 21 juillet 1917

 

Vente de viande. Un grand nombre de femmes sont revenues d'Halluin mais d'autres sont retournées. Un tram chargé de munitions sauta on ne sait comment et occasionna de grands dégâts sur la place Menin, la boucherie et la pâtisserie Degryse furent détruites.

 

6000 personnes sont encore à Menin mais doivent se tenir prêtes à évacuer en cas d'accident.

 

Des nouvelles nous sont parvenues d'Halluin, il paraît dit-on que chez nous ainsi que dans les grandes maisons on transporte les meubles en Allemagne pour les mettre en vente publique, tout nos murs murés ainsi que nos cachettes sont découvertes. Les habits qui nous restaient sont pris par les évacués de Vervicq, ce n'était pas une bonne nouvelle que papa apprit hier soir en revenant du café.

 

Dimanche 22 juillet 1917

 

Escadrille de 6 avions, mais très haute. Quelle affaire à Overysshe, les habitants ne sont point habitués à voir cela. Les Vandebeulque sont partis à Dieghem avec Pauline Vanderberthe passé plusieurs jours.

 

L'après-midi nous avons été à Wedenbergh à la recherche des pommes de terre, après plusieurs demandes dans les fermes l'on en trouva et l'on nous accueillis très bien, les pommes de terre valent 0,50 Fr le kg, nous achetons aussi un pain blanc pour 3 Fr. Nous pouvons retourner mais nous étions bien fatigués quand nous arrivâmes chez nous chargés comme des ânes, il y a une bonne heure de marche.

 

Lundi 23 juillet 1917

 

Distribution de farine, haricots, pois, torréaline en très petite quantité suffisant à peine pour 3 jours, du saindoux aussi. Au comité communal vente de savon à raison de 2Fr pièce tout est très cher là.

 

Mercredi 24 juillet 1917

 

Jour de lessive et de nettoyage, la femme à journée est venue.

 

Mercredi 25 juillet 1917

 

Edgard et moi nous sommes allés à Tervuren visiter le musée congolais, le temps était lourd, il y a 1 heure et demie de marche, c'est la petite suisse nous dit-on, de beaux boulevards nous conduisent à Bruxelles. Louvain c'est très beau, surtout le musée, nous avons mis deux heures pour le, visiter, autour du musée se trouve un magnifique parc, quand nous sortîmes du musée le temps devenait mauvais, de gros nuages dans le ciel nous annonçaient un vilain orage, une pluie torrentielle tomba, nous étions en plein bois, de grands éclairs devant nous, nous n'étions pas francs, le retour s'est effectué en recevant continuellement de la pluie, mon joli petit chapeau bleu ainsi que ma robe était percée, quand nous étions près de l'habitation du comte de Marnix la pluie cessa, mais trop tard.

 

Jeudi 26 juillet 1917

 

Temps lourd, il fait très chaud, le soleil est brûlant. Nous avons trouvé 25 kg de pommes de terre à 0,50 Fr à 1heure d'ici.

 

Vendredi 27 juillet 1917

 

Nous avons été aujourd'hui à la cueillette des framboises. Édouard (son frère) est indisposé, heureusement que nous trouvons du lait à 0,70 Fr le litre.

 

Samedi 28 juillet 1917

 

Vente de viande et de pain hollandais, à raison d'un petit pain par ménage et 0,95 Fr le pain. Nous avons été près de Turlandt (?) mais sans résultat pour la nourriture

 

 

 

Dimanche 29 juillet 1917

 

Excursion à quatre pour Bruxelles rejoindre nos amis Paule et Raymond, nous avons lu une lettre écrite de cousin qui dit que rien n'est changé sinon que les baraquements pour chevaux vis-à-vis de chez nous sont terminés, que des mitrailleuses sont placées tout autour et que cela les empêche de dormir, les familles Mullet, Debrequevis, Cuechelaere sont près d'Anvers.

 

La vie est triste à Halluin, les figures amies ne se rencontrent qu’à l'église, tous les hommes sont pris pour travailler, il y a quelques exceptions.

 

Lundi 30 juillet 1917

 

Grand tumulte au village pour les évacués, occasionné pour le départ pour la Suisse. Toutes les personnes âgées de 18 à 60 ans devront passer la visite vis-à-vis des allemands le 3 août, on ignore pourquoi.

 

Mardi 31 juillet 1917

 

Nous avons obtenu 25 kg de pommes de terre. Les habitants d'Overysshe nous disent que d'après leurs journaux une grande bataille se livrera près de Gentbruge ; que les américains ne seront prêts qu'au printemps suivant et que le canon gronde très fort ces jours-ci.

 

Des jeunes gens d'Halluin arrivent chaque jour rejoindre leurs familles, ou bonnes amies, étant pris par les allemands à Halluin pour travailler à Bousbecque, Vervicq, Comines. Le nommé Alphonse Pattyn ou coco avait plusieurs lettres de prisonniers, que M. Plancq se trouve à Aix la Chapelle.

Il dit aussi que la maison Delangre est détruite occasionné par une bombe, d'autres hommes venant aussi d'Halluin disent que la magasin Delangre renfermait tous des soldats ne voulant plus marcher et parait-il que les allemands ont mis le feu à l'établissement. En parcourant les décombres ils virent des vélos et emprisonnèrent les Delangre. On dit aussi que les cloches de l'église furent enlevées.

 

Mercredi 1er août 1917

 

Journée de pluie, rien d'important à signaler.

 

Jeudi 2 août 1917

 

Distribution de miel à raison de 1,20 Fr le kg et par ménage. Réparation de notre feu.

 

Vendredi 3 août 1917

 

Il pleut continuellement. Appel de toutes les personnes de 18 à 60 ans. Des uhlans revêtus du casque sont au perron et inspectent la population, une foule énorme attend avec impatience son tour, à la pluie tous les Halluinois de Malaise et des environs sont percés (?), voilà qu'une auto grise arrive amenant les officiers supérieurs, un major et quatre officiers se rendent au haut de la maison communale se font placer des tables et des chaises et attendent qu'on se présente. Un agent se met à la porte et fait entrer 4 personnes à la fois, le major fait un petit sermon et commence : chaque personne en passant une à la fois présente sa carte d'identité, l'officier demande si vous êtes seule ou mariée et que faites-vous. Yvonne (sa sœur) passa la première, je la suivis, à moi il me dit : êtes-vous seule, ah non, je vois, dit-il madame, vous êtes en famille, bien. Nous passâmes ainsi.

Vente de beurre.

 

Samedi 4 août 1917

 

Il pleut encore toujours. 17 Halluinois de Oeylaerdt sont venus au village chercher 2 kg de pommes de terre à raison de 0,83 Fr le kg.

 

 

Dimanche 5 août 1917

 

Belle journée. Les journaux nous annoncent que la guerre durera encore longtemps. L'après-midi nous avons visité l'église de Hundelberg, il n'y a que le chemin de la croix qui est remarquable à cause de la peinture à la main, nous sommes revenus très fatigués avec 17 kg de pommes de terre, carottes, oignons ;

 

Lundi 6 août 1917

 

Vente comme de coutume au bureau d'alimentation, comme denrées nous avons pour quinze jours : 500 gr d'haricots par personne à raison de 0,60 Fr, 300 gr de saindoux à 0,90 Fr, 1 kg de torréaline pour 2 ménages à 1 Fr le kg et dela poudre de cacao 250 gr.

 

Mardi 7 août 1917

 

Départ pour Halluin accompagnée d'une de 30 ans et du garçonnet Drouart-Degrysde. Ayant pris le tram de 7h pour Growendendal nous rencontrâmes M. le directeur Wale qui nous souhaite bon voyage et union de prières. Étant arrivés à Bruxelles nous nous informâmes près des personnes pour la route de Ninove mais maintenant il faut un permis on peut aller sans, jusque Pamel. Au sortir du tram nous mangeâmes dans un petit estaminet en demandant à un gamin de nous montrer la route de Ninove, ce gamin alla devant nous nous mis sur bonne route. Nous marchâmes ainsi de 1 heure après dîner jusque 7 heures du soir, où l'on arriva à Nechbrachel commune dépendant de la kommandantur de Grammont. A Ninove il fallut passer un pont mais la sentinelle nous a rien dit, nous suivîmes la route directe pour Audenarde, le long du pavé nous logeâmes dans un couvent hôpital où l'on fut très bien accueillis, soupe le soir et déjeuner le matin. Dans cet établissement rencontre des évacués de Menin, compliment de Joseph notre jardinier.

 

Mercredi 8 août 1917 (arrestation)

 

Départ 7h moins le quart pour Audenarde, nous gagnâmes 1h et demis de route en laissant Audenarde sur le côté, nus prîmes alors la route pour Courtrai. A Berchem il fallut passer un pont mais nous n'avons point de difficulté, et 4 heures étnt arrivés à Avelgem nous nous informâmes pour se diriger sur Mouscron, il avait encore 3 heures de marche, j'étais très fatiguée, je n'en pouvais plus, nous rencontrâmes quelques militaires dans ces petits villages.

 

Mais étant arrivés à un village au-dessus de Bossuyt près de Dottignies, une petite auto grise conduite par un chauffeur et renfermant un civil allemand (police secrète) qui fit arrêter sa machine et nous demande notre passeport. Nous disons que nous étions des évacués « bon » n'ayant point de passeport nous dûmes rebrousser chemin et conduit à la kommandantur du village, l'auto suivant derrière, arrivés à destination, halte nous dit-on. L'allemand descend parle à l'officier et nous renvoie de là à la kommandantur de Bossuyt accompagné d'une sentinelle fusil au dos. Nous passâmes un vilain quart d'heure surtout en pensant que pur la matinée du lendemain nous étions chez nous, enfin il eut fallu, ainsi fut-ce notre destinée.

 

Tous les yeux du village se portaient sur nous, étant arrivés à la kommandantur de Bossuyt je reconnus à la porte le petit roux d'Halluin notre soldat si regretté d'autrefois, il nous fait entrer au bureau en nous informant que demain qu'il fallait être à la kommandantur de Courtrai de bonne heure et ne sachant rien de plus. Après lui avoir expliqué notre cas ce soldat me dit : me reconnaissez-vous donc, oui je lui répondis, en effet il a résidé à Halluin pendant 9 mois. Nous fûmes conduits dans une place pour passer la nuit, nous n'étions point trop mal, le petit roux s'est montré très gentil me donnant la moitié de son pain comme cadeau et s'entretenant un moment de la soirée avec nous. Il me dit qu'il était impuissant pour me sauver, donc nous passâmes notre seconde nuit à Bossuyt.

 

 

 

 

Jeudi 9 août 1917

 

Départ pour Courtrai dans un attelage de chevaux à 6h ½ accompagnés d'un officier et de 2 soldats. Comme déjeuner à Bossuyt nous avons eu du bon café et une tartine avec de la marmelade allemande.

 

Arrivés à Courtrai à la kommandantur à 8h ½, sur la route rencontre de gendarmes qui firent arrêter la voiture pour savoir qui nous sommes. Courtrai est ville d'opérations, grand nombre de militaires, grand charriage de voitures, camions, autos. A destination l'officier descend, un quart d'heure après ce fut notre tour et conduit en prison, nous passâmes la journée de jeudi, jusque 6h ensuite nous fûmes conduits à une prison plus importante sur du Monument, comme nourriture nous avons eu une assiette de soupe pour la journée de jeudi et un petit plat d'haricots verts puis nous pouvons nous coucher.

 

Vendredi 10 août 1917

 

Dans cette prison la cloche sonne vers 6h moins le quart donc réveil, à 7h des bonnes sœurs nous apportent notre ration de pain pour toute la journée avec un bol de thé comme boisson, outre cela de l'eau à volonté. Nous devons balayer et nettoyer notre cellule, à 9h descente dans la cour jusque 10 h mais il fut très rare que l'on restât longtemps à cause des aéroplanes ou du mauvais temps, 11h soupe, 3h descente dans la cour jusque 5h, puis souper un petit plat de carottes ou petits pois, cela varie.

 

J'ai omis de dire que dans la matinée une sentinelle fut chargée de nous conduite à la police secrète pour nous fouiller et prendre ce qu'il leur plaisait : l'argent, porte-monnaie, montre, couteau, etc. Reconduite de nouveau en cellule. Dans l'après-midi une autre sentinelle nous conduit de nouveau à la police secrète mais ce fut pour passer l'interrogatoire.

 

Étant entrés dans le bureau on nous dit asseyez-vous. Lorsque j’entrai dans la pièce ce monsieur me dit : êtes-vous Mme Lemaire et dites-moi la vérité.Après 20 minutes d'interrogatoire il me laissa partir en me promettant que ce ne serait point pour longtemps.

 

Dans cet intervalle des avions anglais lancèrent des obus sur Courtrai et les environs, un prêtre jésuite fut tué ainsi que plusieurs autres personnes, 15 obus tombèrent le même jour sur Roulers, le couvent de Roulers ainsi que l'orphelinat durent évacuer on ne sait où.

 

A Courtrai se trouve un grand nombre d'évacués de Menin. Les habitants de Courtrai demandent à évacuer sur Bruxelles car ce n'est plus tenable disent-ils, à Courtrai principalement surtout la nuit, aussi étant à Courtrai l'on pensait davantage à notre cher Halluin.

 

Samedi 11 août 1917

 

Même journée que les précédentes à Courtrai sauf que je m'ennuie énormément trouvant le temps long.

 

Dimanche 12 août 1917

 

Triste journée en pensant à ma chère famille d'Overysshe, j'entendis la sainte messe en prison. Quel spectacle jamais je pourrais décrire ce que j'ai souffert en me trouvant principalement point avec des gens de ma condition. Il ne se passe aucun jour que je n'ai point versé de larmes durant ma pénitence allemande. L'après-midi j'assiste aux vêpres, enfermé ne voyant que le prêtre et le gardien.

 

 

 

 

 

Lundi 13 août 1917

 

Triste journée. Le canon se fit entendre toute la nuit. Passage continuel de trains renfermant des troupes, croix-rouge etc. Plusieurs aéroplanes lancèrent des bombes. J'écris une lettre au commandant, puis au juge en leur demandant ma délivrance le plus tôt possible.

 

Mardi 14 août 1917

 

Que je suis surtout triste aujourd'hui en pensant que demain je ne pourrais point fêter la fête de l'assomption en famille ; la sœur en me voyant me dit qu'elle espère pour aujourd'hui et que le sous-officier lui avait dit qu'on était point oubliés. Vers 9h nous descendîmes toutes dans la cour comme de coutume. Les jeunes filles désireuses de se confesser et puis communier le jour de l'assomption doivent se présenter au saint tribunal vers 10h. Je me confesse à l’aumônier, raconte mon histoire et me dit qu'il fallait espérer et qu'il aurait une intention pour moi dans ses prières ; étant à peine descendue dans la cour qu'une sœur vient nous chercher pur aller à l'instruction. Quelle joie mais quel ennui car ce même matin la sœur m'avait procuré en cachette 7 œufs à 1 mark pour 2 et de petits pains gâteaux à 1,50 Fr pièce.

 

En un clin d’œil nous montâmes dans notre cellule chercher nos sacs et provisions, remercia les bonnes sœurs partant vers la kommandantur ou on nous dit qu'à 11h ½ l'on prendrait le train pur Bruxelles.

 

Nous fûmes accompagnés d'une sentinelle un bon vieux papa fusil au dos, le train était en retard, une foule de soldats prend le même train. Quel mauvais sang je me fis en attendant sur ce quai en voyant tant d'allemands et puis une trentaine de prisonniers anglais conduits par quatre uhlans entre autre 2 islandais, l'un d'eux était blessé au bras. Enfin voilà le train qui arrive, nous montâmes quand la sentinelle montre tout nos papiers et là nous rencontrâmes des évacués d'Halluin, présents à Lauwe où ils firent 9 jours de prison, ensuite conduits à Halluin par un soldat et de là sur Bruxelles. Elles étaient chargées ayant pu obtenir l'autorisation du commandant d'Halluin d'aller chez elles et puvant rapporter maintes affaires. Elles nous disent qu'à Halluin la vie est triste et qu'il n'y a pas beaucoup de changement. Donc nous étions à 3 avec notre sentinelle, puis 2 évacués de Comines et 3 d'Halluin, toutes conduites par un gendarme mais point difficile.

 

Le train se mit en marche sur Gand, à Gand il fallut descendre, nous voilà installés dans le train pour Bruxelles près de mon compartiment se trouvait celui de mes alliés, nous fîmes ensemble plusieurs signes d'amitié et souriaient quand nous n'étions point aperçus par les allemands car l'un d'eux suivant notre manège.

 

A mi-distance d'une heure de Bruxelles le train stoppa, les voyageurs pour Bruxelles durent descendre et prendre un autre train.

 

Un grand nombre d'ouvriers rentrent chez eux probablement pour passer la fête de demain car les trains étaient combles, quand nous prîmes le train pour Bruxelles il n'y avait plus de place, tous les compartiments de 3ème, 1ère et 2ème étaient remplis à l'exception d'un seul où se trouvait un grand et fier officier. Il fut obligé de nous recevoir.

 

Nous arrivâmes à Bruxelles à 6h44, nous allâmes boire une chope de 30 pfennings et acheter une petite couque pour 1 mark. Nous dûmes attendre là en gare jusque minuit quand une voiture vint nous chercher pur nus conduite à la kommandantur afin de passer la nuit dans une très grande pièce où se trouvaient des matelas et deux couvertures par personnes. Je m'endormis vite en pensant que demain je serai enfin chez moi.

 

 

 

 

 

 

Mercredi 15 août 1917        (libération de prison)

 

Jour de l'assomption. Réveil à 5h ½, vers 7h on nous apporte un bon morceau de pain allemand avec du café.

 

J'ai l'intention de faire la sainte communion et d'entendre la sainte messe, cette matinée me parut infiniment longue quand vers 10h un soldat est venu nous chercher pour nous conduite à kommandantur de Bruxelles où là on nous fîmes attendre 2 heures avant d'être conduite à Overysshe.

 

L'on rentra chez nous vers 5 heures je ne saurais décrire ma joie quand je revis ma chère famille, papa était très content de me voir ainsi que mes frères et sœur.

 

Je racontai mon voyage en quelques mots étant très fatiguée ayant dû faire la route à pieds de Boitsfort puis me débarbouiller et mangeant à ma faim puis me coucher.

 

Jeudi 16 août 1917

 

Me voilà redevenue habitante d'Overysshe, ici le temps ne me paraît point long, j'ai de l'occupation.

 

Vendredi 17 août 1917

 

Nous sommes à l'avance de farine car l'on a obtenu 18 pains hollandais. Nous faisons des provisions d'hiver petit à petit.

 

Samedi 18 août 1917

 

Chaque jour on distribue du lait au couvent, du bon lait 0,60Fr le litre par tête et du lait écrémé à 0,

30 Fr le litre, du fromage à 0,83 Fr le kg et du lait battu à 0,15 Fr le litre. Avec de l'argent on obtient de se procurer de tout à Overysshe, en comptant point ses pas.

 

Dimanche 19 août 1917

 

On fit fête aujourd’hui au lieu du jour de l’assomption car j'étais absente ce jour-là, l'après-midi on sortit en famille.

 

Lundi 20 août 1917

 

Edgard se rend à Bruxelles 3 fois par semaine pour apprendre les autos et Yvonne donne des leçons, Édouard est à son bureau.

 

Mardi 21 août 1917

 

Vente de saindoux à 0,75 Fr par tête, des nouilles à 0,16 Fr, de la poudre de biscuit à 0,45 Fr, du bon savon à 0,85 Fr. Vente comme de coutume au comité communal.

 

Mercredi 22 août 1917

 

Temps lourd. Il est absolument défendu de sortir de la ville sans permis. Distribution de 100 kg de charbon par ménage à raison de 6,50 FR.

On aperçoit un zeppelin dans l'air. On nous dit qu'à Halluin rien ne peut rentrer ni sortir, que le général en chef de l'autorité militaire allemande vient prendre des plans au camp de Waterloo. Les bruxellois ainsi que les habitants d'Overysshe et environs ne sont point trop tranquilles.

 

 

 

 

Jeudi 23 août 1917

 

Les allemands d'Overysshe font la chasse au beurre, ils fouillent toutes les voitures. Un allemand (uhlan) est venu à la maison pour voir si je me trouvais là. Revue de tous les chevaux à Auderghem. Edgard est entré chez Philiphs.

J''ai consulté le docteur Dieudonné pour ma main, je puis aller jouer du piano tous les jours une heure du côté de la Drêve, au château de la Drève nous avons eu un jeu de cartes et de patience.

Monsieur Desprez directeur du comité d'Overysshe fut pris hier soir et conduit à la kommandantur de Bruxelles. On ignore pourquoi.

 

Vendredi 24 août 1917

 

Jour de lessive. La femme à journée nous raconte maintes histoires, c'est ainsi qu'hier elle reçut une lettre d'Halluin de ses frères par une femme ayant été. On dit que Tourcoing dit évacuer pour laisser place aux habitants et ouvriers travaillant pour les allemands se trouvant à Halluin, qu'Halluin est évacué volontairement, dans les maisons où les habitants sont partis les évacués prennent tout, de même les allemands ayant assisté à faire des cachettes vont tout découvrir. Les allemands perdent énormément d'hommes, ils creusent un trou dans la terre et renferment tout. Certaines maisons sont restées les mêmes, il n'y a rien à comprendre.

 

Samedi 25 août 1917

 

Les pommes de terre se font de plus en plus rare, il faut courir à 2 heures d'ici.

 

Dimanche 26 août 1917

 

Toutes les cartes d'identité doivent être remises à la maison communale pour mettre le cachet, comme quoi on fit partie de la province du Brabant, ma carte d'identité m'est remise ce matin.

 

Lundi 27 août 1917

 

Je suis admise rue de Namur ainsi que rue Guimart.

 

Mardi 28 août 1917

 

Ce n'est plus ma vie d'Overysshe, c'est une vie d'atelier, le matin c'est de 9h à midi, le soir de 2h à 6 h mais un quart d'heure pour le goûter où l'on nous distribue une bonne tasse. J'espère bien apprendre.

 

Mercredi 29 août 1917

 

Emploi des journées passées à Bruxelles : réveil à 6h, messe à 6h ½, déjeuner à 7h, aide à la cuisine et nettoyage jusque 8h ½, départ à 9h, midi dîner, libre jusque 2h, rentre à 6h ½, libre 7h, souper, 8h ½ coucher.

 

Jeudi 30 août 1917

 

Hier Edgard me vit je fus très contente, je m'habitue un peu, c'est une vie de pension.

 

Vendredi 31 août 1917

 

Même journée que les précédentes.

 

Samedi 1er septembre 1917

 

Je suis très heureuse ce matin en pensant que je serais chez moi ce soir, vite je me lève en préparant mon paquet,j'obtiens la permission mais doit me rendre avant mon départ au moteldam.

Je quitte l'atelier à 3h espérant prendre ma correspondance à Groendendael, mais il en est pas de même, je courus de kommandantur en kommandantur pendant une heure si bien que je dus revenir à pied d'Auderghem où là je rencontrai une voiture me conduisant à Overysshe.

 

Dimanche 2 septembre 1917

 

Arrangement de ma malle, assistance à la grand'messe, sortie en famille.

 

Lundi 3 septembre 1917

 

Départ à 7h pour Bruxelles.

 

Mardi 4 septembre 1917

 

Journée passée comme de coutume à Bruxelles.

 

Mercredi 5 septembre 1917

 

Édouard dut se rendre samedi dernier  passer l'appel à Boistfort, de là il se rendit à Hal.

 

Jeudi 6 septembre 1917

 

Paule et Raymond (?) sont venus nous voir, on leur offrit à dîner ainsi qu'à un de leur camarde.

 

Vendredi 7 septembre 1917

 

Trois naissances ont eu lieu à Overysshe, ce sont : Michel Dassonville, Guillaume Stochphes et Vanlaerde.

 

Samedi 8 septembre 1917

 

Fête de la nativité. Les évacués résidant au Wavre sont rapatriés en France aujourd'hui l'on nous dit que nous ce sera pour le 28.

 

Dimanche 9 septembre 1917

 

Nous sommes à la recherche des pommes de terre, elles augmentent. La soirée se passé en musique.

 

Lundi 10 septembre 1917

 

Départ pour Bruxelles à 7h.

 

Mardi 11 septembre 1917

 

Journée passée à Bruxelles

 

Mercredi 12 septembre 1917

 

Edgard est venu me soir.

 

Dimanche 16 septembre 1917

 

Yvonne (sa sœur) est allée à Hal passer la journée, elle est partie hier. Moi je suis contente d'être revenue en famille espèranty me rapatrier.

 

 

 

Lundi 17 septembre 1917

 

Départ pour Bruxelles à 7 heures, route accompagné »e de Mme Hamart.

 

Samedi 22 septembre 1917

 

A Bruxelles le ravitaillement se fait rare, il en est de même chez nous à Overysshe. Quelle difficulté pour sa provision de pommes de terre, elles valent 123 Fr les 100 kg.

Distribution au comité de formage, café vert, saindoux et( de sucre.

 

Dimanche 23 septembre 1917

 

Belle journée. La guerre durera encore très longtemps nous dit-on. Les allemands se battent, on se bat maintenant d'Ypres à Lille, donc Halluin, notre chère ville est dedans. Les usines Lepoutre, Verhindère, Vanheddeghem, ainsi que la gare ont sauté par des bombes ou obus, 15 personnes furent victimes et un grand nombre de blessés. Les habitants du Gravier se sont réfugiés affolés au Mont. Voilà ce qu'on nous raconte.

 

Lundi 24 septembre 1917

 

Grand brouillard. On ne distribue plus de denrées au comité cette semaine. Il n'y a que de la farine et du miel, de la soupe pour 5.

 

Mardi 25 septembre 1917

 

Terrible incendie à Bruxelles, un grand magasin de ravitaillement contenant toutes les provisions de la Belgique est incendié. (L'incendie de Thessalonique en 1917 est une des plus grandes catastrophes qui toucha la ville : par l'ampleur des destructions, mais aussi par les choix de reconstructions.)

 

Drame de 2 paysans à cause de la cherté des pommes de terre. Un civil allemand tue un militaire.

 

Mercredi 26 septembre 1917

 

Edgard fit une petite aventure en revenant d'Auderghem. Le long de la route on ne vit que des habitants de Bruxelles venant à Overysshe chercher des pommes de terre, car elles sont moins chères. Un grand nombre de ces personne demandèrent à Edgard s'il n'y avait point de danger, mais derrière lui suivant un civil allemand reconnaissable à ses éperons. Cet allemand arrêté les personne chargées, c'est ainsi qu'Edgard s'en aperçut et avertit les pauvres bruxellois quand tout à coup l'allemand s'aperçut du manège d'Edgard et l'appela, lui a demandé ce qu'il disait aux personnes. Edgard eut la franchise de dire qu'il disait qu'il y avait du danger. Bien répondit l'allemand, on voit que tu es belge, marche à mes côtés, faisons la route ensemble jusqu'à Notre Dame au Bois. Là l'allemand entra dans un café et Edgard le quitta très content d'avoir échappé ainsi.

 

Jeudi 27 septembre 1917

 

Cette semaine la ration de farine était de 250 gr, donc 560 gr en moins.

Chaque habitant ou évacué reçoit 10 kg de pommes de terre à raison de 0,15 Fr, ce qu'il recevra désormais tous les mois sans augmentation de prix.

 

Dimanche 30 septembre 1917

 

Belle journée. Le train vicinal d'Overysshe à Groendendael sera supprimé ; les allemands le veulent ainsi. Au départ de chaque tram un allemand vérifie le paquets, ils sont très sévères.

A Bruxelles la consommation de gaz est réduite à 30 m3, à raison de 0,25 Fr le m3 au lieu de 0,14.

Les allemands iront perquisitionner tous le mois dans les habitations pour le c uivre. Ils enlèvent même les pédales de piano nous dit-on.

 

Lundi 1er octobre 1917

 

Distribution de farine, saindoux, poudre de biscuit, torréaline.

Appel des jeunes gens à Boisfort.

On nous raconte ces jours-ci un tas de choses incroyables en disant que notre cher Halluin est bombardé, que de terribles accidents sont parvenus occasionnés par des bombes, que Jules Demeestère, Melle Clémence Truff.... perdent la raison, Mme Daniel Defretin les bras enlevés par un obus, Mme Desquenach aveugle, les maisons Defretin, Dassonville, Desquemach, détruites par des obus. Peut-on ajouter foi à cela ?

 

Mardi 2 octobre 1917

 

Le matin les journées sont fraîches à Overysshe. Neuville évacue dit-on.

 

Mercredi 3 octobre 1917

 

Diminution de farine pour moi mais distribution de 12 kg de pommes de terre par tête. Vente de viande au comité.

 

Jeudi 4 octobre 1917

 

Nous entrons dans la saison des pluies, des pluies d'orage tombent continuellement.

 

Vendredi 5 octobre 1917

 

Temps froid. Mme Desquemach accompagnée de ses deux filles, obtient la permission d'évacuer au Val et démentent les faux bruits que l'on faisait courir.

 

Samedi 6 octobre 1917

 

Il pleut toujours. Le vicinal ne marche plus depuis hier. Notre provision s’augmente de jour en jour.

 

Dimanche 7 octobre 1917

 

Le soleil nous apparaît de nouveau mais il fait très froid. Amusement en famille.

 

Lundi 8 octobre 1917

 

Les allemands parait-il ont assuré de pommes de terre jusqu'au mois de juillet de l'année prochaine pour toute la Belgique. Dunkerque en feu dit-on à Bruxelles.

 

Du 9 au 21 octobre 1917

 

Dimanche passé à Bruxelles. Prise d'une trentaine d'hommes conduits près de Roulers.

 

Lundi 22 octobre 1917

 

Les Français ont gagné du côté de Soissons parait-il.

 

Mardi 23 octobre 1917

 

Tous les chiens sont réquisitionnés par l'autorité allemande.

 

Mercredi 24 octobre 1917

 

Attaque d'un allemand civil aux environs de Bruxelles par 15 personnes. Récompense de 1000 marks à la personne qui découvrira les individus.

Jeudi 25 octobre 1917

 

Yvonne (sa sœur) est venue loger chez moi, agréable journée, je suis contente.

 

Vendredi 26 octobre 1917

 

Le pain casse, il est mauvais et part de suite, augmentation la semaine prochaine.

 

Samedi 27 octobre 1917

 

Il pleut toute la journée, retour à la maison par Boisfort.

 

Dimanche 28 octobre 1917

 

Première communion solennelle des évacués, aux vêpres sermon par M. Lesage.

 

Lundi 29 octobre 1917

 

Sur un mois l'on reçoit 300 gr d'haricots et 300 gr de saindoux. Trop pour mourir et pas assez pour vivre.

 

Mardi 30 octobre 1917

 

Les personnes ont quitté leurs villas pour se rendre à Bruxelles. Yvonne ira donner des leçons.

 

Jeudi 1er novembre 1917

 

Fête de Toussaint. Cette journée nous rappelle beaucoup de souvenirs, d'abord j'ai 19 ans, puis l'on pense à nos chers défunts et à ma chère marraine. J'eus l'occasion d'entendre un sermon à l'église royale. Les églises de Bruxelles étaient au comble cette journée.

 

Lundi 3 novembre 1917

 

Départ de Bruxelles pour Overysshe, rencontre d'une voiture.

 

Dimanche 4 novembre 1917

 

Journée passée en famille, bon amusement, parties de cartes, etc...

 

Lundi 5 novembre 1917

 

Lancement de bombes sur Anvers, 22 morts et un grand nombre de blessés. Plusieurs maisons furent détruites entièrement.

 

Mardi 6 novembre 1917

 

Le pain est très mauvais à Bruxelles, il casse et ressemble au pain de cheval.

 

Mercredi 7 novembre 1917

 

Passage continuel d'enfants pour la Hollande ou des colonies d'Anvers.

 

Vendredi 9 novembre 1917

 

Yvonne s'est rendue à Bruxelles, je fus très contente.

 

Samedi 10 novembre 1917

 

Revenue à Overysshe en voiture.

 

Dimanche 11 novembre 1917

 

Le départ pour la Suisse était fixé pour le 12 mais rien prévoit à partir, on nous dit que ce sera à la fin du mois ou au mois prochain, donc patience à prendre.

 

Lundi 12 novembre 1917

 

Distribution de miel, 0,30 Fr de céréaline, 250 gr d'haricots, 1 Fr de saindoux et 300 gr de farine, et du savon à 5 Fr le kg.

 

Mercredi 14 novembre 1917

 

Changement de cartes de soupe. Augmentation de secours.

 

Jeudi 15 et vendredi 16 novembre 1917

 

J'accompagne ma sœur dans sa tournée à Bruxelles. La journée se passe très agréablement, le soir je ris d'un bon cœur.

 

Samedi 17 novembre 1917

 

Les allemands prirent de nouveau des jeunes gens français évacués. J'appris cette bonne nouvelle le sir en me rendant à Hal, où là on venait de prendre 16 hommes étant allés les chercher chez eux. Sur le vicinal je reconnus Mme Craroo ainsi que 2 autres évacués, étant venus aux renseignements pour les départs pour la France et ayant bon espoir pour le commencement de décembre, c'est cette personne qui me dit que l'on prenait des hommes de même à Overysshe, je fus dans l'inquiétude pour mon cher Édouard (son frère).

 

Le tram qui conduit les voyageurs à Hal est comble, toutes les personnes sont entassées les unes contre les autres. Étant arrivée à Hal je me rendis chez Paule où elle n'y était point, de là chez Marie Gonthier où je soupai, puis je suis revenue chez M. Van Trun où je passai la nuit.

 

Dimanche 18 novembre 1917

 

Mon réveil eut lieu à 6 heures, j'entendis la messe de 6h et demies à l'église des Pères accompagnée de Madame qui fut très gentille envers moi, quand la messe fut terminée nous rentrons, je déjeune à la hâte et pris le tram de 8 heures afin d'être rentrée au plus vite à Overysshe.

 

Je reste à droite le long du parcours étant secouée de gauche et droite, à la gare du Midi je pris le 15 avec correspondance pour Auderghem. Quand je descendis du tram, je cherchai une voiture, n'en voyant point, je fis la route à pied quand je vis Edgard muni de son bâton de route et d'un paquet, accompagné d'un petit groupe, me demandant ce que cela signifiait, je compris que l'un ou l'autre était pris, en effet, Édouard se trouvait depuis hier enfermé à la caserne d'Etterbeck et Edgard allait lui porter de la nourriture, je l’accompagnais, alla faire des tartines dans un café voisin, puis les lui remettre.

 

La sentinelle nous laissa entrer en lui remettant la pièce. Quand je vis Édouard prenant son parti en brave, je fus contente, il était très bien en fait de nourriture, rien ne lui manquait, mais il n'était plus chez nous, heureusement qu'il était pris comme otage et espérant revenir.

 

Au bout de 20 minutes l'on se quitta en promettant de revenir le lendemain.

Edgard et moi nous reprîmes le tram jusque Auderghem et de là à pied jusque Overysshe.

 

Étant rentrés d'une demi-heure, racontant notre voyage à la famille, qu'on sonna, je grimpai les escaliers quatre à quatre en ouvrant la porte quelle fut ma surprise en voyant Édouard. Il était relâché aussi le soir on fit fête.

 

Lundi 19 novembre 1917

 

Édouard régala ses camarades et remercia le bourgmestre de sa délivrance.

 

Jeudi 22 novembre 1917

 

Fête de la Ste Cécile qui nous fait penser à notre chère ville d'Halluin où l'on fêtait nos amies musiciennes.

 

Samedi 24 novembre 1917

 

Journée ennuyeuse pour moi je rapporte toutes mes affaires à Overysshe quand on me dit que le train est supprimé et que le départ aura lieu dans 2 nou 3 jours ou dans 2 ou 3 semaines, les trains étant réquisitionnés pour les troupes. Je quitte Bruxelles à 9 heures où à Auderghem je pris une voiture où se trouvait 2 gentils messieurs, étant à la maison pour midi.

 

Dimanche 25 novembre 1917

 

Jour de fête car Edgard a reçu son diplôme avec la plus haute distinction et puis l'on fêtait Ste Cécile et Ste Catherine. Bonne soirée agréable et surtout bon souper.

 

Lundi 26 novembre 1917

 

Distribution de saindoux, fromage, hareng, etc...

 

Mardi 27novembre 1917

 

Départ pour Bruxelles.

 

Mercredi 28 novembre 1917

 

Les journées se passent agréablement car je continue à apprendre mon métier, rue de la Colline. (près de la Grand Place)

 

Jeudi 29 novembre 1917

 

Nous quittâmes Overysshe à 7h1/2, Yvonne, Edgard et moi, le temps était de la partie, nous arrivâmes vers 10h. Bonne journée tout s'est bien arrangé.

 

Vendredi 30 novembre 1917

 

Arrivée à Overysshe à 1 heure, Edouard et Edgard étaient au Bois, ils rentrèrent à 4h1/2 très fatigués et très chargés, mais ne retournant plus.

 

Samedi 1er décembre 1917

 

Les jours passent et ne se ressemblent point. Que d’événements depuis le 26 juin, jour si regretté.

 

Dimanche 2 décembre 1917

 

Chaque jour il y a du nouveau. Maintenant de graves questions se posent pour nos jeunes gens. Mme Vanhulebusche alla à Halluin en voiture et passa le nuit chez elle, et une autre nuit à Tourcoing, elle revenut avec beaucoup d'affaires.

Lundi 3 décembre 1917

 

Distribution de farine et de cacao, sucre pour le vieillards et malades.

 

Mardi 4 décembre 1917

 

Il neige. Tous les habitants d'Overysshe sont en émoi à cause du départ pour la France.

 

Mercredi 5 décembre 1917

 

En nous levant ce matin nos vitres étaient gelées, il faisait très mauvais à marcher, plusieurs personnes tombèrent, il ne faut pas que le temps continu car l'hiver serait trop rude, il fait très froid.

 

Jeudi 6 décembre 1917

 

Le vent pique, mais malgré cela tous les habitants d'Overysshe et les bons paysans se rendent à la mission.

 

Vendredi 7 décembre 1917

 

Une liste est venue à la mairie, contenant 107 personnes devant partir dans la nuit de dimanche à lundi, mais malheureusement nous sommes sur la liste et rien n'est prêt, espérons qu’Édouard arrangera tout pour le mieux afin que nous soyons du second train.

 

Samedi 8 décembre 1917

 

Tous les bagages quitteront Overysshe ce matin pour être en gare, chaque propriétaire de la malle doit être présent.

 

Dimanche 9 décembre 1917

 

Triste et dernier dimanche passé en famille. Des larmes furent versées au dîner et au souper surtout par papa en pensant à ses chers garçons.

 

Toutes les personnes partant cette nuit quittèrent Overysshe en voiture. Les Ducrin eurent la voiture du maire à leur disposition.

 

Lundi 10 décembre 1917

 

Vente de 550 gr de miel par personne, de poudre biscuitée, saindoux, céréaline.

Les personnes partant en France reçoivent du comité un pain et un peu de sindoux. Ils reçoivent parait-il de la soute et du café en route.

 

Mardi 11 décembre 1917

 

Yvonne (sa sœur) se rend à Bruxelles avec Edgard (son frère) pour changer l'argent et faire visite des malles.

 

Mercredi 12 décembre 1917

 

Voilà le dernier jour passé à Overysshe. Quel jour, espérons que je puisse continuer mon journal en France.

 

 

 

FIN DU JOURNAL D'ELISABETH LEMAIRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Élisabeth Lemaire en 1909 (âgée de 11 ans)

 

 

 

 

 

 

En effet il semble qu'elle n'a pas pu continuer, quelques renseignements que j'ai pu trouver :

 

Elle a obtenu un sauf-conduit de rapatriement d'Annemasse à Montereau Fault Yonne (seine et marne) le 28 décembre 1917.

 

A Montereau Fault Yonne elle demeurait au 1 rue Victor Hugo. Son père est décédé dans cette ville le 25 janvier 1918.

 

En 1919 elle travaille à Paris, jusqu'en 1925, où elle se marie à Halluin, y travaille jusqu'en 1935, et de cette date jusqu'en 1941 habite et travaille à Roubaix.

 

Ensuite diverses résidences notamment à Hellemmes et Ronchin.

 

Elle est décédée le 7 mai 1989 à Bailleul (nord).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NOTES

 

  1. 1)Il y eut quatre batailles d'Ypres durant la Première Guerre mondiale 

  2. 2)Testament de Louis XIII 

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre.

 

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut.

Dieu qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l'esprit qu'il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial et de notre personne et de notre état, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne, sans y voir autant d'effets merveilleux de sa bonté, que d'accidents qui nous pouvaient perdre.

Lorsque nous sommes entré au gouvernement de cette couronne, la faiblesse de notre âge donna sujet à quelques mauvais esprits d'en troubler la tranquillité ; mais cette main divine soutint avec tant de force la justice de notre cause que l'on vit en même temps la naissance et la fin de ces pernicieux desseins. En divers autres temps, l'artifice des hommes et la malice du diable ayant suscité et fomenté des divisions non moins dangereuses pour notre couronne que préjudiciables au repos de notre maison, il lui a plu en détourner le mal avec autant de douceur que de justice.

La rébellion de l'hérésie ayant aussi formé un parti dans l'Etat, qui n'avait d'autre but que de partager notre autorité, il s'est servi de nous pour en abattre l'orgueil, et a permis que nous ayons relevé ses saints autels en tous les lieux où la violence de cet injuste parti en avait ôté les marques.

Quand nous avons entrepris la protection de nos alliés, il a donné des succès si heureux à nos armes, qu'à la vue de toute l'Europe, contre l'espérance de tout le monde, nous les avons rétablis en la possession de leurs états dont ils avaient été dépouillés.

Si les plus grandes forces des ennemis de cette couronne, se sont ralliées pour conspirer sa ruine, il a confondu leurs ambitieux desseins pour faire voir à toutes les nations que, comme sa providence a fondé cet Etat, sa bonté le conserve et sa puissance le défend.

Tant de grâces si évidentes font que pour n'en différer pas la reconnaissance, sans attendre la paix, qui nous viendra sans doute de la même main dont nous les avons reçues, et que nous désirons avec ardeur pour en faire sentir les fruits aux peuples qui nous sont commis, nous avons cru être obligés, nous prosternant aux pieds de sa majesté divine que nous adorons en trois personnes, à ceux de la Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous vénérons l'accomplissement des mystères de notre Rédemption par la vie et la mort du fils de Dieu en notre chair, de nous consacrer à la grandeur de Dieu par son fils rabaissé jusqu'à nous, et à ce fils par sa mère élevée jusqu'à lui ; en la protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et tous nos sujets pour obtenir par ce moyen celle de la Sainte-Trinité, par son intercession et de toute la cour céleste par son autorité et exemple, nos mains n'étant pas assez pures pour présenter nos offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le porter, les rendront hosties agréables et c'est chose bien raisonnable qu'ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de grâces.

A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et de défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses ennemis, que, soit qu'il souffre du fléau de la guerre ou jouisse de la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés en ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de la cathédrale de Paris avec une image de la Vierge qui tienne dans ses bras celle de son précieux Fils descendu de la Croix , et où nous serons représenté aux pieds du Fils et de la Mère comme leur offrant notre couronne et notre sceptre.

 

Nous admonestons le sieur Archevêque de Paris et néanmoins lui enjoignons que tous les ans le jour et fête de l'Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grand'messe qui se dira en son église cathédrale, et qu'après les vêpres du dit jour, il soit fait une procession en la dite église à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et le corps de ville, avec pareille cérémonie que celle qui s'observe aux processions générales les plus solennelles ; ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des monastères de la dite ville et faubourg, et en toutes les villes, bourgs et villages du dit diocèse de Paris.

Exhortons pareillement tous les archevêques et évêques de notre royaume et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la même solennité en leurs églises épiscopales et autres églises de leur diocèse ; entendant qu'à la dite cérémonie les cours de Parlement et autres compagnies souveraines et les principaux officiers de la ville y soient présents ; et d'autant qu'il y a plusieurs épiscopales qui ne sont pas dédiées à la Vierge, nous exhortons les dits archevêques et évêques en ce cas de lui dédier la principale chapelle des dites églises pour y être fait la dite cérémonie et d'y élever un autel avec un ornement convenable à une action si célèbre et d'admonester tous nos peuples d'avoir une dévotion particulière à la Vierge, d'implorer en ce jour sa protection afin que sous une si puissante patronne notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, qu'il jouisse largement d'une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement à la dernière fin pour laquelle nous avons été créés ; car tel est notre bon plaisir.

Donné à Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de février, l'an de grâce mil six cent trente-huit, et de notre règne le vingt-huit.

 

 

Le couvent de la Sagesse ou 146 années d'histoire halluinoise

 

En février 1991, débutaient les travaux de démolition de l’ancien couvent de la Sagesse, pour faire place à une résidence de douze appartements baptisée « Résidence Sainte-Marie » et d’un Centre Pastoral.

 

Sous les coups des pelleteuses, c’était près d’un siècle et demi de l’histoire halluinoise qui était en train de disparaître. C’est cette chronique que Mademoiselle Jeanne Saint-Venant de l’association « A la recherche du passé d’Halluin »  nous retrace ci-dessous :

 

C’est en 1847 que la commune d’Halluin reçut en héritage de Mademoiselle Ursule Dumortier un terrain sans aucune charge dans l’actuelle rue Gustave Desmettre.

 

L’usufruit de ce terrain était attribué à M. l’Abbé Pierre-François Bliecq, curé de la paroisse Saint-Hilaire, et à sa sœur.

 

Le conseil municipal accepta cette donation le 27 avril 1847, et l’abbé Bliecq fit aussitôt construire une école de filles, dont il confia la direction aux Filles de la Sagesse, une congrégation basée à Saint-Laurent sur Sèvres.

 

Trois sœurs furent envoyées à Halluin, et elles commençèrent à enseigner le 14 octobre 1847 : quel exploit, pour l’époque de construire en six mois les bâtiments d’une école !

 

L’année suivante, Sœur Alibert, supérieure, demanda au conseil municipal halluinois de la reconnaître comme institutrice communale. Les élus accédèrent à cette demande en novembre 1848, et votèrent un traitement annuel de … 400 F.

 

Nous nous retrouvons en 1858 : Sœur Alibert annonce l’ouverture d’un pensionnat primaire, avec trois sœurs comme adjointes pour cinquante élèves supplémentaires.

 

La même année, l’Abbé Bliecq construisit une salle d’asile sur le terrain contigu, et en 1876, le curé fit don à la commune de tous les bâtiments qu’il avait fait édifier.

 

Entre-temps, le nombre des sœurs avait augmenté à plusieurs reprises : en 1859, le conseil municipal avait voté une somme de 500 F pour le traitement d’une sœur, « à condition que les enfants des ouvriers soient admis gratuitement dans cette école ».

 

Et en 1890, la commune allouait un traitement à six sœurs pour les classes primaires, à trois sœurs pour l’asile et à une sœur pour la classe d’adultes.

 

En 1903, les deux écoles de filles (l’une place de l’Eglise et l’autre au Mont) tenues par les Sœurs de la Sagesse comptaient près de 1.200 élèves ! A l’époque le couvent de la Sagesse abritait une trentaine de sœurs.

 

Mais en construisant l’école, l’Abbé Bliecq concevait l’espoir d’y joindre par la suite un hospice, tenu également par les Sœurs de la Sagesse.

 

Il réalisa son projet en 1849, grâce à une souscription qui rapporta 7.000 F : le curé céda une portion de terrain autour du presbytère, et c’est à l’emplacement des n° 54 et 56, accolé au couvent de la Sagesse, que fut construit cet hospice pour une quarantaine de vieillards des deux sexes.

 

Le 2 juillet 1850 eut lieu l’inauguration de l’hospice-hôpital pris en charge par douze sœurs.

 

En 1913, elles seront dix-huit et doivent s’occuper des orphelines de 2 à 21 ans. Une formation très poussée en couture et broderie est assurée dans un ouvroir : costumes de procession, bannières, linge d’autel et confection de leurs vêtements.

 

En 1917, en même temps que la population, une évacuation générale des sœurs et des orphelines, des pensionnaires et malades de l’hospice-hôpital sur Halle et Strombek-Bever est ordonné par les Allemands.

 

A leur retour vers 1919, elles organiseront un atelier de piqûrage, un finissage de couvre-lits.

 

Plusieurs années après, on assista à la création d’une Ecole ménagère familiale, dirigée par Sœur Ange,… « Que n’ont-elles déployé de trésors d’imagination, ces sœurs, avec les monitrices d’Ames vaillantes, pour organiser chaque année des colonies qui emmenaient des centaines de fillettes dans tous les endroits de France et de Navarre ?

 

Epoque inoubliable pour toutes celles qui les ont vécues… », raconte Mademoiselle Saint-Venant avec une pointe d’amertume.

 

N’oublions pas non plus le centre de soins, où quelques sœurs exerçaient leur profession d’infirmières.

 

Un dispensaire fut même créé au Colbras, où Sœur Renée, Sœur Alice et tant d’autres se sont succédées.

 

La prolongation de la scolarité mis fin à l’Ecole ménagère. Mais nombreux sont ceux qui se souviennent des générations de jeunes filles qui apprirent pendant trois ans d’études la cuisine, la couture, la décoration,… Dans ces locaux, des cours professionnels furent donnés pendant quelques années, avant d’intégrer les classes du Sacré-Cœur.

 

Et parallèlement à la diminution des activités, le nombre des Sœurs de la Sagesse baissait lui aussi régulièrement.

 

Les bâtiments devinrent de plus en plus vétustes, difficiles à chauffer, et les sœurs se replièrent finalement dans une maison de la rue Joseph Hentgès, au numéro 32, tandis que les plus âgées quittèrent la ville.

 

Le centre de soins lui-même fut transféré dans d’autres locaux, et finalement, les bâtiments de la rue Gustave Desmettre furent utilisés, pendant dix ans,  que pour la collecte des médicaments pour la Pologne.

 

En hiver 1991, le couvent de la Sagesse était rayé de la carte halluinoise. Seuls restèrent sœur Gabrielle-Marie, infirmière (10 ans de présence), et deux autres sœurs, sœur Suzanne et sœur Thérèse (toutes deux à Halluin depuis 8 mois).  

 

Toutes trois quittent définitivement la ville au mois d’août 1993, avec un petit pincement au cœur…

 

Bien sûr, on peut regretter que tout un pan de l’histoire halluinoise s’écroule avec les bâtiments du couvent de la Sagesse. Mais l’essentiel n’est-il pas qu’ils aient pu, pendant près d’un siècle et demi servir toutes les causes utiles à la population.

 

Pour ces 146 ans de dévouement et de présence discrète mais efficace au service des Halluinois, un vibrant et solennel hommage a été rendu aux sœurs de la Sagesse, le dimanche 25 juillet 1993 à 11 H.

 

 

En juillet 1993, lors d’un entretien avec une journaliste, sœur Gabrielle Marie, la dernière à quitter notre commune, se confiait ainsi :

 

Quand on lui demande si elle est triste de quitter Halluin, et de laisser derrière elle une longue histoire de présence des sœurs de la Sagesse, sœur Gabrielle-Marie répond simplement que :

 

« C’est ça la vie religieuse. On est amenées à changer de ville , de région. On ne travaille pas toujours avec les mêmes gens. Selon les besoins, nos possibilités aussi, nous sommes amenées à changer souvent d’endroits. Malgré tout, cela fait quelque chose. Nous sommes des humains vous savez. Alors, partir comme ça après onze années passées à Halluin, c’est un peu difficile, c’est vrai ».

 

A cette date, Sœur Gabrielle-Marie partait pour Lille, ce qui lui permettait de garder de nombreux contacts avec les paroissiens et tous les amis halluinois. Elle rajoutait : « Je reviendrai avec la fraternité des malades ».

 

D’autant plus qu’elle avait déjà passé de son temps, donné de son amour et de sa patience à Halluin.

 

« J’ai passé trois ans à l’époque où l’ancien couvent existait. Puis une autre fois, je suis revenue six mois » explique cette dame du Nord avec une voix très douce. C’était l’époque du patronage, des colonies de vacances et de l’école ménagère.

 

« Mais je n’ai pas passé autant de temps à Halluin que d’autres sœurs. Tout le monde connaissait sœur Ange par exemple ». 

 

Sœur Gabrielle-Marie n’avait pas hésité à s’impliquer également dans la vie de la paroisse. « Avec les deux autres religieuses qui étaient là, je rendais visite au malades ».

 

Mais quand vous la faites parler de sa mission, sœur Gabrielle-Marie, préfère dire qu’elle a travaillé avec d’autres, notamment pour les discussions organisées pour « Islam Chrétien ». Des réunions qui après la guerre du Golfe ont fait se réunir des personnes de confessions différentes.

 

« Pour pouvoir échanger, pour avoir moins de préjugés en se connaissant davantage ».

 

Ainsi, des femmes catholiques et musulmanes passaient souvent des après-midis à boire le thé et à parler. Des mois qui ont transformé les préjugés. Il y avait aussi les envois pour la Pologne.

 

Sœur Gabrielle-Marie va partir, et la maison que les trois sœurs de la Sagesse louaient rue Joseph Hentgès ne verra pas arriver d’autres sœurs.

 

« Beaucoup de gens sont un peu surpris. Mais voyez-vous, les vocations se font rare. Maintenant, il y a très peu de vocations en Europe. Ce qui n’est pas le cas dans le Tiers-Monde. Mais en France, plus tellement. Alors c’est inévitable… ».

 

Sœur Suzanne qui quitta Halluin, en même temps, après huit mois de présence, avait aussi passées plusieurs années auparavant, de 1946 à 1960, à l’école ménagère : 

 

: «C’est sûr, je laisse des gens que j’aimais beaucoup. Mais c’est là le lot de tous les personnes qui travaillent et qui sont mutées du jour au lendemain loin de chez eux et de leur famille… ».

 

Elle a bien conscience d’avoir eu beaucoup de chance jusqu’alors, puisqu’elle n’a jamais été appelée à accomplir sa mission ailleurs que dans son Nord natal. Jusqu’à cette date d’août 1993. C’est dans une autre région qu’elle continuera à vivra sa foi.

 

 

 

 

4.- article provenant de : à la recherche du passé Halluin.net

 

La magnifique résistance des civils halluinois,

sous l’occupation allemande en 1914-1918.  

 

 

La Guerre de 1914-1918, pour les uns, c’est le souvenir d’une longue et combien douloureuse tragédie, pour les autres, une étape malheureuse de leur enfance, pour d’autres enfin, une époque que l’on  leur a racontée et qu’ils ont souvent considéréé comme une belle histoire !

 

Cette « belle histoire », nous voudrions la raconter à nouveau, en nous en tenant au domaine local. En cette année 1968, soit cinquante ans après l’Armistice, le journaliste Albert Desmedt nous fait revivre ce que fut la vie à Halluin sous l’occupation allemande. Pour ce faire, il a eu recours à des Halluinois qui ont vécu cette période tragique et qui ont noté leurs souvenirs.

 

La documentation de M. Desquemack, alors Secrétaire général de la Mairie, lui a été particulièrement précieuse, puisqu’elle donne un compte-rendu précis des évènements au jour le jour. Albert Desmedt en a extrait les passages les plus marquants. Ils disent très bien ce que fut la vie de nos concitoyens au long de ces jours terribles.  

 

Une résistance de tous les instants

 

Malgré toutes les vexations de l’autorité allemande : perquisitions, réquisitions, pillages, amendes, punitions de prison, etc. la population a gardé sa belle confiance en la victoire finale. Elle est restée calme, devant les exigences de l’ennemi, n’a accepté, ni exécuté aucun de ses ordres, sans résistance, ouverte parfois. La jeunesse est patriote. 

De nombreux incidents ont surgi, dont le plus sérieux fut celui  concernant la confection des sacs à terre (16 juin 1915). Résistance de la municipalité, emprisonnement des otages, régime de terreur.

 

Les fusillades éclatent un peu partout. Les patrouilles tirent sur les promeneurs, les soldats, brutaux par ordre, frappent aux portes des habitations et giflent les habitants qui viennent leur ouvrir. Arrestation de tous les habitants, causant à deux sur le pas de leur porte. On ne cède que devant la menace de mettre la ville à sac et la promesse que le travail de fabrication de sacs ne serait plus exigé (30 juin 1915).

 

Le 1er Juillet 1915, les otages libérés, refusent de quitter la prison, si les autres arrestations sont maintenues. Le 2 juillet, les ouvriers refusent le travail (6 000 Marks d’amende). Le 3 juillet, les patrons sont rendus responsables de la défection des ouvriers. Nouvelles menaces, coups de fusils, terreurs, otages  convoqués. Enfin les ouvriers cèdent mais plus de sacs.Continuellement, la kommandantur se plaint de défections est menace la ville de la rendre responsable.

 

Le 13 avril 1916, la Municipalité a fait afficher malgré l’opposition de l’autorité, qu’elle ne peut qu’encourager les Français qui refusent de travailler pour l’ennemi, et qu’elle continuera, malgré la défense allemande, de donner des secours à ceux qui refusent de travailler.

 

En 1916 encore, le 22 août, 117 travailleurs sur 120 refusent de signer le laissez-passer qui leur permettra d’aller travailler pour l’ennemi. Ils déclarent qu’ils ne céderont qu’à la force, et persistent dans leur attitude, malgré toutes les menaces qui leur sont faites.

 

En 1916 toujours, le 8 décembre, les travailleurs refusent d’aller poser des fils de fer aux travaux militaires que les Allemands exécutent en arrière du front. Même refus le 9 décembre ; menaces habituelles. Le Maire refuse de leur donner l’ordre de travailler. Le 11 décembre, aucun ouvrier ne se rend à l’appel. Ils sont arrêtés à domicile et emprisonnés. Le 12 décembre, 60 seulement cèdent devant la menace de représailles sur leur famille : on leur promet de ne plus les employer à la pose des fils de fer.

 

Le 13 décembre, nouveau refus de travailler. On les emprisonne tous à Bousbecque (ville voisine), sans boisson, sans air, dans des locaux infects. Les membres de leur famille, qui veulent les ravitailler, sont arrêtés, femmes et enfants.  Le 16 décembre, l’autorisation de les ravitailler est refusée à la Ville. Le 17 décembre, 32 nouveaux ouvriers sont emprisonnés avec les autres ; on essaie de les faire céder par la force (douches glacées, séjour dans l’eau, etc.). Un grand nombre d’entre eux se voient forcer de céder après cinq jours de privation et de tortures de tous genres.

 

 Trois cents jeunes filles réquisitionnées

 

En 1917, le 20 décembre, 300 jeunes filles sont réquisitionnées pour décharger du ciment à Menin (Belgique). La plupart refusent, elles sont enlevées à domicile par deux soldats, baïonnette au canon. Arrivées à Menin, elles refusent de travailler et sont ramenées en prison à Halluin. Le 21 décembre, les Allemands cèdent devant la réclamation posée par M. Paul Lemaitre. Les jeunes filles sont relâchées.

 

On pourrait citer d’autres faits à longueur de colonnes. Dans l’agenda où il a noté au jour le jour les moindres faits de l’occupation, M. Desquemack signale un incident presque chaque jour.

 

La fabrication des sacs à terre, qui devaient servir à la protection des tranchées ennemies, semble avoir soulevé le maximum d’opposition. Mais il y eut bien d’autres raisons. 

Le passage des prisonniers alliés, que les halluinois, pourtant privés du strict nécessaire, voulurent aider quand même, déclencha les foudres de l’occupant. Le camouflage de déserteurs alsaciens ou lorrains valut la prison à plusieurs. Il y eut aussi l’incident Quivron, un jeune garçon qui avait écrit sur son cahier de classe, ce qu’il pensait de l’occupant et du Kronprinz, et qui fut puni brutalement.

 

Il faut se souvenir que l’occupation dura du 14 octobre 1914 au 17 décembre 1918, et que la proximité du front (12 km) n’arrangeait pas les choses.

 

L’Evacuation des halluinois et les bombardements

 

Le premier ordre d’évacuation intervint le 2 novembre 1915 ; Il intéressait 13 habitants. La plus importante fut décidée le 26 juin 1917 et visait 6 000 habitants qui pour la plupart furent accueillis à Hal, près de Bruxelles. Il y en eut 600 autres le 8 juillet de la même année. 741 volontaires en septembre 1918, tandis qu’en octobre, la ville était quasi-vide.  

 

Evacuation d'Halluin : 26-28 Juin 1917.

 

Le rapprochement de la bataille (deuxième offensive des Flandres) entraîna l'évacuation massive des 6000 Halluinois en l'espace de trois jours (Le reste de la population devant les suivre quelques semaines avant l'armistice). Nos concitoyens furent rassemblés sur la grand-place avant d'être orienté vers la gare.

On les voit ci-dessus, sur les quais avec un maigre bagage, attendant vers les  centres d'accueil de Halle, Overijse, Mazenzele, Mechelen. Certains par l'intermédiaire de la Croix-Rouge, ont pu se rendre dans le sud de la France, en passant par Genève.

 

Pendant ce temps, arrivaient à Halluin des évacués de Wervicq et Comines qui, le plus souvent, trouvèrent des maisons pillées et saccagées. En fait, le pillage et les destructions causées par l’occupant firent autant, sinon plus, de dégâts que les bombardements.

 

M. Desquemack ne signale pas moins de 100 jours de bombardements parfois légers, souvent prolongés. Il y eut aussi de nombreux tués et d’innombrables blessés. Le 21 mars 1918, 15 Halluinois furent tués, 3 le 18 août 1917, 3 le 7 décembre 1917, 4 le 28 juin 1918, etc. 

On a dénombré (et le chiffre est sans conteste inférieur à la réalité) environ 700 bombes et obus qui sont tombés sur la ville. 

 

Un très lourd tribut 

 

La Ville d’Halluin eut à payer une lourde contribution à l’occupant. A cela vinrent s’ajouter les amendes « classiques » imposées à cause du refus de payer ou pour faits de résistance. C’est plus de 10 millions qui furent ainsi exigés, ce qui est énorme. Il y eut notamment une amende de 100 000 F pour avoir caché des Alsaciens déserteurs, ce qui valut 11 ans de travaux forcés à M. Ovigneur qui mourut en prison.

 

Mais mieux, que tous ces faits, les affiches que nous reproduisons soulignent « l’ambiance » de cette période tragique. Elles témoignent de la brutalité des ordres de l’occupant, de sa rage devant la résistance. Mais elles soulignent surtout la volonté farouche des Halluinois de ne pas plier aux ultimatums de la Kommandantur. Il fallait beaucoup d’audace et de courage pour faire front : c’est cela surtout qu’il fallait mettre en évidence.

 

Quatre cent trente-six Halluinois sont Morts pour la France en 1914 – 1918 : 23 Civils ont été tués. C’est un très lourd tribut. Tant de sacrifices, d’héroïsme, de résistance, ne doivent pas être oubliés.

 

Halluin était quasi-déserte et pillée à la proclamation de l’Armistice. 

Cette fois, toute la population pourra rendre hommage à ceux qui furent les artisans de la Victoire. Elle le fera notamment en pavoisant et en ayant une pensée pour tous ceux qui, connus et inconnus, ont si bien servi et défendu leur petite et leur grande Patrie.

 

 

 

5- Hôpital militaire Scrive de LILLE

 

 

Ce lieu a d’abord été un Collège des jésuites, ensuite ce fût un Hôpital militaire et de nos jours c’est l’ensemble des services de la Préfecture du Nord.

 

La construction du collège des jésuites a débuté en 1606 le long du canal qui franchit les remparts entre la porte Notre Dame et le bastion du calvaire. Une pierre gravée à cette date, au milieu de laquelle figure la fleur de lys, symbole de la ville de Lille, est visible au niveau de la porte d’eau. Une partie de la voûte qui recouvrait le canal depuis 1714 a été démontée dans le cadre de l’aménagement de la préfecture permettant de le découvrir depuis le hall d’entrée (voir photo).

 L’ensemble du collège lillois est impressionnant avec une façade de 300 pieds sur la rue et une belle église de style gothique. En 1740, un violent orage détruisit les deux tiers des bâtiments dont l’église et la bibliothèque. Les jésuites reconstruiront mais seront finalement expulsés en 1765 sur ordre du roi Louis XV.

 

Louis XVI y transféra, en 1781, l’hôpital militaire pour y établir un lieu d’enseignement de la médecine et de la chirurgie. Les travaux de transformation, conduits par l’architecte Thomas François Joseph Gombert, ont duré plus de 10 ans. Ils se traduisent notamment par la surélévation des bâtiments qui est encore visible aujourd’hui sur les façades, ici cour Saint Lazare (voir photo). De 1914 à sa fermeture en 1998, le Centre hospitalier des armées de Lille a porté le nom de Gaspard Léonard Scrive. Né à Lille le 13 janvier 1815 et mort à Paris le 18 octobre 1861, Gaspard Scrive, élève puis professeur de médecine opératoire à l’hôpital militaire, fut professeur de clinique au Val-de-Grâce et médecin en chef de l’armée française.

 

A la suite d’un incendie survenue en 1794, la construction d’un escalier à double révolution a été entreprise afin de faciliter la circulation dans l’hôpital. Il est constitué de deux escaliers qui tournent en même temps sans jamais se réunir. Ils desservent tous les étages. Les accès se font toujours de face. Ainsi deux personnes situées sur chacune des hélices peuvent se croiser sans jamais se rencontrer.

 

En 1998, le gouvernement décide de fermer l’hôpital militaire. En 1999, le Ministère de l’Intérieur rachète au Ministère de la Défense les bâtiments pour y installer les services administratifs de la Préfecture du Nord

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXES

 

 

 

Copie cahier 1 page 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

copie cahier 2 page 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

copie cahier 4 page 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

copie cahier 8 page 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

copie cahier 11 page 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

copie cahier 12 page 1